Les thèmes suivants sont abordés dans cette lettre
d’information… Une question parlementaire qui, au-delà de la situation d’un
parlementaire, permet de rappeler une disposition facilitant le cumul d’une
pension d’invalidité avec une activité professionnelle… Des jurisprudences…
L’une relative au licenciement pour motif économique d’un salarié en suspension
du contrat de travail pour une maladie professionnelle… et l’autre au fait que
la caisse primaire d’assurance maladie doit indemniser le FIVA, subrogé dans
les droits du patient, s’il y a liquidation judiciaire de l’entreprise
condamnée… Une étude sur le fardeau que représentent en Europe les atteintes
cardiovasculaires et les dépressions liées aux expositions à des facteurs de
risque psychosociaux… Un commentaire du Guide pour les CRRMP qui fait un point
sur l’appréciation par les CRRMP d’un certain nombre de pathologies et
introduit la prise en compte des atteintes coronariennes liées à des
expositions aux facteurs de risque psychosociaux… Le bilan 2021 du CRRMP
national dédié aux demandes de reconnaissance des maladies professionnelles
liées à la Covid-19…
Les lettres d’information sont accessibles, depuis janvier
2019, sur un blog à l’adresse suivante : https://bloglettreinfo.blogspot.com/.
· Textes de loi, réglementaires,
circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d'Etat
Question parlementaire
Cumul des
indemnités d'élus et d'une pension d'invalidité
Cette question
parlementaire, plus largement que la problématique d’un parlementaire, permet
de rappeler cette disposition du décret n° 2022-257 du 23 février 2022 relatif
au cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus et modifiant diverses
dispositions relatives aux pensions d'invalidité qui, depuis le 1er
avril 2022, facilite le retour à l’emploi ou le cumul avec l’emploi d’une
pension d’invalidité. Ce décret a été commenté dans la lettre d’information du
6 mars 2022, voir le blog.
Question écrite n°
01404 de M. Hervé Marseille (Hauts-de-Seine - UC) - publiée dans le
JO Sénat du 14/07/2022 - page 3593
« M. Hervé
Marseille attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la Première
ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité
et de l'égalité des chances sur le statut des élus bénéficiaires d'une
pension d'invalidité. Une note datant du 2 novembre 2018 et émanant du
ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les
collectivités territoriales, considère que les « indemnités des élus doivent
être considérées comme des revenus ». En vertu de l'article L. 341-12
du code de la sécurité sociale, les bénéficiaires de la pension d'invalidité
peuvent cumuler une pension d'invalidité avec leur indemnité de fonction si et
seulement si le total ne dépasse pas un seuil (seuil qui inclut l'indemnité de
fonction d'élu). Dans le cas contraire, la pension d'invalidité est
écrêtée ou totalement suspendue. Le projet de loi engagement et proximité a
permis de remettre en lumière cette injustice qui entraîne inévitablement des
inégalités entre les élus et les personnes handicapées et peut contribuer à
dissuader les personnes en situation de handicap de s'impliquer dans la vie
politique. Ainsi, une modification de l'article L. 821-3
du code de la sécurité sociale permet aux élus de cumuler leurs indemnités avec
une allocation aux adultes handicapés (AAH) pendant six mois, puis de
bénéficier d'un abattement. Cette modification d'article résulte d'un
amendement qui avait été proposé par le Gouvernement. Cependant, ce dernier
amendement ne concerne que l'allocation aux adultes handicapés et non la
pension d'invalidité payée par la sécurité sociale. Par conséquent, il
lui demande comment concilier les indemnités censées compenser les frais
inhérents à l'exercice d'un mandat politique, montant déterminé par le code
général des collectivités territoriales aux articles L. 2123-20 à L. 2123-24 et
la pension d'invalidité qui vise à la prise en charge par la solidarité
nationale des contraintes liées à la situation d'invalidité.
Transmise au
Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes
handicapées, chargé des personnes handicapées. »
Réponse du
Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes
handicapées, chargé des personnes handicapées - publiée dans le JO Sénat du
03/11/2022 - page 5446
« Avant le
1er avril 2022, en application des articles L. 341-12 et R. 341-17
du code de la sécurité sociale, lorsque la pension d'invalidité, cumulée
avec les revenus d'activité du pensionné, excédait le salaire trimestriel moyen
antérieur à l'attribution de la pension d'invalidité, tout revenu gagné au-delà
de ce seuil se traduisait par une réduction à due concurrence du montant de la
pension d'invalidité. Les indemnités de fonctions des élus sont prises en
compte pour l'application de ces règles d'écrêtement de la pension
d'invalidité, dans la mesure où ces indemnités sont considérées comme des
revenus d'activité. L'écrêtement de leurs indemnités pouvait ainsi être
important si leurs revenus dépassaient ce seuil. Cependant, une réforme mise
en œuvre par le décret n° 2022-257 du 23 février 2022 relatif au
cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus et modifiant diverses
dispositions relatives aux pensions d'invalidité est revenue sur cette règle
d'écrêtement. Désormais, depuis le 1er avril 2022, la
réduction de la pension d'invalidité, au-delà du seuil correspondant au salaire
antérieur à l'attribution de la pension, n'est plus que de moitié. Cela
permet aux pensionnés d'invalidité de continuer à augmenter leurs ressources
lorsqu'ils reprennent une activité professionnelle. Ce dispositif s'inscrit
dans une perspective d'incitation à la reprise d'activité professionnelle des
pensionnés d'invalidité. S'il n'est pas envisagé d'exclure les indemnités
de fonctions des élus locaux de l‘application de ces règles, la réforme profite
aux élus en situation d'invalidité, en permettant de ne plus pénaliser les
pensionnés d'invalidité qui exercent un mandat, en maintenant un gain financier
pour tout revenu supplémentaire. Cette mesure facilitera le maintien dans
l'emploi de ces assurés, mais aussi l'exercice d'un mandat électoral. »
·
Jurisprudence
Il s’agit d’un arrêt du 26 octobre 2022 – Cass.
soc. pourvoi n° 20-17501, publié au Bulletin d’information de la Cour de
cassation – qui pose la question du licenciement d’un salarié alors qu’il est
en arrêt suite à une déclaration de maladie professionnelle.
Rappelons que la jurisprudence de la Cour de
cassation considère qu’il y a nullité du licenciement lorsqu’un licenciement
est prononcé alors que le salarié est en suspension de son contrat de travail
pour un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Cette protection des salariés victimes d’un
accident du travail ou d’une maladie professionnelle résulte des articles L.
1226-9 et L.
1226-13 du Code du travail stipulant respectivement
que « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail,
l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave
de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif
étranger à l'accident ou à la maladie. » et que « Toute
rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des
articles L. 1226-9 et L.
1226-18 est nulle. ».
Ce que rappelle encore une jurisprudence
Chambre sociale du 12 janvier 2022 - Cass.
Soc. pourvoi n° 20-17904, inédit – dans lequel « la cour d'appel,
qui a constaté que le salarié avait été placé en arrêt de travail dès la
survenance de son accident du travail jusqu'au 30 novembre 2014, en sorte qu'à
la date de la rupture, le contrat de travail était suspendu, ce dont elle
aurait dû déduire que la cessation de la relation contractuelle au cours de la
période de suspension s'analysait en un licenciement nul ».
Faits et procédure –
Un salarié, exerçant les fonctions de peintre, a été placé en arrêt de travail
pour maladie le 30 mai 2017.
Le 13 novembre 2017, l’employeur convoque le
salarié à un entretien préalable pour un licenciement économique fixé au 31
novembre 2017, l’entreprise devant complètement cesser son activité au 31
décembre 2017. Mais, suite à un problème de distribution postale, le délai de 5
jours entre la convocation et l’entretien préalable n’étant pas effectif,
l’employeur l’a convoqué à un nouvel entretien préalable pour le 27 novembre
2017.
Or, le 24 novembre 2017, le salarié a adressé à
son employeur un arrêt de travail dans le cadre d’une maladie professionnelle
et l’a informé, le 28 novembre 2017, d’une déclaration de maladie
professionnelle.
Le 6 décembre, l’employeur notifie au salarié
son licenciement pour motif économique.
La cour d’appel juge le licenciement nul et
condamne l’employeur à payer diverses indemnités.
L’employeur se pourvoit en cassation.
Moyen de l’employeur
L’employeur conteste la nullité du licenciement
car la cessation définitive et complète d’activité de l’entreprise constitue
bien un motif économique de licenciement et que c’est celui-ci qui a justifié
le licenciement du salarié. En outre, le salarié n’avait informé l’employeur
d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle que le 28 novembre
2017, ainsi que du fait qu’il avait demandé à passer une visite de reprise du
travail.
L’employeur conteste donc le caractère
discriminatoire du licenciement, lié à l’état de santé du salarié, et sa
nullité.
Réponse de la Cour de cassation
Au visa des articles L.
1233-3 alors en vigueur et L.
1235-1 du Code du travail, la Cour de cassation émet
la réponse suivante
« Selon le premier de ces textes,
constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un
employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une
suppression d'emploi consécutive notamment à la cessation d'activité de
l'entreprise. Selon le second de ces textes, il appartient au juge d'apprécier
le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par
l'employeur.
Pour prononcer la nullité du licenciement,
l'arrêt retient qu'au moment de la notification du licenciement le 6 décembre
2017, l'employeur était informé de la demande de reconnaissance de maladie
professionnelle par le salarié et de ce que le médecin du travail était saisi
par celui-ci en vue d'une reprise, et que, dès lors, au moment de la
notification du licenciement pour motif économique, l'employeur disposait
d'éléments suffisants lui permettant de retenir que l'état de santé du salarié
pourrait faire l'objet d'une inaptitude en lien avec l'activité
professionnelle, et que le véritable motif du licenciement était lié à l'état
de santé du salarié.
En se déterminant ainsi, sans rechercher si la
cessation d'activité de l'entreprise invoquée à l'appui du licenciement ne
constituait pas la véritable cause du licenciement, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale. »
La Haute juridiction casse l’arrêt en ce qu’il
déclaré la nullité du licenciement et renvoie l’affaire devant la même cour
d’appel autrement constituée.
Remarque – Nous ne disposons pas de la lettre de licenciement
et ne savons pas quelle est l’exacte indication du motif du licenciement, en
particulier s’il explicite la cessation définitive d’activité de l’entreprise,
ce qui pourrait effectivement être considéré comme un cas de force majeure. Il
s’avère en effet que, dans plusieurs jurisprudences précédentes, la simple
indication d’un motif économique ne suffisait pas à justifier la légalité d’un
licenciement durant une suspension d’un contrat de travail pour accident du
travail ou maladie professionnelle. Il en est ainsi dans un arrêt inédit du 3
octobre 2018 – Cass. soc. pourvoi n° 17-16474 - dans lequel la Haute juridiction casse l’arrêt de
la cour d’appel en écrivant : « qu’aux termes de l'article L.
1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de
travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une
faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat
pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; que ni l'existence d'une
cause économique de licenciement ni l'application des critères de l'ordre des
licenciements ne suffisent à caractériser l'impossibilité de maintenir le
contrat pour un motif non lié à l'accident ».
Il sera donc
intéressant de voir quelle sera la position de la cour d’appel appelée à
rejuger cette affaire.
Arrêt du 13 octobre 2022 de la
2e chambre civile de la Cour de cassation – Cass. 2e
Civ., pourvoi n° 20-21276, publié au Bulletin d’information de la Cour de
cassation.
Faits et procédure – La caisse primaire
d’Assurance maladie a reconnu le caractère professionnel d’une maladie d’un
salarié et de son décès, le 25 février 2015.
Les ayants droits ont saisi
une juridiction de Sécurité sociale afin de faire reconnaître la faute
inexcusable de l’employeur. Le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
(FIVA), subrogé par les ayants droits suite à l’indemnisation qu’il doit
prendre en charge, est intervenu devant la cour d’appel. Celle-ci a considéré
que les montants que devrait indemniser le FIVA devaient être placés au passif
de l’entreprise qui était en liquidation judiciaire.
Le FIVA se pourvoit en
cassation.
Moyen soulevé par le FIVA
Le FIVA fait grief au fait que
la cour d’appel a fixé au passif de la sociétés les sommes correspondant à
l’indemnisation de la faute inexcusable reconnue par le tribunal (soit un
montant de 176 715, 20 €) qu’il a versées ou versera aux ayants droits. Alors
que, selon le FIVA, c’est la caisse primaire d’Assurance maladie qui aurait dû assumer
le paiement de ces indemnités.
Le FIVA s’appuie sur l’article
L. 452-3 du Code de la Sécurité
sociale stipulant que l’indemnisation des préjudices dus à une faute
inexcusable de l’employeur à la victime ou à ses ayants droits leur est versée
directement par la caisse primaire d’Assurance maladie. À charge pour celle-ci
d’en récupérer le montant auprès de l’employeur. Or, la cour d’appel a
considéré que le FIVA devait récupérer la somme de l’indemnisation non pas
auprès de la caisse mais auprès de l’employeur. L’entreprise étant en
liquidation judiciaire, la cour d’appel a considéré que seule la fixation de
créance au passif de la société pouvait être ordonnée. Ainsi, la cour d’appel aurait
violé l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale.
Réponse de la cour de
cassation
Au visa des articles L. 452-3
du Code de la sécurité sociale et 53 (VI) de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre
2000 (créant le FIVA), la Haute juridiction écrit :
« Il résulte du second de
ces textes que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, subrogé,
à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le
demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les
personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation
totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge des
dites personnes, est en droit de demander la fixation des préjudices
indemnisables visés au premier de ces textes, et la condamnation, en tant que
de besoin, de l'organisme social à lui rembourser, dans la limite des
sommes qu'il a versées, celles correspondant à cette évaluation.
Pour dire que le
FIVA peut récupérer sur l'employeur, auteur de la faute
inexcusable, et non sur la caisse, les sommes versées ou à verser au titre
des préjudices personnels de la victime et des préjudices moraux des ayants
droit, l'arrêt retient que si le Fonds dirige sa demande à l'égard de la
caisse, manifestement en raison du fait que l'employeur est en liquidation
judiciaire, seule la fixation de sa créance au passif de cette procédure peut
être ordonnée.
En statuant ainsi, la cour
d'appel a violé les textes susvisés. »
L’arrêt de la cour d’appel est
cassé et l’affaire renvoyée devant la même cour autrement composée.
·
Atteintes cardiovasculaires, dépressions, et risques
psychosociaux en Europe (Étude)
Il s’agit d’une étude
publiée en ligne en juin 2022 dans la revue European Journal of Public Health
(vol. 32, n° 4, pages 586-592) sous le titre « Burden of cardiovascular
diseases and depression attributable to psychosocial work exposures in 28
European countries » signé par H. Sultan-Taïeb et al. Vous pourrez
accéder au texte en pièce jointe et sur le site à l’adresse en fin de
commentaire (pour ceux qui voudraient creuser cette problématique, il y a sur
le site de très nombreux tableaux supplémentaires, en particulier des données
par pays).
Introduction
Les facteurs
psychosociaux au travail représentent un risque majeur dans les pays européens.
Leur prévalence est importante et ils sont associés avec des atteintes
cardiovasculaires et des troubles mentaux, en particulier la dépression, avec
un fort niveau d’évidence [NDR – Pour l’association de ces pathologies avec
différents facteurs de risque psychosociaux, voir la très intéressante étude de
Niedhammer et al. « Psychosocial work exposures and health outcomes: a
meta-review of 72 literature reviews with meta-analysis » commenté
dans la lettre d’information du 13 juin 2021, voir le blog.]
Les évaluations des
pathologies attribuables au travail sont rares dans la littérature et celles
pour les expositions à des facteurs de risque psychosociaux encore plus rares.
L’objectif de cette
étude était d’estimer la prévalence annuelle des atteintes cardiovasculaires et
de la dépression attribuables aux facteurs de risque psychosociaux en 2015 dans
28 pays européens [NDR – Le Brexit n’avait pas encore eu lieu et la
Grande-Bretagne était incluse dans l’étude].
L’étude est basée sur
les dernières estimations des fractions attribuables des atteintes
cardiovasculaires et des dépressions à cinq expositions à des facteurs de
risque psychosociaux en Europe : le job strain, le déséquilibre efforts /
récompenses, l’insécurité de l’emploi, la réalisation de longues heures de
travail et le harcèlement au travail. Ces fractions attribuables ont été
estimées à partir des prévalences des expositions à ces facteurs psychosociaux
dans l’enquête sur les conditions de travail en Europe de 2015.
Les différentes
pathologies retenues sont les atteintes ischémiques coronariennes, les
atteintes artérielles périphériques, la fibrillation auriculaire, les AVC et la
dépression.
Matériel et méthodes
Les données sur les
pathologies étaient issues de la base de données globale d’échanges pour 2015
(GHDx) qui fournissait ces données pour la population en activité des 15-64 ans
des 28 pays de l’Europe pour hommes et femmes séparément et ensemble pour les
atteintes cardiovasculaires et la dépression.
Les résultats
portaient sur la prévalence des pathologies, les cas de décès, les années de
vie perdues (YLL), les années de vie perdues en incapacité (YLD) et les années
de vie en incapacité ajustées (DALY) [NDR – Ce dernier indicateur représente la
somme des années de vie perdues en raison d'une mortalité prématurée et des
années de vie productive perdues en raison d'incapacité en lien avec une
exposition à un facteur de risque pour la santé].
Pour prendre en
compte les disparités de taille des populations dans les différents pays
européens, des taux de prévalence, de mortalité et de DALY ont été calculés,
pour chaque exposition, pour 100 000 travailleurs.
Des fractions
attribuables significatives ont pu être calculées pour :
ü
les atteintes ischémiques coronariennes et la
dépression pour le job strain, le déséquilibre efforts / récompenses,
l’insécurité de l’emploi et les longues heures de travail ;
ü
uniquement la dépression pour le harcèlement au
travail ;
ü
les atteintes artérielles périphériques pour le job
strain ;
ü
la fibrillation auriculaire et les AVC pour les
longues heures de travail.
Résultats
Fardeau
global des expositions aux facteurs de risque psychosociaux
La charge globale des
atteintes coronariennes attribuables aux facteurs de risque psychosociaux
étudiés, en 2015, a touché 299 460 sujets (203 745 hommes et
95 715 femmes) et a été estimée à 6 190
décès (5 092 chez les hommes et 1 098 chez les femmes) et 212 867
DALY (173 629 pour les hommes et 39 238 pour les femmes).
Relativement à la
dépression, l’exposition à l’ensemble des facteurs de risque a touché
2 738 696 personnes (1 107 449 hommes et 1 6331 247 femmes)
et il en a résulté les fractions attribuables suivantes : 9 685 décès (7 862
pour les hommes et 1 823 chez les femmes) et 872 701 DALY (528 549
chez les hommes et 344 151 chez les femmes).
Effets
de chacun des facteurs de risque pour l’ensemble des pays
Les taux pour
100 000 personnes de DALY étaient :
ü
pour le job strain en termes d’atteintes
coronariennes de 72.77 pour les hommes et 19.23 pour les femmes (différence significative avec p<0.001) et pour la
dépression de 261.15 pour les hommes et 199.04 pour les femmes (différence non
significative) ;
ü
pour l’insécurité de l’emploi en termes d’atteintes
coronariennes de 83.23 pour les hommes et de 22.02 pour les femmes (différence
significative avec p<0.001) ;
ü
pour les longues heures de travail, les taux de DALY
/ 100 000 personnes pour les atteintes coronariennes étaient de 11.82 pour
les hommes et 1.21 pour les femmes, pour les AVC de 11.48 pour les hommes et de
2.93 pour les femmes (pour ces deux derniers items, différence significative
avec p<0.001) et pour la dépression de 10.99 chez les hommes et 3.25 chez
les femmes (différence non significative) ;
ü
les taux de DALY/ 100 000 personnes pour dépression
en lien avec le harcèlement moral étaient de 131.37 pour les hommes et de
116.80 pour les femmes (différence significative avec p<0.001). À noter que
ce taux était le plus fort des 28 pays européens pour la France avec 370 DALY /
100 000.
Une analyse séparée
du retentissement de chacun des facteurs de risque psychosociaux nous fournit
les données suivantes en termes de DALY [NDR – Les chiffres fournis sont des
estimations avec marges d’erreur ce qui fait que la valeur globale des nombres
pour hommes et femmes n’est pas toujours strictement leur somme. J’ai respecté les
chiffres fournis dans l’étude] :
ü
pour le job strain, en termes d’atteintes
ischémiques coronariennes globalement 112 995 (92 714 chez les hommes
et 20 702 chez les femmes), en termes de dépression globalement 546 502
(332 698 chez les hommes et 214 315 chez les femmes) et, de façon
nettement moins importante, en termes d’atteintes artérielles périphériques,
globalement 3 697 (2 698 chez les hommes et 1 008 chez les femmes) ;
ü
pour le déséquilibre efforts / récompense, en termes
d’atteintes ischémiques coronariennes globalement 51 502 (46 795 chez
les hommes et 8 378 chez les femmes) et pour la dépression globalement
208 844 (140 200 chez les hommes et 73 054 chez les
femmes) ;
ü
pour l’insécurité de l’emploi on trouve globalement
pour les atteintes ischémiques coronariennes 129 280 (106 036 chez
les hommes et 23 710 chez les femmes) et en termes de dépression
globalement 294 680 (179 422 chez les hommes et 115 643 chez les
femmes) ;
ü
pour les longues heures travaillées on estime
globalement pour les atteintes ischémiques coronariennes 12 800
(15 064 chez les hommes et 1 306 chez les femmes), globalement pour
les AVC 15 859 DALY (14 623 chez les hommes et3 159 chez les
femmes) et, en termes de dépression, globalement 16 027(14 006 chez
les hommes et 3 497 chez les femmes) ;
ü
enfin, le harcèlement au travail est associé à la
dépression globalement pour 276 337 DALY (167 363 chez les hommes et
125 771 chez les femmes).
Données
concernant la France
Ces données figurent
dans les tableaux supplémentaires consultables sur le site du journal. J’ai
retenu deux facteurs de risque psychosociaux dont la prévalence est importante
en France, le job strain et l’incertitude de l’emploi.
Reprenant les données
issues de l’enquête Sumer 2016/2017, le document Synthèse
Stat’ n° 36 de septembre 2020 (ce document a été commenté dans la lettre
d’information du 25 octobre 2020, voir le blog),
nous fournit des informations relatives à l’exposition au job strain en France.
Globalement, 29.6% des salariés sont touchés (24.7% chez les hommes et 29.3%
chez les femmes).
Relativement à l’insécurité de l’emploi, le document Dares analyses n° 44 d’août 2021 estime, en 2019, que 20% des sujets craignent pour
leur emploi, ce qui est encore plus marqué pour les sujets en contrat à durée
déterminée (41%) et ceux en intérim (34%).
Dans la présente
étude, nous relevons les effets suivants associés à ces deux facteurs de risque
psychosociaux.
Job strain
Pour l’ensemble de la
population active en France, en 2015, pour les atteintes ischémiques
coronariennes, la prévalence est de 13 786 sujets, les décès sont estimés
au nombre de 194 et les DALY à 6 915. Ces valeurs sont respectivement pour
hommes et femmes de 8 529 et 4 788, 147 et 36 et 5 138 et 1 375.
Les effets
attribuables au job strain relatifs à la dépression concernent 238 409
sujets, on en estime les décès à 932 et à 81 503 DALY. Ces valeurs sont
respectivement pour hommes et femmes de 81 004 et 161 538, 673 et 215 et
43 247 et 37 040.
Insécurité de
l’emploi
Les effets
attribuables à une insécurité de l’emploi aux atteintes coronariennes en France
en 2015 sont, pour l’ensemble de la population de 13 868 sujets touchés,
196 décès et 6 956 DALY. Ils sont respectivement pour hommes et femmes de 9 205
et 4 548, de 158 et 34 décès et de 5 544 et 1 306 DALY.
Les effets globaux
attribuables à l’insécurité de l’emploi sur la dépression sont de 113 283
sujets atteints, 443 décès et 38 727 DALY. Ils se répartissent ainsi
respectivement pour hommes et femmes, 40 874 et 73 189, 340 et 97 et
21 822 et 16 782.
En guise de conclusion
Cette étude montre le
fardeau important des atteintes ischémiques coronariennes et de la dépression
attribuables aux cinq facteurs de risque psychosociaux pris en compte dans les 28
pays européens en 2015.
Des différences
significatives en termes de taux de DALY pour 100 000 sujets entre hommes
et femmes ont pu être constatées dans tous les pays pour les atteintes
ischémiques coronariennes attribuables
au job strain et à l’insécurité de l’emploi, les hommes étant plus atteints.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35726873/
· Évolutions dans le guide pour les CRRMP
Introduction
Les comités régionaux de reconnaissance des
maladies professionnelles (CRRMP) ont été créés en 1993, dans le cadre d’un
système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles, afin de
permettre la reconnaissance de pathologies qui ne respectaient pas l’ensemble
des conditions d’un tableau ou qui n’y figuraient pas. Ceci, respectivement au
titre des alinéas 6 et 7 de l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale
[NDR – Pour information, dans la lettre du 9 octobre 2022 j’ai commenté le
bilan d’activité des CRRMP en 2021, voir le blog.]
Le Guide pour les CRRMP est réalisé par des
experts, à la demande de la direction générale du travail et des directions de
la Sécurité sociale et de la Caisse nationale d’Assurance maladie. Ainsi, il y
a eu à ce jour quatre versions du Guide pour l’ensemble des pathologies et un guide spécifique
pour les atteintes liées au Sars-CoV-2 (https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TM%2070).
Ces
guides sont destinés à aider les membres des CRRMP à prendre leurs décisions
quant à la reconnaissance des pathologies mais ils présentent aussi une partie
procédurale spécifiant les obligations des caisses en termes de préparation des
dossiers pour les CRRMP.
L’avant
dernier guide, datant de 2013 a été publié dans la revue Référence en santé au
travail n° 137, voir en pièce jointe. Il introduisait la notion d’incapacité
permanente prévisible qui permettait, principalement pour les risques
psychosociaux et les cancers, le passage au CRRMP au titre de l’alinéa 7 sans
avoir besoin d’attendre la consolidation et la détermination d’un taux
d’incapacité permanente définitive. Ce guide introduisait aussi la
reconnaissance des pathologies psychiques liées à des risques psychosociaux sur
lesquelles nous reviendrons.
Enfin,
voici un nouveau guide, publié dans la revue Références en santé au travail n°
171. Vous pourrez y accéder en pièce jointe et sur le site de l’Inrs à
l’adresse en fin de commentaire.
Je
présente les éléments nouveaux apparus dans ce guide, en particulier la
possibilité de reconnaissance en maladie professionnelle de pathologies
coronariennes en lien avec des expositions à des risques psychosociaux, et ce
qui m’apparaît intéressant.
Les informations intéressantes dans ce guide
Partie procédurale
Procédure
de reconnaissance des maladies professionnelle
Le
décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 relatif à la procédure
d'instruction des déclarations d'accidents du travail et de maladies
professionnelles du Régime général a modifié la procédure de traitement des
demandes de reconnaissance des maladies professionnelles. Ce décret a fixé de
nouveaux délais aux caisses primaires d’Assurance maladie pour répondre aux
demandes de reconnaissance de maladies professionnelles.
Ces
délais sont de 120 jours maximum pour une pathologie reconnue au titre d’un
tableau et d’un délai supplémentaire de 120 jours lorsque le CRRMP doit se
prononcer au titre des alinéas 6 et 7 de l’article L. 461-1 [NDR – Ces délais
sont mentionnées au articles R. 461-9 et R. 461-10 du Code de la Sécurité sociale. En
outre, l’article R. 441-18 précise qu’il y aura
reconnaissance implicite si ces délais ne sont pas respectés].
Ce
décret indique aussi les obligations de la caisse primaire en termes de
communication et d’information des parties.
Rôle
et compétence des CRRMP
« La
mission de chaque CRRMP consiste à élaborer un
avis motivé permettant à l’organisme de Sécurité sociale de statuer sur
l’origine professionnelle de la maladie déclarée par la victime lorsque
celle-ci relève du système complémentaire instauré par les alinéas 6 et 7 de
l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale et ne peut bénéficier de la
présomption d’origine. »
Les
compétences des CRRMP concernent majoritairement les salariés du privé
dépendant du Régime général. Mais d’autres travailleurs y sont soumis, comme
les travailleurs et employeurs du Régime agricole, les agents des entreprises à
statut (RATP, SNCF, industries électriques et gazières, etc...), les agents de
droit privé de la fonction publique et les expatriés ayant contracté une
assurance AT/MP volontaire.
Un
CRRMP spécifique pour les atteintes liées aux pesticides a été créé par le décret n° 2020-1463 du 27 novembre 2020 qui est adossé
à la Caisse centrale de la MSA.
Composition
des comités
Initialement,
les CRRMP comprenaient trois membres : un médecin conseil (de la MSA
lorsqu’il s’agit d’une demande dans le cadre du Régime agricole), un médecin
inspecteur du travail et un professeur des universités ou un praticien
hospitalier.
Puis,
le nombre de sollicitations des CRRMP augmentant alors que le nombre de
médecins susceptibles d’y participer diminuait, plusieurs modifications ont été
apportées.
Le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 relatif à l'amélioration de la reconnaissance des
pathologies psychiques comme maladies professionnelles et du fonctionnement des
comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles
permet, pour les
alinéas 6, que seulement deux médecins siègent (en cas de désaccord, le dossier
est examiné par un CRRMP avec trois membres) et, lorsqu’il s’agit d’un problème
psychique, un professeur de psychiatrie ou un praticien hospitalier psychiatre
peut remplacer le professeur des universités.
Enfin,
le décret n° 2022-374 du 16 mars 2022 relatif à la composition et au fonctionnement des
comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (commenté
dans la lettre d’information du 20 mars 2022, voir le blog) permet de faire
appel, pour remplacer les médecins inspecteurs du travail, à des médecins du
travail en activité ou à la retraite. Le médecin conseil peut aussi être
remplacé par un médecin conseil retraité.
Enfin, ce décret
permet aussi, à titre dérogatoire et pour une durée maximale de six mois, éventuellement
renouvelable, que le directeur général de la Cnam puisse confier à un autre
CRRMP que celui du ressort du lieu où habitent les salariés, le traitement des
demandes. Ceci dans le cas où un CRRMP aurait trop de retard dans le traitement
de ses dossiers.
Rôle
de la Cpam
Dossier
à transmettre
Le
service administratif de la Cpam, suite à une déclaration de maladie
professionnelle, doit préparer le dossier dont les pièces sont mentionnées à
l’article R. 441-14. Et lorsqu’un passage devant le
CRRMP s’impose, la caisse doit transmettre les documents prévus à l’article D. 441-29 qui comprennent, outre ceux prévus
à l’article R. 441-14, les éléments d’investigation recueillis par la caisse
(questionnaire et enquête éventuelle), les observations éventuelles de la
victime – éventuellement, de ses représentants - ou de l’employeur et un avis motivé
du médecin du travail. Le guide précise que « la demande effectuée
auprès du médecin du travail doit être suffisamment précise pour lui permettre
d’apporter une réponse adaptée aux attentes du comité (par exemple concernant
les délais et les expositions ».
Détermination
de l’incapacité permanente prévisible
Dès
lors que la procédure concerne l’alinéa 7 de l’article L. 461-1, le médecin
conseil doit estimer un taux d’incapacité permanente prévisible au moment de la
déclaration de la maladie professionnelle. Cette détermination doit se faire
selon l’arrêt du 17 janvier 2017 de la 2e chambre civile de la Cour
de cassation – Cass. 2e civ., pourvoi n° 15-26655 qui stipule que
relativement à la saisine d’un CRRMP « le taux d'incapacité permanente à
retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non
désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le
service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité
régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et non le taux
d'incapacité permanente partielle fixé après consolidation de l'état de la
victime pour l'indemnisation des conséquences de la maladie ». Plus loin,
le Guide précise que l’incapacité permanente prévisible « doit être
appréciée à la date de la demande, d’au moins 25% ».
[NDR - Cette notion d’incapacité permanente prévisible au moment de la
déclaration de la maladie est bien prise en compte par les médecins conseils du
Régime général. Elle semble moins bien prise en compte par les médecins
conseils de la MSA – j’y suis confronté dans un dossier que je suis – et aussi
pour la fonction publique pour laquelle, concernant la détermination de
l’incapacité permanente prévisible, il est fait référence à l’article R. 461-8 du Code de la Sécurité
sociale mais aucun texte, ni jurisprudence, ne précise que cette incapacité
permanente prévisible est déterminée au moment de la déclaration de maladie
professionnelle – là aussi, j’ai été confronté à cette difficulté dans un
dossier.]
Partie
médicale
Troubles
musculo-squelettiques (TMS)
Le
Guide a rajouté ces informations relatives aux TMS du membre supérieur :
ü plusieurs
revues systématiques et méta-analyses récentes montrent l’absence d’excès de
risque de syndrome du canal carpien chez les administratifs effectuant des
tâches de bureautique sur informatique (sauf cas particuliers) ;
ü il
existe un excès de risque de douleurs des épaules et du cou dans certaines
études ;
ü le
risque de ténosynovite de de Quervain n’est pas établi en cas de tâches
bureautiques ne nécessitant pas d’effort important de la pince de la main.
Atteintes
du rachis lombaire
Lors
de demande d’avis au titre de l’alinéa 6 de l’article L. 461-1 du Code de la
Sécurité sociale - pour dépassement du délai de prise en charge, de la durée
d’exposition ou d’activité ne figurant pas dans la liste limitative - l’existence
d’affections associées (spondylolisthésis, canal lombaire étroit, arthrose)
n’est pas une condition suffisante pour en récuser le caractère professionnel.
Les
auteurs soulèvent la question des premiers signes cliniques qui sont souvent
très antérieurs à la date de réalisation d’une imagerie médicale prouvant les
lésions. Ainsi, il ne faudrait pas se focaliser sur la date de cette imagerie
comme début du délai de prise en charge (ce qui est aussi valable pour d’autres
pathologies musculo-squelettiques).
Bronchopneumopathie
chronique obstructive (BPCO)
Cinq
tableaux concernent la BPCO, les tableaux n° 44 et 44 bis, n° 90, n° 91 et n°
94. Pour le traitement de cas de déclarations ne respectant pas toutes les
conditions de l’un de ces tableaux, la présence très fréquente du « co-facteur
tabagique ne saurait remettre en cause la reconnaissance d’une BPCI instruite
dans le cadre de l’alinéa 6 de l’article L. 461-1 : la relation directe
que doit établir les CRRMP n’est conditionnée que par le caractère significatif
ou non de l’exposition au facteur de risque professionnel. »
En
revanche, dès lors que l’on passe en alinéa 7 de l’article L. 461-1, il en va
autrement puisque le tabac est connu comme étant le principal facteur à prendre
en compte dans la survenue d’une BPCO. « Il importe alors d’établir que
le risque relatif au(x) facteur(s) professionnels est prépondérant par rapport
à celui du facteur risque lié au tabac. L’évaluation du tabagisme (quantité
cumulée, durée, date de début et date de fin du tabagisme [NDR – Ces
mots en gras rajoutés dans la version 2022 du Guide] de l’assuré doit donc
être minutieuse pour permettre d’estimer le risque susceptible de lui être
attribuable ».
Cancers
Pour
les cancers figurant dans les tableaux, lors d’examen par le CRRMP au titre de
l’alinéa 6, les questions qui se posent sont les mêmes que pour les autres
pathologies : discuter du délai de prise en charge - le Guide indique que « Compte
tenu de l’incertitude scientifique attachée au délai d’apparition des cancers,
la compatibilité avec une relation directe devrait pouvoir être considérée
comme légitime même en cas de dépassement du délai de prise en charge, au moins
pour les tumeurs solides, dès lors que l’exposition au cancérogène est bien
documentée, avec une durée et/ou un niveau jugés suffisant » -, une
durée d’exposition inférieure à la durée minimale exigée et une activité
professionnelle ne figurant pas dans la liste limitative.
Ainsi,
un tabagisme « ne saurait remette en cause la reconnaissance d’un
cancer bronchopulmonaire instruit dans le cadre de l’alinéa 6. »
Pour
les cancers ne figurant pas dans un tableau, au titre de l’alinéa 7, il faudra
établir s’il existe une relation directe et essentielle entre l’exposition à
une ou plusieurs nuisances et le cancer.
Plusieurs
situations peuvent se rencontrer :
ü la
nuisance appartient aux agents et procédés reconnus cancérogènes pour l’homme
(catégorie 1A ou 1B de la classification européenne et/ou groupe 1 ou 2 A du
Circ. Dans ce cas, si l’exposition est prouvée, il existe une forte suspicion
de lien essentiel et direct [NDR – L’Anses, maintenant chargée de l’expertise
scientifique dans le cadre de la création ou de la modification de tableaux de
maladies professionnelles dans sa démarche part des liens établis entre l’exposition
à un facteur et le risque cancérogène tel qu’il apparaît dans des documents
institutionnels tels que ceux du Circ – voir le Rapport de l’Anses sur le Guide méthodologique de l’expertise par l’Anses (en
particulier, page 66)] ;
ü l’agent
professionnel est mentionné dans un tableau mais pas le cancer incriminé. Il
faudra alors vérifier la plausibilité de la relation entre le facteur
professionnel cancérogène et la survenue d’un cancer selon les critères de causalité
de Bradford et Hill à l’aide de la littérature médicale ;
ü il
en est de même si la nuisance appartient aux agents et procédés de la catégorie
2 de la classification européenne ou au groupe 2 B du Circ : il faudra
vérifier les critères en faveur d’un lien de causalité et qu’il y a eu une
exposition professionnelle significative au(x) cancérogène(s) en termes de
durée et d’intensité ;
ü si
la nuisance n’appartient à aucun agent reconnu comme cancérogène
institutionnellement, le lien essentiel et direct ne pourrait être retenu que
si les conditions suivantes sont remplies : la confirmation scientifique
d’une relation significative entre le cancérogène suspecté et le cancer
déclaré, ce qui suppose un mécanisme physiopathologique cohérent, le caractère
reproductible de la relation dans un faisceau d’études épidémiologiques, une
association statistiques de niveau fort avec, si possible, un effet dose /
effet significatif, la démonstration chez l’assuré d’une exposition
significative, un temps de latence compatible avec les connaissances acquises
et le caractère prépondérant des facteurs de risque professionnels par rapport
à d’autres facteurs de risque.
Le
Guide pour les CRRMP évoque les cancers de l’ovaire et du larynx liés à
l’amiante qui ont fait récemment l’objet d’une expertise de l’Anses (voir sur
le blog le commentaire de ce rapport dans
la lettre du 9 octobre 2022) reconnaissant le lien entre l’exposition et ces
cancers et qui recommande soit leur intégration dans des tableaux, soit, pour
le moins des recommandations pour les CRRMP. L’intégration dans un tableau est
en cours de négociation au sein de la commission spécialisée des pathologies
professionnelles (CS 4) du Coct.
Cas
des lymphomes non hodgkiniens associés à l’exposition au trichloroéthylène
Cette
partie du Guide est complètement nouvelle.
Il
existe de forts arguments en faveur d’un lien causal entre un excès de risque
de lymphome non hodgkinien (LNH) et l’exposition au trichloréthylène [NDR – Le
tableau des maladies professionnelles n° 101 a été créé en 2021 pour le cancer
du rein lié à une exposition au trichloroéthylène]. Ces arguments reposent sur
une vingtaine d’études qui ont été menées dans des populations et des pays
différents. Des méta-analyses vont aussi dans ce sens, montrant que le risque
de LNH augmente avec l’intensité des expositions.
Aussi,
les auteurs du Guide recommandent l’indemnisation des salariés ayant été
exposés au trichloroéthylène.
Les
professions pour lesquelles le risque est le plus fort sont celles dans
lesquelles les travailleurs ont été exposés de façon intense et prolongée aux
vapeurs de trichloroéthylène pour le dégraissage et le nettoyage de
l’outillage, des appareillages mécaniques ou électrique et des pièces
mécaniques.
Les
lymphomes les plus fréquemment rencontrés sont les lymphomes folliculaires, les
lymphomes diffus à grandes cellules B et les leucémies lymphoïdes chroniques.
Les
facteurs d’exclusion de la reconnaissance d’une maladie professionnelle sont
ceux pour lesquels le risque de LNH est plus important que celui lié à
l’exposition au trichloroéthylène :
ü l’immunodépression ;
ü les maladies auto-immunes, en particulier le syndrome
de Sjögren, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé et la
maladie cœliaque ;
ü certaines
infections (Helicobacter pylori pour le lymphome gastrique, Campylobacter
jejuni pour les lymphomes intestinaux, le virus d’Epstein Barr pour le lymphome
de Burkitt et le HTLV-1 pour les lymphomes T) ;
ü des
antécédents de LNH dans la famille de 1er degré qui devraient être
pris en compte mais de devraient pas conduire à une exclusion systématique car
leur niveau de risque est voisin de celui de l’exposition au trichloroéthylène.
Il
est indiqué que le tableau n° 59 du Régime agricole, consacré aux LNH liés aux
pesticides, a été modifié en 2019 en indiquant qu’il s’agit des LNH « dont
la leucémie lymphoïde chronique et le myélome multiple ».
Maladie
de Parkinson
Ce
qui traite de la maladie de parkinson a été rajouté dans la version 2022 du
Guide pour les CRRMP.
La
maladie de Parkinson est la plus fréquente des maladies neuro-dégénératives
après la maladie d’Alzheimer. Le sex ratio est de 1.5 homme pour 1 femme.
Des
études épidémiologiques ont montré une association positive entre les activités
agricoles utilisant des produits phytopharmaceutiques et l’apparition d’une
maladie de Parkinson. Un tableau n° 58 du Régime agricole a été créé en 2012
dont le titre est « Maladie de Parkinson provoquée par les
pesticides ». il n’existe pas de tel tableau pour le Régime général.
On
distingue dans la famille des pesticides les produits à usage professionnel
agricole et non agricole domestique et les biocides.
L’enquête
Sumer 2009/2010 permet d’estimer à 115 000 le nombre de travailleurs
exposés aux pesticides.
Dans
le Régime général de Sécurité sociale, les activités susceptibles d’exposer aux
pesticides sont très variées et les expositions irrégulières, ce qui rend
difficile le ciblage des sujets exposés et de quantifier le risque
d’exposition. Certains secteurs ou activités où il y a des expositions aux
pesticides sont : le traitement antiparasitaire des charpentes, le traitement
désherbant de certains espaces (golfs, cimetières) et les traitements
insecticides et fongicides de certains lieux (logements insalubres, lieu de stockage
de denrées alimentaires).
Les
collectivités territoriales et les établissements hospitaliers emploient
parfois des agents contractuels, relevant du Régime général, en charge de
certaines tâches telles que l’entretien des voiries ou des jardins publics qui
seraient susceptibles d’exposer aux pesticides, même si les collectivités ont
tendance à limiter l’utilisation des pesticides.
Pour
le dossier du CRRMP, il importe de disposer des informations suivantes :
ü une
confirmation du diagnostic de maladie de Parkinson par un neurologue ;
ü la
date de première constatation médicale de la maladie ;
ü le
curriculum laboris du travailleur et la réalité d’une exposition aux pesticides
entre le début de l’activité et les premiers signes de la maladie (il s’écoule
en moyenne 7 ans entre les premiers signes de la maladie et le diagnostic de
maladie de Parkinson) ;
ü connaître
les molécules utilisées, leurs quantités et concentrations ;
ü le
nombre d’années d’exposition qui devrait être d’au moins 10 ans par analogie
avec le tableau n° 58 du Régime agricole qui prévoit cette durée minimale
d’exposition ;
ü l’âge
de début de l’exposition, la fréquence et la durée des applications du ou des
produits ;
ü le
temps écoulé entre le début de l’exposition et la première constatation
médicale de la maladie ;
ü le
mode opératoire de préparation et d’application des produits ;
ü la
présence d’équipements de protection collective et individuelle ;
ü les
voies de pénétration possibles, la voie cutanée étant presque toujours
prédominante.
L’aide
des services de prévention et de santé au travail pourra s’avérer utile pour
fournir les données nécessaires à l’évaluation rétrospective des expositions.
Affections
d’origine psychique liées aux risques psychosociaux
Les
informations relatives aux pathologies psychiques en lien avec les risques
psychosociaux sont apparues dans la version 2013 du Guide pour les CRRMP. Il
m’apparaît tout de même intéressant d’en rappeler les grands principes. Leur
prise en compte a résulté d’un groupe de travail du Coct qui a émis des
recommandations qui figurent dans le document paru dans le n° 133 des
Références en santé au travail (conférer sur le site de l’Inrs et en pièce
jointe).
Les
pathologies psychiques liées aux risques psychosociaux sont hors tableau et
donc traitées au titre de l’alinéa 7 de l’article L. 461-1 du Code du travail
avec la nécessité de présenter une incapacité permanente prévisible d’au moins
25%. Le rôle du CRRMP étant de déterminer s’il existe un lien « direct et
essentiel » entre la pathologie et l’activité professionnelle.
Les
facteurs de risque, qui concernent tout un ensemble de professions, proviennent
des conditions de travail dans un environnement professionnel délétère dans
lequel le sujet peut être exposé à des comportements agressifs avec violences
verbales, voire physiques, humiliations, brimades, sanctions injustifiées de la
part de la hiérarchie ou de collègues. Peut aussi être invoqué le manque de
ressources pour accomplir sa tâche.
Dans
ce domaine, la qualité du dossier est essentielle, en particulier le rapport
des agents enquêteurs et du médecin du travail.
L’absence
d’antécédents psychiatriques est aussi un élément important à prendre en
compte, des antécédents lointains ne permettant cependant pas d’éliminer le
lien essentiel et direct.
Les
atteintes psychiques susceptibles d’être prises en compte
Trois
pathologies sont présentes de façon importante dans les études
épidémiologiques : la dépression, le trouble anxieux généralisé et les
états de stress post-traumatiques (dont ceux liés à des expositions à des
facteurs de risque d’un niveau moins important mais répétitifs, les états de
stress post-traumatiques liés à un traumatisme psychique important - agression
importante, vol à main armée, attentat - étant plutôt pris en charge au titre
d’un accident du travail).
Les
tentatives de suicide ou les suicides peuvent être des conséquences ou
complications de l’une des pathologies évoquées ci-dessus mais devraient plutôt
être pris en charge au titre d’un accident du travail.
Le
burn out et le harcèlement moral ont été exclus en tant que tels des
recommandations pour le premier parce qu’il n’y a pas de définition
consensuelle et que la définition du second est juridique.
[NDR
- Il semble que la situation ait évolué puisque, dans le bilan 2021 des CRRMP
d’Ile de France, il est indiqué que la désignation dans un certificat médical
initial de maladie professionnel d’un épuisement professionnel puisse être
traité en maladie professionnelle (du fait que cela figure dans la CIM 11 en
tant que « phénomène lié au travail »].
Le
dossier transmis au CRRMP doit lui permettre de statuer : rapport du
médecin conseil, rapport du médecin du travail, avis de l’employeur et propos
du salarié, fiches d’entreprises, alertes écrites, rapport annuel du médecin du
travail et faits recueillis par les agents des organismes de Sécurité sociale
chargés des enquêtes.
Les
facteurs essentiels à prendre en compte pour établir un lien essentiel et
direct entre une dépression et un trouble anxieux généralisé sont :
ü une
exposition à des violences (agressions verbales, humiliations, brimades,
sanctions manifestement injustifiées) ;
ü une
demande élevée (charge de travail excessive, pression du temps, demandes
contradictoires, demande psychologique élevée).
Maladies
cardiovasculaires liées aux facteurs de risque psychosociaux
Les
recommandations relatives à la prise en compte des pathologies coronariennes
sont une nouveauté apparue dans l’édition 2022 du Guide pour les CRRMP.
Elles
s’appuient sur les travaux du groupe de travail de la commission des
pathologies professionnelles conduits entre juin 2017 et décembre 2019 [NDR –
Ce groupe de travail a fait suite à celui qui a émis les recommandations sur
les psychopathologies en 2013].
Les
affections retenues
Les
recommandations concernent le syndrome coronarien aigu (SCA) et la nécrose
myocardique.
Les
atteintes neuro-cardio-vasculaires comprennent tout un ensemble de pathologies,
les cardiopathies coronariennes, les maladies cérébro-vasculaires, les
artériopathies périphériques, les cardiopathies rhumatismales et congénitales,
les thromboses veineuses profondes et les embolies pulmonaires.
L’origine
des cardiopathies coronariennes et des maladies cérébro-vasculaires est la
maladie athéromateuse pour laquelle on dispose de données scientifiques solides
depuis les années 1970.
Du
fait du taux d’incapacité permanente prévisible d’au moins 25% indispensable
pour accéder au CRRMP au titre de l’alinéa 7 de l’article L. 461-1 du Code de
la Sécurité sociale, le groupe de travail a retenu deux pathologies,
l’infarctus du myocarde et le SCA [NDR – Il est dommage qu’il n’ait pas retenu
l’AVC dont le mécanisme physiopathologique est identique et dont il a été montré
qu’il peut être en lien avec une exposition à des facteurs psychosociaux, en
particulier de longues heures de travail. Ainsi une étude portant sur une large
cohorte a montré un excès de 33% de risque d’AVC pour une durée de travail d’au
moins 55 heures de travail – Il s’agit d’une étude publiée dans le Lancet].
Facteurs
de risque
Dans
les années 1970, l’étude Framingham a permis d’identifier les principaux
facteurs de risque cardiovasculaire pour lesquels il existe une association
statistique avec la survenue d’une pathologie athéromateuse : l’âge, le
sexe masculin, l’hérédité, une dyslipidémie, un tabagisme actif, de
l’hypertension artérielle, un diabète et une hypertrophie ventriculaire gauche.
Puis
sont apparus d’autres facteurs de risque tels que l’obésité abdominale ou le
stress psychosocial (ce dernier inclus comme facteur de risque en 2004 par
l’OMS, à la suite de l’étude Interheart). Plusieurs études convergentes
démontrent que le stress professionnel pouvait constituer un facteur de risque
à prendre en compte.
La
plupart des études associant les risques psychosociaux avec les atteintes
cardiovasculaires s’appuient sur la notion de stress apprécié sur la théorie de
la demande psychologique et de la latitude décisionnelle (Karasek et Theorell).
Ce
modèle mettant en évidence le stress professionnel - le job strain - a été
enrichi en prenant en compte l’absence de soutien social menant à l’iso-strain.
Ensuite, d’autres facteurs de risque psychosociaux ont été pris en
compte : l’insécurité de l’emploi et le déséquilibre efforts / récompense
de Siegrist.
Exposition
aux risques psychosociaux (RPS)
Les
RPS à prendre en compte pour les atteintes coronariennes sont les mêmes que
celles qui ont été soulevés pour les recommandations relatives aux
psychopathologies.
On
y retrouve une charge de travail élevée, une faible latitude décisionnelle, un
faible soutien social ainsi que d’autres facteurs de risque que l’on qualifie
de stresseurs professionnels.
Critères
d’inclusion et d’exclusion de la pathologie
Pour
déterminer si la pathologie ressort d’une maladie professionnelle hors tableau,
le CRRMP doit considérer qu’il existe un lien « essentiel et direct» avec
l’activité professionnelle.
À
cet effet, les auteurs des recommandations préconisent de s’appuyer sur l’outil
SCORE 2016 (voir sur internet) qui permet d’apprécier le risque
cardiovasculaire en fonction de différents paramètres. Afin de pouvoir
considérer l’atteinte cardiovasculaire d’origine professionnelle, le salarié
devra présenter un score inférieur à 5% signant un risque intrinsèque d’atteinte
coronarienne à 10 ans faible ou modéré.
Après
cette première étape, le CRRMP devra rechercher les éléments professionnels en
cause puis statuer sur le lien essentiel et direct.
Afin
de statuer sur ce lien essentiel et direct, il conviendra aussi d’éliminer les
sujets ayant présenté des antécédents d’atteinte coronarienne, telle que l’angine
de poitrine, de même que ceux présentant un diabète ou dans la famille desquels
il y a un antécédent de maladie cardiovasculaire précoce avant 55 ans pour le
père et/ou 65 ans pour la mère (angine de poitrine, SCA, nécrose myocardique ou
cérébrale).
En
revanche, l’HTA, les dyslipidémies, le syndrome métabolique ou le tabagisme ne
constituent pas à eux seuls un motif d’exclusion dans la mesure où ils sont
pris en compte dans le score de risque cardiovasculaire. Cependant, pour les
dyslipidémies, le seul taux du cholestérol total n’est pas suffisant, il faudra
apprécier les taux défavorables de cholestérol LDL et favorables de cholestérol
HDL.
Appréciation
de la gravité
Elle
est basée sur le barème indicatif des maladies professionnelles qui prévoit des
stades de gravité légère, moyenne et grave pour les complications en rapport
avec la nécrose myocardique : insuffisance ventriculaire gauche, ischémie
cardiaque et troubles du rythme. Ne pourront être retenues par les médecins
conseils que les formes modérées ou graves de chacune des complications
mentionnées ci-dessus.
Pour
apprécier l’insuffisance cardiaque, il faudra s’appuyer sur les données
cliniques symptomatiques, la fraction d’éjection ventriculaire (inférieure à
40%) et la présence de marqueurs biologiques positifs (BNP supérieur à 100 pg/ml
ou NT-proBNP supérieur à 400 pg/ml).
Synthèse
Pour
l’inclusion, il faut retenir un diagnostic initial d’infarctus du myocarde ou
de SCA avec élévation de la troponine. Puis établir un diagnostic positif
relatif à la gravité des complications à type d’insuffisance cardiaque
chronique, de troubles du rythme ou d’ischémie chronique. Enfin, le score
calculé selon l’outil SCORE devra être compris entre 1 et 4%.
Les
éléments devant exclure la prise en compte sont un infarctus du myocarde de
type 2, un infarctus ancien, un diabète, une hérédité familiale précoce (55 ans
pour le père et 65 ans pour la mère), une insuffisance rénale chronique et une durée
de l’exposition au stress inférieure à 5 ans.
Éléments
nécessaires au CRRMP pour statuer
Il
est essentiel d’obtenir une documentation sur le sexe, l’âge, la taille, le
poids, la présence d’une HTA, la notion de tabagisme ainsi que la notion de
stress perçu au travail telle qu’elle peut apparaître dans le dossier médical
de santé au travail à l’aide d’une échelle visuelle analogique. Il importe
aussi de savoir s’il existe des facteurs de stress extra-professionnel,
familial ou financier par exemple. Il faut aussi disposer, en termes de
résultats d’examens biologiques des éléments suivants : un bilan
lipidique, une glycémie à jeun et une hémoglobine glyquée.
Relativement
au travail, il faudra apprécier l’exposition aux stresseurs professionnels,
notamment la durée de travail hebdomadaire, la notion de travail de nuit, les
stresseurs selon les modèles de Karasek ou de Siegrist et la durée de
l’exposition en années.
Conclusion
Si
un lien a été établi entre l’exposition au stress psychosocial et la survenue
d’infarctus du myocarde, la part du risque professionnel est difficile à
établir. Il y a un nombre faible de demandes de reconnaissance de ces atteintes
en maladie professionnelle.
Ces
recommandations visant à favoriser une reconnaissance en risque professionnel
d’une maladie dite ubiquitaire devront faire l’objet d’une large diffusion pour
atteindre cet objectif et vraisemblablement d’adaptations ultérieures. Il ne
s’agit pas d’attribuer au travail tous les infarctus idiopathiques du sujet
jeune mais d’identifier, en leur sein, ceux qui relèvent d’une exposition
caractérisée et prolongée à des facteurs de risque psychosociaux au travail.
https://www.rst-sante-travail.fr/rst/pages-article/ArticleRST.html?ref=RST.TM%2073
Le bilan du comité régional de reconnaissances des
maladies professionnelles d’Ile de France 2021 m’a été fort gentiment
communiqué. Comme ce CRRMP assure, au niveau national, la prise en compte des
atteintes liées à la Covid-19 suite à l’article 3 du décret n°
2020-1131 du 14 septembre 2020, le bilan 2021 du CRRMP d’Ile de France nous en
fournit les résultats.
Rappelons que les tableaux de maladie professionnelles
n° 100 du Régime général et n° 60 du Régime agricole ont été créés en 2020 pour
prendre en compte les infections par le Sars-CoV-2. Cependant, ces tableaux sont
assez restrictifs, tant en termes de pathologies (seulement les atteintes pulmonaires
« ayant nécessité une oxygénothérapie ou toute autre forme
d'assistance ventilatoire, attestée par des comptes rendus médicaux, ou ayant entraîné
le décès’ ») qu’en termes de liste limitative centrée sur les
professionnels du secteur médico-social alors que l’on a pu rapidement
constater que nombre d’autres professionnels, en particulier dans le commerce
et les services, étaient exposés et payaient un lourd tribut à cette infection.
De plus, ils ne prennent pas en compte les formes longues de la Covid-19 qui
ont été mises en évidence plus récemment.
Ainsi, tous régimes de Sécurité sociale confondus,
640 dossiers ont été traités, dont 422 au titre de l’alinéa 6 et 218 au titre
de l’alinéa 7. Parmi ces demandes, de saisine, 10 avis simples (qui renvoient à
une reconnaissance au titre du tableau). Pour l’alinéa 6, il y a eu 5
annulations et le CRRMP a émis 63 avis défavorables et 344 avis favorables
(81.5%). Pour l’alinéa 7, il y a eu 4 annulations de saisine, 18 avis
défavorables et 196 avis favorables (89.9%).
Pour le Régime général, 601 dossiers ont été soumis
au CRRMP, 403 au titre de l’alinéa 6 et 198 au titre de l’alinéa 7. Parmi les
dossiers soumis au CRRMP au titre de l’alinéa 6, il y a eu annulation de la
saisine dans 4 cas, 10 avis simples, 61 avis défavorables et 325 avis
favorables. Pour l’alinéa 7, le bilan rapporte 3 annulations de saisine, 15
avis défavorables et 180 avis favorables (90.9%).
Le deuxième nombre le plus important de saisines du
CRRMP concerne les professionnels de santé libéraux pour lesquels il a eu 30
dossiers soumis au comité, 10 au titre de l’alinéa 6 et 20 au titre de l’alinéa
7. Pour l’alinéa 6, il y a eu une annulation de saisine et 9 avis favorables.
Pour l’alinéa 7, il y a eu 1 annulation de saisine, 3 avis défavorables et 16
avis favorables (53.3%).
La MSA a présenté 7 dossiers au CRRMP, tous au titre
de l’alinéa 6, qui ont recueilli 2 avis défavorables et 5 avis favorables.
Jacques Darmon
Si
vous souhaitez ne plus figurer sur cette liste de diffusion, vous pouvez m'en
faire part à l'adresse suivante : jacques.darmon@orange.fr.
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