Lettre d'information du 9 octobre 2022

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Le 9 octobre 2022

 

Dans cette lettre d’information nous abordons les thèmes suivants… Des jurisprudences… L’une relative à un taux d’incidence professionnelle que peut rajouter au taux d’incapacité permanente la caisse primaire d’Assurance maladie… une autre qui rappelle le droit d’expression des salariés même s’ils critiquent l’organisation du travail… Un commentaire sur le projet du gouvernement de réforme des retraites et des conséquences qu’il peut avoir… Le rapport de l’Anses préconisant la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers de l’ovaire et du larynx en lien avec une exposition à l’amianteLe bilan 2021 de l’activité des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles… Les maladies chroniques en fonction des revenus et de la catégorie socio-professionnelle et leur retentissement sur l’espérance de vie… Un point sur les cadres et le retentissement psychologique du travail tiré d’un observatoire de l’Agence pour l’emploi des cadres…

 

·     Jurisprudence

 

La Cpam peut rajouter au taux d’incapacité permanente initial un pourcentage pour incidence professionnelle liée à une inaptitude et un licenciement

Il s’agit d’une jurisprudence de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 22 septembre 2022 – Cass. 2e Civ., pourvoi n° 21-13.232, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation.

Faits et procédure – Une société conteste le détermination d’un taux d’incapacité permanente de 10% attribué par la caisse primaire d’Assurance maladie (Cpam) et conteste celui-ci d’abord devant le tribunal du contentieux puis la Cour Nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (deux institutions qui ont disparu, remplacées par le pôle social du tribunal judiciaire et une cour d’appel spécialement désignée).

Initialement, la Cpam, avait notifié un taux de 7%, en suivant l’avis du médecin conseil, au moment de la consolidation, au salarié et à l’employeur. Puis, lors de la contestation par l’employeur devant les juridictions de Sécurité sociale, le salarié ayant été reconnu inapte par le médecin du travail et licencié, elle avait rajouté un taux de 3% au titre de l’incidence professionnelle. Ainsi, la Cpam avait, dans ses rapports avec l’employeur, fait valoir un taux de 10% différent de celui notifié au moment de la consolidation.

[NDR – Le médecin-conseil, pour déterminer le taux d’incapacité permanente, apprécie principalement les séquelles physiques suite à un accident du travail ou à une maladie même, même s’il peut tenir compte du retentissement professionnel. Cependant, le plus souvent il s’en tient au taux d’incapacité permanente prévu par les barèmes des accidents du travail et des maladies professionnelles, annexés au Code de la Sécurité sociale qui ne prennent en compte que les séquelles physiques et psychiques.

La Cpam peut, par une décision administrative, en cas de retentissement sur l’activité professionnelle du salarié – particulièrement une inaptitude et un licenciement – attribuer un taux d’incapacité permanente complémentaire au titre de l’incidence professionnelle, en particulier s’il y a eu une inaptitude et un licenciement. Ce taux d’incidence professionnelle peut être demandé directement à la Cpam ou en contestant le taux de l’incapacité permanente devant la commission médicale de recours amiable. Cette disposition est traitée de façon très différente selon les Cpam sur tout le territoire.]

L’employeur conteste le taux de 10% puis se pourvoit en cassation contre la décision de la Cnitaat qui a confirmé le taux d’incapacité permanente de 10%.

Moyen de l’employeur

L’employeur argue du fait que la caisse qui a notifié, au salarié et à l’employeur, un certain taux d’incapacité permanente après consolidation ne peut se prévaloir d’un taux différent, alors que les experts du TCI et de la Cnitaat avaient estimé le taux d’incapacité permanente à 7%. Mais, devant la Cnitaat, la Cpam indiquait que, après examen des éléments médico-administratifs, un taux de 3% devait être rajouté au titre de l’incidence professionnelle, ce qui portait à 10% le taux d’incapacité permanente.

Ce que la Cnitaat admettait et fixait le taux d’incapacité permanente à 10%. Ainsi, la cour d'appel aurait violé les articles L. 143-1 (maintenant abrogé) et L. 143-10, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2018-538 du 16 mai 2018, L. 434-2, R. 143-6, R. 434-31 et R. 434-32 du Code de la sécurité sociale.

Réponse de la Cour de cassation

« Aux termes de l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Il appartient au juge, saisi par l'employeur d'une contestation relative à l'état d'incapacité permanente de travail de la victime, de fixer le taux d'incapacité permanente à partir des éléments médicaux et médico-sociaux produits aux débats, dans la limite du taux initialement retenu par la caisse et régulièrement notifié à l'employeur.

L'arrêt retient que si la caisse est tenue par l'avis du médecin conseil pour la fixation initiale du taux d'incapacité permanente partielle, elle peut, dans le cadre d'une procédure judiciaire, s'écarter de cet avis en sollicitant la reconnaissance d'un taux professionnel. Il ajoute que la victime a été déclarée inapte à son poste de travail, dans les jours suivant la consolidation, et licenciée en raison de l'impossibilité de reclassement. Il en déduit que le taux médical de 7 % fixé par le médecin consultant doit être majoré d'un coefficient professionnel de 3 %.

De ces constatations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la Cour nationale, qui n'était pas tenue par les éléments d'évaluation pris en compte par le médecin conseil de la caisse, a pu retenir l'existence d'une incidence professionnelle imputable à la maladie professionnelle, justifiant un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %.

Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. »

Le pourvoi de l’employeur est rejeté et il est condamné à indemniser la Cpam à hauteur de 3000 € au titre de l’article 700 du Code civil.

https://www.courdecassation.fr/decision/632c06a06ed81805da0b07a0?judilibre_juridiction=cc&judilibre_chambre[]=civ2&page=3&previousdecisionpage=3&previousdecisionindex=6&nextdecisionpage=3&nextdecisionindex=8

 

Le droit à la liberté de critiques de l’organisation du travail dans l’entreprise confirmé

Il s’agit d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 septembre 2022 – Cass. soc. pourvoi n° 21-13045 – publié au Bulletin d’information de la cour de cassation qui rappelle des principes bien établis.

Faits et procédure – Un salarié a été embauché en septembre 2011en qualité d’employé du service d’approvisionnement.

Au cours d’une réunion d’expression des salariés, ce salarié alerte sur le fait que sa supérieure hiérarchique, absente lors de la réunion d’expression, lui demande d’effectuer son travail d’une façon qui va à l’encontre du bon sens, ce qui lui faisait perdre beaucoup de temps et d’énergie et entraînait un retard dans les autres tâches, dont celles de facturation du service comptabilité.

Ce qui a été considéré par son employeur comme un acte d’insubordination et il est licencié le 31 janvier 2015 pour cette raison, d’autant plus que deux jours après cette réunion sa supérieure hiérarchique a rencontré le médecin du travail en se plaignant du retentissement de ces faits sur son état de santé.

Le salarié se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel qui a confirmé le motif réel et sérieux du licenciement.

Moyen développé par le salarié

Le salarié conteste le fait que la cour d’appel a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse alors que « les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail sur leur lieu de travail et que les opinions émises dans ce cadre ne peuvent faire l’objet d’une sanction ». Or, il s’est exprimé au cours d’une réunion « d’expression des salariés loi Auroux » sur les difficultés qu’il rencontrait dans son activité professionnelle. De plus,

ses critiques ont été exprimées de façon modérée. Ainsi, en considérant que ses propos justifiaient un licenciement, la cour d’appel a violé l’article L. 2281-1 du Code du travail.

Réponse de la cour de cassation

Au visa des articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du Code du travail, la Cour de cassation écrit :

« Il résulte de ces textes que les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l'exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Pour dire le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir écarté les autres griefs imputés au salarié, retient que lors de la réunion d'expression collective des salariés du 14 janvier 2015, il a, en présence de la direction et de plusieurs salariés de l'entreprise, remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique, tentant d'imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière. Il ajoute que le médecin du travail a constaté, deux jours plus tard, l'altération de l'état de santé de la supérieure hiérarchique. Il en déduit que ce comportement s'analyse en un acte d'insubordination, une attitude de dénigrement et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus par le salarié dans l'exercice de son droit d'expression directe et collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

L’arrêt de la cour d’appel est cassé en ce qu’il a reconnu une cause réelle et sérieuse au licenciement et refusé l’indemnisation au titre d’un licenciement non justifié. L’affaire est renvoyée devant la même cour d’appel autrement composée.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046330491?cassPubliBulletin=F&cassPubliBulletin=T&init=true&isAdvancedResult=true&juridictionJudiciaire=Cour+de+cassation&origine=juri&page=1&pageSize=10&query=%7B%28%40ALL%5Bt%22m%C3%A9decin%22%5D%29%7D&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typeRecherche=date

 

·     Projet de loi sur les retraites

Dans son programme présidentiel 2022, M. Macron a prévu une prolongation de l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Ce qui change par rapport au projet de modification systémique visant à passer à un système de retraite par points universel envisagé lors de son mandat précédent qui a été abandonné. On n’est donc plus dans une réforme visant à plus de justice sociale mais dans une réforme paramétrique (une de plus !) visant à prolonger la durée de vie au travail.

Il est question d’une concertation, qui a débuté le 5 octobre 2022, entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Cette concertation se fera sous forme de réunions bilatérales entre les gouvernement et les organisations d’employeurs et de salariés qui débuteront la semaine prochaine et aborderont trois thèmes : l’emploi des seniors et l’usure professionnelle, l’équité et la justice sociale et l’équilibre du système de retraite. Ces réunions de concertation dureront jusque mi-décembre. L’idée est d’adopter un projet de loi d’ici la finn de l’hiver. Avec une mise en œuvre de la loi sur les retraites à l’été 2023.

Vous trouverez en pièce jointe un tract signé par l’ensemble des organisations syndicales de salariés et d’organisations étudiantes rejetant le projet d’augmentation de l’âge de départ à la retraite des salariés.

Ce projet de rallongement de la durée de vie au travail interpelle les intervenants du monde de la santé car plus l’âge avance plus l’on est susceptible de rencontrer des pathologies chroniques, liées au vieillissement et de l’usure professionnelle pour les salariés exposés à des activités pénibles (d’ailleurs, y en a-t-il dorénavant qui ne sont pas pénibles à un titre physique ou psychique ?).

Ce passage à une retraite à 65 ans soulève aussi la question de la capacité de nombre de personnes d’arriver à atteindre au travail cet âge. J’avais commenté dans la lettre d’information du 31 octobre 2021 un document de l’Agirc-Arcco (voir le blog) qui montrait que l’année précédant leur retraite à 62 ans, en 2018, 38.8% des sujets étaient hors emploi, 11.6% au chômage, 6.5% en arrêt maladie ou en invalidité et 20.7% hors de toute mesure de protection sociale (indemnités journalières, pension d’invalidité, rente d’incapacité permanent ou chômage). Le passage à 65 ans risquerait donc encore d’aggraver ce phénomène. Un document de la DREES «  Les retraités et les retraites 2022 » nous fournit aussi des éléments d’information sur ce qui se passe l’année d’avant le passage à la retraite. Pour la génération 1950 dont l’âge légal de départ à la retraite à taux plein était encore de 60 ans, un tableau (page 175) nous indique qu’un an avant la liquidation de leur retraite, 68% des sujets (63% des femmes et 72% des hommes) étaient encore en emploi mais 7% des hommes et des femmes étaient en arrêt maladie ou en invalidité, 13% (14% pour les femmes et 12% pour les hommes) étaient au chômage et 12% (14% pour les femmes et 9% pour les hommes) étaient hors de ces situations. Ceci alors que l’âge de départ à la retraite était de 60 ans, ce qui risque encore de s’aggraver pour un départ à 65 ans.

Si humainement l’augmentation de l’âge de la retraite peut avoir des effets très délétères sur une partie de la population, en particulier celle qui est la plus fragile, du point de vue économique, les avantages que l’on pourrait en tirer ne semblent pas aussi importants qu’on pourrait le penser, voire seraient nuls ou négatifs. Une note de la Drees présentée lors de la réunion du Conseil d’orientation des retraites du 27 janvier 2022 fait un point à ce sujet (« Évaluation de l’augmentation des dépenses de certaines prestations sociales induite par un relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite. »). Cette note estime l’augmentation des prestations sociales en 2019 en cas d’augmentation de l’âge d’ouverture en des droits à la retraite de 2 ans (de 62 à 64 ans) en termes d’indemnités journalières pour les arrêts maladie - + 970 millions € (M.) - et les pensions d’invalidité -+ 1 800 M. € -, des prestations de solidarités - + 830 M. € - au titre du revenu de solidarité active, de l’allocation adulte handicapé, etc…, de l’augmentation du nombre d’AT/MP du fait de l’allongement de vie au travail (entre 50 et 300 M. €). Cette estimation ne prend pas en compte le risque d’augmentation du nombre de chômeurs à indemniser. La note conclut que « Globalement, un relèvement de l’AOD [l’âge d’ouverture des droits à la retraite] de 2 ans aurait induit en 2019 une augmentation des dépenses de prestations sociales hors retraite et assurance chômage de l’ordre de 3,6 Md (milliard) € (0,14 point de PIB), concentrée sur les personnes de 62 et 63 ans. En supposant que le relèvement de l’AOD diminue les dépenses du système de retraite d’environ 0,60 point de PIB, l’effet d’éviction par les prestations sociales (c’est-à-dire hors assurance chômage) serait donc d’environ 25 %. Cette nouvelle évaluation est cohérente avec des travaux antérieurs. » On peut donc penser qu’en rajoutant le coût de l’augmentation du nombre de chômeurs, le bilan ne serait pas très positif…

 

·     Cancer de l’ovaire et du larynx en lien avec l’amiante (Anses)/span>

Il s’agit d’une publication de l’Anses de janvier 2022 que vous pourrez consulter sur le site de l’Anses, à l’adresse en fin de commentaire, et en pièce jointe. Je commente ici la synthèse de l’avis signée par le Dr Genet.

La procédure de choix de réalisation d’un tableau ou d’évolution d’un tableau existant ou de recommandation est entamée en France et la Commission spécialisée n° 4 du Coct en charge des maladies professionnelles a abordé ce sujet le 4 octobre 2022 avec le projet de rajouter ces pathologies au tableau n° 30.

Introduction

L’Anses a été saisie par la Direction générale du travail, la Direction de la Sécurité sociale et la Direction des affaires financières, sociales et logistiques, en novembre 2018, pour la réalisation d’une « expertise sur les cancers de l’ovaire et du larynx en lien avec l’exposition à l’amiante en vue de la création d’un tableau de maladie professionnelle ou de l’élaboration de recommandations aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) ».

Depuis 2018, l’Anses a la mission de réaliser l’expertise scientifique pour l’évolution ou la réalisation des tableaux des maladies professionnelles. L’Anses a élaboré un guide méthodologique pour la réalisation de ces expertises en 2020 (voir, le Guide méthodologique sur le site de l’anses).

Cette saisine fait suite au fait que le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a établi dans une monographie de 2012 (n° 100 C) qu’il existait des preuves suffisantes pour établir un lien causal entre l’exposition à l’amiante et le risque de survenue de cancers du larynx et de l’ovaire. Dans cette monographie, les cancers du pharynx, de l’estomac et colo-rectaux étaient considérés comme possiblement liés à l’amiante mais avec un niveau des preuve limité.

Cette expertise préalable devra permettre, après consultation des commissions des maladies professionnelles, de mettre à jour, le cas échéant, les modalités de reconnaissance des tableaux des maladies professionnelles liés à l’amiante pour les régimes général et agricole.

Etat des lieux

Reconnaissance de ces cancers en MP

Les deux pathologies évoquées ci-dessus, le cancer de l’ovaire et du larynx, ne figurent dans aucun tableau de maladie professionnelle (TMP) bien qu’il existe des tableaux de maladies professionnelles consacrés à l’amiante (TMP n° 30 et n° 30 bis). Aussi les reconnaissances de ces deux cancers en maladie professionnelle (MP) se font d’après l’alinéa 7 de l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale, après passage devant un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) qui doit déterminer le lien « essentiel et direct » entre la pathologie et l’activité professionnelle.

Entre 1994 et 2002, 11 cancers du larynx associés à une exposition à l’amiante ont été reconnus en MP. Entre 2010 et 2020, 130 demandes ont été faites et 62 cancers ont été reconnus en MP. Il s’agit majoritairement d’hommes ayant travaillé dans les secteurs de la mine, de la construction et de la métallurgie.

Pour le cancer de l’ovaire, il y a eu, entre 2010 et 2020, 6 demandes dont 5 ont permis une reconnaissance en MP.

Le RNV3P (Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles, animé par l’Anses), a identifié, entre 2001 et 2019, 194 cancers du larynx et 8 cancers de l’ovaire en lien avec le travail.

Expositions professionnelles à l’amiante

Exposition de l’ensemble des salariés

Des tableaux (pages 7 à 13) reprennent les secteurs d’activité exposés à l’amiante par ordre décroissant d’occurrence des différentes sources (RNV3P, auditions, Spirale, ESPrl, ARDCO, Sumer, PNSM, Giscop93 et littérature pour les données qualitatives et semi-quantitatives et Colchic/Scola, Carto amiante, auditions et littérature pour les données quantitatives) mais ne tiennent pas compte des niveaux d’exposition.

Parmi les secteurs d’activité pour lesquels on dispose le plus de données qualitatives, semi-quantitatives et quantitatives : le BTP (dont l’activité de désamiantage), la construction, la réparation d’automobiles et de motocycles, la métallurgie et la fonderie, la production d’eau et l’assainissement et la fabrication d’autres produits minéraux non métalliques. Puis, avec uniquement des données qualitatives et semi-quantitatives, les secteurs des transports, de l’administration publique et de la défense nationale, de la construction et de la réparation navales et de l’enseignement.

Il existe de très nombreuses professions exposées à l’amiante et le document retient celles de certains secteurs d’activité tels que les interventions dans les bâtiments bâtis, les intervenants dans les matériels roulants ferroviaires et les navires, les avions et les activités de maintenance.

Les travaux estimés comme exposant à l’amiante sont :

ü la manipulation et l’utilisation de l’amiante et la fabrication de matériaux amiantés ;

ü les interventions lors de la manipulation, la démolition ou la maintenance d’équipements, de matériels ou de bâtiments contenant de l’amiante et susceptibles de libérer des fibres d’amiante ;

ü l’application ou l’utilisation de produits à base d’amiante ;

ü les opérations de retrait et d’élimination de produits amiantés ;

ü l’utilisation de moyens de protection utilisant de l’amiante ;

ü l’extraction, la manipulation et les interventions sur des minerais et roches amiantifères ;

ü les travaux n’exposant pas directement à l’amiante mais effectués à proximité de personnels réalisant des opérations avec de l’amiante ou sur des matériaux amiantés ou dans un environnement contaminé par de l’amiante ou susceptible de libérer des fibres d’amiantes (dans l’administration, l’enseignement).

Exposition spécifique des femmes

Un tableau (pages 11/12) fournit une liste des secteurs d’activité exposant les femmes à l’amiante. Parmi les secteurs pour lesquels les bases de données fournissent les résultats des expositions le plus nombreux : l’enseignement, la construction, l’industrie automobile et la santé.

Des travaux exposant les femmes à l’amiante ont pu être identifiés : les travaux de cardage, filature et tissage dans l’industrie textile.

Description des cancers

Cancer de l’ovaire

Caractéristiques histologiques et survie

La majorité (environ 90%) des cancers de l’ovaire sont des cancers épithéliaux dont le sous-type histologique le plus fréquent est séreux (jusque 75% des cas).

En général, les cancers de l’ovaire sont de mauvais pronostic avec une survie nette standardisée à 5 ans après le diagnostic de 43% en France métropolitaine. Le mauvais pronostic est lié au diagnostic souvent tardif de ces cancers.

Cependant, on peut noter une amélioration de la survie entre 1990 et 2015 avec passage de 67% à 81% sur la survie standardisée sur l’âge à un an et de 33% à 47% pour la survie standardisée sur l’âge à cinq ans.

Épidémiologie

Pour l’année 2018, le nombre de cas incidents de cancers de l’ovaire et des annexes utérines est estimé à 5 193 dont 4 531 tumeurs épithéliales.

Entre 1990 et 2018, le nombre de cas incidents a augmenté de 23%.

Le taux de mortalité standardisé sur la population mondiale est de 3.9 pour 100 000 personnes-années. Pour la France, en 2018, le taux de décès estimés est de 3 479.

L’âge médian de dépistage du cancer de l’ovaire est 68 ans en 2018.

Facteurs de risque

Les principaux facteurs de risque des tumeurs épithéliales sont l’âge, la prédisposition génétique (mutation des gènes BRAC1 et 2 et le syndrome de Lynch), un nombre de cycles ovulatoires élevé et les traitements hormonaux oestrogéniques de la ménopause.

Le tabagisme passif est reconnu comme un facteur de risque pour les cancers mucineux.

Depuis 2012, l’amiante est reconnue par le Circ comme cancérogène du groupe 1, soit un cancérogène avéré pour l’homme.

D’autres facteurs de risque sont évoqués : facteurs anthropométrique et hormonaux ainsi que des expositions professionnelles (poussières de silice, gaz d’échappement diesel, solvants organiques et rayonnements X et gamma).

Diagnostic

Le diagnostic doit être affirmé par une biopsie avec examen anatomopathologique et, éventuellement, étude immunohistochimique.

En particulier, cette étude immunohistochimique permet de faire un diagnostic différentiel entre cancer primitif de l’ovaire et un cancer secondaire de l’ovaire ou un mésothéliome péritonéal.

Cancer du larynx

Histologie et survie

Le type majoritaire (supérieur ou égal à 98%) de cancers du larynx est le carcinome épidermoïde.

La survenue d’un cancer du larynx est précédée d’une progression histologique avec des lésions pré-cancéreuses de type dysplasiques qui peuvent évoluer vers un carcinome in situ puis un carcinome épidermoïde invasif.

Pour la période 2005-2010, en France métropolitaine, la survie nette standardisée sur l’âge à cinq ans est de 56% pour l’homme et de 59% chez la femme.

Épidémiologie

On estime, en 2018, le nombre de cas incidents de cancers du larynx à 3 160 (2 753 chez l’homme et 407 chez la femme).

Il y a une progression marquée de la survenue de cancers du larynx à partir de l’âge de 40 ans pour atteindre un taux maximum de 28.5 cas pour 100 000 personnes-années entre 60 et 64 ans chez l’homme et une progression moins marquée chez la femmes avec un taux 3.1 pour 100 000 personnes-années entre 60 et 64 ans.

L’évolution de l’incidence de cancer indique une forte diminution chez l’homme entre 1990 et 2018 (- 33%) liée à la baisse de la consommation d’alcool associée à la diminution du tabagisme. En revanche, chez la femme, on constate une forte augmentation du cancer du larynx entre 1990 et 2018 (+ 42%) liée à une augmentation, au cours des 50 dernières années, de la consommation d’alcool et du tabagisme chez les femmes.

En termes de mortalité, en France métropolitaine, on estime, en 2018 le nombre de décès liés au cancer du larynx à 950 (819 chez l’homme et 131 chez la femme). La mortalité due au cancer du larynx diminue depuis 1990.

L’âge médian de survenue d’un cancer du larynx est de 64 ans chez l’homme et de 62 ans chez la femme en France métropolitaine.

Facteurs de risque

On retrouve comme facteurs de risque avérés de cancers du larynx le tabagisme actif (facteur de risque le plus important), la consommation d’alcool, certaines expositions professionnelles (amiante, brouillards d’acide forts inorganiques). Il existe une synergie sur le risque de cancer du larynx entre la consommation d’alcool et le tabagisme.

D’autres facteurs de risque sont suspectés : le tabagisme passif, les expositions professionnelles dans l’industrie du caoutchouc, les expositions aux poussières de silice ou de textiles, aux gaz d’échappement de moteur, aux hydrocarbures aromatiques polycycliques ainsi qu’à l’infection par certains papillomavirus.

Diagnostic

Actuellement, l’examen permettant d’affirmer avec certitude des lésions dysplasiques de haut grade ou des tumeurs malignes primitives du larynx est l’examen anatomopathologique sur du tissu provenant d’une biopsie.

Méthodologie d’évaluation de la relation causale entre l’amiante et les deux cancers

Méthodologie générale

L’Anses procède pour évaluer la relation causale entre une exposition à un facteur de risque selon la méthodologie en cinq étapes définie dans le Guide méthodologique publié en 2020 (pages 58 et suivantes, en particulier le diagramme page 65).

En particulier, ce qui apparaît intéressant sont les deuxième et troisième étapes qui consistent à s’appuyer sur des revues institutionnelles (en particulier celles du Circ) et sur des revues systématiques et méta-analyses qui peuvent avoir été publiées depuis les résultats présentés dans les revues institutionnelles. La quatrième étape permet de recueillir des informations complémentaires sur les effets dose-réponse, les durées d’exposition et la latence d’apparition de la pathologie après l’exposition. À partir de là, il est possible, lors de la cinquième phase de conclure sur l’existence d’une relation causale, avérée, probable, possible ou non classable entre l’exposition à un facteur de risque et la survenue d’une pathologie.

Relation causale pour les cancers de l’ovaire et du larynx

La première revue ayant mis en évidence un lien entre l’exposition à l’amiante et les cancers du larynx et de l’ovaire est la revue du Circ publiée en 2012 dans la monographie n° 100 C (voir p. 243/244 pour le cancer du larynx et p. 253 pour le cancer de l’ovaire).

Les auteurs citent une deuxième revue institutionnelle datant de 2014, celle du Finnish Institute of Occupationnal Health (FIOH). Ce rapport, établi sur la base de nouvelles études postérieures à celles du Circ de 2012, conclut que les données des publications entre 2009 et 2014 sont cohérentes avec la conclusion de la monographie du Circ relative au cancer de l’ovaire.

Une étude postérieure de 2020 a soulevé un débat car elle faisait état d’une remise en cause de la conclusion de la monographie du Circ au motif qu’il pouvait y avoir des erreurs de classement entre cancer de l’ovaire et mésothéliome péritonéal du fait d’une difficulté de distinction histologique. Ce qui portait sur deux cancers ovariens assez rares (moins de 10% des cancers de l’ovaire), les tumeurs borderline et les cancers séreux de bas grade. Cependant, allant à l’encontre de cette étude, des méta-analyses récentes, dont certaines incluant une confirmation des cas de cancer de l’ovaire par examen immunohistochimique, et présentées dans la monographie du Circ indiquent que le risque d’erreur lié à un mauvais classement du cancer ovarien a un faible impact sur les résultats des études épidémiologiques.

Ce rapport du FIOH conclut aussi que, dans l’ensemble, les études de cohorte et les études cas témoins, ainsi que les méta-analyses, fournissent des preuves d’un risque accru de cancer du larynx en lien avec l’exposition à l’amiante.

Cancers de l’ovaire et du larynx et maladie professionnelle

Le groupe de travail sur les maladies professionnelles considère qu’il y a une relation causale avérée entre l’exposition à l’amiante et les cancers de l’ovaire et du larynx. Ce qui est considéré comme un argument fort en faveur de la création d’un tableau de maladie professionnelle dans le Régime général et le Régime agricole.

Éléments pour la reconnaissance médico-administrative

Cancer de l’ovaire

Dans le cadre d’une reconnaissance médico-administrative de MP, le bilan diagnostique des tumeurs borderline ou maligne primitive ovarienne ou séreuse tubaire ou péritonéale devrait reposer, selon les référentiels de la Haute autorité de santé (HAS), sur les examens suivants :

ü l’examen clinique,

ü une échographie pelvienne,

ü une IRM pelvienne,

ü un dosage de marqueur tumoral (CA 125 et/ou HE4) en cas de masse ovarienne indéterminée à l’imagerie,

ü un examen anatomo-pathologique des tissus suspects avec, en cas de doute sur l’origine de la tumeur - tumeur primitive de l’ovaire ou tumeur secondaire ou mésothéliome péritonéal -, un examen immunohistochimique des tissus.

Cancer du larynx

Le bilan d’une reconnaissance de MP pour des lésions dysplasiques de haut grade ou des tumeurs malignes du larynx devrait comprendre, selon le référentiel HAS, les examens suivants :

ü un examen clinique avec laryngoscopie,

ü une nasofibroscopie,

ü une panendoscopie,

ü un examen anatomopathologique de biopsies.

Recommandations

Le groupe de travail des maladies professionnelles de l’Anses préconise les points suivants.

Désignation des pathologies

Cancer de l’ovaire

En cas d’évolution de l’un des tableaux consacrés à l’amiante ou de création d’un nouveau tableau d’inclure dans la première colonne les énoncés ci-dessous :

Alinéa A – Tumeur primitive de localisation :

-        ovarienne

-        séreuse tubaire

-        séreuse péritonéale

Alinéa B – Tumeur borderline de localisation

-        ovarienne

-        séreuse tubaire

-        séreuse péritonéale

Les auteurs du rapport précisent qu’il n’apparaît pas utile, dans la désignation des pathologies, de préciser, d’une part, la nécessité d’une preuve anatomopathologique qui est indispensable en pratique courante de diagnostic et qui pourrait évoluer et, d’autre part, le type de marqueurs immunohistochimiques à employer qui pourraient aussi évoluer.

Cancer du larynx

Les auteurs du rapport recommandent de désigner les pathologies ainsi :

Alinéa A – Tumeur maligne primitive du larynx

Alinéa B – Lésion dysplasique de haut grade du larynx

Là aussi, il est recommandé de ne pas demander de preuve anatomopathologique dans la désignation de la maladie car cette étude anatomopathologique est indispensable pour l’affirmation du diagnostic.

Exposition à l’amiante

La liste des travaux exposant à l’amiante présentée dans cette expertise n’est pas exhaustive et représenterait une liste indicative.

Il serait important de disposer de davantage de données sur les secteurs, professions et travaux exposant les femmes à l’amiante ainsi que de données quantitatives afin de mieux caractériser leurs expositions.

Délais de prise en charge

Les données scientifiques actuelles ne permettent pas de déterminer avec précision un délai de prise en charge, tant pour le cancer de l’ovaire que pour le cancer du larynx.

A partir de quelques données résultant d’études, le groupe de travail sur les maladies professionnelles recommande un délai de prise en charge d’au moins 35 ans pour les pathologies du larynx retenues (tumeur maligne et lésions dysplasiques) et les tumeurs malignes ovariennes.

Autres recommandations

Le groupe de travail, de façon complémentaire, vu la faible visibilité des cancers de l’ovaire et du larynx en lien avec une exposition à l’amiante, recommande d’améliorer la formation / information des personnels médicaux et administratifs engagés dans le système de reconnaissance des maladies professionnelles. De même qu’une information publique sur l’éventuelle origine professionnelle de ces cancers chez des sujets ayant été ou exposés à l’amiante.

En particulier, le groupe de travail recommande l’information à destination des femmes du risque de survenue d’un cancer de l’ovaire en cas d’exposition à l’amiante.

De même, le groupe de travail recommande de développer l’accompagnement humain, sanitaire et administratif des sujets ayant été exposés à l’amiante et de leurs ayants droit qui souhaitent engager une procédure de reconnaissance de maladie professionnelle.

Il apparaît aussi nécessaire de fournir aux travailleurs exposés à l’amiante, et à leurs ayants droit, des informations complètes portant sur l’ensemble des possibilités de réparation et d’indemnisation des maladies liées à l’amiante.

En outre, le groupe de travail appelle au renforcement des moyens alloués aux CRRMP qui ont à instruire un nombre conséquent de dossiers avec un manque structurel de moyens.

Conclusion

« L’expertise conclut sur l’existence d’une relation causale avérée entre l’exposition à l’amiante et la survenue des cancers de l’ovaire et du larynx. Comme indiqué dans le guide méthodologique, l’existence d’un lien causal avéré doit être considéré comme un argument fort en faveur de la création d’un tableau par l’État. En effet, une relation causale avérée est une relation pour laquelle le niveau de preuves apporté par les différentes études scientifiques indépendantes et de bonne qualité est jugé suffisant.

L’Agence rappelle également qu’il appartient à l’État de consulter les commissions de maladies professionnelles au sein desquelles siègent notamment les partenaires sociaux (Commission spécialisée du Comité d’orientation de consultation des conditions de travail, d’une part, et Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture d’autre part) afin que ces dernières puissent se saisir des éléments scientifiques apportés par son expertise, auxquels elles sont susceptibles d’intégrer d’autres considérations notamment socio-économiques en vue de débattre puis de formuler leurs avis respectifs. C’est sur la base de ces travaux successifs qu’il appartiendra in fine à l’État de décider de la création d’un tableau de maladie professionnelle ou de l’élaboration de recommandations aux CRRMP. »

À l’échelle de l’Europe, il est opportun de mentionner qu’une résolution du Parlement européen, votée le 20 octobre 2021, recommande que le cancer du larynx lié à l’inhalation de poussières d’amiante et que le cancer de l’ovaire provoqué par l’amiante soient pris en compte en tant que maladies professionnelles au sein des États membres.

À ce jour, en Norvège, Autriche, Allemagne, Belgique, Danemark, Portugal et Luxembourg, la reconnaissance du cancer du larynx associé à une exposition professionnelle à l’amiante (par inhalation de poussières) est intégrée aux listes nationales des MP. En Italie, à l’instar de la situation française, cette reconnaissance peut avoir lieu dans le cadre d’un système complémentaire (EUROGIP 2006). En 2017, les caisses d’assurance maladie et le ministère du travail et des affaires sociales allemands ont considéré les données suffisantes pour la reconnaissance en MP du cancer ovarien associé à une exposition professionnelle à l’amiante.

La présente expertise a également conduit à la formulation de différentes recommandations, dont certaines concernent une meilleure identification et caractérisation de l’exposition des femmes à l’amiante, mais aussi une meilleure information des femmes quant à la possibilité de survenue d’un cancer de l’ovaire lié à une exposition professionnelle à l’amiante. En effet, les femmes étant moins représentées que les hommes dans les secteurs d’activités exposant à l’amiante, il est plus difficile de disposer de données permettant de documenter leur exposition. Plus généralement l’Agence encourage la production de données et d’études pour enrichir les connaissances sur les différences de conditions de travail entre les hommes et les femmes et leurs impacts sur leur santé.

Enfin, l’Anses recommande d’améliorer l’information et l’accompagnement humain, sanitaire et administratif des travailleurs et travailleuses atteints de cancers de l’ovaire ou du larynx ayant été exposé(e)s à l’amiante et souhaitant engager des démarches de déclaration et reconnaissance en maladie professionnelle. »

https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2018SA0266Ra.pdf

 

·     Bilan 2021 des CRRMP (CNAM – Direction des risques professionnels)

Introduction

Dans la lignée du commentaire précédent, il apparaît intéressant de présenter le bilan 2021 des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Ce document est publié par la Direction des risques professionnels qui est sous la tutelle de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam).

Rappelons que, selon l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale, le CRRMP est sollicité par la Caisse primaire d’Assurance maladies dans les situations suivantes :

ü au titre de l’alinéa 6 lorsque l’une des conditions d’un tableau (délai de prise en charge, éventuelle durée d’exposition, conditions d’exposition et non-respect d’une liste limitative de profession ou de travaux) n’est pas remplie. À ce titre, le CRRMP estime le lien « direct » entre la pathologie et l’activité professionnelle. Signalons qu’il existe un CRRMP unique, en Ile-de- France, pour apprécier le lien entre le travail et la Covid-19 ;

ü au titre de l’alinéa 7 si la pathologie ne figure pas dans un tableau. Dans ce cas, le CRRMP doit estimer le lien « essentiel et direct » entre la pathologie et l’activité professionnelle. Le passage devant le CRRMP étant subordonné à l’estimation par le médecin-conseil d’une incapacité permanente (IP)  prévisible de 25% au moment de la déclaration de la maladie professionnelle. Sachant que l’IP définitive après consolidation peut être – et est en général selon mon expérience personnelle – inférieure à 25%.

En outre, un CRRMP d’une région avoisinante doit être sollicité par les juges lorsque la décision d’un CRRMP a été contesté devant le Pôle social du tribunal judiciaire (article R. 142-17-2 du Code de la Sécurité sociale).

À noter que si l’avis du CRRMP s’impose à la Caisse primaire d’Assurance maladie, ce n’est pas le cas vis-à-vis des juges.

Activité 2021 des CRRMP

Évolution des dossier soumis aux CRRMP

En 2021, les saisines des CRRMP ont été au nombre de 27 881, 21 917 (78.6%) au titre de l’alinéa 6 et  5 964 (21.4%) au titre de l’alinéa 7.

On note une augmentation assez régulière au cours de la dernière décennie puisque les nombres de saisine ont été les suivants (entre parenthèses, respectivement au titre des alinéas 6 et 7) : en 2010, 13 012 (12 173 et 839), en 2015, 18 937 (16 713 et 2 224), en 2017, 23 010 (19 122 et 3 888) et en 2020, 24 586 (19 224 et 5 362).

Entre 2010 et 2021, le nombre de saisines en alinéa 6 a augmenté de 80% alors que pour les alinéas 7, l’augmentation a été multipliée par un facteur d’un peu plus de 7.

Nature des avis

Ces avis concernent l’ensemble des régimes et aussi les contentieux. En effet, si la majorité des avis sont rendus pour le Régime général, les CRRMP sont aussi saisis pour le Régime agricole et les régimes spéciaux (agents publics de droit privé, SNCF, EDF, mines, etc…).

En 2021, sur 27 881 dossiers soumis aux CRRMP :

ü 11 702 (42%) ont reçu un avis favorable (9 447 en alinéa 6 et 2 265 en alinéa 7) ;

ü 16 002 (57.4%) ont reçu un avis défavorable (12 328 en alinéa 6 et 3 674 en alinéa 7) ;

ü 160 (0.5%) avis simples ou implicites (dans le cas de dépassement par la Cpam des délais prévus aux articles R. 461-9 et R. 461-10 pour rendre sa décision) (141 en alinéa 6 et 19 en alinéa 7) ;

ü 17 autres.

Répartition des avis favorables et défavorables par régime de protection sociale

Les avis favorables et défavorables selon les régimes de protection sociale sont les suivants :

ü Régime général, sur un total de 26 435 avis, en alinéa 6 (20 813 avis), 8 909 (43%) avis favorables et 11 904 défavorables et en alinéa 7 (5 622 avis), 2 126 (38%) avis favorables et 3 496 avis défavorables ;

ü Mutuelle sociale agricole (MSA), total de 905 avis, en alinéa 6 (669), 398 (60%) avis favorables et 271 avis défavorables et en alinéa 7 (236) dont 108 (46%) avis favorables et 128 avis défavorables ;

ü CARMI (caisse des mineurs) (120 avis), en alinéa 6 (88 avis ), 71 (81%) avis favorables et 17 avis défavorables et en alinéa 7 (32 avis), 19 (59%) avis favorables et 13 défavorables ;

ü SNCF (167 avis), en alinéa 6 (148 avis), 32 (21%) avis favorables et 116 défavorables et en alinéa 7 (19), 3 avis favorables (16%) et 16 défavorables.

Évolution des avis rendus au titre de l’alinéa 6

En 2021, sur les 21 765 avis rendus, 9 437 (43.3%) avis favorables et 12 328 avis défavorables.

La tendance depuis le début des années 2010 est globalement à une diminution du taux d’avis favorables avec un minima en 2013, une petite remontée en 2014 puis, ensuite, une baisse jusque 2020 avec une remontée en 2021.

Évolution globale des demandes d’avis

L’évolution globale des dossiers soumis aux CRRMP est à la hausse entre 2010 et 2021. Néanmoins, on constate différentes phases : passage de 12 173 dossier en 2010 à 17 016 en 2013 puis diminution à 16 251 et 16 713 en 2014 et 2015. La hausse reprend à partir des 17 818 de 2016 jusqu’aux 19 422 de 2018 puis nouvelle diminution en 2019 et 2020 avec respectivement 18 673 et 18 731 dossiers soumis aux CRRMP au titre de l’alinéa 6. Enfin, en 2021, 21 765 dossiers soumis aux CRRMP, soit une augmentation de 16% par rapport à 2020 (année spécifique du fait de la pandémie) et de 78% par rapport à 2010.

Évolution des taux des avis favorables entre 2010 et 2021

Sur la période de 2010 à 2021, la moyenne des avis favorables est de 43.3%, avec une amplitude entre 40.7% en 2018 et 48.5% en 2010.

Les pourcentages des avis favorables ont varié avec les années, de 48.5% en 2010, ils ont peu diminué en 2011 et 2012 (respectivement, 46.9% et 46.1%) puis de façon plus importante en 2013 avec 41.2% pour augmenter à un peu plus de 43% en 2014 et 2015. Puis leur taux a de nouveau diminué ensuite (42.4% et 42.1% respectivement en 2016 et 2017) pour atteindre un point bas à 40.8% en 2018 puis 41% en 2019 et un plus bas à 40.7% en 2020 pour remonter à 43.3% en 2021.

Évolution des avis rendus au titre de l’alinéa 7

En 2021, sur les 5 939 avis rendus au titre de l’alinéa 7, 2 265 (38.1%) avis favorables et 3 674 avis défavorables ont été rendus.

Évolution globale des demandes

Il y a aussi en termes de dossiers soumis aux CRRMP au titre de l’alinéa 7 une tendance globale à l’augmentation avec passage de 839 dossiers soumis en 2010 à 5939 dossiers en 2021.

La seule diminution du nombre de dossiers soumis aux CRRMP a eu lieu entre 2018 (4 272 dossiers) et 2019 (4 047) mais, de nouveau, augmentation ensuite à 5 275 en 2020 et 5 939 en 2021.

Évolution des taux des avis favorables entre 2010 et 2021

Le taux des avis favorables a globalement augmenté entre 2010 (28%) et 2021 (38.1%) avec une baisse entre 2010 et un point bas à 25.2% en 2012 puis une augmentation assez régulière jusque 2019 où l’on attient un maximum à 38.9% puis un plateau, un peu plus faible, en 2020 (38.2%) et 2021 (38.1%).

Avis par régions

Dossiers en alinéa 6

Parmi les régions métropolitaines dans lesquelles le nombre de dossiers soumis au titre de l’alinéa 6 est plus élevé que la moyenne de 1 820 dossiers : les Hauts-de-France (2 689), la Nouvelle-Aquitaine (2 551), l’Ile-de-France (2 498), la région Auvergne / Rhône-Alpes (2 478) et la région Grand-Est (2 181).

Les taux des avis favorables varient de façon notable entre les régions (ce qui est un fait connu), allant de 27.2% en Bourgogne / Franche-Comté, 29.8% en région Paca à 55.5% en Pays-de-Loire et 66.3% en Bretagne. Les régions dans lesquelles les avis favorables sont au-dessus de la moyenne de 43% sont : la région Auvergne / Rhône-Alpes (45.5%), la région Grand-Est (45.8%), la Nouvelle-Aquitaine (46.9%), les Pays-de-Loire (55.5%) et la Bretagne (66.3%).

Dossiers en alinéa 7

Parmi les régions métropolitaines dans lesquelles le nombre de dossiers soumis aux CRRMP au titre de l’alinéa 7 est supérieur à la moyenne de 497 dossiers on trouve, la Nouvelle-Aquitaine (1 021), l’e (759), la région Auvergne/ Rhône-Alpes (649 et les Hauts-de-France (628).

En termes d’avis favorables aux dossiers soumis aux CRRMP au titre de l’alinéa 7 on constate aussi une inhomogénéité importante puisqu’il y a entre 13.7% d’avis favorables en Bourgogne / Franche-Comté et 76.7% en Bretagne (qui présente les taux les plus élevés d’avis favorable tant en alinéa 6 qu’en alinéa 7).

Les régions métropolitaines pour lesquelles les taux d’avis favorables sont supérieurs à la moyenne de 37.9% sont la Bretagne (76.7%), les Pays-de-Loire (53.9%), l’Ile-de- France (43.9%), la Nouvelle-Aquitaine (39%) et le Centre Val-de-Loire (38.6%). Parmi les taux les plus faibles, outre la Bourgogne / Franche-Comté déjà citée, la région Paca (25.6%) dans laquelle j’ai eu le plaisir de voir les deux dossiers de ma consultation de l’Hôtel Dieu soumis au CRRMP en alinéa 7 recueillir un avis favorable), la Normandie (30.6%), le Grand-Est (28.7%) et les Hauts-de-France(33.3%).

Évolution du nombre de saisine par une juridiction

En 2021, il y a, depuis 2011, un maximum de 1 434 dossiers soumis à un CRRMP par des juridictions. Les régions où l’on retrouve les nombres maximaux sont l’Occitanie (304 dossiers), les Hauts-de-France(167), le Grand-Est (154), la Bourgogne-Franche-Comté (152), le centre Val-de-Loire (132) et la Bretagne (123). En Ile-de- France, il y a eu 58 saisines du CRRMP par la justice.

Entre 2011 et 2021, on est passé de 704 saisines à 1 434 avec une tendance globale à l’augmentation sauf en 2019 (- 18.2%) et 2020 (- 23.4%) mais en 2021, l’augmentation a été de 38.5%.

Focus sur l’alinéa 6

Six tableaux de maladies professionnelles (TMP) représentent 95% des avis - soit 20 660 avis dont 8 746 (42.3%) ont donné lieu à un avis favorable - aux CRRMP pour tous les régimes ainsi que pour les contentieux.

Ces tableaux sont :

ü le TMP n° 57 des affections périarticulaires avec 17 001 (78.1%) avis dont 7 085 (41.7%) favorables ;

ü le TMP n° 98 des affections chroniques du rachis lombaire dues à la manutention de charges manuelles avec   2138 (9.8%) avis et 842 (39.4%) avis favorables ;

ü les TMP 30 et 30 bis des affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante avec 699 (3.2%) avis et 540 (77.2%) avis favorables ;

ü le TMP n° 79 des lésions chroniques du ménisque avec 599 (2.7%) demandes d’avis et 166 (27.7%) avis favorables ;

ü le TMP n° 42 des atteintes auditives provoquées par les bruits lésionnels avec 223 (1%) demandes d’avis et 113 (50.7%) avis favorables.

Focus sur l’alinéa 7

Concernant l’alinéa 7, trois ensembles de pathologies représentent près de 95% des cas de demandes d’avis aux CRRMP :

ü les troubles psychosociaux avec 3 367 demandes d’avis (56.7%) ;

ü les TMS avec 1 633 demandes d’avis (27.4%) ;

ü les cancers, avec 579 demandes d’avis (9.7%).

Avis relatifs aux tumeurs malignes au titre de l’alinéa 7

Parmi les tumeurs malignes pour lesquelles il y a le plus de demandes d’avis, on retrouve :

ü 167 tumeurs des voies urinaires dont 71 (42.51%) avis favorables ;

ü 116 tumeurs des organes respiratoires et intrathoraciques dont 30 (25.86%) avis favorables ;

ü 110 tumeurs malignes primitives ou présumées primitives des tissus lymphoïdes, hématopoïétiques et assimiles dont 39 (35.45%) avis favorables ;

ü 73 tumeurs des organes digestifs dont 11 (15.07%) avis favorables ;

ü 41 du tissu mésothélial et des tissus mous dont 19 (46.34%) avis favorables ;

ü 22 tumeurs malignes de la lèvres, de la cavité buccale et du pharynx dont 4 (18.18%) avis favorables ;

ü 11 tumeurs malignes de la peau dont 7 (63.64%) avis favorables.

Il n’y a donc pas de tumeur du larynx reconnue en maladie professionnelle.

Concernant les tumeurs de l’ovaire, il y a 7 demandes d’avis pour des tumeurs malignes des seins et des organes génitaux de la femme (dont au moins un cancer du sein), sans plus de précisions, dont une seule a été reconnue en maladie professionnelle.

Les avis relatifs aux affections psychiques de l’alinéa 7

Évolution du nombre de demandes d’avis

Le nombre de demandes d’avis pour des pathologies psychiques dans le cadre de l’alinéa 7 a augmenté de façon continue entre 2010 (136) et 2021 (3 370), soit une augmentation d’un peu plus d’un facteur 24.

On note cependant des augmentations importantes certaines années, ainsi le nombre de demandes a plus que doublé entre 2012 et 2013 (respectivement 225 et 512 demandes d’avis, + 40% entre 2015 et 2016 (respectivement 856 et 1204 demandes d’avis) et + 46.4% entre 2019 et 2020 (respectivement 2 137 et 3 130 demandes d’avis).

Taux d’avis favorables

Sur les 12 années prises en compte, la moyenne des avis favorables est proche de 48.5% avec une amplitude allant de 40% en 2012, le plus faible taux, à 52.8% en 2017, le taux le plus élevé. Entre 2015 et 2019, le taux des avis favorables a été supérieur à 50% à l’exception de l’année 2018 (49.4%).

 En 2020 et 2021, les taux d’avis favorables sont plus faibles, respectivement 48% et 48.5%.

Taux de reconnaissance des pathologies psychiques par région

Pour l’ensemble des régions, le taux de reconnaissance moyen est de 48.5%. On retrouve là aussi une inhomogénéité des taux entre les régions avec des taux compris entre 13% pour la Bourgogne / Franche-Comté et 86% pour la Bretagne.

Les régions pour lesquelles les taux sont plus élevés que la moyenne sont la Bretagne (86%), les Pays-de Loire (60%), la Nouvelle-Aquitaine (54%) et l’Ile-de-France et le Centre-Val-de Loire (52% chacun).

Focus amiante

Tableaux 30 et 30 bis

Les avis en alinéa 6 relatifs à l’amiante sont au nombre de 1 239  dont 540 ont recueilli un avis favorable (77.25%). Ces avis favorables sont ainsi répartis selon les pathologies :

ü asbestose, 51/66 (83.6%),

ü plaques pleurales, 107/123 (87%),

ü pleurésie exsudative, 7/8 (87.5%),

ü épaississement de la plèvre viscérale, 19/22 (86.3%),

ü dégénérescence maligne bronchopulmonaires, 34/41 (82.9%),

ü mésothéliome, 94/108 (87%),

ü autres tumeurs pleurales primitives, 1/2 (50%),

ü cancer bronchopulmonaire primitif du TMP n° 30 bis, 227/334 (67.7%).

Alinéa 7 avec agent causal l’amiante

Au total, il y a 199 avis soumis aux CRRMP - dont 184 pour le Régime général et 15 pour les autres régimes de protection sociale – dont 57 ont recueilli un avis favorable. Les avis favorables sont au nombre de 53 (28.8%) pour le Régime général et de 4 (26.6%) pour les autres régimes.

Les 2/3 des demandes (156) sont des tumeurs reconnues dans 1/3 des cas avec des localisations essentiellement pulmonaires, mésothéliales et digestives.

Hors tumeurs, les demandes concernent principalement les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) qui sont majoritairement rejetées à l’exception d’un avis favorable en 2021 où l’amiante est un co-facteur.

 

·     Maladies chroniques selon les niveaux de vie, les CSP et espérance de vie (Drees)

Il s’agit d’un document publié dans les Études et résultats n° 1243 de la Drees publié en octobre 2022. Il est intitulé «  Les maladies chroniques touchent plus souvent des personnes modestes et réduisent davantage leur espérance de vie. » et signé par MM. Allain et Costemalle de la Drees.

Vous pourrez y accéder en pièce jointe et à l’adresse internet en fin de commentaire.

Introduction

De 2012 à 2016, en France, l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les 5% de sujets les plus aisés et les 5% les plus modestes était de 13 ans pour les hommes et 8 ans pour les femmes.

Les maladies chroniques pourraient être à l’origine d’une part importante de ces inégalités de santé car elles constituent les causes de mortalité les plus fréquentes.

Ce document étudie l’incidence et la prévalence des maladies chroniques les plus fréquentes en 2021 (entre parenthèses, le nombre de sujets atteints en millions) : maladies cardioneurovasculaires (5.1 M.), le diabète (4 M.), les maladies respiratoires chroniques (3.7 M.), les cancers (3.3 M.), les maladies psychiatriques (2.5 M.), les maladies neurologiques ou dégénératives (1.7 M.), les maladies inflammatoires ou rares ou infectieuses (Sida, VIH) (1.3 M.) et les maladies du foie et du pancréas (0.6 M.).

Matériel et méthodes

Les données relatives aux pathologies, issues des données de la Caisse nationale d’Assurance maladie, sont appariées à des données socio-fiscales dans la base de données EDP-Santé pour les années 2016-2017.

L’étude porte sur la comparaison de l’incidence et de la prévalence de certaines des pathologies mentionnées ci-dessus en fonction du sexe, de l’âge, de la catégorie socio-professionnelle (CSP) et estime les différences d’inégalité de vie que cela peut entraîner.

Les revenus ont été répartis en déciles.

Résultats

Risque de développer une pathologie en fonction du revenu

Globalement, à l’exception des cancers, le risque de développer une maladie chronique est plus élevé dans la catégorie des sujets dont les revenus sont dans les 10% les plus faibles (1er décile) que dans celle des sujets aux revenus du 10e décile, correspondant aux 10% des revenus les plus élevés.

Selon la pathologie envisagée, à âge et sexe comparables, le facteur multiplicateur est compris entre 0.9 (cancers) et 2.79 (diabète, qui constitue la maladie chronique dont le risque augmente le plus en fonction du revenu).

Après le diabète les pathologies qui augmentent le plus en fonction du revenu entre le 1er et le 10e déciles sont les maladies du foie et du pancréas (facteur 2.2), les maladies psychiatriques (facteur 1.95), les maladies neurologiques ou dégénératives (facteur 1.49) et les maladies cardioneurovasculaires (facteur 1.36).

Le niveau de risque de voir survenir une maladie chronique varie globalement de façon décroissante avec l’augmentation du niveau de vie. Cependant, ce niveau est stable entre le 1er et le 2e décile pour le risque de survenue d’une maladie cardioneurovasculaire et d’une maladie chronique respiratoire.

Les cancers font exception à cette tendance à l’augmentation du risque de survenue en fonction des moindres revenus. En effet, pour le 1er décile, ce risque de survenue d’un cancer est moindre (facteur 0.74 pour les femmes et 0.82 pour les hommes) puis, quasiment à partir du 2e décile, le risque est stable.

Cependant, parmi les cancers, ceux des voies respiratoires et de l’œsophage touchent plus souvent les catégories plus défavorisées et leur pronostic est moins bon que lorsqu’ils touchent des sujets aux revenus plus élevés. D’autres cancers, tels que celui du sein, de la prostate et les mélanomes concernent plus fréquemment des CSP favorisées. Mais elles présentent des pronostics plus favorables, qui pourraient s’expliquer par un recours plus fréquent au dépistage.

Les origines de ces inégalités de santé sont multiples, parmi lesquelles, les conditions de vie et de travail, l’accès aux soins et la prise en compte de l’information concernant la santé.

Risque en fonction de la CSP

Entre ouvriers et cadres, le risque de survenue d’une pathologie est plus élevé d’un facteur multiplicateur 2.02 pour les maladies psychiatriques, 1.92 pour le diabète, 1.52 pour une maladie neurologique ou dégénérative, 1.5 pour une maladie du foie ou du pancréas, 1.4 pour une maladie respiratoire et 1.29 pour une maladie neurocardiovasculaire.

On retrouve les mêmes tendances pour les professions intermédiaires et les employés (entre parenthèses, respectivement les facteurs multiplicateurs pour les professions intermédiaires et les employés par rapport aux cadres servant de référence) : cancers (0.99 et 0.93), diabète (1.21 et 1.58), maladies cardioneurovasculaires (1.11 et 1.20), les maladies du foie et du pancréas (1.17 et 1.40), les maladies neurologiques ou dégénératives (1.15 et 1.30), les maladies psychiatriques (1.40 et 1.87) et les maladies respiratoires chroniques (1.14 et 1.33).

L’amplitude des inégalités de santé en termes de CSP est moindre que celle en termes de revenus.

Prévalence des pathologies en fonction des revenus

Les auteurs du rapport font la différence entre l’incidence et la prévalence des pathologies. Les inégalités sociales révélées par la prévalence d’une maladie chronique diffèrent de celles mises en évidence par son incidence. Ainsi, les sujets les plus modestes ont 2.8 fois plus de risque de vivre avec une maladie psychiatrique. Le fait de présenter jeune une maladie psychiatrique peut retentir sur la capacité de faire des études et d’avoir un emploi rémunérateur, ce qui pèse sur le niveau de vie. Il en est de même pour une personne avec un niveau de vie moyen chez laquelle apparaît une pathologie psychiatrique qui pèsera sur son niveau de vie.

En ce qui concerne le diabète, les inégalités sociales sont plus fortes chez les femmes que chez les hommes avec un rapport de risque de 3.6 entre les plus modestes et les plus aisées. Le rapport de risque est de 1.9 chez les hommes.

Pour les pathologies cardiovasculaires, le rapport de risque est de 1.5 entre les femmes les plus aisées et les plus modestes et de 1.23 chez les hommes. Pour les maladies psychiatriques, le rapport de prévalence entre hommes aisés et modestes est plus élevé (3.45) que chez les femmes (2.42). Les maladies du foie et du pancréas présentent un facteur de 2.82 entre hommes des catégories les plus aisées et les plus modestes, ce rapport est de 2.43 chez les femmes.

En revanche, les maladies respiratoires chroniques sont plus marquées entre les femmes de faible niveau de revenu et les femmes aisées (1.73) alors que le facteur multiplicateur est de 1.64 chez les hommes.

En revanche, en termes de cancer, les femmes cadres vivent plus souvent avec un cancer que les artisanes, commerçantes et cheffes d’entreprise, les employées et les ouvrières.

Maladies chroniques et espérance de vie

Quel que soit leur âge, les personnes atteintes d’une maladie chronique ont un risque de décéder plus important que celles qui ne sont pas atteintes.

Ce risque chez les personnes atteintes d’une pathologie chronique se cumule avec le fait d’avoir des revenus modestes.

Entre 2016 et 2017, l’espérance de vie estimée est de 85.2 ans pour les femmes et 79.8 ans pour les hommes.

L’espérance de vie des personnes sans pathologie chronique est de 94.6 ans (+ 9.3 ans) pour les femmes et de 91.8 ans (+ 12 ans) pour les hommes.

Il n’y a pas de pathologies chroniques chez 78% des sujets de 50 à 54 ans contre 49% de celles âgées de 70 à 74 ans et 25% de celles âgées de 90 à 94 ans.

Ainsi, la différence d’espérance de vie est de 3.8 ans entre les personnes les plus aisées et les plus modestes. L’écart passe à 6.2 ans si l’on prend en compte la présence d’une maladie chronique.

https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-10/ER1243.pdf

 

·     Cadres et travail (APEC)

Je vous présente quelques réponses aux questions posées dans les questions mensuelles que l’Apec (Agence pour l’emploi des cadres) pose aux cadres en poste. Donc pas de notion de représentativité des répondants et sûrement des biais.

Surcharge de travail

La question posée est de savoir s’il arrive aux répondants de ressentir (entre parenthèses, respectivement « souvent » et « souvent et occasionnellement ») :

ü la sensation d’avoir une charge de travail insurmontable (15% et 55%) ;

ü un sentiment d’épuisement professionnel (14% et 54%) qui a amené 19% des cadres à prendre un arrêt de travail ;

ü un niveau de stress intense (15% et 54%) ;

ü la sensation de ne pas pouvoir décrocher de leur travail le soir et le week end (17% et 51%) ;

ü un sentiment de déprime, de dépression (8% et 39%) ;

ü un sentiment d’isolement excessif (7% et 32%) ;

ü le sentiment d’être harcelé (5% et 20%).

Difficultés ressenties

Les taux indiqués, respectivement pour les managers et les non-managers, correspondent aux questions relatives aux items suivants ressentis souvent ou occasionnellement :

ü la sensation d’avoir une charge de travail insurmontable (65% et 47%) ;

ü un sentiment d’épuisement professionnel (62% et 48%) ;

ü un niveau de stress intense (64% et 48%) ;

ü la sensation de ne pas pouvoir décrocher de leur travail le soir et le week end (66% et 40%) ;

ü un sentiment de déprime, de dépression (41% et 37%) ;

ü un sentiment d’isolement excessif (32% et 31%) ;

ü le sentiment d’être harcelé (20% et 21%).

Dégradation de l’état de santé psychologique

Les cadres indiquent que leur état de santé psychologique s’est dégradé, est resté stable ou s’est amélioré (respectivement, entre parenthèses) :

ü ensemble des cadres (25%, 67% et 9%) ;

ü hommes (24%, 68% et 8%) ;

ü femmes (16%, 63% et 11%) ;

ü managers (27%, 63% et 10%) ;

ü non-managers (23%, 69% et 8%).

Effet de la mise en place du télétravail

Les répondants exerçant en télétravail estiment que la mise en place du télétravail a eu un impact négatif, aucun impact et un impact positif (respectivement entre parenthèses) :

ü ensemble des cadres (11%, 25% et 62%) ;

ü hommes (18%, 28% et 58%) ;

ü femmes (9%, 20% et 70%) ;

ü managers (12%, 29% et 58%) ;

ü non-managers (10%, 24% et 65%).

Action des entreprises sur la santé psychologique

Les cadres sont, globalement, 46% à juger que les actions mises en œuvre pour préserver la santé psychologique des salariés sont insuffisantes. Selon les caractéristiques socio-démographiques, ces taux sont de :

ü 46% pour les hommes et les femmes ;

ü 36% pour les moins de 35 ans, 50% pour les 35-54 ans et 52% pour les 55 ans et plus ;

ü 52% pour les managers et 42% pour les non-managers.

En cas de difficultés psychologiques

Il est demandé vers quel interlocuteur les cadres se tourneraient en cas de difficultés psychologiques telles que stress, isolement, déprime, harcèlement, épuisement. Les réponses sont (entre parenthèses, respectivement « oui » dont « oui, certainement ») :

ü les collègues (60% et 14%) ;

ü le manager (58% et 14%) ;

ü la médecine du travail (52% et 15%) ;

ü le service RH (37% et 7%).

Vigilance du manager

Les cadres apprécient ainsi la vigilance de leur manager vis-à-vis de leur santé psychologique :

ü 13% le considèrent tout à fait vigilant ;

ü 44% plutôt vigilant ;

ü 25% pas vraiment vigilant ;

ü Et 18% pas du tout vigilant.

https://corporate.apec.fr/home/espace-medias/1-cadre-sur-4--estime-que-sa-sante-mentale-sest-degradee--ces-2-dernieres-annees.html

 

Voilà pour cette lettre d’information… Je suivrai l’évolution des choses concernant, d’une part, la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers du larynx et de l’ovaire et, d’autre part, la réforme des retraites… A bientôt…

 

Jacques Darmon


 

 


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