Lettre d'information du 19 novembre 2023

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Le 19 novembre 2023

 

Au sommaire de cette lettre… Parmi les textes de loi… Un retour, après sa suppression par le gouvernement, d’une proposition de rédaction de l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale émanant des partenaires sociauxJurisprudence… Une question prioritaire de constitutionnalité adressée par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel au sujet de la légalité des articles de loi ne permettant pas ou en limitant l’acquisition de congés payés durant les arrêts maladieUn point sur la visite de reprise, son organisation, ses conditions et la possibilité qu’elle ait lieu alors que le salarié est en arrêt maladieUne décision du conseil d’Etat sur le placement et le retrait du congé d’invalidité temporaire imputable au service (CITIS)Un rapport de l’Anses sur les leucémies myéloïdes en lien avec l’exposition professionnelle au formaldéhydeUne étude sur les effets du job strain et du déséquilibre efforts/récompenses sur la survenue de maladies coronarienne, séparément ou en combinaisonUn point succinct sur les facteurs de risque psychosociaux dans la fonction publique…

 

Les lettres d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse suivante : https ://bloglettreinfo.blogspot.com/.

 

·       Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d’État

 

Réécriture par les partenaires sociaux de l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024

Le feuilleton de l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (PLFSS) continue. Une première rédaction dans le projet de loi a entraîné, suite aux protestations des partenaires sociaux et des associations de défense des victimes, un retrait de cet article par le gouvernement.

Les partenaires sociaux ont adressé unanimement un courrier au ministre du travail du plein emploi et de l’insertion, le 14 novembre 2023, en proposant de réintégrer dans le PLFSS 2024 les modifications suivantes des articles du Code de la Sécurité sociale. Ils prennent ainsi en compte les évolutions jurisprudentielles des arrêts de la Cour de Cassation du 20 janvier 2023 spécifiant que le déficit fonctionnel permanent n’est pas compris dans le taux d’incapacité permanente déterminé par le médecin conseil après la consolidation (voir le blog).

Le 2e alinéa de l’article L. 434-2 est remplacé par les quatre alinéas suivants modifiant l’indemnisation de l’incapacité permanente :

« Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente forfaitaire composée de deux parts :

Une part, dite professionnelle, correspondant à la perte de gains professionnels et à l’incidence professionnelle de l’incapacité. Elle est égale au salaire annuel modulé, multiplié par le taux d’incapacité. Le salaire annuel modulé est égal à une fraction du salaire annuel de la victime ou du salaire annuel minimum mentionné à l’article L. 434‑16, dégressive en fonction du niveau de ce salaire. Le taux d’incapacité peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité des lésions et de l’atteinte portée aux perspectives de la victime sur le marché du travail ;

2° Une part, dite fonctionnelle, correspondant au déficit fonctionnel permanent de la victime. Elle est déterminée à partir d’un taux d’incapacité fonctionnelle multiplié par une valeur de point fixée par un barème fonctionnel qui tient compte notamment de l’âge de la victime.

Pour la part professionnelle, les règles de modulation du salaire annuel et de détermination du taux d’incapacité mentionnées au 1° sont proposées par la commission mentionnée à l’article L. 221-5 [NDR – La Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, la CATMP] et approuvées par voie réglementaire. En l'absence de décision de la commission, à l'issue d'un délai de neuf mois, ces règles sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Pour la part fonctionnelle, les modalités d’élaboration du barème fonctionnel et les orientations guidant la détermination du taux d’incapacité fonctionnelle mentionnés au 2° sont définies par la commission mentionnée à l’article L. 221-5 et approuvées par voie réglementaire. En l'absence de décision de la commission, à l'issue d'un délai de neuf mois, ces règles sont déterminées par arrêté des ministres chargés du travail et de la santé. »

Il est aussi proposé une modification de l’article L. 452-2 d’indemnisation de la faute inexcusable de l’employeur prenant en compte la modification de l’article L. 434-2 évoquée ci-dessus.

Ainsi, le 3e alinéa de cet article est remplacé par l’alinéa suivant :

« Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, la part professionnelle et la part fonctionnelle mentionnées respectivement aux 1° et 2° du I de l’article L. 434‑2 sont majorées. Le montant de la majoration de la part professionnelle est fixé de telle sorte que la part professionnelle de la rente majorée ne puisse excéder la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, ou, dans le cas d’incapacité totale, le montant de ce salaire. Le montant de la majoration de la part fonctionnelle est calculé sur le fondement du taux d’incapacité et du barème mentionnés au 2° du I de l’article L. 434‑2 dans des conditions et limites définies par la commission mentionnée à l'article L. 221-5 et approuvées par voie réglementaire. En l'absence de décision de la commission à l'issue d'un délai de neuf mois, ces règles sont déterminées par décret. »

La CATMP devrait établir avant le 30 septembre 2024 un rapport évaluant les conséquences des modifications apportées par leur proposition en termes d’amélioration de la réparation des victimes et d’articulation avec la réparation de la faute inexcusable.

Il est proposé que les modifications apportées au Code de la Sécurité sociale ci-dessus rentrent en application au plus tard le 31 décembre 2024.

 

·       Jurisprudence

 

Question prioritaire de constitutionnalité

Il s’agit d’un arrêt du 15 novembre 2023, Cass. soc., pourvoi n° 23-14806, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation.

Des jurisprudences du 13 septembre 2023 ont permis l’acquisition de congés payés durant un arrêt maladie d’origine non professionnelle et la possibilité d’en acquérir au-delà d’un an pour les arrêts de plus d’un an pour les accidents du travail ou les maladies professionnelles.

Les jurisprudences citées ci-dessus sont des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, pourvois n° 22-17340 et n° 22-17638 (voir le commentaire de ces arrêts sur le blog). Ceci, en contradiction avec deux règles énoncées dans le Code du travail aux articles L. 3141-3 et L. 3141-5 (5°).

La Cour de cassation, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a pour rôle de filtrer ces QPC qui seront transmises au Conseil constitutionnel. Les QPC doivent, en effet, répondre à plusieurs critères avant d’être transmises : être posées dans le cadre d’un litige, avoir un caractère sérieux et ne pas avoir fait l’objet d’une conformité par le Conseil constitutionnel.

Faits et procédure

Dans le cas présent, une salariée a été en arrêt pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014 puis pour un accident du travail du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019.

La salariée, dans le cadre d’un pourvoi contre un arrêt d’une cour d’appel qui n’a pas donné suite à ses demandes de paiement de ses congés payés durant ses absences maladies, a souhaité poser une QPC sur la légalité des deux articles cités ci-dessus au regard de la législation européenne.

Les questions posées par la salariée

« 1°/ Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ?

2°/ L'article L. 3141-5, 5°, du code du travail porte-il atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ? »

Examen des QPC par la Cour de cassation

« Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne les conditions d'acquisition de droits à congé payé d'une salariée pour les périodes pendant lesquelles, soit elle n'a pas exécuté de travail effectif en raison de son état de santé, soit son arrêt de travail n'a pas été assimilé à du travail effectif.

Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

La première question présente un caractère sérieux en ce que, en cas d’absence du salarié de l’entreprise en raison d’un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté, l’article L. 3141-3 du code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l’arrêt de travail a une origine non professionnelle et l’article L. 3141-5, 5°, du même code ne permet pas l’acquisition de droit à congé payé au-delà d’une période ininterrompue d’un an en cas d’arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

La seconde question posée présente également un caractère sérieux en ce que l’article L. 3141-5, 5°, du code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie, selon l’origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l’arrêt de travail.

En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel. »

Le Conseil constitutionnel devra donc se prononcer sur la légalité de ces articles du Code du travail et, éventuellement, les abroger pour qu’une nouvelle version soit rédigée. Il en avait été ainsi en 2012 où le Conseil constitutionnel avait été saisi, par une QPC, sur la légalité de l’article 222-33 du Code pénal relatif au harcèlement sexuel - car manquant de précision - et l’avait abrogé car contraire à la Constitution. Une nouvelle version de cet article avait été publiée dans la loi n° 2012-954 du 6 août 2012.

https://www.courdecassation.fr/decision/65546ee9a52b348318098274

 

Jurisprudences sur la visite de reprise et l’inaptitude

Préambule

Il m’apparaît important de faire un point sur la visite de reprise, son organisation et la possibilité de la réaliser lorsque le salarié est encore en arrêt maladie au moment où il passe cette visite à partir de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Comme la Cour de cassation l’indique sur son site, elle « remplit une mission essentielle: unifier et contrôler l'interprétation des lois.

La Haute Juridiction garantit ainsi à chacun une égalité de traitement devant les juges. »

Ainsi, en respectant les jurisprudences de la Cour de cassation, il est difficile d’être pris en défaut.

Les jurisprudences citées dans ce commentaire sont toutes des jurisprudences publiées au Bulletin d’information de la Cour de cassation, ce sont donc des jurisprudences qui ont une valeur jurisprudentielle conséquente. Le fait que certaines soient anciennes n’enlève rien à leur signification dans la mesure où, sur le même thème, il n’y a pas eu de revirement de la Haute juridiction comme cela arrive parfois (ainsi, récemment, le 13 septembre 2023 revirement de la Cour de cassation sur l’acquisition de congés durant les arrêts maladie, voir le blog). Ce que je suis avec attention dans le domaine de la santé au travail.

Sur le thème de la déclaration d’inaptitude alors qu’un salarié est encore en arrêt maladie, je reviens sur une jurisprudence relativement récente, commentée dans l’une de mes lettres d’information (voir sur le blog). Dans cet arrêt - Cass. soc. pourvoi n° 22-10517, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation -  elle écrit « Il résulte de la combinaison des articles L. 4624-4 et R. 4624-34, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 [NDR – Lien vers la version en vigueur], du code du travail, que le médecin du travail peut constater l'inaptitude d'un salarié à son poste à l'occasion d'un examen réalisé à la demande de celui-ci sur le fondement de ce second texte, peu important que l'examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail ».

Ainsi, il est clair qu’une inaptitude peut être déclarée pour un salarié qui est toujours en arrêt maladie.

Je souhaite, dans cette revue de jurisprudence, me centrer sur la visite de reprise et l’éventuelle inaptitude au décours de celle-ci.

Organisation de la visite de reprise

Normalement, l’organisation de la visite de reprise incombe à l’employeur qui doit solliciter le service de santé au travail dès lors que l’arrêt maladie du salarié prend fin (article R. 4624-31 du Code du travail) ou que le salarié informe son employeur qu’il a été reconnu en invalidité et qu’il n’indique pas expressément qu’il ne souhaite pas reprendre le travail. Au sujet de cette dernière éventualité, voir l’arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2011, pourvoi n° 09-43172, publié au Bulletin d’information, dans lequel, la Cour de cassation écrivait « dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise laquelle met fin à la suspension du contrat de travail. »

Lorsque l’employeur n’organise pas cette visite de reprise, dans les délais prévus par le Code du travail à l’article R. 4624-31, cela peut constituer un manquement grave à l’obligation de sécurité comme cela a été le cas dans l’arrêt n° 09-66140 du 6 octobre 2010 qui a considéré que cela justifiait la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.

Cependant, la Cour de cassation reconnaît qu’il est possible au salarié de demander directement au médecin du travail, ou au service interentreprises, la visite de reprise sous réserve d’en avertir l’employeur. C’est ce qui est énoncé dans la 3e édition (page 576) de l’excellent ouvrage « L’état de santé du salarié » (M. Blatman, P-Y. Verkindt et S. Bourgeot, Éditions Liaisons 2014) : « Si l’initiative de la visite de reprise incombe à titre principal à l’employeur dont elle est une véritable obligation, la jurisprudence a admis que le salarié puisse prendre l’initiative sous certaines conditions (Cass. soc., 4 fév. 2009, pourvoi n° 07-44.498 et 9 juin 2010, n° 08-42-669 ; Cass. soc., 26 janvier 2011, pourvoi 09-68.544 : le salarié doit avoir averti son employeur ; dans le cas contraire, la visite ne peut pas valoir comme visite de reprise, en ce sens Cass. soc., 17 octobre 2012, pourvoi n° 11-23.708 ; Cass. soc., 12 déc. 2012, pourvoi n° 11-30.312). »

Un arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 1997, Cass. soc., pourvoi n° 95-40632, publié au Bulletin d’information, précisait déjà bien cela : « La visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du Travail en avertissant l'employeur de cette demande. »

Importance de la qualification de visite de reprise

Il importe beaucoup qu’une visite de reprise soit bien qualifiée comme telle et non susceptible d’être contestée, ce qui entraînerait des conséquences sur l’avis qui a été émis par le médecin du travail. En effet, comme cela a déjà été indiqué ci-dessus, cette visite marque la fin de la suspension du contrat de travail du point de vue de la jurisprudence. Ainsi, un salarié pourra avoir repris le travail et être toujours considéré en suspension du contrat de travail car il n’a pas passé la visite de reprise du travail. Ceci peut avoir des conséquences importantes, en particulier, en cas de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, le salarié bénéficie d’une protection spécifique (article L. 1226-9 du Code du travail) n’autorisant le licenciement que dans le cadre d’une faute grave ou d’un cas de force majeure.

Plusieurs jurisprudences ont traité ce thème au début des années 2000.

Ainsi l’arrêt du 8 janvier 2003, Cass. soc., pourvoi n° 01-40.388, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation, dont le résumé est le suivant : « Un fait commis par un salarié atteint d'une maladie professionnelle au cours de la période de suspension du contrat de travail, qui ne prend fin qu'avec la visite de reprise du médecin du travail, ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s'il constitue une faute grave, même si le licenciement est prononcé à l'issue de la période de suspension. »

Les conditions d’une visite de reprise

La jurisprudence a déterminé trois conditions pour qu’une visite soit considérée comme une visite de reprise :

ü la visite doit avoir été demandée par l’employeur ou par le salarié, dans ce cas l’employeur doit en avoir été averti. Cette nécessité apparaît dans un arrêt du 4 février 2009, Cass. soc., pourvoi n° 07-44.498, publié au Bulletin, dans lequel la Cour de cassation écrit : « Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié, sans se présenter à son travail afin que l'employeur organise la visite de reprise, a pris l'initiative de se rendre chez un médecin du travail sans en avertir la société Cegelec Sud-Est, a exactement décidé que cette visite ne remplissait pas les conditions de l'article R. 241-51, alinéas 1 et 3, du code du travail devenus les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail pour être qualifiée de visite de reprise ». (Les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 sont devenus respectivement les articles R. 4624-31 et 32).

ü le salarié se présente devant le médecin du travail pour passer la visite de reprise (même s’il n’est pas souvent question d’une reprise effective du travail dans les cas où l’on peut considérer qu’il n’y pas de possibilité de reclassement) ;

ü le médecin indique sur l’avis qu’il émet qu’il s’agit d’une visite de reprise et qu’il a réalisé ou fait réaliser l’étude de poste et l’étude des conditions de travail.

Visite de reprise, inaptitude et arrêt de travail.

J’ai été à plusieurs reprises, dans le cadre de mon activité hospitalière, confronté à des médecins du travail qui retardaient la visite de reprise du travail car le salarié était encore en arrêt maladie. Ceci est fortement susceptible de causer du tort aux salariés qui peuvent, en particulier, se trouver sans revenu si le médecin conseil a décidé de mettre fin aux indemnités journalières rapidement. La réalisation de la visite de reprise du travail pour réaliser l’inaptitude pouvant nécessiter du temps pour faire l’étude de poste et des conditions de travail et, après, l’inaptitude, l’employeur pouvant prendre jusque un mois pour licencier le salarié, certains patients se trouvent dans une situation difficile pendant une certaine période, sans revenus.

Or, il est tout à fait possible de réaliser une visite de reprise, et d’émettre un avis d’inaptitude, alors que le salarié est en arrêt de travail.

Ceci, selon une jurisprudence constante depuis le début des années 2000. Il en est ainsi dans un arrêt du 19 janvier 2005, Cass. soc., pourvoi n° 03-41.479, publié au Bulletin. Dans cet arrêt, la Cour de cassation écrit : « Lorsque les avis du médecin du travail ont été délivrés en vue de la reprise du travail par le salarié et que l'employeur en a eu connaissance, la période de suspension du contrat de travail au sens de l'article R. 241-51 du Code du travail a pris fin, peu important à cet égard que le salarié ait continué à bénéficier d'un arrêt de travail de son médecin traitant. »

Lors de la réunion du Forum Saint Jacques du 9 septembre 2023, la cheffe de l’inspection médicale du travail avait répondu à une question à ce sujet.

Question

« La Cour de cassation dans des arrêts a confirmé à plusieurs reprises que dès lors que le salarié demande à passer la visite de reprise, que l’employeur en est averti et que le médecin du travail indique sur l’avis qu’il s’agit d’une visite de reprise, celle-ci est valide même si le salarié est en arrêt maladie.

Quelle est la position de la DGT vis-à-vis de ce point ? »

Réponse

« La DGT ne peut que relayer les principes édictées par les jurisprudences. Sur ce point en cas d’avis d’inaptitude délivrée ainsi avant la fin de l’arrêt maladie, c’est alors cette procédure qui devient prioritaire et s’impose à l’employeur: le délai d’un mois pour reclasser le salarié commence à courir. L’employeur ne doit pas considérer que la poursuite de l’arrêt maladie suspend son obligation de recherche de reclassement. Au vu du code du travail, la visite de reprise a mis fin à la suspension du contrat de travail et donc l’employeur doit se concentrer sur la procédure consécutive au constat de l’inaptitude du salarié, peu important que l’assurance maladie, de son coté, poursuive l’indemnisation du salarié. »

Conditions pour la mise en œuvre et le retrait d’un congé d’invalidité temporaire imputable au service

C’est un arrêt du Conseil d’Etat du 3 novembre 2023 – n° 465818, mentionné au recueil Lebon – dans lequel il est fait un point sur les conditions d’attribution et de retrait du congé d’invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Le CITIS permet, pendant sa durée qui n’est pas, a priori, limitée, un maintien du traitement indiciaire, de l'indemnité de résidence et du supplément familial de traitement (sont donc exclues les primes).

Faits et procédure – Une fonctionnaire, Mme A., puéricultrice hors classe exerçant les fonctions de directrice de crèche au sein d’une commune a été victime, le 29 novembre 2019, d’un accident de service. Cet accident a été reconnu imputable au service et il a été consolidé le 1er avril 2021. À partir du 25 mai, cette fonctionnaire est de nouveau en arrêt d’un mois, renouvelé à plusieurs reprises, pour des troubles qu’elle attribue aux suites de son accident imputable au service. Le maire de la commune place Mme A. en CITIS, à compter du 31 juillet 2021, par un arrêté du 19 août 2021, pour une durée initiale d’un mois qui sera prolongée par plusieurs arrêtés successifs.

Cependant, à la suite d’un arrêt défavorable émis par le comité médical départemental relatif à la reconnaissance du lien des arrêts depuis le 25 mai 2021 avec l’accident imputable au service [NDR – Le comité médical deviendra le conseil médical suite au décret n° 2022-350 du 11 mars 2022 (art. 5)], le maire a retiré les arrêtés de placement en CITIS et a placé, par un arrêté du 25 avril 2022, Mme A. en congé de maladie ordinaire du 25 mai 2021 au 6 mai 2022.

Mme A. a saisi le tribunal administratif qui n’a pas fait droit à sa demande de suspension de l’arrêté du 25 avril 2022 sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de la justice administrative. Elle se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’Etat.

Rappel des textes de loi

Le Conseil d’Etat rappelle les textes invoqués dans cet arrêt.

L’article L. 521-1 du Code de la justice administrative dispose que, lorsqu’une décision administrative fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés peut en ordonner la suspension si l’urgence le justifie et s’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Le CITIS est prévu à l’article L. 822-21 du Code général de la fonction publique pour les fonctionnaires victimes d’un accident de service (L. 822-18), d’un accident de trajet (L. 822-19) ou d’une maladie imputable au service (L. 822-20).

Le CITIS peut être attribué, selon les modalités de l’article 37-2 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987, à l’issue du délai imparti à l’administration territoriale pour statuer sur l’imputabilité de l’accident ou la de la maladie au service, soit respectivement un mois ou deux mois après leur déclaration (article 37-5). Au terme de ces délais, si l’instruction n’est pas terminée, l’agent est placé en CITIS à titre provisoire. Puis, après un délai supplémentaire de 3 mois afin de terminer l’instruction, si l’accident ou la maladie professionnelle est reconnue imputable au service, l’agent a droit au CITIS et si l’instruction administrative n’est pas terminée, l’agent est placé en CITIS à titre provisoire pour la durée de l’arrêt maladie, et éventuellement de ses prolongations. Dans le cas où, in fine, l’accident ou la maladie n’est pas reconnu imputable au service, l’administration « retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versée. » (article 37-9 du décret n° 87-602 mentionné ci-dessus).

Enfin, l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que « L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision

La réponse du Conseil d’Etat

« Il résulte des dispositions de l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987 citées au point 3 [NDR – Le rappel des textes de loi ci-dessus] que lorsque l'administration décide de placer un agent en congé pour invalidité temporaire imputable au service, elle doit être regardée comme ayant, au terme de son instruction, reconnu l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie à l'origine de cette invalidité temporaire. Cette décision est créatrice de droits au profit de l'agent. Par suite, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande de l'agent, l'autorité territoriale ne peut retirer ou abroger un tel arrêté, s'il est illégal, que dans le délai de quatre mois suivant son adoption, et ne saurait ultérieurement, en l'absence de fraude, remettre en cause l'imputabilité au service ainsi reconnue. Tel n'est pas le cas, toutefois, lorsque cette autorité, en application des dispositions de l'article 37-5 du décret du 30 juillet 1987 citées au point 3, a entendu faire usage de la possibilité qui lui est offerte, lorsqu'elle n'est pas en mesure d'instruire la demande de l'agent dans les délais impartis, de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre seulement provisoire et que la décision précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987, un tel placement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire ne valant pas reconnaissance d'imputabilité, et pouvant être retiré si, au terme de l'instruction de la demande de l'agent, cette imputabilité n'est pas reconnue.

Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'arrêté du 19 août 2021 plaçant Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service ne précise pas que cette décision pouvait être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 5 [NDR – L’article 37-9 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987] que cet arrêté ne peut être regardé comme ayant placé Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre seulement provisoire, et doit être regardé comme reconnaissant l'imputabilité au service de sa rechute. Dès lors, le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque ne pouvait légalement, plus de quatre mois après cette décision créatrice de droits, remettre en cause l'imputabilité ainsi reconnue. Il ne pouvait donc légalement, par son arrêté du 25 avril 2022, retirer l'arrêté du 19 août 2021 plaçant Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service. Il ne pouvait davantage retirer, en tout état de cause, au seul motif que la commune refusait de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute de Mme A..., les arrêtés ultérieurs ayant prolongé ce congé. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de la rétroactivité illégale de l'arrêté du 25 avril 2022 n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.

Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative [permettant au Conseil d’Etat de régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie]. »

Le Conseil d’Etat se prononce aussi sur la notion d’urgence et le doute sérieux relatif à la légalité de la décision, permettant une prise de décision au sujet de ces cas.

« Sur la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 :

En ce qui concerne l'urgence :

La condition d'urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Eu égard aux effets pécuniaires sur le traitement de Mme A... de la décision dont la suspension est demandée, compte tenu de sa situation personnelle, et alors que la commune se borne à soutenir que l'arrêté n'emporte par lui-même remboursement du trop-perçu, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme remplie.

En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux :

Il résulte de ce qui a été dit au point 6 [NDR – Référence à l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration] que le moyen tiré de ce l'arrêté du 25 avril 2022 méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité.

Il résulte de ce qui précède que Mme A... est, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque du 25 avril 2022.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune Saint-Laurent-de-la-Salanque la somme de 4 500 euros à verser à Mme A..., pour l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. »

Le Conseil d’Etat renvoie l’affaire au fond avec cette décision que « L'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 du maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque est suspendue jusqu'à ce que le tribunal administratif de Montpellier ait statué sur la requête de Mme A… »

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048347873?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat

 

·     Avis sur le lien leucémies myéloïdes et exposition au formaldéhyde (Anses)

Un rapport de l’Anses intitulé « Leucémies myéloïdes en lien avec l’exposition professionnelle au formaldéhyde » résultant d’une expertise collective daté de février 2023 a été rendu public récemment. L’avis dont je tire les éléments de ce commentaire a été signé par le Pr Benoît Vallet.

L’avis est « relatif à l’expertise sur les leucémies myéloïdes en lien avec l’exposition professionnelle au formaldéhyde en vue de la création d'un tableau de maladie professionnelle ou de l’élaboration de recommandations aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) ».

Vous pourrez accéder à ce document sur le site de l’Anses à l’adresse en fin de commentaire et en pièce jointe (uniquement sur le blog du fait du poids du document).

Introduction

Les présents rapport et avis sont issus d’une saisine en février 2021 de l’Anses par la Direction générale du travail, la Direction de la Sécurité sociale et la Direction des affaires financières, sociales et logistiques pour réaliser une expertise préalable à la création et/ou une modification de tableau en lien avec les expositions professionnelles au formaldéhyde.

Ceci rentre dans le cadre du rôle d’expertise scientifique de l’Anses pour l’élaboration de nouveaux tableaux de maladies professionnelles ou leur modification.

Ces rapports et avis étant ensuite soumis aux organismes dans lesquels les partenaires sociaux ont en charge de s’accorder sur la publication d’un tableau, Commission spécialisée des maladies professionnelles (CS4) du Coct pour le Régime général (RG) et la Cosmap (Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture) pour le Régime agricole (RA).

Ensuite, un décret publie le tableau, comme cela s’est récemment passé pour les cancers du larynx et de l’ovaire en lien avec l’amiante (voir le blog).

Données sur les relations entre formaldéhyde et leucémies myéloïdes (LM)

Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), dans des travaux réalisés en 2006 et 2012, a conclu que le formaldéhyde est une substance cancérogène avéré pour l’humain (groupe 1 pour le nasopharynx et les leucémies). Au niveau européen, le formaldéhyde est classé comme substance pouvant provoquer le cancer (cancérogène de catégorie 1B et est susceptible d’induire des anomalies génétiques (mutagénicité de catégorie 2) pour les tumeurs du nasopharynx.

En France, les travaux exposant au formaldéhyde figurent dans l’arrêté du 26 octobre 2020 fixant la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes au sens du Code du travail (article R. 4414-59).

Actuellement, quatre tableaux de maladies professionnelles (TMP) sont consacrés au formaldéhyde, les tableaux 43 RG et 28 RA portant sur des affections provoquées par le formaldéhyde (dermites, eczéma, rhinite et asthme) et les TMP 43 bis RG et 28 bis RA concernant le cancer des fosses nasales et des sinus de la face.

Entre 2011 et 2021, huit demandes de reconnaissance en maladie professionnelle de leucémies myéloïdes ont été faites et seulement trois d’entre elles ont été reconnues.

Lien de causalité entre LM et exposition au formaldéhyde

Pour établir ce lien, l’Anses s’appuie sur la démarche méthodologique qu’elle a élaborée dans son guide méthodologique de 2020 en s’appuyant sur les revues institutionnelles, éventuellement complétées par des travaux plus récents.

En l’occurrence, l’Anses s’est appuyée sur les travaux du Circ déjà cités et sur le rapport du National Research Council (NRC) publié en 2014. Ces deux rapports concluent à une relation causale entre l’exposition au formaldéhyde et la survenue de LM. Le NRC indiquant, en outre qu’il pouvait y avoir une augmentation du risque d’autres cancers lympho-hématopoïétiques avec, cependant, des preuves moins solides.

Les conclusions du rapport du NRC sont basées sur trois études de cohortes dans les industries utilisant du formaldéhyde, une étude cas-témoins, trois étude de cohortes de travailleurs employés de pompes funèbres, thanatopracteurs, anatomistes et pathologistes et une étude cas-témoins en population générale.

Ces études ont montré une augmentation de la mortalité par LM due à l’exposition au formaldéhyde ou une association positive entre l’exposition au formaldéhyde et le risque de survenue des LM. Ces études ont permis de prendre en compte le lien de l’exposition au formaldéhyde avec les leucémies myéloïde aigues et chroniques.

Dans certaines études, des relations dose-réponse ont été mises en évidence mais dans d’autres cette relation n’était pas significative. Des recherches dans sept études plus récentes sur ce sujet ont montré, dans certaines études, une augmentation significative du risque de LM en fonction de certains indicateurs - durée d’exposition, nombre d’embaumements effectués, exposition cumulée, intensité moyenne d’exposition et pics d’exposition - alors qu’elle n’était pas significative dans d’autres.

En revanche, les deux études institutionnelles ne concluent pas quant à l’existence d’un lien causal entre exposition au formaldéhyde et leucémies lymphoïdes. Une revue de trois études récentes à ce sujet n’a pas pu apporter d’éléments plus en faveur de cette relation.

Ainsi, « Sur la base des résultats et de la conclusion du rapport du NRC, l’expertise de l’Anses conclut qu’il existe une augmentation du risque de leucémies myéloïdes chez les personnes exposées au formaldéhyde et que la relation causale entre l’exposition au formaldéhyde et les leucémies myéloïdes est avérée. »

Caractéristiques épidémiologiques des LM

Voici, ci-dessous, les caractéristiques épidémiologiques respectives des leucémies aiguës (LMA) et des leucémies chroniques (LMC) :

ü âge médian de survenue, de 72 ans chez les hommes et 69 ans chez les femmes pour les LMA et respectivement 62 ans et 61 ans pour les LMC ;

ü incidence standardisée pour 100 000 personnes-années de 2.3 pour les hommes et 3.1 pour les femmes pour la LMA et 0.7 et 1.0 pour la LMC ;

ü survie nette standardisée à 1 an de 50% et de 27% à 5 ans pour la LMA et de respectivement 96% et 85% pour la LMC ;

ü taux de mortalité en excès à 80 ans (nombre par personne-année), 2 pour les LMA et 0.05 pour les LMC ;

ü tendance évolutive (incidence par année entre 1998 et 2018), + 0.9% chez les hommes et + 1.2% chez les femmes pour les LMA et 0% pour les hommes et – 0.7% pour les femmes pour la LMC.

Facteurs de risque de survenue de LM

Les facteurs de risque professionnels de survenue de LM sont les expositions aux rayonnements ionisants, au 1.3-butadiène, au benzène et les activités dans l’industrie du caoutchouc.

Les facteurs non professionnels sont les traitements par chimiothérapie, le traitement par phosphore 32, le tabac et certaines anomalies génétiques (trisomie 21 et maladie de Fanconi).

Secteurs d’activités et professions exposant au formaldéhyde

De nombreux secteurs d’activité, de professions et de travaux exposant au formaldéhyde ont pu être mis en évidences à travers l’étude de différentes sources de données : matrice emploi-exposition, enquêtes Sumer, Réseau RNV3P des consultations de pathologies professionnelles, base de données du Giscop 84, bases de données de L’Inrs (Colchic et Scola) et les travaux antérieurs de l’Anses sur le formaldéhyde.

Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut indiquer qu’il existe un risque d’exposition dans les secteurs, activités et professions suivants :

ü la préparation de produits à base de formaldéhyde (activités d’anatomo-pathologie, de thanatopraxie, fabrication de résines mélamine-formaldéhyde ou de peintures, etc…) ;

ü manipulation de solutions ou produits à base de formaldéhyde (dans les métiers du nettoyage/désinfection, les activités de thanatopraxie, l’encollage pour la fabrication de panneaux de bois, la fabrication de papier, les travaux de peinture, etc…) ;

ü la manipulation de produits ou déchets contaminés du fait d’une utilisation de formaldéhyde (activités d’anatomie et cytologie pathologiques humaines ou en thanatopraxie) ;

ü autres travaux (découpage, surfaçage et stratification de panneaux de bois, fabrication de moules en sable, coulée d’aluminium par dégagement par dégradation thermique de matières organiques, rénovation de surfaces peintes ou enduites par ponçage décapage ou sablage, incinération d’ordures par dégradation thermique des déchets, vulcanisation dans l’industrie du caoutchouc, usinage dans la plasturgie, fumage de viandes et poissons, installation de canalisations dans le cadre de la maintenance des réseaux d’eau et de gaz par assemblage d’éléments plastiques) ;

ü en outre, certains travaux n’exposent pas directement au formaldéhyde mais peuvent être effectués dans des environnements contaminés par cette substance.

Recommandations

L’avis recommande aux organisations hospitalières et, plus largement, aux systèmes de soins, de mettre en place une organisation qui facilitera le repérage des expositions professionnelles et l’accompagnement dans les démarches de reconnaissance en maladie professionnelle.

Il est recommandé d’améliorer la traçabilité des données de sinistralité dans les différentes fonctions publiques.

Recommandation en termes de tableau de maladie professionnelle

Le groupe de travail, cas de création d’un tableau recommande le titre suivant : « Leucémies myéloïdes (dont leucémies myéloïdes chroniques et aiguës) ».

En se basant sur des tableaux d’atteintes lympho-hématopoïétiques, le délai de prise en charge pourrait être compris entre 20 et 30 ans.

Vu le nombre de secteurs et d’activités concernées par une exposition au formaldéhyde, il serait pertinent d’envisager une liste indicative et pas limitative.

Enfin l’avis recommande aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles de tenir compte des facteurs pouvant majorer les expositions, tels que des co-expositions leucémogènes.

https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2021SA0031Ra.pdf

 

·       Exposition à des facteurs de risque psychosociaux et atteintes coronariennes (Étude)

Il s’agit d’une étude de cohorte menée au Canada (Québec) publiée dans la revue « Circulation: Cardiovascular Quality and Outcomes » sous le titre « Psychosocial Stressors at Work and Coronary Heart Disease Risk in Men and Women: 18- Year Prospective Cohort Study of Combined Exposures ». L’étude est signée par Mme Lavigne-Robichaud et al.

Vous pourrez accéder à cette étude en pièce jointe et sur le site de la revue à l’adresse en fin de commentaire.

Introduction

Les maladies coronariennes sont les pathologies cardiaques les plus communes. En 2017, elles ont affecté 126 millions d’individus, soit 1.26% de la population mondiale et entraîné le décès de 9 millions de personnes, ce qui représente la cause majeure de décès. [NDR – Selon le Rapport sur l’état de santé des Français de 2017 (page 242), il y a eu 119 015 syndromes coronaires aigus et chroniques et 62 251 infarctus du myocarde hospitalisés qui ont entraîné 33 923 décès.]

Les modèles les plus utilisés pour apprécier les facteurs de risque psychosociaux sont celui de la demande psychologique/latitude décisionnelle de Karasek et celui de l’équilibre efforts/récompenses de Siegrist. Le modèle de Karasek est plus centré sur les caractéristiques du travail et celui de Siegrist s’intéresse à des conditions socio-économiques plus larges telles que le salaire, les possibilités de promotion et la sécurité de l’emploi.

Il a été montré que ces deux modèles avaient des effets séparés et indépendants sur la santé des travailleurs.

La présente étude a pour objectif d’estimer les effets sur la santé de chacun de ces modèles et de leur effet combiné sur la survenue de maladies coronariennes.

Matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude de cohorte prospective qui a suivi des employés de 19 entreprises publiques et semi-publiques âgés de 18 à 65 ans (en moyenne, 40.2 ans) qui comprenait initialement 8 895 sujets parmi lesquels ont été inclus, en 1990-1991, les individus sans antécédents de maladie coronarienne. Un suivi d’une médiane de 18.7 ans a été réalisé.

Au final, 6 465 personnes ont été incluses dans l’étude, 3 118 hommes et 3 347 femmes.

Pour le questionnaire de Karasek, dont 18 questions ont été utilisées pour la classification selon quatre cadrans, les valeurs médianes canadiennes de la demande psychologique (forte si supérieure ou égale à 24) et de la latitude décisionnelle (faible si elle est inférieure ou égale à 72). [NDR – En France, l’étude Sumer 2016/2017 a trouvé des médianes de respectivement 21 et 70.3.]

L’équilibre efforts/récompenses a été apprécié par 9 questions du questionnaire de Siegrist validé en français (voir le questionnaire en pièce jointe).

La population de référence utilisée pour les statistiques a été celle des personnes en faible job strain (ce qui correspond, selon les quadrants définis en France, aux sujets détendus, avec faible demande psychologique et forte latitude décisionnelle), et celle des sujets non exposés à de faibles récompenses qui n’étaient pas en déséquilibre efforts/récompense.

Les personnes en double exposition étaient celles classées en job strain et déséquilibre efforts/récompenses.

Les pathologies cardiaques survenant durant le suivi qui ont été retenues sont l’infarctus du myocarde, les syndromes coronariens aigus et chroniques et les sujets qui ont eu une intervention percutanée pour une atteinte coronarienne ou une angioplastie.

Les covariables prises en compte sont la taille et le poids (permettant de calculer l’IMC), la circonférence au niveau des hanches, la tension artérielle, la présence d’un diabète, le statut vis-à-vis du tabac, la présence d’antécédents familiaux de coronopathie, la consommation d’alcool et la pratique d’une activité physique.

Résultats

Caractéristiques de l’échantillon

Au moment du recrutement, les hommes étaient âgés en moyenne de 38.8 ans et les femmes de 36.6 ans et leur âge moyen, à l’issue du suivi était respectivement de 63.8 ans et de 62.7 ans.

Le niveau éducatif des hommes était plus élevé, avec 62.35% de niveaux universitaires versus 30.68% pour les femmes.

La répartition selon les expositions aux facteurs de risque psychosociaux était la suivante (respectivement pour hommes et femmes) :

ü 15.14% et 20.35% exposés au job strain et 21.33% et 13.89% exposés à un faible job strain (détendus) ;

ü 24.66% et 23.24% exposés à un déséquilibre efforts/récompenses ;

ü 8.34% et 10.28% soumis à une double exposition avec job strain et déséquilibre efforts/récompenses.

Respectivement pour hommes et femmes, l’étude retrouve 2.76% et 2.85% de personnes atteintes de diabète, 36.11% et 17.48% avec hypercholestérolémie, 28.54% et 16.58% d’hypertendus, 46.86% et 26.77% de sujets en surpoids, 13.98% et 11.11% de sujets obèses, 15.55% et 19.27% de fumeurs et 7.38% et 5.12% de consommateurs d’alcool à risque.

Chez les hommes, 37.4% et 31.14% avaient respectivement une activité physique modérée (1 à 2 fois par semaine) et conséquente (3 fois ou plus par semaine), c’était le cas de 37.17% et 24.65% des femmes.

Hazard ratio (HR) des atteintes coronariennes en fonction des facteurs de risque

Chez les hommes, on retrouve une augmentation de l’association de la survenue de maladies coronariennes significative avec les facteurs de risque suivants dont les HR sont de :

ü 162 [1.35-1.94] pour l’hypertension ;

ü 1.42 [1.18-1.70] pour l’hypercholestérolémie ;

ü 1.52 [1.27-1.82] pour une histoire familiale d’atteintes coronariennes ;

ü 1.59 [1.29-1.96] pour une surcharge pondérale et 1.98 [1.53-2.55] pour une obésité,

ü 1.35 [1.07-1.69] pour des fumeurs.

Chez les femmes, les HR significatifs pour l’association entre facteurs de risque et survenue d’atteintes coronariennes sont de :

ü 2.51 [1.42-4.13] pour le diabète (le HR chez les hommes n’était pas augmenté significativement) ;

ü 1.63 [1.25-2.11] pour une histoire familiale d’atteintes coronariennes ;

ü 1.85 [ 1.33-2.58] pour une obésité (pour le surpoids, l’augmentation n’est pas significative) ;

ü 1.48 [1.09-2.01] pour des fumeuses.

Hazard ratio (HR) selon les expositions aux facteurs de risque psychosociaux

Chez les hommes

Nous rapportons les HR de l’association entre exposition aux facteurs de risque et survenue d’atteintes coronariennes pour les résultats avec ajustement sur l’ensemble des covariables. On retrouve donc les HR suivants :

ü 1.47 [1.09-1.99] pour une exposition au job strain, (il y a aussi une augmentation significative pour l’ajustements uniquement sur l’âge et le sexe avec HR de 1.45 [1.01-2.10] et celui avec ajustements complémentaires sur des notions sociales, avec HR de 1.51 [1.12-2.04]) ;

ü 1.55 [1.26 -1.90] pour une exposition à un déséquilibre efforts/récompenses comme pour le job strain, les deux ajustements décrits ci-dessus montrent aussi un HR significativement augmenté respectivement de 1.50 [1.23-1.81] et 1.55 [1.26-1.89] ;

ü 1.41[1.01-1.99] pour une exposition intermédiaire (une exposition à l’un ou l’autre des facteurs de risque, job strain ou déséquilibre efforts/récompenses),

ü 1.95 [1.32-2.87] pour une double exposition. Dans ce cas, le HR est aussi augmenté significativement quel que soit le mode d’ajustement avec des HR respectifs de 2.08 [1.40-3.11] et 2.031.38-2.97].

Chez les femmes

On ne retrouve aucune augmentation ou diminution significative de l’augmentation de survenue d’atteintes coronariennes en fonction des expositions aux facteurs de risque psychosociaux évoqués ci-dessus.

Conclusion des auteurs

La présente étude montre que des hommes exposés au job strain ou au déséquilibre efforts/récompenses, isolément ou en combinaison, présentent un risque augmenté de survenue d’une atteinte coronarienne. Les deux types de facteurs de risque psychosociaux au travail contribuent à la survenue des maladies coronariennes chez l’homme. Ces deux facteurs devraient donc être pris en compte dans les stratégies de prévention des maladies coronariennes.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10573112/pdf/hcq-16-e009700.pdf

 

·       Exposition à des facteurs de risque psychosociaux dans la fonction publique

Des données, très partielles, sur les expositions aux risques psychosociaux dans la fonction publiques, sont présentées dans un document de l’Observatoire national des risques psychosociaux dans la fonction publique. Le document est intitulé « L’exposition aux risques psychosociaux (RPS) dans la fonction publique – Etat des lieux général ».

Vous pourrez accéder à ce document en pièce jointe et à l’adresse figurant à la fin du commentaire.

Introduction

L’Observatoire des risques psychosociaux dans la fonction publique a pour objet d’améliorer la connaissance et l’expertises des acteurs concernés par la santé au travail dans le secteur public.

Son objectif est de diffuser des informations de façon accessible à partir de données fiables et consolidées.

Les données sont issues de l’enquête Sumer 2017 qui a pris en compte l’ensemble des fonctions publiques.

L’Observatoire déclinera les données suivantes au fil du temps :

ü  « Etat des lieux « Exposition aux RPS dans la fonction publique » - Préambule, méthode, premiers éléments de comparaison/situation/positionnement généraux relatifs au stress

ü  Focus sur la qualité empêchée et le conflit éthique

ü  Focus sur les moyens matériels

ü  Etat des lieux relatif au harcèlement moral dans la fonction publique

ü  Synthèse des RPS dans la fonction publique - Évolution 2017-2024 »

Dans ce document, l’Observatoire s’intéresse au job strain à travers les résultats du questionnaire de Karasek portant sur l’autonomie et les marges de manœuvre (soit la latitude décisionnelle) et la demande psychologique/exigences décisionnelles.

Résultats présentés

Comparaison des expositions au job strain entre fonctions publiques et privé

Dans l’ensemble de la population active, le taux de travailleurs exposés au job strain est de 26.90%. Il est de 27.20% dans le privé.

Dans la fonction publique, on retrouve les taux d’agents exposés au job strain suivants :

ü fonction publique d’Etat, 22.20%,

ü fonction publique territoriale, 23.40%,

ü fonction publique hospitalière, 35.30%,

ü armée et police, 27.30%,

ü enseignement (agents de l’Éducation nationale et du privé), 14.30%.

Exposition selon les catégories des agents de la fonction publique

Les données indiquent un gradient croissant du taux de sujets exposés au job stress inversement proportionnel au statut, en termes de catégorie des fonctionnaires :

ü 14.9% pour les agents de catégorie A,

ü 24,9% pour les agents de catégorie B,

ü 38.4% pour les agents de catégorie C.

https://media.licdn.com/dms/document/media/D4E1FAQHpSMSsA2_sMQ/feedshare-document-pdf-analyzed/0/1699293477199?e=1700697600&v=beta&t=GEBglYv0iGz0VXsVkNDbzVdQbZE4E1lQkuu3QizuY_E

 

 

Jacques Darmon