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Le 5 février 2023
Au sommaire de cette lettre… Parmi les textes de loi… Le projet rectificatif de financement de la Sécurité sociale portant réforme des retraites… Deux arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation marquant un revirement de jurisprudence en termes d’indemnisation des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles pour lesquelles une faute inexcusable de l’employeur a été reconnue… Les effets d’une sclérose en plaques sur le maintien en emploi et les revenus de salariés du privé… Un extrait du rapport du Haut conseil des finances publiques sur les effets financiers du recul de l’âge de retraite en 2023… Les résultats d’un sondage sur les Français et la réforme des retraites… Et, en biblio, un livre d’un professeur de psychiatrie dénonçant le mode de fonctionnement de l’hôpital public…
Les lettres d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse suivante : https://bloglettreinfo.
· Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d'État
Il m’apparaît intéressant de présenter ce projet de loi car ses dispositions vont avoir un effet sur certaines catégories de salariés vis-à-vis de l’emploi et de leur départ à la retraite.
Un projet de loi rectificative du financement de la Sécurité sociale pour 2023 comportant les modifications relatives à la retraite a été présenté lors du Conseil des ministres du 23 janvier 2023.
Ce projet devra être discuté en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à compter du 30 janvier 2023 et sera débattu en séances publiques du 6 au 17 février 2023. Le gouvernement envisage d’utiliser l’article 47-1 de la Constitution qui permet, si le texte n’est pas adopté dans les 20 jours en première lecture, de transmettre au Sénat le projet initial augmenté d’éventuels amendements que le gouvernement aura retenus. Le Sénat devra alors voter le texte dans les 15 jours. En cas de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, une commission mixte paritaire se tiendra. Si elle échoue à trouver un accord sur le texte, le texte devra être examiné en deuxième lecture.
Et si dans les 50 jours, le Parlement n’a pas adopté le projet de loi, le gouvernement pourrait le publier par ordonnance.
Inutile de dire que cette solution soulève déjà des questions sur l’utilisation de l’article 47-1 pour un texte budgétaire. De plus, il n’est pas évident que le Conseil constitutionnel considère que l’ensemble du texte de la réforme des retraites concerne le financement de la Sécurité sociale.
Les modifications envisagées par ce texte présenté au Conseil des ministres sont les suivantes.
Dispositions relatives au départ à la retraite
Allongement de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite
L’augmentation de l’âge de départ à la retraite sera appliquée à raison de trois mois par génération à partir du 1er septembre 2023, à partir de la génération née le 1er septembre 1961. L’âge de départ à 64 ans pour tous sera atteint en 2030 pour les générations nées en 1968 et les suivantes.
Augmentation de la durée de cotisation
La loi Touraine, votée en 2014, prévoyait une augmentation de la durée de cotisation pour obtenir le taux plein afin de passer à 43 annuités (soit 172 trimestres) à partir de 2035. Cette augmentation d’un trimestre tous les 3 ans a commencé en 2020 pour les générations nées entre 1958 et 1960 qui devaient cotiser 41 ans et 9 mois.
Le projet de réforme des retraites compte accélérer le mouvement et parvenir à 172 trimestres plus tôt, dès 2027.
Cependant, il sera toujours possible partir à la retraite si l’on n’a pas acquis l’ensemble des trimestres à 67 ans avec le taux plein de la Sécurité sociale, comme cela est permis actuellement pour les personnes dont la carrière est incomplète.
[NDR – Cela fera tout de même baisser automatiquement le montant réel des pensions de retraite puisque celles-ci sont calculées ainsi : Pension = Taux SS*SAM*(d/D) où le taux plein de la Sécurité sociale est de 0.5, SAM, le salaire annuel moyen des 25 meilleures années et d/D le rapport entre le nombre de trimestres validés sur le nombre nécessaire pour la génération. Donc, si D augmente, le rapport d/D diminue, ainsi que le montant effectif de la pension de retraite !]
Adaptation du dispositif des carrières longues
Selon ce qui est indiqué, le dispositif sera adapté afin que les personnes qui ont commencé à travailler jeunes ne soient pas obligés de travailler plus de 44 ans. [NDR –Ce dispositif concerne une grande partie des sujets pouvant prétende à un départ anticipé à la retraite, selon des données de la Cnav, en 2021, les départs à la retraite pour carrière longue ont concerné 125 784 sujet (86 907 hommes et 38 877 femmes) soit 19.30% des départs à la retraite.]
Les sujets qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront prendre leur retraite à taux plein à partir de 58 ans, s’ils ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans, ils pourront partir à la retraite partir de 60 ans et de 62 ans s’ils ont commencé à travailler entre 18 et 20 ans. Les modalités de cette disposition devraient être déterminées par décret.
[NDR - Actuellement les personnes susceptibles de bénéficier du dispositif des carrières longues doivent travailler 4 ou 8 trimestres de plus que la durée de cotisation nécessaire pour leur génération selon qu’ils ont commencé à travailler avant 16 ans ou 20 ans. Ainsi, une personne née entre 1961 et 1963 - générations qui doivent obtenir 168 trimestres (42 ans) pour le taux plein -, ayant commencé à travailler 4 ou 5 trimestres avant ses 16 ans pourra bénéficier d’une retraite à taux plein à partir de 58 ans si elle a cotisé 176 trimestres (44 ans) et elle pourra partir à la retraite à 60 ans si elle a cotisé 168 trimestres (42 ans).]
Il semblerait que, dernièrement, le 5 février 2023, dans une interview donnée à un journal, Mme Borne ait accepté, à la demande du parti des Républicains qui y mettraient une condition sine qua non à leur vote de la loi, de limiter, pour les sujets ayant commencé à travailler avant 20 ou 21 ans, la durée de cotisation à 43 ans et de permettre leur départ à la retraite à 63 ans. En revanche, elle n’accepterait pas leur souhait de diminuer le nombre de 4 ou 5 trimestres de travail avant l’âge de 16 ans ou de 20 ans pour pouvoir bénéficier de ce départ anticipé à la retraite.
Départ à la retraite pour inaptitude Sécurité sociale et invalidité
Les salariés déclarés inaptes par le médecin conseil ou les sujets reconnus en invalidité pourront continuer de partir à la retraite avec le taux plein de la Sécurité sociale (0.5) à 62 ans.
Voir à ce sujet le commentaire du rapport de l’Igas sur l’inaptitude Sécurité sociale commenté dans la lettre du 8 janvier 2023 sur le blog.
Départ anticipé à la retraite des sujets reconnus handicapés
Les sujets ayant travaillé une certaine période alors qu’ils étaient reconnus comme travailleurs handicapés pourront continuer à partir à la retraite à partir de 55 ans.
Départ anticipé pour incapacité permanente
Les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles seront pénalisés puisque le départ possible à la retraite, à taux plein, aujourd’hui à partir de l’âge de 60 ans sera repoussé de 2 ans et s’établira à 62 ans. À noter que ce départ à la retraite anticipée pour incapacité permanente concerne relativement peu de salariés en France métropolitaine, selon les données de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, 3 136 salariés en 2021.
Il est indiqué que les conditions de ce départ seront assouplies. À voir ! Il est envisagé que, concernant les accidents du travail, les pathologies prises en compte pour valider leur taux d’incapacité permanente ne seraient plus celles de la liste des maladies professionnelles [NDR – Cette aberration de la nécessité que les lésions qui ont entraîné le versement de la rente accident du travail soient identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle fait que, par exemple, une amputation d’un membre ne soit pas prise en compte car ne figurant pas dans la liste des maladies professionnelles alors qu’elle peut, bien sûr, entraîner des incapacités permanentes de 10% et plus.]
Évolution du compte personnel de prévention (C2P)
Le compte personnel de prévention permet, pour les sujets ayant acquis des points sur leur compte, entre autres, de partir à la retraite de façon anticipée à partir de 60 ans. Il y aura déplafonnement du C2P (actuellement limité à 100 points pour une carrière complète). Il devrait aussi y avoir une meilleure prise en compte des poly-expositions ou de certains facteurs de risque professionnels comme le travail de nuit, la création d’un congé de reconversion pour changer d’activité et une augmentation des droits à la formation.
Autres dispositions prévues par le projet de loi
Prévention des risques d’usure professionnelle
Un fonds d’investissement de un milliard d’euros d’ici 2027 devrait être créé pour prévenir l’usure professionnelle due à l’exposition à certains facteurs de risque ergonomiques (port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques). Ce fonds sera créé auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP). Ce fonds qui disposera de 200 millions € par an sur la période sera destiné à financer des actions à destination des sujets exposés à des facteurs de risque ergonomiques non prévus dans le C2P (mais figurant dans la liste des facteurs de risque professionnels de l’article D. 4616-1 du Code du travail et qui étaient pris en compte dans le compte professionnel de prévention de la pénibilité, C3P) et susceptibles d’entraîner une usure professionnelle. Il s’agit d’actions de sensibilisation et de prévention, de formation éligibles au compte personnel de formation (CPF), de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle.
En outre, il est prévu que ces sujets exposés à des risques d’usure professionnelle puissent bénéficier d’un suivi individuel spécifique (et pas renforcé au sens de l’article L. 4624-2 !) qui serait mis en place dès la visite médicale de mi-carrière avec possibilité de proposition de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail. Il serait aussi possible d’orienter ces salariés vers la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle.
Le suivi individuel spécifique prévu ci-dessus pour les sujets exposés à ces risques ergonomiques devrait comprendre une visite spécifique entre 60 et 61 ans au cours de laquelle, le cas échéant, il pourrait être informé du départ à la retraite dans le cadre du dispositif d’inaptitude de la Sécurité sociale.
Mise en œuvre d’un index senior
Deux mesures sont envisagées vis-à-vis de l’emploi des seniors :
ü d’une part, la mise en place d’un index seniors dans les entreprises accompagné de l’indication des mesures mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein des entreprises [NDR – Les employeurs s’opposant à ce que cela ait un quelconque effet coercitif ! Mais cela est en discussion] ;
ü l’obligation de négocier sur l’emploi des seniors dans le cadre de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels en se basant sur l’index seniors.
Cette disposition devrait s’appliquer le 1er novembre 2023 pour les entreprises de 1000 salariés et plus et au 1er juillet 2024 pour celles d’au moins 300 salariés.
Augmentation du montant de la pension minimale
Cette disposition s’appliquera pour les personnes ayant une carrière complète cotisée à temps plein. Le montant de la pension sera porté à 1 200 € bruts, soit 85% du montant du Smic.
Les sujets avec une carrière hachée ou discontinué seront donc exclus de cette possibilité qui devrait s’appliquer tant pour les nouveaux retraités que pour les sujets déjà pensionnés.
Facilitation de la retraite progressive
Le projet de loi prévoit d’assouplir les dispositions permettant de passer à temps partiel dans le cadre d’une retraite progressive. Il sera possible d’y accéder dès 62 ans.
Acquisition de droits dans le cadre du cumul emploi/retraite
Actuellement, les sujets cumulant un emploi et la retraite continuent, au titre de leur emploi, à cotiser pour l’Assurance vieillesse sans en retirer aucun avantage. La loi prévoit que ce cumul emploi/retraite puisse permettre d’obtenir des droits pour augmenter la pension de retraite.
Évolution des règles pour les fonctionnaires
Pour les fonctionnaires, le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans sera mis en œuvre d’ici 2030. L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans ainsi que la possibilité de départ à taux plein à 67 ans concerneront aussi les fonctionnaires.
Pour les fonctionnaires en catégorie active (infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers) l’âge d’ouverture du droit à la retraite sera porté de 57 ans à 59 ans. Pour certaines catégories de fonctionnaires (surveillants pénitentiaires, contrôleurs aériens) le droit à la retraite passera de 52 à 54 ans.
Il est prévu que la retraite progressive soit aussi possible pour les fonctionnaires avec les mêmes assouplissements que ceux prévus pour le privé.
Fin des régimes spéciaux
La loi prévoit la fin des régimes spéciaux de retraite pour les sujets embauchés à compter du 1er septembre 2023. Cette disposition concerne : les industries électriques et gazières (IEG), la Régie autonome des transports parisiens (RATP), les clercs et employés de notaire, la Banque de France et les membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
· Jurisprudence
Revirement de jurisprudence de l’Assemblée plénière permettant une meilleure indemnisation des victimes lorsqu’une faute inexcusable est reconnue
L’indemnisation d’une faute inexcusable
Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, il peut bénéficier, en cas de séquelles, soit d’un capital, si le taux d’incapacité permanente est inférieur à 10%, soit d’une rente si le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 10%.
Le taux d’incapacité permanente est déterminé, par le médecin conseil, selon les barèmes indicatifs des AT-MP annexés au Code de la Sécurité sociale basés sur les déficits fonctionnels physiques.
Selon les textes, ce taux d’incapacité permanente est censé réparer les pertes de gains professionnels et leur incidence professionnelle (pour cette dernière, il est nécessaire de la demander séparément de la détermination du taux d’incapacité permanente puisque ce n’est pas le médecin conseil qui en estime le montant mais l’administration de la Cpam). Cette réparation, basée sur le compromis social de la loi de 1898 sur les accidents du travail est forfaitaire et n’est pas destinée à une réparation intégrale (telle que l’indemnisation prévue pour les victimes de l’amiante par le FIVA). Elle exclut toute action devant d’autres instances judiciaires que celles de la Sécurité sociale.
La faute inexcusable de l’employeur (article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale) est définie selon les arrêts amiante de 2002 comme le fait que l’employeur avait ou aurait dû avoir connaissance du risque et n’a pas mis en œuvre les dispositions susceptibles d’empêcher la survenue de l’atteinte du salarié.
Dans le cas d’une faute inexcusable de l’employeur,
le salarié a droit à une indemnisation complémentaire, une augmentation de la rente qui peut aller jusqu’à son doublement ainsi que la réparation de préjudices complémentaires (prévue à l’article L. 452-3). L’indemnisation complémentaire prévoyant celles « de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ». Cet article prévoit aussi que les ayants droit de la victime « ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précité. »
En outre, depuis une question prioritaire de constitutionnalité ayant donné lieu à une décision n° 2010-8 du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a considéré que la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent demander à l’employeur la réparation de certains préjudices qui ne sont pas pris en compte dans le Livre IV du Code de la Sécurité sociale : « en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».
Suite à cette décision du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a pu considérer que les indemnisations des préjudices suivants, entre autres, étaient possibles : le préjudice sexuel, les frais d’établissement d’aménagement du domicile de la victime, les frais d’assistance d’une tierce personne avant consolidation, le déficit fonctionnel temporaire avant la consolidation.
Mais l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent après consolidation n’était pas admise depuis une jurisprudence constante de la Cour de cassation initiée en 2009 (arrêt de la 2e Chambre civile du 11 juin 2009, pourvoi n° 08-16.089, publié au bulletin) qui a considéré que « la rente versée à la victime d'un accident du travail, indemnise, d'une part, les perte de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent. ».
Il en est ainsi, par exemple dans un arrêt du 4 avril 2012 (Cass. 2e Civ., pourvoi n° 11-15.393) qui a bénéficié d’une large publicité avec une publication dans le Bulletin d’information et des arrêts de la Cour de cassation, sur son site Internet et dans le rapport annuel. Le Rapport annuel 2012 de la Haute juridiction justifie l’absence d’indemnisation du déficit fonctionnel permanant ainsi : « Il en va de même du déficit fonctionnel permanent, dans la mesure où la rente accident du travail indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent, de sorte que les dommages inhérents au déficit fonctionnel permanent sont couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale (pourvois n° 11-14.311 et 11-14.394 ; pourvoi n° 11-15.393) » (p. 459).
Le déficit fonctionnel permanent
Le débat sur lequel l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans les arrêts du 20 janvier 2023, a tranché est celui de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent (DFP) dont on a vu, ci-dessus, que la Cour de cassation depuis 2009 le considérait indemnisé par la rente d’incapacité permanente.
Ce DFP figure dans la nomenclature Dintilhac visant à présenter l’ensemble des préjudices corporels, qu’ils soient patrimoniaux (financiers) ou non patrimoniaux, qui peuvent être indemnisés pour les victimes d’accidents (voir la nomenclature Dintilhac).
Le déficit fonctionnel permanent a ainsi été défini dans un arrêt de 2009 de la Cour de cassation (Cass. 2e Civ., pourvoi n° 08-16.829, publié au Bulletin) : « pour la période postérieure à cette date [la consolidation], les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales ».
Sans rentrer dans le détail de son indemnisation, il est possible d’indiquer que l’indemnisation du DFP, qui prend en compte son taux, multiplié par une valeur du point en fonction de l’âge du sujet, peut se traduire par des indemnisations nettement plus conséquentes que celles attribuées actuellement.
Les deux arrêts de l’Assemblée plénière
Il s’agit des pourvois n° 21-23947 et n° 20-23673 tous deux publiés au Bulletin d’information de la Cour de cassation ainsi que dans le rapport annuel de la Cour de cassation, ce qui leur confère une publicité certaine. Ces deux arrêts concernent des victimes d’un cancer broncho-pulmonaire qui sont décédées. Les pourvois ont eu des raisons opposées pour chacun de ces arrêts.
Pourvoi n° 21-23.947 sur un arrêt de la cour d’appel de Nancy
Le pourvoi de l’employeur, en l’occurrence l’agent judiciaire de l’État venant aux droits des Charbonnages de France, concerne un arrêt de la cour d’appel de Nancy. La cour d’appel de Nancy a été saisie sur renvoi après cassation d’un arrêt de la cour d’appel de Metz suite au pourvoi de l’employeur. La cour d’appel de Nancy, à l’encontre de l’arrêt de la Haute juridiction, dans la ligne de la jurisprudence constante depuis 2009, a confirmé le bénéfice aux ayants droit de la victime d’une indemnisation des souffrances physiques et morales de la victime après consolidation de montants respectifs de 20 000 € et 50 000 €.
La cour d’appel de Nancy n’ayant pas suivi la position de la Cour de cassation, l’affaire a été renvoyée devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.
Faits et procédure – Un salarié a été employé entre 1974 et 2000 en tant que soudeur à l’arc par les Houillère du Bassin de Lorraine. Le 12 septembre 2012, il déclare une maladie professionnelle au titre du tableau 30 bis des maladies professionnelles. Le salarié est décédé quelques mois après cette déclaration, le 1er novembre 2012.
La pathologie a été prise en charge au titre des maladies professionnelles. Du fait de la pathologie et de son décès, il lui est attribué un taux d’incapacité permanente de 100% et une rente ante mortem.
Les ayants droit de la victime ont saisi le Tribunal des affaires de Sécurité sociale de Metz d’une action de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur qui a été reconnue et confirmée par la cour d’appel de Metz du 18 décembre 2018 qui a accordé l’indemnisation de 50 000 € au titre du préjudice moral et 20 000 € au titre du préjudice physique.
L’agent de l’État a formé un pourvoi en cassation.
La 2e chambre civile de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 8 octobre 2020 (Cass. 2e Civ., pourvoi n° 19-13126) cassé l’arrêt de la cour d’appel de Metz sur l’indemnisation des préjudices et envoyé l’affaire devant la cour d’appel de Nancy sur ces points.
Celle-ci a argumenté sur le fait que le DFP n’entrait pas dans le cadre de la rente qui, basée sur les barèmes, ne prenait pas en compte de façon spécifique la souffrance. Et que, de plus, ce taux d’incapacité permanente s’appliquant sur le salaire, s’il peut représenter une perte de gain ne peut représenter une indemnisation des souffrances endurées par le patient. Il serait aussi étonnant, vu que l’indemnisation de l’incapacité permanente est basée sur le montant du salaire que les souffrances soient d’autant plus indemnisées que le salaire est important.
Moyen de l’employeur
L’agent judiciaire de l’État fait grief à la cour d’appel d’avoir confirmé l’indemnisation du préjudice morale et du préjudice physique.
En effet, le déficit fonctionnel permanent serait couvert par la rente versée au salarié qui indemnise les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité mais aussi le déficit permanent. De plus, il n’est pas démontré que cette indemnisation n’aurait pas été couverte par le DFP inclus dans la rente. Ainsi, la cour d’appel aurait violé les articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du Code de la Sécurité sociale.
Réponse de l’Assemblée plénière
« Selon les articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu à l'article R. 434-1 du même code est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.
Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2 du même code, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
La Cour de cassation juge depuis 2009 que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull. 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154).
Elle n'admet que la victime percevant une rente d'accident du travail puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21.015, Bull. 2013, II, n° 48).
Si cette jurisprudence est justifiée par le souhait d'éviter des situations de double indemnisation du préjudice, elle est de nature néanmoins, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec le caractère forfaitaire de la rente au regard du mode de calcul de celle-ci, tenant compte du salaire de référence et reposant sur le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.
Par ailleurs, il ressort des décisions des juges du fond que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles éprouvent parfois des difficultés à administrer la preuve de ce que la rente n'indemnise pas le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.
Enfin, le Conseil d'État juge de façon constante qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et que dès lors le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel (CE, section, avis, 8 mars 2013, n° 361273, publié au Recueil Lebon ; CE, 23 décembre 2015, n° 374628 ; CE, 18 octobre 2017, n° 404065).
L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
Après avoir énoncé à bon droit que la rente versée à la victime, eu égard à son mode de calcul appliquant au salaire de référence de cette dernière le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, n'avait ni pour objet ni pour finalité l'indemnisation des souffrances physiques et morales prévue à l'article L. 452-3 du même code et qu'une telle indemnisation n'était pas subordonnée à une condition tirée de l'absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a exactement décidé que les souffrances physiques et morales de la victime pouvaient être indemnisées. »
Le pourvoi est donc rejeté.
Pourvoi n° 20-23673 sur un arrêt de la cour d’appel de Caen
Dans cet arrêt, ce sont les ayants droit de la victime qui se sont pourvus en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Caen.
Faits et procédure – Un salarié a vu son cancer broncho-pulmonaire pris en charge le 18 juin 2012 par la législation professionnelle, de même que son décès par une décision du 22 août 2012.
Ses ayants droit ont saisi une juridiction de la sécurité sociale pour une reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Moyen des ayants droit
Les ayants droit font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’indemnisation au titre des souffrances physiques et morales endurées par la victime.
Les arguments soulevés sont les mêmes que ceux du précédent arrêt.
Réponse de la Cour de cassation
La motivation de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation est identique à celle de l’arrêt présenté ci-dessus.
Ainsi, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Caen en ce qu’elle a rejeté la demande d’indemnisation au titre des souffrances physiques et morales endurées par le salarié et renvoie l’affaire devant une autre cour d’appel.
Conclusion
Dans ces deux arrêts, l’Assemblée plénière aura donc réglé la problématique de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent qui doit être considérée comme distincte de la rente attribuée au titre de l’incapacité permanente et de son augmentation dans le cadre de la faute inexcusable de l’employeur. Ceci a été mis en évidence, dans un ca,s par un rejet du pourvoi de l’employeur contre l’indemnisation et, dans l’autre, cas par la cassation de l’arrêt ayant refusé l’indemnisation des souffrances physiques et morales de la victime. Cela va rendre les fautes inexcusables encore plus coûteuses pour les employeurs et participera peut-être à la mise en œuvre d’une prévention plus efficace.
· Effets de la sclérose en plaques sur le maintien en emploi et les revenus (Irdes)
Ce document est le n° 247 de Questions d’économie de la santé, publié en janvier 2023. Il est intitulé « Difficultés de maintien en emploi à la suite d’une sclérose en plaques : perte de salaire et rôle des revenus de substitution dans les ressources ». L’étude est signée par Mme Maude Espagnacq et al.
Vous pourrez y accéder en pièce jointe et sur le site de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) à l’adresse en fin de commentaire.
Cet article est particulièrement intéressant car il montre le retentissement que peut avoir une pathologie chronique sur l’emploi, et aussi les revenus, des sujets qui en sont victimes.
Introduction
La sclérose en plaques (SEP) est une atteinte neurologique qui touche de jeunes adultes entre 20 ans et 40 ans. Il y a plus de femmes que d’hommes atteints, 2 à 3 femmes pour un homme. Il y a en France environ 100 000 personnes atteintes de SEP.
L’évolution de la maladie se fait sur des décennies selon deux modes : le plus fréquent (85%) est celui avec des poussées, entrecoupées de périodes de rémission, qui, à la longue, dégradent fortement l’état de santé des sujets sur les plans moteur, sensitif, cognitif et sphinctérien. Un autre mode est progressif (15%), survenant plus tard et correspond à une dégradation lente et continue des symptômes neurologiques. La SEP est la première cause de handicap non traumatique chez les sujets jeunes.
La survenue d’une SEP est susceptible d’interférer pendant des années avec l’emploi puisqu’elle survient chez un sujet jeune et qu’elle n’entraîne une surmortalité qu’à partir de 10 à 20 ans d’évolution.
La survenue d’une SEP, du fait de son retentissement sur l’état de santé et des soins qu’elle nécessite, permet le classement en affection de longue durée (ALD) permettant une meilleure prise en charge des traitements et la possibilité d’être en longue maladie (3 ans).
La SEP est l’affection qui entraîne le plus de mises en invalidité. Dix ans après la mise en ALD pour une SEP, 23.4% des sujets sont en invalidité et c’était déjà le cas pour 14% d’entre eux au bout de 3 ans après la mise en ALD. Ainsi, selon une étude, en 2013, 30% des patients de moins de 60 ans atteints d’une SEP reconnus en ALD étaient en invalidité et 21% d’entre eux avaient au moins une période d’arrêt de travail avec une médiane de 29 jours.
Ce qui démontre le retentissement négatif de la SEP sur l’emploi, ceci parfois dès le début de la maladie.
Matériel et méthodes
Cette étude repose sur les données de la base Hygie regroupant des informations issues de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) relatives à l’état de santé (arrêts maladie, invalidité, reconnaissance d’une affection de longue durée telle que la sclérose en plaques) et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) fournissant des informations sur l’emploi (nature de l’emploi, date de début et de fin de l’activité, conditions en termes de temps de travail et statut de l’emploi) et le montant des rémunérations des sujets communiquées par les employeurs. Cette base ne concerne que les salariés du privé.
Ainsi, les données de la base Hygie permettent de reconstituer les carrières individuelles des salariés et d’identifier les pathologies considérées comme une ALD.
Cette étude concerne les individus pour lesquels une ALD pour une sclérose en plaques (ALD SEP) a été déclarée, entre 1987 et 2013, pour lesquels on dispose des données concernant l’emploi au moins un an avant la déclaration de l’ALD et au moins un an après cette déclaration.
La population étudiée, constituée de 961 personnes pour lesquelles une ALD SEP a été déclarée, a été appariée, dès le début, avec un sujet contrôle sur les critères suivants : sexe, année de naissance, salaire à l’entrée sur le marché du travail, historique de carrière et de maladie. Les sujets contrôle pouvaient être en ALD pour une autre pathologie.
L’objet de l’étude est de comparer l’évolution professionnelle, ainsi que les salaires et les revenus de remplacement, en lien avec l’activité professionnelle (indemnités chômage, indemnités journalières, pension d’invalidité) des sujets en ALD SEP avec ceux des sujets contrôle.
Résultats
Caractéristiques de la population étudiée
Éléments concernant la population
Il s’agit donc de 961 patients, 305 hommes (31.7%) et 656 femmes (68.3%).
L’âge de l’admission en ALD a été en moyenne de 38.8 ans +/- 9.3 ans avec un minimum de 20 ans et un maximum de 60 ans.
L’ALD a été déclarée à 38 ans ou avant chez 505 personnes (52.5%) et pour 456 (47.5%) au-delà de 38 ans.
La déclaration d’ALD a été faite pour 250 personnes (26%) entre 1987 et 1998 et pour 711 personnes (81.7%) après 1998.
Évolution de la situation des sujets vis-à-vis de l’emploi
La base de données Hygie permet d’indiquer que, l’année précédant la mise en ALD, 88.1% des patients étaient en emploi, 4.5% au chômage et 7.4% en inactivité. Parmi ces patients, 13% avaient eu au moins un arrêt maladie et 7.3% étaient en invalidité.
Trois ans avant la mise en ALD, plus de 85% des sujets étaient en emploi, sans aucun trimestre maladie ou invalidité validé. Au moment de la mise en ALD, ils ne sont plus que 60% et leur taux va diminuer au fil des ans pour atteindre 20% au bout de 20 ans.
Dans les années qui suivent la mise en ALD (année T), le taux des sujets en emploi diminue régulièrement : de 6.6% à T+1, de 22.4% à T+5, de 28.6% à T+10 et de 46.2% à T+20. Alors qu’en revanche la part des sujets inactifs (de même qu’en invalidité, entre parenthèses) augmente de 6.9% (5.4%) à T+1, de 21.1% (36.4%) à T+5, de 29.6% (50.5%) à T+10 et de 48.9% (68.3%) à T+20.
La part des sujets ayant validé des trimestres en arrêt maladie, de 13% à T-1 va augmenter jusque entre T+1 et T+3 de façon notable (respectivement de +23.6%, +17.6% et +10%) puis va s’accroître de façon plus modérée à T+4 et T+5 (respectivement +2.4% et +2.3%) puis va ensuite diminuer pour atteindre -11.7% à T+20.
Relativement aux 80.3% de sujets en emploi à T-1 sans trimestre d’arrêt maladie ou d’invalidité, leur taux diminue fortement au fil du temps pour atteindre une diminution de 50.1% à T+20 ans.
En revanche, sur la période entre T-1 et T+20, le taux de chômage varie peu (entre 3 et 5%), augmentant jusque T+5 puis diminuant ensuite. L’augmentation à T+3 pourrait être en lien avec des licenciements pour inaptitude avant le passage en invalidité.
Effets de la maladie sur les revenus
Évolution des salaires de la population en ALD
Au moment de la déclaration de l’ALD, les sujets atteints de sclérose en plaques se situent en moyenne au 56e percentile en termes de salaire, soit 6 percentiles de plus que la médiane des salaires.
Évolution des salaires
L’étude des données de la base Hygie montre qu’on assiste, en termes de salaires, à une baisse de la moyenne des salaires au fil du temps et de l’évolution de la maladie.
Ainsi, à T+1, les patients en ALD se situent au 50e percentile, soit sur la médiane. Puis la situation continue de se dégrader, à T+5, ils se situent au-dessous de la médiane, au 42e percentile, à T+10, au 37e percentile et à T+20 au 28e percentile.
Cette évolution est en cohérence avec les difficultés que peuvent rencontrer ces patients vis-à-vis de l’emploi. La baisse des salaires s’expliquant principalement par les arrêts maladie et la mise en invalidité.
Il faut cependant noter que ces chiffres représentent une moyenne pour une population hétérogène en termes d’évolution de la pathologie, certains pouvant encore être pleinement en emploi alors que d’autres ont un état de santé fortement dégradé retentissant déjà fortement sur leur capacité de travail.
Cette hétérogénéité est illustrée par le fait que dix ans après la mise en ALD, seulement 60% des patients atteints de SEP sont encore en emploi et 42% n’ont pas eu d’arrêts maladie ou de mise en invalidité.
Évolution des revenus
Cependant, la dégradation du revenu – intégrant le salaire mais aussi les indemnités journalières, le chômage et la pension d’invalidité éventuelle (mais apparemment pas un complément de la prévoyance) – est moins marquée.
Initialement au 64e percentile en moyenne à T-1, le revenu moyen passe au 56e percentile à T+5 au 53e percentile à T+10 et au 46e percentile à T+20.
La limitation de la baisse des revenus due à des salaires amoindris est en relation avec la protection sociale du modèle français en termes d’assurance maladie et de pension d’invalidité. En effet, même à T-1 une part du revenu est déjà, pour 16% des sujets de l’étude, en lien avec la protection sociale.
Évolution des salaires et des revenus en fonction du sexe
Les salaires
On a vu qu’en termes de salaires, à T-1, les patients se situaient en moyenne au 56e percentile. Ce niveau de salaire varie en fonction du sexe. Les hommes se trouvent en moyenne au 65e percentile et les femmes au 53e percentile.
La baisse de salaire des femmes est un peu inférieure à celle des hommes. A T+5, les salaires des femmes se retrouvent au 39e (- 14) percentile et les hommes au 48e (- 17) percentile et à T+10, la situation est la suivante, 34e (- 19) percentile pour les femmes et 44e (- 21) pour les hommes.
Ainsi la différence en termes de salaires entre hommes et femmes, de 12 percentiles à T-1 a tendance à s’amenuiser et à passer à 5 percentiles à T+10.
Les revenus
En termes de revenus, les hommes et les femmes sont respectivement au 67e et au 54e percentile à T-1. Les revenus, évoluent à la baisse, comme les salaires, mais, cependant, de façon moindre. Ainsi, à T+5, les hommes passent au 56e (- 10) percentile et les femmes au 47e (- 7) percentile et à T+10, les revenus se situent au 55e (- 12) percentile et au 44e (- 10) percentile respectivement pour hommes et femmes.
Ainsi, globalement, la baisse des revenus des patients en ALD pour une SEP est inférieure à celle des salaires au fil du temps, tant pour les hommes que les femmes. Et la baisse des revenus est aussi moins importante pour les femmes que pour les hommes.
Ceci alors que la baisse du taux d’emploi est similaire pour les hommes et les femmes au cours des dix années prises en compte.
Montants des salaires
C’est la différence de niveau de salaire initial des hommes et des femmes qui explique les différences évoquées ci-dessus.
En effet, avant la mise en invalidité, le salaire annuel moyen, pour la population en ALD, était de 14 900 € (soit un revenu mensuel de 1 240 €) mais de 17 600 € pour les hommes et de 13 500 € pour les femmes. Ce qui se répercute aussi sur le montant des pensions d’invalidité [NDR – Pour la 1ère catégorie 30% et la 2e catégorie, 50%, calculés sur la base des 10 meilleures années de salaire].
Le niveau moyen de salaire initial est aussi fonction du secteur d’activité. Les secteurs des activités financières et scientifiques d’une part et, d’autre part, de la construction, de l’industrie et des transports présentent les niveaux de salaires moyens les plus élevés avant le passage en invalidité, respectivement 16 200 € et 17 300 €. Dans les autres secteurs d’activité – l’administration, le commerce, la restauration et le spectacle -, le montant moyen des salaires est inférieur à 14 000 €.
Le montant initial des salaires influant sur le montant de la pension d’invalidité, celui-ci est plus élevé pour les deux premiers secteurs d’activité évoqués ci-dessus (respectivement 9 400 € et 10 200 €) que pour les autres secteurs d’activité (environ 7 500 €).
Comparaison des montants des pensions d’invalidité
Les pensions d’invalidité des patients reconnus en invalidité pour une SEP ont été comparés, pour l’année 2015, avec celles de sujets pensionnés pour d’autres affections.
Il apparaît des niveaux de pensions pour les patients atteints de SEP et les autres pensionnés suivants : respectivement 8 710 versus 8 770 pour l’ensemble de la population mais 10 170 versus 9 730 pour les hommes et 8 120 versus 7 910 pour les femmes.
Les chiffres fournis ci-dessus concernent l’ensemble des pensions d’invalidité, quelle que soit la catégorie.
[NDR – J’ai un peu de mal à comprendre que les pensions d’invalidité des hommes et des femmes victimes d’une SEP étant d’un montant supérieur à celui des pensions d’invalidité des autres pensionnés, on puisse trouver un montant global moyen des pensions d’invalidité supérieur pour les autres pensionnés à celui des pensionnés SEP !].
Pour les pensions d’invalidité de 2e catégorie, les montants des pensions sont respectivement pour les pensionnés SEP et les autres : globalement de 9 350 € pour les deux groupes, de 10 860 € et 10 330€ pour les hommes et de 9 350 € pour les femmes des deux groupes.
· Effets financiers de la réforme des retraites en 2023 (HCFP)
Le Haut Conseil des finances publiques a rendu un avis le 18 janvier 2023 relatif au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour l’année 2023. En voici un extrait qui évoque le retentissement du recul de l’âge de départ à la retraite.
« 2- Appréciation du réalisme des recettes et des dépenses
39. Le Haut Conseil s’est attaché à apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses pour 2023 sur la base des informations dont il dispose, en analysant notamment les effets attendus de la réforme des retraites.
a) Les conséquences de la réforme des retraites sur les prévisions de dépenses et de recettes
40. Les informations communiquées par le Gouvernement dans le cadre de la saisine permettent au Haut Conseil d’évaluer l’impact de la réforme des retraites sur les finances publiques en 2023 mais pas d’en évaluer l’incidence de moyen terme.
41. Le Haut Conseil ne prend donc en compte dans son analyse que les effets de la réforme sur la seule année 2023, alors que ceux-ci monteront en puissance progressivement et que le report de l’âge légal de départ en retraite ne sera effectif que sur une partie de cette année.
42. Ainsi, le relèvement de trois mois de l’âge légal de départ en retraite à partir du 1 er septembre 2023 pourrait conduire, selon les analyses du Haut Conseil, de l’ordre de 50 000 personnes à décaler leur départ à la retraite. Le Gouvernement estime que cela entraînerait une baisse des dépenses de retraite de 0,2 Md€ en 2023. Ce montant est cohérent avec l’analyse du Haut Conseil, compte tenu des informations disponibles.
43. Cette réforme implique en sens inverse des dépenses supplémentaires estimées à 0,6 Md€ en 2023 par le Gouvernement résultant : de la hausse annoncée du minimum contributif, dont les conditions précises restent toutefois à déterminer et dont le coût, net d’éventuels nouveaux financements, a été provisionné à hauteur de 0,4 Md€ ; des mesures sur la pénibilité et l’usure professionnelle (+0,1 Md€) ; et des mesures en faveur des transitions emploi-retraite (+0,1 Md€). La réforme ne devrait en revanche pas entraîner de hausse significative en 2023 des dépenses d’autres prestations, comme les pensions d’invalidité ou l’allocation aux adultes handicapés (AAH), en raison du maintien de l’âge légal à 62 ans pour les personnes invalides ou inaptes et de sa date d’application.
44. Enfin, la réforme doit entraîner des recettes supplémentaires en raison du maintien dans l’emploi des personnes qui seraient parties à la retraite entre septembre et décembre 2023 sans réforme. Celles-ci devraient être faibles, là aussi en raison de l’application de la réforme à partir du 1er septembre 2023.
45. Ces mesures nouvelles, associées aux révisions des prévisions de l’automne (notamment sur les pensions de retraites de l’Agirc-Arrco, revalorisées en novembre moins fortement que prévu par le Gouvernement lors du PLFSS 2023), conduisent à une prévision de dépenses de retraite des administrations de sécurité sociale strictement identique à celle du PLF pour 2023.
46. Le Haut Conseil relève que la réforme des retraites aura un impact très faible sur les finances publiques en 2023 avec un coût net estimé à 0,4 Md€. Il considère que l’estimation par le Gouvernement de cet impact est réaliste, même si des incertitudes entourent le coût de la hausse du minimum contributif. »
· Les Français, l’exécutif et la réforme des retraites (Elabe / BFMTV)
Il s’agit d’un sondage réalisé, en janvier 2023, par la société Elabe pour BFMTV. Je me suis limité aux parties du sondage consacrées à l’appréciation de la reforme des retraites, laissant de côté les parties relatives à l’appréciation des hommes et femmes politiques et des dirigeants syndicaux ainsi que des choix des réponses selon la proximité avec les différents partis politiques.
Vous pourrez accéder à l’ensemble de ce sondage à l’adresse figurant à la fin du commentaire et en pièce jointe.
Matériel et méthodes
Ce sondage repose sur un échantillon de 1000 personnes représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus.
La représentativité a été assurée par la méthode des quotas sur les variables suivantes : sexe, âge et profession, après stratification par région et catégorie d’agglomération.
Le sondage a eu lieu les 24 et 25 janvier 2023 par Internet. Figurent des comparaisons avec les mêmes questions posées les 10 et 18 janvier 2023.
Résultats
Les Français et la réforme des retraites
Une majorité des Français (72%) s’avère opposée à la réforme des retraites, 32% sont plutôt opposés et 40% très opposés. Seuls 27% sont favorables à cette réforme dont 5% très favorables et 22% plutôt favorables.
Depuis le début du mois de janvier 2023, et malgré toutes les tentatives d’explication du gouvernement, la part des personnes opposées à cette réforme augmente, 59% le 10 janvier et 66% le 18 janvier 2023.
Une opposition motivée par le contenu de la réforme
Pour les personnes sondées et opposées à la réforme, 84% indiquent être opposées au contenu de la réforme - soit 60% de l’ensemble des personnes sondées - et seulement 16% -12% de l’ensemble des personnes sondées - adoptent ce choix par opposition au Président, à la Première ministre et au gouvernement.
Appréciation de la réforme
L’appréciation de la réforme a porté sur trois items, sa nécessité, son efficacité pour assurer la pérennité du système de retraite et sa justice.
La nécessité de cette réforme est jugée négativement par 54% des sujets sondés, en hausse de 1% par rapport au 18 janvier 2023 mais de 9% par rapport au 10 janvier 2023. L’absence de nécessité est plus fréquente chez les hommes que chez les femmes (58% versus 51%), chez les sujets jeunes (72% des 18-24 ans et 66% des 25-34 ans), chez les actifs (60%), chez les catégories socio-professionnelles les moins élevées (CSP -), en particulier les employés (61%) et les ouvriers (64%).
Une appréciation d’inefficacité à assurer la pérennité du système de retraite est majoritaire, 62% des sondés, en hausse importante par rapport aux 51% du 10 janvier et de 57% du 18 janvier 2023.
L’estimation de l’inefficacité de la réforme à assurer la pérennité du système de retraite est un peu plus fréquente chez les hommes (63%) que chez les femmes (60%), dans toutes les tranches d’âges entre 19 et 64 ans, avec un maximum de 73% pour les 25-34 ans et un minimum de 65% pour les 50-64 ans (pour les 65 ans et plus, c’est 45%).
Injustice de la réforme
Cette réforme est jugée par près des trois quarts des personnes sondées (74%) comme injuste avec, là aussi, une forte augmentation de cette réponse par rapport aux 58% et 64% des 10 et 18 janvier 2023. Les résultats sont proches en fonction de la CSP, 69% pour les CSP + et 71% pour les CSP – avec 76% pour les ouvriers.
Ce sentiment de réforme injuste est à peu près partagé entre hommes et femmes (respectivement 74% et 73%). Il est aussi partagé pour toutes les tranches d’âges entre 18 et 64 ans (entre 79% au maximum pour les 25-34 ans et 35-49 ans et un minimum de 77% pour les 50-64 ans), mais 60% pour les 65 ans et plus.
Tant les CSP + que les CSP – sont 79% à estimer cette réforme injuste, mais c’est le cas de 81% pour les professions intermédiaires et 80% pour les ouvriers.
La réforme a été approuvée par les Français qui ont voté pour M. Macron
Cette question a trait au discours du Président indiquant que la réforme des retraites était prévue dans son programme et que les Français ont voté pour et qu’il s’agit donc d’une réforme démocratiquement présentée et validée.
Une majorité de 71% des répondants ne sont pas d’accord avec ce discours et estiment que le Président a été élu pour d’autres raisons, en particulier faire barrage à l’extrême droite. Il est donc faux, pour eux, de dire que la réforme est démocratiquement validée.
En revanche, 28% des sujets interrogés estiment que la réforme a été démocratiquement validée.
Parmi les sujets qui considèrent que le Président a tort de penser que la réforme des retraites a été acceptée par ceux qui ont voté pour lui, les hommes le sont de façon plus importante que les femmes (respectivement 73% et 69%), les classes d’âges surreprésentées sont les 25-34 ans (78%), les 35-49 ans (75%) et les 50-64 ans (76%), les 65 ans et plus étant nettement moins d’accord (59%).
Les CSP + sont moins d’accord (74%) que les CSP - (79%). Cette opinion est encore plus fréquente chez les ouvriers (85%).
Position vis-à-vis de la mobilisation
Rappelons qu’une première manifestation syndicale unitaire a eu lieu le 19 janvier 2023 qui a été particulièrement suivie, notamment dans des petites villes de province peu habituées aux manifestions. En tout, même selon les chiffres du ministère de l’intérieur, il y a eu plus d’un million de manifestants. Une deuxième manifestation, appelée de nouveau de façon unitaire par tous les syndicats, le 31 janvier 2023, a été encore plus importante, en termes de participants, que la première.
L’attitude des personnes sondées vis-à-vis de la mobilisation contre la réforme des retraites est un soutien de 40% et une sympathie de 24% des sujets vis-à-vis de la mobilisation (soit 64% de soutien / sympathie). Une minorité de 22% y est hostile (8%) ou opposée (14%).
Le camp des sujets soutenant ou éprouvant de la sympathie vis-à-vis de la mobilisation est croissant depuis début janvier, 60% le 10 janvier et 56% le 18 janvier 2023.
Le total de soutien / sympathie pour la mobilisation est un peu plus présent chez les femmes (65%) que chez les hommes (64%). Les inactifs, autres que les retraités, sont dans la moyenne avec 64%. Le soutien / sympathie est aussi plus présent dans les tranches d’âges des 25-34 ans (68%), des 35-49 ans (66%) et, surtout, des 50-64 ans (71%) Il est aussi plus présent chez les actifs (69%) que les inactifs (57%), les CSP + (67%) mais 70% pour les professions intermédiaires, les CSP - (70%) mais 72% chez les ouvriers.
Position vis-à-vis du blocage du pays
Une majorité de 57% des répondants comprendraient que les grévistes bloquent le pays car ils considèrent que c’est le seul moyen pour que le gouvernement retire ou modifie sa réforme des retraite.
Ils sont 42% à penser le contraire.
L’avis favorable au blocage est nettement plus fréquent chez les hommes (61%) que chez les femmes (54%), dans toutes les tranches d’âges entre 18 et 64 ans mais cet avis est surreprésenté, surtout, chez les 25-34 ans (71%) et les 35-49 ans (62%), chez les actifs (64%), les CSP – un peu plus que les CSP + (66% versus 64%) et, de façon notablement plus importante, chez les ouvriers (74%).
Estimation de l’issue de la réforme
Une majorité des personnes interrogées (71%) considèrent que la réforme des retraites va être votée et appliquée et 28% pensent qu’elles sera retirée du fait de la contestation.
Les femmes sont plus nombreuses (75%) que les hommes (68%) à penser que la réforme va passer. Seuls les ouvriers sont moins nombreux (68%) à le penser alors que les artisans et commerçants sont les plus nombreux (78%), de même que les inactifs autres que les retraités (73%) à penser que la réforme des retraites va passer et être appliquée.
Connaissance des modalités de réforme de la retraite
Une majorité de 68% des répondants indiquent connaître dans les grandes lignes, mais pas dans le détail, les modalités de réforme de la retraite, 20% indiquent très bien connaître les modalités de réforme de la retraite. Et 11% n’en connaissent pas les modalités.
Ils sont 79% à indiquer que l’âge de départ à la retraite doit passer à 64 ans et 8% indiquent à 65 ans. Il y a plus d’hommes que la moyenne qui évoquent l’âge prévu (80%), plus de sujets de 50 à 64 ans (84%) et de 65 ans et plus (87%), plus de professions intermédiaires (83%), d’inactifs (82%), dont les retraités (88%).
Les femmes sont plus nombreuses (72%) que les hommes (64%) à connaître dans les grandes lignes le projet de réforme. C’est aussi le cas des 18-24 ans (71%) et des 65 ans et plus (74%). Les ouvriers et les inactifs retraités sont aussi plus nombreux à connaître les grandes lignes de la réforme (respectivement 70% et 72%).
Une petite majorité de 55% des répondants indiquent que la réforme doit mettre fin aux régimes spéciaux de retraite tels que ceux de la RATP, des industries électriques et gazières, de la Banque de France, etc… Un pourcentage de 27% des répondants ne sait pas.
Relativement à la hausse du minimum de la pension à 1 200 € pour les carrières complètes, 30% pensent que cela ne s’appliquera qu’aux futurs retraités mais 45% que cette hausse sera appliquée, comme cela est indiqué dans le projet de loi, pour les nouveaux retraités et les sujets déjà pensionnés. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à penser que cela s’appliquera tant aux nouveaux retraités qu’aux pensionnés (47% versus 43%), de même que les tranches d’âges les plus élevées (53% pour les 50-64 ans et 54% pour les 65 ans et plus). Les groupes qui sont surreprésentés dans cette réponse sont les CSP + (47%), dont les professions intermédiaires (49%), et les retraités (54%).
Concernant les carrières longues, les avis sont plus partagés, 15% pensent qu’ils partiront à la retraite à 60 ans, comme aujourd’hui, 43% que le départ à la retraite pourra se faire à partir de 62 ans, 26% qu’il pourra se faire à 63 ans et 16% ne savent pas.
Les avis sont aussi partagés au sujet de la durée de cotisation qui, pour 11% des sujets est maintenue à 42 ans, pour 35% rallongée à 43 ans, pour 34% rallongée à 44 ans et 20% des sujets ne savent pas.
Parmi les sujets qui considèrent, au-delà de la moyenne, que l’allongement de la durée de cotisation portera celle-ci à 43 ans, les hommes (40% versus 30% pour les femmes), les 35-49 ans (38%), les 50-64 ans (42%) et les 65 ans et plus (37%). Les CSP + sont 43% à le savoir, dont 47% pour les cadres et professions intellectuelles supérieures et 40% pour les professions intermédiaires. Les retraités sont 39% à l’indiquer.
Principaux enseignements du sondage
« L’opposition à la réforme des retraites s’intensifie dans l’opinion (72%, +6)
72% (+6 points en 1 semaine, +13 en 2 semaines) des Français se disent opposés à la réforme des retraites annoncée par le gouvernement, dont 32% (+3) plutôt opposés et 40% (+3 en 1 semaine, +18 en 2 semaines) très opposés. A l’inverse, 27% (-7) sont favorables, dont 22% (-6) plutôt favorables et 5% (-1) très favorables. L’opposition à la réforme progresse fortement en 1 semaine et devient pour la première fois majoritaire chez les retraités (59%, +13). Elle reste stable à un niveau très élevé chez les actifs (78%, +2) et en particulier chez les professions intermédiaires (81%, -1) et les employés/ouvriers (80%,+1). Le clivage politique demeure entre les électeurs d’Emmanuel Macron majoritairement favorables à la réforme (68% favorables, -4) et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (88% opposés, =), de Marine Le Pen (82%, +3) et des abstentionnistes (82%, +8) opposés.
Une opposition motivée avant tout par le contenu de la réforme plutôt que par la simple opposition à l’exécutif
Parmi les Français opposés à la réforme, 84% (soit 60% de l’ensemble des Français) disent que leur opposition est avant tout une opposition au contenu de la réforme, contre 16% (soit 12% des Français) une opposition à Emmanuel Macron et au gouvernement d’Elisabeth Borne.
Une réforme de plus en plus perçue comme injuste, inefficace pour assurer la pérennité du système et jugée pas nécessaire par une majorité
Concernant la réforme des retraites annoncée par le gouvernement :
• 74% (+10 en 1 semaine, +16 en 2 semaines) des Français l’estiment injuste, contre 19% (-8) juste
• 62% (+5 en 1 semaine, +11 en 2 semaines) considèrent qu’elle est inefficace pour assurer la pérennité du système de retraites, contre 30% (-2) efficace
• 54% (+1) la jugent pas nécessaire, contre 39% (+1) nécessaire
Le jugement sur la réforme se dégrade fortement chez les retraités : une majorité d’entre eux la perçoit désormais comme injuste (61%, +19) et de plus en plus comme inefficace pour assurer la pérennité du système (47%, +12) et pas nécessaire (40%, +5). Les actifs demeurent quant à eux très critiques (79% injuste, 69% inefficace, 60% pas nécessaire). Autre évolution notable cette semaine : la perception d’une réforme injuste est en forte hausse chez les électeurs d’Emmanuel Macron (40%, +13).
Cette réforme a été démocratiquement présentée et validée : 71% des Français en désaccord avec l’argument prononcé par Emmanuel Macron A la lecture de cette phrase prononcée il y a quelques jours, 71% des Français estiment qu’Emmanuel Macron a tort, il a été élu pour d'autres raisons notamment pour « faire barrage » à Marine Le Pen, il est faux de dire que la réforme est démocratiquement validée. A l’inverse, 28% estiment qu’il a raison, la réforme était dans son programme et puisqu'il a été élu, on peut considérer qu'elle est démocratiquement validée. Seuls les électeurs d’Emmanuel Macron lui donnent raison (69%), le désaccord est majoritaire dans toutes les autres catégories de populations et électorats.
L’approbation de la mobilisation contre la réforme progresse fortement (64%, +8 en 1 semaine)
64% (+8 en une semaine) des Français approuvent la mobilisation contre la réforme des retraites, dont 40% (+1) la soutiennent et 24% (+7) en ont de la sympathie. A l’inverse, 22% (-7) désapprouvent, dont 14% (-2) y sont opposés et 8% (-5) hostiles. Enfin, 14% (-1) des Français déclarent être indifférents. L’approbation de la mobilisation contre la réforme progresse fortement en 1 semaine et devient majoritaire chez les retraités (55%, +15) et reste largement majoritaire chez les actifs (69%, +4). D’un point de vue politique, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (83%), de Marine Le Pen (71%) et les abstentionnistes (71%) soutiennent ou éprouvent de la sympathie pour les mobilisation. La désapprobation reste majoritaire mais recule fortement chez les électeurs d’Emmanuel Macron (46%, -12) au profit de l’approbation (36%, +8).
Pour s’opposer à la réforme du gouvernement, une majorité de Français comprendrait le blocage du pays
57% (+2 points en 1 semaine) des Français déclarent qu’ils comprendraient que les grévistes bloquent le pays, car c'est le seul moyen pour que le gouvernement retire ou modifie sa réforme des retraites. A l’inverse, 42% (-2) ne comprendraient pas que les grévistes bloquent le pays, et n'approuvent pas ce type d'action. Les actifs (64%, +1), les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (85%, +7) et de Marine Le Pen (69%, +2) comprendraient que les grévistes bloquent le pays. Le rejet de ce type d’action reste majoritaire, malgré une baisse sensible, chez les retraités (56%, -7) et chez les électeurs d’Emmanuel Macron (79%, -1).
Pour autant, une majorité pense que la réforme sera votée et appliquée
71% (-4 en 2 semaines) des Français pensent que la réforme des retraites annoncée par le gouvernement sera votée et appliquée, une opinion qui demeure majoritaire au sein de toutes les catégories de population y compris chez les opposants à la réforme (66%). A l’inverse, 28% (+4) pensent qu’elle sera retirée face aux contestations, une opinion en hausse chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (42%, +10), chez les retraités (29%, +10) et chez les Français qui soutiennent (item « vous la soutenez ») la mobilisation (39%, +4)
Les Français ont plutôt une bonne connaissance de la réforme, de ses modalités et de ses conséquences pour les futurs et actuels retraités
20% des Français déclarent très bien connaître la réforme des retraités prévue par le gouvernement et ses modalités, 68% dans les grandes lignes mais pas vraiment dans le détail et 11% ne pas la connaître. Ce ressenti est assez conforme à la réalité. En effet, pour déterminer « objectivement » le niveau de connaissance des Français, les personnes que nous avons interrogées ont été invitées à répondre à un quizz (plusieurs réponses proposées) sur 5 modalités de la réforme : l’âge légal de départ, la durée de cotisation, les carrières longues, les petites pensions et les régimes spéciaux. Voici les résultats :
• Modalité phare de la réforme, l’augmentation de l’âge de départ à la retraite à 64 ans est connu par une large majorité de Français (79%) ;
• La fin de plusieurs régimes spéciaux dont la RATP, des industries électriques/gazières et de la Banque de France est une modalité bien identifiée par une majorité (55%, 18% pensent qu’elle ne changera rien, 27% ne savent pas) ;
• Une majorité relative (45%) de Français a connaissance du fait que la hausse à 1 200€ brut du minimum de la pension pour une carrière complète concerne les nouveaux et les retraités actuels mais 30% pensent que cela concerne uniquement les nouveaux et 21% ne savent pas ;
• La réforme prévoit qu’une personne ayant commencé à travailler avant 20 ans pourra partir en retraite complète à l’âge de 62 ans (contre 60 actuellement) : cet élément est connu par 43% des Français (26% surestiment et répondent 63 ans, 15% sous-estiment en répondant un maintien à 60 ans, 16% ne savent pas) ;
• L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans (contre 42 ans aujourd’hui) pour une pension «à taux plein » suscite plus d’imprécisions : 35% ont la bonne réponse, 34% surestiment (44 ans), 11% sous-estiment (maintien à 42 ans) et 20% ne savent pas.
Le niveau de connaissance des opposants à la réforme est analogue à celui des soutiens (à titre d’exemple, 83% des soutiens et 77% des opposants ont donné la bonne réponse sur l’augmentation de l’âge de départ à 64 ans). Ce résultat nous indique que le rejet de la réforme n’est pas motivé par la méconnaissance de ses modalités et de ses conséquences. De manière générale sur ces 5 questions, la réforme est mieux connue par les 50 ans et plus que par les moins de 50 ans. »
https://elabe.fr/executif-
· En biblio
Je recommande vivement la lecture du livre du Pr Granger, « Excel m’a tuer – L’Hôpital fracassé », chef du service de psychiatrie de l’Hôpital Tarnier, qui dissèque les nombreuses raisons du malaise hospitalier et explique pourquoi de nombreux médecins (mais aussi des infirmiers) souhaitent quitter ce milieu qui ne leur permet plus de travailler dans de bonnes conditions.
Les établissements de soins ne sont plus en mesure d’assurer des conditions d’accueil décentes. Ce livre est le cri d’alarme d’un psychiatre qui voit le système de santé s’effondrer et devenir déshumanisant, pour les patients comme pour les soignants.
L’hôpital est au bord du gouffre. C’est le triste constat de Bernard Granger, qui montre combien le règne de la bureaucratie et les politiques technocratiques ont détruit le système de santé. Les soignants s’épuisent à la tâche et désertent les établissements publics.
Il est urgent de trouver des solutions : la santé des Français est en jeu. »
« Bernard Granger est professeur de psychiatrie à l’université Paris-Cité, responsable de l’unité de psychiatrie de l’hôpital Cochin. Très engagé dans la défense de l’hôpital public, il est membre de la commission médicale d’établissement et du conseil de surveillance de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Il a publié La Psychiatrie d’aujourd’hui et, avec Daria Karaklic, Les Borderlines. »
Éditions Odile Jacob – 9.90 €
Voilà donc pour cette lettre d’information des éléments permettant d’appréhender l’évolution du monde du travail… Qui est à suivre….
Jacques Darmon
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