Lettre d'inforrmation du 24 mars 2024

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Le 25 mars 2024

 

Au sommaire de cette lettre… Parmi les textes de loi… Un décret du 24 mars 2024 relatif à la certification des professionnels de santéUne jurisprudence… relative à un harcèlement sexuel… Un guide de l’Anact pour aider au maintien dans l’emploi des femmes atteintes d’endométrioseUn document sur la façon dont les employeurs évaluent les risques professionnels et mettent en œuvre la prévention… Un rapport sur le document unique d’évaluation des risques professionnels dans la fonction publique territoriale qui peut amener à réfléchir à ce document dans le privé et dans les autres fonctions publiques…

 

Les lettres d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse suivante : https ://bloglettreinfo.blogspot.com/.

 

Le 34e Congrès international de santé au travail (ICOH) aura lieu à Marrakech, au Maroc, du 26 avril au 4 mai 2024. Vous pourrez trouver, en pièces jointes, le programme du congrès et le document pour l’inscription.

 

·     Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d’État

 

Décret n° 2024-258 du 22 mars 2024 relatif à la certification périodique de certains professionnels de santé

Ce décret entre en vigueur le 25 mars 2024.

Le Code de la santé publique est modifié avec un titre intitulé « Développement professionnel continu et certification périodique des professionnels de santé » comprenant les articles suivants.

Obligation de certification

Article R. 4022-6« Les professionnels de santé mentionnés à l'article L. 4022-3 [comprenant les médecins et les infirmiers] sont soumis à l'obligation de certification périodique lorsque :

1° Ils sont en exercice, y compris ceux qui sont placés dans la position d'activité définie à l'article L. 4138-2 du code de la défense et ceux mentionnés au 7° et au 8° de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ;
2° Ils exercent les fonctions de personne responsable mentionnées aux II et III de l'article
L. 5142-1 du présent code. »

Article R. 4022-7« Pour satisfaire à l'obligation de certification périodique, les professionnels de santé concernés attestent avoir réalisé, au cours d'une période de six ans, au moins deux actions prévues dans le ou les référentiels de certification définis à l'article L. 4022-7 applicables pour chacun des objectifs définis au I de l'article L. 4022-2. »

Article R. 4022-8« L'ordre professionnel compétent ou, le cas échéant l'autorité militaire, peut conditionner la reprise d'activité à la réalisation d'actions dont certaines sont définies dans le ou les référentiels de certification applicables au professionnel concerné. »

Les référentiels de certification

Article. R. 4022-9« Les référentiels de certification périodique sont élaborés en prenant en compte les référentiels de formation initiale applicables à chacune des professions mentionnées à l'article L. 4022-3.

Les conseils nationaux professionnels compétents veillent à l'actualisation régulière des référentiels dans les conditions prévues à l'article L. 4022-8. »

Article. R. 4022-10« Outre les actions qui doivent figurer dans les référentiels de certification périodique en vertu du II de l'article L. 4022-2, les référentiels peuvent également prendre en compte :

1° Les actions de formation mentionnées à l'article L. 6223-8 [du Code du travail]ainsi qu'aux 1° et 2° de l'article L. 6313-1 du code du travail ;

2° Les actions de formation diplômantes définies aux articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de l'éducation ;

3° Les actions menées dans le cadre de démarches collectives sur un territoire, telles que les protocoles de coopération mentionnés à l'article L. 4011-1 du présent code, dans un établissement de santé, un établissement médico-social ou une structure d'exercice coordonné ;

4° Les actions développant des compétences transversales aux objectifs définis au I de l'article L. 4022-1 du présent code pour améliorer les parcours de santé ;

5° Les actions permettant de développer une démarche interdisciplinaire des pratiques professionnelles et de garantir leur sécurité ;

6° Toute autre action visant à développer la prévention en santé, à garantir les bonnes pratiques et concourant à la gestion des risques, qu'elle soit individuelle ou collective, pouvant être proposée par les structures d'exercice. »

Article R. 4022-11« Les actions définies dans les référentiels de certification périodique sont dispensées par :

1° Les organismes de formation mentionnés par l'article L. 6351-1 A du code du travail ;

2° Les organismes ou structures mentionnés par l'article L. 4021-7 du présent code ;

3° Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;

4° Les structures chargées de la formation et de l'enseignement relevant du ministre des armées mentionnées par le décret n° 2008-429 du 2 mai 2008 relatif aux écoles et à la formation du service de santé des armées. »

Exonération de l’obligation

Article R. 4022-12« Lorsque les professionnels de santé définis à l'article R. 4022-6 n'exercent pas d'activités de soins directement auprès de patients, ces professionnels n'ont pas à réaliser, au titre de leur obligation de certification périodique, les actions requises au titre de l'objectif prévu par le 3° du I de l'article L. 4022-2. »

Article R. 4022-13« Lorsque les professionnels de santé définis à l'article R. 4022-6 sont soumis à des formations obligatoires spécifiques conditionnant l'exercice de leur pratique professionnelle, ces professionnels n'ont pas à réaliser, au titre de leur obligation de certification périodique, les actions requises au titre de l'objectif prévu par le 2° du I de l'article L. 4022-2. »

Modalités et périodicité de la certificat

Article R. 4022-14« La période de six ans mentionnée au I de l'article L. 4022-2 au cours de laquelle le professionnel de santé doit satisfaire son obligation de certification périodique commence, pour tout nouvel exercice ou reprise d'exercice, à compter de la date d'inscription à l'ordre. »

Article R. 4022-15« Lorsqu'un professionnel de santé change de profession de santé, une nouvelle période de six ans commence dans les conditions prévues à l'article R. 4022-14. »

Article R. 4022-16« Lorsqu'un professionnel de santé interrompt son activité, au cours de la période mentionnée à l'article R. 4022-14, pour une durée cumulée supérieure à trois ans, il est mis fin à la période de certification. »

Article R. 4022-17« Lorsqu'un professionnel de santé change de spécialité ou d'activité au sein de la même profession au cours de la période mentionnée à l'article R. 4022-14, ce professionnel met en œuvre les actions restant à réaliser en tenant compte du référentiel de certification de sa nouvelle spécialité ou activité si elles n'avaient pas été réalisées au titre de son ancien référentiel. »

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049314991

 

·     Jurisprudence

 

Des actes qualifiés de harcèlement sexuel

Il s’agit d’une arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 mars 2024 – Cass. soc., pourvoi n° 22-20970, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation – qui entraîne la cassation de l’arrêt de la cour d’appel qui n’a pas reconnu un harcèlement sexuel et n’a donc pas considéré qu’il s’agissait d’une faute grave du salarié qui l’avait commis.

Faits et procédure – Un salarié a été embauché le 1er mars 1991 en tant que responsable des risques marché par une banque. Son contrat de travail en CDI a été transféré à une autre banque qui a racheté la première. Suite à ce rachat, il a été nommé chargé de mission dans le département Global Market Division (GMD) de cette banque par un contrat de travail en date du 25 novembre 2013 avec le statut de cadre hors classe.

Il est affecté le 1er février 2014 à un poste d’expatrié en tant que responsable de GMD Asie. Cette expatriation sera renouvelée jusqu’au 31 janvier 2018.

Le 20 octobre 2017, il est convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire. Il est licencié pour faute grave le 15 novembre 2017.

Le 3 janvier 2018, il saisit la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement et demander diverses indemnités et des rappels de prime.

Suite au jugement de la cour d’appel, le salarié s’est pourvu en cassation en faisant grief à l’employeur de ne pas lui avoir payé des primes variables sur des exercices antérieurs au prétexte de son comportement.

L’employeur fait un appel incident du jugement de la cour d’appel qui a considéré que le licenciement n’était pas dû à une faute grave. C’est ce moyen auquel nous allons nous intéresser.

Moyen de l’employeur

L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir jugé que le harcèlement sexuel n’était pas constitué et d’avoir requalifié le licenciement en licenciement pour une cause réelle et sérieuse au lieu d’une faute grave. Et ainsi, de l’avoir condamné à indemniser la période pendant laquelle le salarié a été en mise à pied conservatoire ainsi qu’au paiement de l’indemnité légale de licenciement, d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

L’employeur argue du fait qu’il doit prendre toutes mesures afin de faire cesser un harcèlement sexuel, au besoin par le licenciement de celui qui en l’auteur. En effet, doit être qualifié de harcèlement sexuel tout comportement d’un salarié vis-à-vis d’un autre salarié avec un comportement ou des actes présentant une ambiguïté de nature sexuelle ou tout propos déplacé dans le but manifeste d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Dans ce cas, le salarié a été licencié pour faute grave pour avoir adopté vis-à-vis de huit salariées placées sous sa responsabilité un comportement habituel, totalement inadapté, déplaisant pour ces femmes.

La cour d’appel a relevé des messages et propos tels que « J’aime votre façon de manger des bananes ? Très inspirante », «Vos excuses sont bien acceptées mais vous devriez chercher à obtenir le pardon » ou à une salariée intérimaire, « Voudriez-vous voir la chambre, je peux la réserver » suivi, après le refus de la salariée par « Pourquoi ne venez-vous pas chez moi ce soir ? Vous pouvez m’appeler quand vous voulez. J’ai beaucoup aimé votre tenue ce soir… vous allez me prendre pour un fou ou trouver mon comportement déplacé mais j’adorerais passer le reste de la nuit avec vous. . Or, ces propos caractérisent un harcèlement sexuel, lequel constitue nécessairement une faute grave. En refusant de retenir que le comportement répété du salarié constituait  une faute grave, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et aurait violé les articles L. 1153-1 et L. 1153-5 du Code du travail.

Or, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et les faits évoqués plus haut commis par un salarié d’un très haut niveau de responsabilité ne permettent pas son maintien dans l’entreprise. En jugeant, au contraire, que le salarié ne s’était jamais montré insistant et n’avait pas commis de pressions graves et que, par ailleurs, il était un excellent collaborateur n’ayant jamais subi de reproches au cours de sa carrière, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et aurait violé l’article L. 1234-1 du Code du travail.

Réponse de la Cour de cassation

« Vu les articles L. 1153-1,dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021, L. 1153-5, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 [NDR – Les liens sont ceux des articles en vigueur au moment des faits], L. 1153-6 et L. 1234-1 du code du travail :

Aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Aux termes du premier alinéa du deuxième de ces textes, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner.

Pour dire que le harcèlement sexuel n'est pas constitué et que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les attestations et les courriels versés aux débats par l'employeur suffisent à établir l'attitude déplacée, tendancieuse donc inappropriée du salarié à de nombreuses reprises à l'encontre de salariées de l'entreprise, et notamment de son assistante sans que jamais cette dernière n'ait tenu des propos équivoques dans les échanges, et qu'il ne s'agit donc pas uniquement « d'échanges pour mieux apprécier des collaborateurs dans le cadre professionnel », propos relevés lors de l'entretien préalable dont le compte-rendu est communiqué au dossier par le salarié, ni d'un mode de communication courtois, ces propos allant au-delà d'un management « proche » de ce dernier avec ses équipes, connu et apprécié par l'employeur.

Après avoir constaté que le salarié avait adressé à son assistante un message lui indiquant « Vous pouvez m'appeler quand vous voulez... j'ai beaucoup aimé votre tenue ce soir ??? vous allez me prendre pour un fou ou trouver mon comportement déplacé mais j'adorerais passer le reste de la nuit avec vous. Une seule et unique fois », qu'il avait proposé à une salariée intérimaire « Voulez-vous voir la chambre ? Je peux la réserver si vous voulez » puis face au refus de celle-ci « Pourquoi ne venez-vous pas chez moi ce soir » et qu'il avait écrit à une autre salariée «J'aime votre façon de manger des bananes...très inspirante », l'arrêt ajoute que les courriels adressés aux fins d'obtenir une rencontre ou féliciter une personne ne contiennent pas de propos à caractère professionnel sans pour autant qu'ils soient dégradants ni humiliants, le salarié n'étant jamais insistant dans ses demandes, n'ayant pas commis de pressions graves dans le but apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle et n'ayant jamais créé une situation hostile ou offensante ou intimidante, de sorte qu'il ne sera pas retenu l'existence de faits de harcèlement sexuel de la part du salarié.

L'arrêt relève ensuite que le salarié a adopté un comportement totalement inadapté pour un salarié qui avait une position de responsabilité vis-à-vis des jeunes femmes qu'il a contactées, plusieurs d'entre elles ayant témoigné de la gêne occasionnée par cette situation qui leur a été imposée par un supérieur hiérarchique, ce qui justifie le licenciement pour motif disciplinaire.

L'arrêt retient enfin que, toutefois si le comportement du salarié était déplaisant et déplacé et avait un caractère habituel, s'agissant d'un salarié qui était un excellent collaborateur et n'avait subi aucun reproche tout au long de la longue collaboration, ce comportement ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise et n'était pas constitutif d'une faute grave mais d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En statuant ainsi, alors qu'elle avait, d'une part, constaté la teneur à connotation sexuelle des messages adressés par le salarié à son assistante, à une salariée intérimaire et à une troisième salariée, d'autre part, relevé que plusieurs salariées avaient témoigné de la gêne occasionnée par la situation imposée par leur supérieur hiérarchique, ce dont elle aurait dû déduire que de tels propos ou comportements à connotation sexuelle répétés créant une situation intimidante ou offensante étaient de nature à caractériser un harcèlement sexuel et à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. »

L’arrêt de la cour d’appel est donc uniquement cassé en ce qu’il juge que le harcèlement sexuel n’est pas constitué et que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse et qu’il a condamné la banque à indemniser la période de mise à pied conservatoire et de payer une indemnité compensatrice de préavis ainsi que l’indemnité légale de licenciement.

L’affaire est renvoyée à la même cour d’appel autrement composée.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049291068?cassPubliBulletin=T&dateDecision=&isAdvancedResult=true&juridictionJudiciaire=Cour+de+cassation&page=2&pageSize=10&pdcSearchArbo=&pdcSearchArboId=&query=%7B%28%40ALL%5Bt%22*%22%5D%29%7D&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT

 

·     Guide endométriose (Anact)

L’Anact a publié en mars 2024 un guide intitulé « Endométriose et travail : comprendre et agir : guide pour les dirigeants et manageurs » auquel vous pourrez accéder en pièce jointe (uniquement sur le blog, pour ne pas atteindre une taille des pièces jointes qui bloque de nombreux mails) et à l’adresse figurant en fin de commentaire. Sur le site de l’Anact, vous pourrez aussi accéder à un « quiz » sur cette pathologie.

Introduction

Je trouve particulièrement intéressant ce guide qui, bien que destiné aux managers de proximité, devrait intéresser un public bien plus large et, en particulier, les professionnels des services de prévention et de santé au travail qui sont éventuellement et seront certainement confrontés à des femmes souffrant d’endométriose.

En effet, comme le rappelle ce guide et un document de l’Inserm à ce sujet, l’endométriose touche environ 10% des femmes, soit entre 1.5 et 2.5 millions de femmes en âge de procréer, entraînant dans 40% des cas des douleurs chroniques importantes ainsi qu’une infertilité. Dans 65% des cas, la pathologie aurait un retentissement négatif sur le travail.

Le diagnostic d’endométriose est souvent porté tardivement, entre 7 et 10 ans. Aussi, il est intéressant de savoir qu’un test salivaire, Endotest© a été mis au point avec de bons résultats selon l’étude qui l’a présenté (« Validation of a Salivary miRNA Signature of Endometriosis ») avec une sensibilité de 96.2%, une spécificité de 95.1%, une valeur prédictive positive de 95.1% et une valeur prédictive négative de 86.7%.

La Haute autorité de santé qui s’est autosaisie de l’évaluation de ce test a considéré que l’Endotest© était « Un test prometteur, à positionner en 3e intention, lorsque le diagnostic est complexe ».  Il permettrait d’éviter des coelioscopies.

La problématique de l’endométriose a été abordée dans le Rapport d'information du Sénat n° 780 (2022-2023) rédigé par quatre sénatrices. Ce rapport est relatif à « La santé des femmes au travail : des maux invisibles ». Vous pourrez spécifiquement accéder à la partie consacrée à l’endométriose sur le site du Sénat. Ce rapport émet un certain nombre de recommandations relatives à la santé des femmes au travail et, plus précisément concernant l’endométriose. J’avais commenté ce rapport dans la lettre d’information du 30 juillet 2023, voir le blog.

Le guide

Informations sur l’endométriose

L’endométriose est une pathologie très fréquente qui reste mal connue. Elle est due au développement dans d’autres organes de tissus semblables à la muqueuse utérine (sur les ovaires, la vessie, le vagin ou le rectum). Ce qui entraîne notamment des atteintes inflammatoires, des lésions, des adhérences ou des kystes.

La symptomatologie de l’endométriose varie selon les femmes et elle peut parfois passer inaperçue.

Elle peut souvent se manifester par des douleurs qui présentent un caractère invalidant et imprévisible. En effet, ces douleurs peuvent survenir durant les règles ou en dehors et sont susceptibles d’entraîner une fatigue chronique, des malaises et des troubles physiques (digestifs, urinaires, douleurs lombaires et dans les jambes).

Le traitement médical de l’endométriose est souvent décevant (et peut entraîner des effets secondaires non négligeables). Parfois, un traitement chirurgical est envisageable.

Les impacts possibles au travail

Une salariée atteinte d’endométriose peut voir celle-ci retentir sur le travail de plusieurs façons :

ü présence de douleurs liées à des changements de positions ou au maintien d’une même position dans la durée (assise, debout, marche, position statique) ;

ü interruption de son activité du fait du besoin de façon répétée de se rendre aux toilettes, parfois de façon urgente, fréquente et prolongée ;

ü diminution de la capacité de concentration, de la capacité de travail, difficultés à effectuer certaines tâches ;

ü travailler alors que la salariée présente un état de fatigue et la nécessité de travailler hors temps de travail pour récupérer du retard du fait d’une moindre efficacité ;

ü absences fréquentes, courtes, non prévues pour gérer la douleur, la fatigue ou les soins.

Ce retentissement professionnel peut entraîner des risques d’isolement, d’exclusion des équipes, une perte de chance d’évolution professionnelle, voire des difficultés de maintien en emploi.

Pour l’entreprise, cela génère une désorganisation du travail due à l’absentéisme et à la variation de l’état de santé de la salariée.

Les effets de la pathologie peuvent aussi entraîner des tensions dans les relations de travail, une surcharge de travail pour les autres salariés du fait de l’absentéisme et une incompréhension de l’équipe.

Pistes d’action pour le management

Je considère que ces pistes d’action peuvent aussi faire l’objet de préconisations du médecin du travail dans le cadre de l’article L. 4624-3 du Code du travail, avec, éventuellement, le conseil d’une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé qui peut justifier, vis-à-vis des autres salariés, les aménagements envisagés.

Les mesures préconisées dans le document peuvent être mises en œuvre de façon ponctuelle ou pérenne afin de faciliter le travail et de favoriser le maintien en emploi. Elles ont pour but d’assouplir l’organisation du travail pour l’adapter à l’état de santé de la salariée.

Exemples de mesures

Aménagement du poste

Il s’agit de l’adaptation du bureau ou du poste avec des chaises ou des fauteuils adaptés (éventuellement aussi pour le télétravail à domicile).

Des aménagements ou des équipements permettant de limiter les manipulations de charges, les positions pénibles et les déplacements.

Le guide rappelle que ces mesures peuvent faire l’objet d’une recommandation du médecin du travail après échange avec la personne concernée et l’employeur.

Aménagement de l’activité

L’aménagement de l’activité suppose préalablement l’identification des tâches ou des situations de travail susceptibles d’aggraver les douleurs ou la fatigue, par exemple, le port de charges, les positions statiques qui durent, de longs déplacements, le trajet domicile / travail.

Il faut aussi repérer les tâches difficilement compatibles avec les interruptions fréquentes de travail liées aux manifestations de l’endométriose. Comme exemples, les relations clients, les interventions en public, les longs déplacements, la gestion d’un événement.

Ces tâches peuvent être supprimées, allégées, reportées ou réparties dans l’équipe.

[NDR – En veillant à ce que cela ne pénalise pas excessivement les autres membres de l’équipe et que cela ne génère pas de réactions négatives de l’équipe vis-à-vis de la salariée].

Les tâches difficiles à réaliser par la salariée du fait de son endométriose pourraient être remplacées par de nouvelles activités compatibles avec l’état de santé de la salariée et compatibles avec ses compétences, y compris avec une formation si besoin.

Il peut y avoir introduction de temps de récupération avec des activités moins sollicitantes.

Un dispositif permettant de réguler la charge de travail pourrait être mis en œuvre avec un système de remplacement de la salariée concernée lors des absences imprévues, la formation d’un binôme, un soutien aux pratiques d’entraide, des points réguliers avec le manager.

Enfin, il devrait y avoir une adaptation des objectifs et des résultats ainsi que des délais de réalisation des tâches pour la salariée, voire pour l’ensemble de l’équipe.

Aménagement des horaires et du temps de travail

Dans ce domaine, plusieurs dispositifs et recommandations sont possibles afin de rendre le travail plus facilement compatible avec l’état de santé :

ü la mise en place d’horaires décalés, flexibles ou fractionnés ;

ü un aménagement avec des pauses plus fréquentes, plus longues et, éventuellement à la demande ;

ü la mise en œuvre de temps partiel [NDR – Le temps partiel peut être mis en œuvre dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique, selon l’article L. 323-3 du Code de la Sécurité qui est possible pour « Le maintien au travail ou la reprise du travail et le travail effectué sont reconnus comme étant de nature à favoriser l'amélioration de l'état de santé de l'assuré » sans forcément un arrêt maladie préalable. Ce temps partiel thérapeutique est aussi possible dans la fonction publique selon les articles L. 823-1 à 6 du Code général de la fonction publique dans les mêmes conditions que dans le privé, pour une durée cependant limitée ç un an, éventuellement renouvelable et pour un temps de travail qui ne peut être inférieur à 50%. Et, à plus long terme il est toujours possible de diminuer le temps de travail par un passage à temps partiel par une modification du contrat de travail avec une éventuelle mise en invalidité] ;

ü la mise en œuvre du télétravail pour éviter la fatigue des déplacements et permettre une meilleure gestion de certains symptômes, ce qui est plus facile à domicile que sur le lieu de travail.

Il faut être vigilant sur certains points des aménagements des horaires, du temps de travail et du télétravail afin que cela ne conduise pas à un isolement trop important de la salariée. Aussi, il est important de les compléter par des mesures permettant de maintenir un lien avec l’entreprise et les membres de l’équipe : points réguliers, organisation de réunions en présentiel ou en visio-conférence, création d’un binôme, suivi au retour au travail après l’absence.

Un autre élément important est la prévention des tensions au sein d’une équipe. En effet, le fait d’accorder à une salariée souffrant d’endométriose des aménagements dont les autres membres de l’équipe ne bénéficient pas peut créer un sentiment de manque d’équité et d’injustice au sein de l’équipe. Tout en préservant le secret médical, il est important de faire part du fait que ces modifications sont liées à l’état de santé de la personne. Et ne constituent pas des mesures de favoritisme sans raison.

[NDR – La reconnaissance d’une qualité de travailleur handicapé (RQTH), dont la salariée peut toujours faire part, constitue une bonne justification des mesures prises en faveur de la salariée].

En cas d’arrêt maladie de longue durée

Il est important d’envisager la réorganisation du travail de la salariée avant la reprise [NDR – Par la visite de pré-reprise (articles R 4624-29 et 30 du Code du travail) et, éventuellement, une demande, par l’employeur ou la salariée, de l’organisation d’un rendez-vous de liaison avec l’employeur et, éventuellement, un membre de l’équipe pluridisciplinaire (article L. 1226-1-3 du Code du travail].

En cas de difficulté à reprendre l’activité antérieure, il est possible de tester un aménagement de poste ou un nouveau poste pendant l’arrêt de travail selon les dispositions de l’essai encadré [NDR – Selon l’article D. 323-6 du Code de la Sécurité sociale].

Lors de la reprise, la mise en œuvre d’un accompagnement est importante, avec des points réguliers et, éventuellement, des ajustements.

Rôle des managers

Les managers ne sont pas légitimes ni compétents pour traiter des questions médicales et n’ont pas à savoir de quel trouble de santé souffrent les salariés de leur équipe. Ils doivent être informés des éventuelles restrictions d’aptitude à mettre en œuvre et ils doivent être à l’écoute des difficultés qu’un salarié présente pour réaliser son travail du fait de son état de santé.

Parmi les bonnes pratiques managériales évoquées par le guide :

ü prendre régulièrement des nouvelles du ressenti au travail de la salariée ;

ü organiser des points avec l’ensemble des collaborateurs atteints de problèmes de santé pour identifier les situations de travail difficiles et rechercher les ressources permettant d’accomplir les tâches dans de bonnes conditions ;

ü rechercher avec les personnes concernées les solutions permettant une meilleure adéquation entre l’état de santé et le travail à réaliser ;

ü informer les autres membres de l’équipe des mesures d’adaptation du travail de leur collègue ;

ü associer les autres membres de l’équipe à la recherche des aménagements s’ils sont concernés ;

ü faire un point régulier sur l’impact des mesures mises en œuvre pour la salariée concernée.

Pistes d’action pour la direction et les ressources humaines

Le guide rappelle que les mesures relatives aux salariées atteintes d’endométriose peuvent être déployées dans le cadre d’aménagements individuels recommandés par le médecin du travail.

Ces actions peuvent aussi être discutées au sein du comité social et économique (CSE) et être intégrées dans un plan d’action ou un accord collectif d’entreprise.

Exemples de mesures

Locaux

Il peut s’agir d’aménagement des sanitaires afin qu’ils soient facilement accessibles et que les soins y soient possibles.

La mise à disposition d’un endroit pour se reposer : une salle au calme équipée d’un canapé, de bouillotte, etc…

L’attribution d’une place de parking à proximité du poste de travail.

Télétravail

Possibilité de bénéficier de jours de télétravail supplémentaires par rapport à ce qui est prévu dans l’entreprise de façon unilatérale par l’employeur ou par accord collectif ou d’aménagement du télétravail en termes de jours ou d’horaires de façon ponctuelle ou régulière.

[NDR - A ce sujet, je reprends une partie d’un écrit du Pr Fantoni Quinton dans un article publié dans la revue Archives des maladies professionnelles et de l’environnement qui permet de s’abstraire des règles du télétravail dans l’entreprise : « Il faut souligner que le médecin du travail peut proposer des mesures d’aménagement de poste indépendamment de tout ce qui est prévu par l’accord d’entreprise dans la mesure où dans le cadre de son indépendance professionnelle, un tel accord ne le lie pas. En d’autres termes, s’il estime que l’état santé d’un salarié justifie en tout ou partie une activité en télétravail il est libre de le proposer.

L’employeur peut néanmoins refuser le télétravail au salarié préconisé par le médecin du travail. Car si, par principe, l’employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail, il n’est cependant pas obligé de les suivre s’il estime que le poste ne le permet pas. L’employeur doit dans ce cas informer par écrit le salarié et le médecin du travail, des motifs qui l’ont conduit à refuser cet aménagement de poste. Cependant, le refus peut engager la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité. »]

Absences et congés

Il est possible d’octroyer des jours de congés supplémentaires, quelques jours par an ou un à deux jours par mois, avec maintien du salaire.

Suppression des jours de carence par une disposition spécifique de l’entreprise ou après reconnaissance de la maladie en affection de longue durée (ALD) sur demande du médecin traitant [NDR – Le médecin du travail a toujours intérêt à conseiller aux salariées souffrant d’endométriose, avec symptomatologie marquée, de faire, avec leur médecin traitant, une demande de reconnaissance d’ALD. En effet, les jours de carence pour les arrêts maladie ne s’appliquent, pour les salariés en ALD, que pour le premier arrêt sur une période de trois ans, selon l’article D. 622-12 du Code de la Sécurité sociale].

Un dispositif de remplacement par intérim ou CDD peut être mis en place en cas d’absence de la salariée si le poste ne peut être laissé vacant.

Soutien financier

Un supplément de soutien peut être versé par la mutuelle.

Des remboursements des frais de transport peuvent être faits en cas de retour au domicile.

Temps partiel

Il peut être envisagé d’aménager les jours et les horaires de temps partiel.

Sur prescription du médecin traitant (et validation par le médecin du travail), il peut être mis en place un temps partiel thérapeutique [NDR – De durée indiquée par le médecin traitant pour le privé (quand il l’indique !). Mais la quotité de travail du temps partiel thérapeutique dans la fonction publique ne peut être inférieure à 50% (article L. 823-3 du Code général de la fonction publique)].

Santé au travail

L’employeur doit informer l’ensemble des salariés de la possibilité de demander une visite auprès du médecin du travail.

Il pourra aussi solliciter le service de prévention et de santé au travail pour identifier les mesures à mettre en œuvre pour les salariées atteintes d’endométriose.

Le médecin du travail, comme nous l’avons vu, pourra proposer par écrit, après échange avec la salariée et l’employeur des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation, ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par l’endométriose.

[NDR – Échanger avec l’employeur ne veut pas dire se plier à ses desiderata au détriment de la santé de la salariée. Le médecin est libre de ses préconisations, à charge de l’employeur de motiver par écrit pourquoi il ne peut y donner suite (article L. 4624-6 du Code du travail)].

En cas de difficulté de maintien au poste

En cas de difficulté de la salariée à tenir son poste de travail, il faudra effectuer une recherche, en faisant coopérer le management, le médecin du travail et le responsable des ressources humaines, d’un changement temporaire d’affectation, voire d’un changement de poste définitif au sein de l’entreprise, si besoin avec une formation.

En l’absence de poste adapté, il pourra être proposé de faire un bilan de compétences et de bénéficier d’une formation pour une reconversion.

[NDR – Rappelons que, dans cet ordre d’idées, tous les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) devraient disposer d’une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle qui peut être mobilisée dans les situations où une salariée ne peut plus assumer son emploi (article L. 4622-8-1 du Code du travail)].

Points de vigilance

Sortit du tabou et lutter contre les stéréotypes

L’endométriose est une maladie mal connue et taboue. Il est difficile pour les femmes qui en sont atteintes de faire part de leurs difficultés au travail.

Des actions d’information générale et de sensibilisation seraient utiles pour lutter contre les préjugés, prévenir les discriminations et inciter les femmes concernées à demander des aménagements si besoin.

Ces actions de sensibilisation seraient à compléter par une communication sur l’engagement de l’entreprise à prendre en compte cette maladie et, plus largement, sur les mesures applicables en cas de problèmes de santé.

Exemples d’actions : diffusion d’un flyer en interne sur l’endométriose et le travail, organisation, à la demande de la direction, d’une séance d’information collective avec le service de prévention et de santé au travail sur les maladies chroniques, dont l’endométriose, et leurs effets sur le travail. Information sur les mesures applicables dans le livret d’accueil des nouveaux arrivants.

S’assurer du respect du secret médical

Le respect du secret médical s’impose aux professionnels de santé (particulièrement aux médecins et aux infirmier). En revanche, il n’y a pas de secret médical pour la salariée qui peut, si elle le souhaite, faire part de ses problèmes de santé dans l’entreprise.

Cependant, ni le manager ni la direction ou le service des ressources humaines n’ont besoin de connaître le diagnostic pour mettre en œuvre les mesures d’aménagement demandées par le médecin du travail.

Ainsi, il serait pertinent, au sein de l’entreprise, de formaliser le circuit de prise en compte de problèmes de santé ayant des impacts sur le travail dans l’endométriose en précisant le rôle de chacun (management, ressources humaines, médecin du travail et professionnels de santé) en précisant la nécessité de respecter le secret médical.

[NDR - En fait ce qui est indiqué ci-dessus s’adresse plutôt aux entreprises d’une certaine taille et pas à la majorité des petites entreprises pour lesquelles les SPSTI pourraient jouer un rôle moteur dans le cadre de leurs missions mentionnées au 5° de l’article L. 4622-2 du Code du travail.]

Il serait aussi possible de former le management à l’accueil et à la prise en compte des difficultés individuelles et à la recherche de solutions adaptées dans le respect du secret médical.

Soutenir le management

Les managers de proximité ont un rôle central à jouer pour adapter l’activité à l’état de santé des membres de leur équipe et ils doivent être soutenus par la direction dans ce rôle.

Voici une liste de mesures qui peuvent être envisagées pour aller dans ce sens :

ü « Partager avec le management la volonté de la direction de mettre en place une organisation tenant compte des problèmes éventuels d’endométriose (et plus largement des maladies chroniques ou invalidantes).

ü Informer les manageurs qu’il est attendu de leur part une posture d’écoute des difficultés éventuelles et de recherche proactive de solutions.

ü Faciliter l’appui du responsable RH ou du Service de prévention et de santé au travail (SPST) au management pour rechercher des solutions en cas de besoin.

ü Discuter avec les manageurs des marges de manœuvre possibles pour faire évoluer l'activité, les horaires ou encore les objectifs d’un membre de leur équipe rencontrant des problèmes de santé, en prenant en compte les répercussions pour les autres.

ü  Permettre aux manageurs de bénéficier de formations, de soutien ou encore d’échanges de pratiques sur ces dimensions.

ü  Inciter les manageurs à faire remonter des propositions d’amélioration de l’organisation facilitant le travail de toutes et tous. »

Nécessité d’une démarche collective d’entreprise

« Les mesures pour traiter des difficultés liées à l’endométriose au travail au cas par cas sont d’autant plus efficaces qu’elles s’intègrent dans une politique globale de prise en compte des maladies chroniques ou invalidantes au travail.

Plusieurs mesures peuvent être déployées à ce titre :

ü Définir un cadre de prise en charge des maladies chroniques ou invalidantes dans l’entreprise (possibilité d’aménager le travail, les horaires, jours de congé…) et pour cela mettre en place un groupe de projet interne associant des manageurs et représentants du personnel.

ü Intégrer les mesures en faveur de l’endométriose dans les accords collectifs ou plans d'action portant sur l’égalité professionnelle et la QVCT (qualité de vie et des conditions de travail), l’aménagement du temps de travail, le télétravail, la prise en compte des maladies chroniques.

ü Suivre la mise en œuvre des accords et plans d’action.

ü Formaliser l’engagement de la direction à rechercher chaque fois que possible des solutions pour maintenir en emploi les salariés concernés (charte d’engagement, réunion d’information, accord d’entreprise…).

ü Communiquer sur le fait que les mesures mises en place pour les membres du personnel atteints de problèmes de santé sont bénéfiques pour toutes et tous.

IMPORTANT : la plupart des mesures contenues dans ce guide pour faciliter le travail des femmes atteintes d'endométriose peuvent s'appliquer à d’autres maladies chroniques (cancer, diabète…). Elles peuvent être déclinées pour permettre le maintien en activité de tout salarié atteint de problème de santé. »

https://www.anact.fr/endometriose

 

      Document unique et prévention dans les entreprises (Dares)

Le document Dares Analyses n° 19 de mars 2024 est intitulé « Comment les employeurs préviennent-ils les risques professionnels ? » Il est signé par Mme Selma Amira.

Vous pourrez accéder à de document en pièce jointe et sur le site de la Dares à l’adresse en fin de commentaire.

Il est intéressant de connaître la diffusion du document unique dans les entreprises, en particulier les plus petites, car les SPSTI ont pour mission d’aider les entreprises à réaliser leur document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) 2° de l’article L. 4622-2 du Code du travail) et que, selon le rapport sur les SPST de la direction générale du travail cela n’est pas très fréquent (le conseil pour la rédaction du Duerp des entreprises représente 5% de l’activité des SPSTI,.

Introduction

Les données présentées dans ce document sont issues de la partie employeurs de l’enquête Conditions de travail menée, par l’Insee, tous les 3 ans depuis 1978 et qui comprend un versant employeurs depuis 2013.

Le volet employeurs de l’enquête Conditions de travail interroge les employeurs sur l’exposition à des risques professionnels de leurs salariés et sur leur gestion de ces risques professionnels.

L’étude s’est intéressée à la présence du document unique d’évaluation des risques professionnels et à la prévention mise en œuvre relative aux risques physiques et psychosociaux en fonction de critères de taille des entreprises, de secteur d’activité et d’exposition à des facteurs de risque professionnels.

La mise en œuvre du Duerp est prévue par l’article R. 4121-1 du Code du travail depuis 2001. Il doit être mis à jour au moins annuellement et chaque fois qu’un événement est susceptible de retentir sur la santé des salariés. Les entreprises de moins de 11 salariés ne sont pas tenues à cette mise à jour annuelle (R. 4121-2).

L’obligation de la réalisation d’un Duerp concerne tant les établissements et entreprises du privé que les établissements, administrations et collectivités du public.

Résultats

Données sur les expositions de l’enquête Conditions de travail 2019

Secteur privé

Dans le privé, globalement, 60% des établissement sont peu ou pas exposés à des risques professionnels, 14% uniquement à des risques psychosociaux (RPS), 16% exclusivement à des risques physiques et 10% aux deux types de risques.

On retrouve des différences notables d’expositions en fonction de différents secteurs d’activité :

ü dans l’agriculture, la sylviculture et la pêche, 61% d’établissements avec peu ou sans risques, 6% avec RPS exclusivement, 21% avec risques physiques exclusivement et 12% avec les deux types de risques ;

ü dans l’industrie, 43% des établissement sont peu ou pas exposés, 8% à des RPS exclusivement, 32% à des risques physiques uniquement et 16% aux deux ;

ü dans la construction, 51% des établissements sont exposés à peu ou pas de risques, 9% à des RPS, 32% à des risques physiques uniquement et 8% aux deux ;

ü dans le secteur des services, 63% des établissements sont peu ou pas exposés, 16% le sont à uniquement à des RPS, 11% à des risques physiques exclusivement et 10% aux deux types de risques.

Secteur public

Dans la fonction publique, globalement, 32% des établissements sont peu ou pas exposés à des risques professionnels, 23% le sont uniquement à des RPS, 7% seulement à des risques physiques et 38% aux deux risques professionnels.

En fonction des différents versants de la fonction publique on retrouve :

ü dans la fonction publique hospitalière (FPH), 17% d’établissements avec peu ou pas de risques, 37% avec seulement des RPS, 7% avec uniquement des risques physiques et 40% avec les deux risques ;

ü dans la fonction publique d’Etat (FPE), 1% d’établissements peu ou pas exposés à des risques, 18% uniquement à des RPS, 11% exclusivement à des risques physiques et 70% aux deux risques ;

ü dans la fonction publique territoriale (FPT), 41% des établissements sont peu ou pas exposés, 17% le sont exclusivement à des RPS, 7% uniquement à des risques physiques et 36% aux deux types de risques professionnels.

Présence du document unique d’évaluation des risques professionnels

Dans l’ensemble des établissements, tant du privé que du public, en 2019, un Duerp est présent dans 46.4% des cas, soit dans un peu moins de la moitié des établissements.

Le Duerp intègre, dans seulement 48% des cas, les risques psychosociaux (RPS) et il a été porté à la connaissance du personnel dans 77% des cas.

Dans le secteur privé

Dans le secteur privé, un Duerp est présent dans 46% des établissements ou des entreprises, il intègre les RPS dans 47% des cas et il a été porté à la connaissance des salariés dans 77% des cas.

Dans certains secteurs d’activité, a priori plus exposés à des risques professionnels, le Duerp est plus présent.

Il en est ainsi dans le secteur de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche (59%), de l’industrie (57%) et de la construction (60%).

Dans le secteur public

Globalement, un Duerp est présent dans 51% des établissements de la fonction publique. Les RPS sont pris en compte dans 50% des Duerp et ils sont portés à la connaissance des agents de façon plus importante que dans le privé (84%).

On peut noter des différences importantes en termes de présence du Duerp dans les différents versants de la fonction publique. Le Duerp est présent dans 70% des établissements de la FPH, dans 60% de ceux de la FPE et 46% de ceux de la FPT. Alors que cette dernière expose ses agents à de très nombreux risques professionnels.

Présence d’un Duerp à jour en 2019 en fonction de la taille des établissements

Il y a un gradient croissant du taux de présence du Duerp en fonction de l’effectif de l’établissement tous secteurs d’activité confondus (entre parenthèses respectivement dans le privé et dans le public) : 41.1% (41% et 46%) dans ceux de 1 à 10 travailleurs, 69.4% (69% et 53%) dans ceux de 11 à 49 travailleurs, 82.6% (83% et 68%) dans ceux de 50 à 249 travailleurs et 91% (91% et 85%) dans ceux de 250 travailleurs et plus.

[NDR - On peut donc constater que le Duerp, qui permet l’évaluation des risques et donc la possibilité de mettre en œuvre une prévention individuelle ou collective, est très peu présent dans les petites structures qui sont les plus nombreuses en termes d’effectif d’entreprises ou d’établissements. Ce sont  particulièrement ces entreprises qu’il est nécessaire d’aider à évaluer leurs risques professionnels.]

Présence du Duerp en fonction de l’exposition à des facteurs de risque professionnels

Les établissements sont 37% à disposer d’un Duerp en 2019 s’il y a peu de risques professionnels ou pas du tout, 51% à en disposer en cas de présence de RPS, 63% en cas de présence de risques physiques et 65% s’il y a des risques physiques et psychosociaux.

Mise en œuvre d’une prévention des risques professionnels

Mise en œuvre de la prévention en fonction de l’exposition aux risques

La mise en œuvre de mesures de prévention dépend de la présence et de la nature des risques professionnels auxquels les travailleurs sont exposés.

Dans l’ensemble des établissements, des actions de prévention des risques professionnels sont mises en œuvre dans 28% des cas contre les risques physiques et les RPS, dans 52% contre les risques physiques et 33% contre les RPS.

Selon la présence des différents risques, une prévention des deux risques est mise en œuvre globalement (entre parenthèses, respectivement la prévention des risques physiques et des RPS) dans les pourcentages suivants des établissements :

ü 20% (40% et 23%) lorsqu’il y a peu ou pas d’exposition ;

ü 37% (59% et 47%) lorsqu’il y a exclusivement des RPS ;

ü 36% (74% et 40%) lorsqu’il y a exclusivement présence de risques physiques ;

ü 56% (77% et 49%) lorsqu’il y a présence simultanée des deux risques professionnels.

Nombre d’actions de prévention

Le nombre d’actions de prévention varie selon que l’exposition professionnelle consiste, d’une part, en des risques physiques ou psychosociaux et, d’autre part, en fonction de leur nombre.

Ainsi, en cas de présence de 1 ou 2 risques physiques, il y dans 34% une seule action, 20% deux actions et dans 18% des cas 3 actions. S’il y a 3 risques physiques et plus, il y a respectivement, dans 27%, 21% et 33% des cas, une, deux ou trois actions et plus.

Lorsqu’il y a présence d’un ou deux RPS, il y a dans 23% des cas une seule action, dans 9% deux actions et dans 11% trois actions ou plus. En cas de présence de 3 risques ou plus, il y a dans 32% des cas une seule action, dans 13% des cas deux actions et dans 21% des cas trois actions ou plus.

Ainsi, les établissements mettent d’autant plus en œuvre des actions de prévention que leurs travailleurs sont exposés à des risques professionnels.

Mise en œuvre des actions de prévention en fonction du secteur d’activité et des expositions

Données globales

Globalement, en 2019, pour les secteurs privé et public, 52% (75% lorsqu’il y a une exposition) des établissements ont fait une action de prévention des risques physiques et 33% (51% s’il y a exposition) ont réalisé une action de prévention des RPS.

Secteur privé

Dans le privé (entre parenthèses, taux lorsqu’il y a exposition au risque), 51% (76%) ont fait au moins une action de prévention des risques physiques et 32% (50%) au moins une action de prévention des RPS.

Ces taux sont plus élevés dans certains secteurs d’activité : pour la prévention des risques physiques, 64% (86%) dans l’agriculture, la sylviculture et la pêche, 64% (82%) pour l’industrie, 61% (73%) dans la construction et moins dans les services, 48% (74%). Pour la prévention des RPS, ces taux sont de 29% (43%) pour l’agriculture, la sylviculture et la pêche, 40% (61%) pour l’industrie, 21% (24%) dans la construction et 33% (52%) dans les services.

Les taux des actions de prévention varient aussi en fonction du nombre de salariés des établissements. Au moins une action de prévention des risques physiques dans 46% (71%) des établissements de 1 à 10 salariés et de prévention des RPS dans 27% (43%). Dans les établissements de 250 salariés et plus, ces taux d’au moins une action de prévention sont de 96% (98%) pour les risques physiques et de 93% (97%) pour les RPS.

Fonction publique

Dans la fonction publique, globalement, en 2019, il y au moins une action de prévention des risques physiques (entre parenthèses, taux lorsqu’il y a au moins un risque) dans 67% (73%) des établissements et au moins une action de prévention des RPS dans 47% (56%) des établissements.

Là aussi les actions de prévention mises en œuvre varient en fonction du versant de la fonction publique.

La FPH a fait au moins une action de prévention des risques physiques dans 86% (85%) des établissements et de prévention des RPS dans 87% (89%) des établissements. Ces taux sont respectivement de 65% (63%) pour la prévention des risques physiques et 54% (52%) pour la prévention des RPS dans la FPE. Dans la FPT, il y au moins une action de prévention des risques physiques dans 67% (77%) et de prévention des RPS dans 43% (59%) des établissements.

Dans la fonction publique, le taux de mise en œuvre d’au moins une action de prévention croît avec la taille de l’établissement : 65% (72%) pour les risques physiques et 33% (43%) pour les RPS dans les établissements de 1 à 10 agents et, respectivement, 97% (98%) pour les risques physiques et 94% (96%) pour les RPS dans les établissement de 250 agents et plus.

Les actions de prévention mises en œuvre en 2019

Ces actions de prévention dépendent du risque à prévenir et il peut y en avoir de plusieurs types dans le même établissement.

Pour les risques physiques, les actions mises en œuvre en 2019 sont pour :

ü 18%, l’acquisition de nouveaux équipements professionnels individuels (EPI) ;

ü 16%, la formation du personnel à la sécurité ;

ü 16%, la modification des locaux ;

ü 9%, la modification de l’organisation du travail ;

ü 8%, un nouveau plan de prévention ;

ü 3%, le recours à une expertise extérieure.

Pour les RPS, les actions de prévention mises en œuvre sont pour :

ü 16%, une assistance de manière confidentielle [NDR – Il s’agit a priori d’une cellule d’écoute dont les effets ne sont pas forcément très efficaces] ;

ü 11%, des aménagements horaires ;

ü 7%, le signalement de situations à risque ;

ü 5% chacun, une formation spécifique des travailleurs et celle des encadrants ;

ü 4% chacun, une procédure de résolution des conflits et un plan de prévention des RPS ;

ü 3% chacun, une enquête qualitative ou quantitative sur les RPS ;

ü 2%, un audit de cabinet spécialisé.

Établissements mettant en œuvre des actions en fonction des risques professionnels

Les taux d’établissements mettant en œuvre des actions de prévention lorsque leurs travailleurs sont exposés à différents risques physiques et RPS figurent ci-dessous.

Risques physiques

Des actions de prévention sont mises en œuvre dans :

ü 87.4% des établissements pour le travail en équipe alternée ;

ü 83.6% pour le travail à la chaîne ou répétitif ;

ü 53.3% pour le bruit et les vibrations mécaniques ;

ü 83% pour les agents chimiques dangereux ;

ü 76.8% pour les températures extrêmes ;

ü 76.4% pour les postures pénibles ;

ü 76% pour la manutention de charges lourdes ;

ü 70.5% pour le travail de nuit.

Risques psychosociaux

Les actions de prévention sont mises en œuvre dans :

ü 67.4% des établissements en cas de tensions entre collègues ;

ü 61.2% en cas de surcharge de travail ;

ü 59.3% en cas de tensions avec la hiérarchie ;

ü 58.6% en cas de sentiment de faire du travail bâclé ;

ü 57.5% en cas de travail dans l’urgence ;

ü 55% en cas d’horaires imprévisible ;

ü 54.4% en cas de tensions avec le public ou la clientèle ;

ü 48.8% en cas de crainte des travailleurs de se retrouver au chômage.

Conseils pour les employeurs et instances représentatives du personnel

Les employeurs peuvent bénéficier, en termes de prévention de la santé et de la sécurité, de conseils de différents organismes spécialisées ainsi que du service de prévention et de santé au travail et de l’inspection du travail.

Il faut préciser que les données présentées dans ce document datent de 2019 et les instances représentatives du personnel ont changé à partir de 2020 avec la transformation du CE en CSE, la suppression du CHS-CT (remplacé par une commission santé sécurité et conditions de travail qui n’a aucun pouvoir et n’est présente que dans les entreprises de plus de 300 salariés) et des délégués du personnel (remplacés de manière facultative par des représentants de proximité). [NDR - Un document récent de l’Ires fait un bilan relativement négatif des modifications des instances représentatives du personnel entraînées par les ordonnances Macron de 2017 en termes de santé et de sécurité des travailleurs.]

Donc, en termes de demandes de conseil des employeurs auprès d’organismes spécialisés, dans l’ensemble 35% des employeurs le font mais c’est :

ü 30% lorsqu’il n’y a pas d’instances représentatives du personnel (IRP) et 54% lorsqu’il y en a ;

ü 32% lorsqu’il n’y a pas de CHSCT et 55% lorsqu’il y en a un ;

ü 33% en l’absence de négociations sur les conditions de travail et 61% lorsqu’il y en a ;

ü 33% en l’absence de proposition du CHSCT ou des délégués du personnel et 73% lorsqu’il y en a un.

Or, il s’avère que la mise en œuvre de mesures de prévention est plus fréquente lorsque l’employeur fait appel à des conseils d’organismes spécialisés. Ainsi il y a, en 2019, au moins une action de prévention respectivement des risques physiques et RPS dans les 12 mois précédents dans respectivement :

ü 40% et 20% des établissements en l’absence de recours à des conseils 

ü 75% et 51% des cas s’il y a eu recours à des conseils spécialisés.

Focus sur prévention des risques professionnels et dialogue social

Comme cela a été constaté antérieurement, la prévention des risques professionnels est plus fréquente lorsqu’il y a la présence d’une IRP au sein de l’établissement. En 2019, les établissements de 250 salariés et plus sont dotés de représentants du personnel et d’un CHSCT de façon presque systématique et environ 95% d’entre eux effectuent au moins une action de prévention des risques, comme nous l’avons vu.

Les établissements de moins de 250 salariés sont, dans leur ensemble, 45% à avoir effectué au moins une action de prévention pour les risques physiques lorsqu’il n’y a pas d’IRP et 78.4% lorsqu’il y a une IRP.

Lorsqu’ils sont exposés à un risque physique, 70.2% de ceux sans IRP et 85.7% de ceux avec IRP ont mis en œuvre au moins une action de prévention en 2019.

Pour les risques psychosociaux, pour l’ensemble des établissements, 24.8% de ceux sans IRP et 61.3% de ceux avec IRP ont mis en œuvre une action de prévention des RPS. Si l’établissement est exposé à un RPS, ils sont respectivement 40.5% de ceux sans IRP et 67.6% de ceux avec IRP à avoir au moins mis en œuvre une action de prévention des RPS en 2019.

La présence d’un CHSCT, surtout s’il était actif, jouait aussi sur réalisation d’actions de prévention (entre parenthèses, les taux des établissements ayant mené au moins une action de prévention respectivement pour les risques physiques et les RPS) :

ü absence d’IRP (44.8% et 24.6%) ;

ü IRP mais sans CHSCT (76.6% et 46.3%) ;

ü CHSCT inactif (67.1% et 57.5%). Le CHSCT est dit inactif si ses réunions ne sont pas régulières et s’il n’émet pas de propositions relatives à la prévention ;

ü CHSCT actif (85.4% et 77.4%).

À taille égale des établissements, ceux dotés d’IRP sont plus à même de mettre en œuvre de la prévention du fait que les représentants du personnel sont susceptibles de faire remonter auprès de l’employeur les risques professionnels auxquels leurs collègues sont exposés, amenant l’employeur, dans le cadre de ses obligations légales, à mettre en œuvre une prévention des risques professionnels dont il a été informé.

https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/51dff5761f980e4ca796c7767524b287/Dares_DA_Prevention_risques%20pro.pdf

 

·       Rapport sur le DUERP dans la fonction publique territoriale (Csfpt)

Le rapport sur le « Document unique d’évaluation des risques dans la fonction publique territoriale » a été présenté au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (Csfpt) lors d’une séance plénière du 28 février 2024 durant laquelle il a été voté. Le rapporteur de ce rapport est M. Christophe Iacobbi.

Vous pourrez accéder à ce rapport en pièce jointe et sur le site du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (FPT), à l’adresse figurant en fin de commentaire.

Je ne retiendrai de ce rapport que les éléments qui apparaissent essentiels pour juger du respect de l’obligation de mise en œuvre du Document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) ainsi que les éléments sur les risques professionnels dans la FPT.

Ce document m’apparaît d’autant plus intéressant que, comme cela a été mentionné dans le rapport de la DGT sur les SPST commenté dans la lettre du 10 mars 2024, les SPSTI suivent 364 652 agents des collectivités territoriales, voir le blog.

Les modalités et raisons du diagnostic

La mise en œuvre du Duerp dans la FPT a été estimée par une étude qualitative exploratoire menée dans 17 collectivités et établissements publics territoriaux  en prenant soin de tenir compte des différentes tailles de collectivités et d’établissements publics et de leur répartition dans une bonne partie du territoire national.

Il s’avère que, juridiquement, la mise en œuvre du Duerp constitue une obligation de l’employeur prévue par la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 transposant en droit français la Directive européenne 89/391 du 12 juin 1989.

Ainsi, le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 crée l’obligation de transcrire dans un document unique l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Cette obligation a été introduite dans le Code du travail dans un article R. 230-1 qui a été recodifié en 2008 dans l’article R. 4121-1 du Code du travail.

Il est rappelé que, pour les fonctions publiques d’Etat et territoriale, relativement aux règles relatives à la santé et à la sécurité, l’article L. 811-1 du Code général de la fonction publique dispose que ce « sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail ».

L’auteur du rapport indique que la FPT présente un nombre de jours d’absence maladie par agent élevé, en moyenne de 24.2 jours parmi lesquels les absences pour maladie ordinaire sont les plus nombreuses (13.4 jours en moyenne par agent, soit 55% des jours d’absence en 2015), suivies par la longue maladie (31%), les accidents du travail (10%) et les maladies professionnelles (4%). Entre 2005 et 2015, le nombre de journées d’absence pour raison de santé a augmenté de près de 5 jours par agent.

Ce nombre de jours d’absence varie en fonction de la taille de l’établissement ou de la collectivité territoriale. Ainsi, en 2015, on peut constater qu’il y a 11 jours d’absence annuels dans les collectivités de moins de 5 agents et 26 jours pour celles de plus de 1 000 agents.

En 2015, 35% des collectivités disposaient d’un Duerp et 17% déclarent qu’il est en cours de réalisation. Seules 3% des collectivités disposent d’un plan de prévention des risques psychosociaux et 7% sont en train de le réaliser.

L’employeur doit évaluer l’ensemble des risques auxquels sont exposés les agents afin d’être en mesure de mettre en œuvre une prévention à laquelle il est obligé.

Le Duerp doit être accessible aux agents, aux instances de concertation telles que le comité social et, éventuellement, la formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail (F3SCT) et aux médecins du travail.

Le non-respect de l’obligation de réaliser un Duerp a été caractérisé comme une infraction, passible de sanctions pénales mais aussi de poursuites civiles et administratives.

Donnés sur la FPT

Les différentes catégories d’agents

La 12e synthèse nationale des rapports sur l’état des collectivités territoriales au 31 décembre 2019, réalisée à partir d’uns synthèse des bilans sociaux, a permis d’obtenir les informations qui suivent.

En 2019, la FPT comprend 75% d’agents de catégorie C et 12% d’agents de catégorie B. La FPT est le versant de la fonction publique où les agents de catégorie C sont majoritaires. Dans la fonction publique d’Etat (FPE), les agents de catégorie C représentent 21% des effectifs et 48% dans la fonction publique hospitalière (FPH). Les cadres de catégorie A ne représentent que 12% des effectifs de la FPT versus 55% dans la FPE et 37% dans la FPH.

Santé et sécurité au travail

Parmi les 44 100 collectivités territoriales ayant au moins un agent, on estime, en 2019, qu’entre 16 500 et 17 000 ont mis en place un Duerp, soit entre 37.5% et 38.5% des collectivités territoriales.

Plus les collectivités sont d’une taille importante plus elles ont mis en place un Duerp. On passe d’un peu plus de 50% à un peu plus de 80% de collectivités qui ont mis en place un Duerp pour respectivement les collectivités de 20 à 49 agents et de 1 000 agents et plus.

Dans l’ensemble des collectivités territoriales, 18% ont mis en œuvre au moins une démarche de prévention des risques ou un plan de prévention des risques.

La démarche de prévention peut concerner les troubles musculo-squelettiques, les expositions à des produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques ou les risques psychosociaux.

Une extrême minorité de 1% a mis en œuvre l’ensemble de ces mesures de prévention. Finalement, alors que de très nombreux agents de la fonction publique territoriale sont exposés à des risques professionnels, 82% des collectivités n’ont mis en place aucune démarche de prévention.

Sinistralité dans la FPT

En 2019, il y a en moyenne 6.3 accidents de service, 0.9 accident de trajet et 1.1 maladie professionnelle pour 100 agents [NDR – Selon le rapport sur la fonction publique 2021, il y avait dans la FPT, en 2019, 1 935 435 agents].

Le taux des accidents de service varie fortement en fonction de la filière des collectivités territoriales, le taux moyen étant de 6.3 accidents pour 100 agents. Il est le plus élevé dans la filière incendie et secours (15.9 pour 100 agents), la police (11.9/100 agents) et la filière technique (8.4/100 agents). Le taux est minimal dans la filière culturelle (1.6/100 agents) ou administrative (1.9/100 agents).

Le taux des maladies professionnelles moyen est de 1.1 maladie professionnelle pour 100 agents. Les taux les plus élevés concernent la filière technique (1.8/100 agents), la filière médico-technique et sociale (1.7/100 agents) et sociale (1.5/100 agents). Il n’y pas de maladies professionnelles reconnues dans la police, la filière incendie et sécurité et très peu dans les filières administrative et culturelle (0.2/100 agents).

Les taux des accidents de service et des maladies professionnelles varient selon le type de collectivité. Les services départementaux d’incendie et de secours (les pompiers) se caractérisent par un taux élevé d’accidents de service (13.4%).

Au sein des communes et des établissements communaux, la fréquence des accidents de trajet et de service augmente avec la taille de la collectivité. Ainsi, on compte 1.8 accident de service pour 100 agents dans les communes, et leurs établissements, de moins de 1 000 habitants contre 8.5/100 agents dans celles de 100 000 habitants.

L’absentéisme moyen en 2019 est de 26.4 jours, en diminution par rapport aux 27.4 jours de 2017. L’absentéisme pour 100 agents pour raison de santé est de 24.8 jours en 2019 contre 24.3 jours en 2017.

En 2019, la répartition des journées d’absence pour raison de santé est la suivante : 12.4 jours en maladie ordinaire, 8 jours en longue maladie, 2.8 jours pour des accidents de service et 1 jour pour maladie professionnelle.

Le nombre moyen de jours d’absence pour raison de santé pour 100 agents est notablement plus élevé chez les fonctionnaires de la FPT (27.3 jours) que chez les contractuels (8.3 jours). Chez les fonctionnaires, certaines tranches d’âge montrent un nombre de jours d’absentéisme plus élevé que la moyenne, avec un gradient croissant avec l’âge, 28.5 jours pour les 50-54 ans, 34.7 jours pour les 55-59 ans, 49.7 jours pour les 60-64 ans et 53.7 jours pour les 65 ans et plus.

La durée moyenne des absences pour raison de santé est aussi corrélée à la taille de la collectivité. Plus de 30 jours pour celles de plus de 20 000 habitants, 31.4 jours pour celles de 20 000 à 50 000 habitants, 32.4 jours pour celles de 50 000 à 100 000 habitants et 34.6 jours pour celles de plus de 100 000 habitants.

En termes d’inaptitude, il y a eu, en 2019, 4 487 décisions d’inaptitude définitive concernant des fonctionnaires. La filière technique représente à elle seule, 62% de ces décisions d’inaptitude.

L’auteur du rapport conclut de ces données que « la mise en place d'une politique globale de prévention incluant la réalisation du document unique est d'autant plus nécessaire au regard du contexte et du profil des agents de la fonction publique territoriale. La réalisation d'un document unique d'évaluation des risques professionnels constitue donc une étape essentielle à mettre en œuvre pour lutter notamment contre les phénomènes d'absentéisme au travail. »

Préconisations

Mesures législatives et réglementaires

Améliorer les textes législatifs et les décrets d’application pour rendre obligatoire la création de formations spécialisées santé, sécurité et conditions de travail (F3SCT) auprès de tous les comités sociaux territoriaux sans niveau de seuil de personnel.

[NDR – La F3SCT n’est obligatoire que pour les établissements de 200 agents ou plus ou lorsque les agents sont exposés à des risques professionnels, selon l’article L. 251-9 du Code général de la fonction publique].

Il est nécessaire de créer une commission spécifique composée de tous les acteurs de la prévention avec pour mission prioritaire : la mise à jour du Duerp, la mise en œuvre des plans de prévention, le renforcement de la formation et des moyens d’action pour l’ensemble des acteurs de la prévention. Cette commission spécifique devrait se réunir au moins mensuellement.

Envisager une approche transversale dans la FPT afin d’élaborer et de négocier des plans de prévention pour les risques les plus récurrents et sensibles par métier. Le Conseil supérieur de la fonction publique aurait vocation à en constituer le cadre.

Formalisme et contenu du Duerp

Il est préconisé d’articuler le contenu du Duerp avec une logique de plans d’actions transversaux par métiers à l’échelle de la FPT.

En termes de communication

La valorisation du Duerp permettrait de mettre en avant le travail engagé par la collectivité, de sensibiliser les agents sur les risques professionnels et de mobiliser le personnel. Cette valorisation devrait prendre la forme :

ü d’un rappel des représentants de l’Etat auprès des collectivités territoriales du caractère obligatoire du Duerp ;

ü d’une présentation du Duerp à l’assemblée délibérante ;

ü de réaliser un point sur la prévention des risques lors de l’entretien annuel d’évaluation professionnelle ;

ü de la transmission à un nouvel agent de la fiche de risque correspondant à son unité de travail ;

ü d’assurer une publicité de l’existence du Duerp dans le livret d’accueil des agents ;

ü de faire un bilan annuel et le présenter aux agents, en plus de la présentation au comité social territorial.

En termes de moyens humains / formation

ü « Professionnaliser les conseillers et assistants de prévention et formaliser leurs missions en leur dédiant un temps spécifique qui serait en fonction de la taille de la collectivité ou les mutualiser. La valorisation de cette fonction complémentaire sera majeure.

ü Permettre l’évaluation des plans de formation en y associant les agents concernés par sa mise en œuvre.

ü Renforcer la formation et les moyens de l’ensemble des membres de la formation spécialisée « hygiène - sécurité - conditions de travail » en fonction du rôle de chacun.

ü Sensibiliser les élus ainsi que les responsables des ressources humaines aux avantages d’une politique de prévention et de qualité de vie au travail.

ü Former, sensibiliser les encadrants sur leurs responsabilités en matière de santé, de sécurité au travail et ce, dès leur prise de poste.

ü À chaque mise à jour du DUERP, informer et sensibiliser les agents sur la partie qui les concerne. »

En termes de mesures structurelles

ü Clarifier le partage de responsabilités entre les différentes hiérarchies lorsqu’elles sont partagées.

ü Mettre en place les plans de prévention découlant du Duerp en matière de sécurité au travail auprès des agents et de leurs encadrants.

ü Développer une véritable culture de prévention en utilisant les retours du Rapport social unique présentant les données sur les sinistres.

ü Créer un référentiel national des métiers de la FPT sur lequel les acteurs de la prévention pourraient s’appuyer car il exposerait leurs risques professionnels. Pour ce faire, la pénibilité des métiers devrait être prise en compte, telle que présentée dans le Code du travail et des indicateurs sur les risques psychosociaux systématisés (nombre moyen de jours d’absence par agent, taux de rotation des agents sur les emplois permanents, taux de visites à la demande chez le médecin du travail et nombre d’actes de violence envers le personnel, le flux de départs volontaires, le nombre de reclassements, etc…).

Conclusion

« Ainsi, le DUERP, qui peut paraître contraignant au premier abord, constitue un véritable outil au service tant des agents que de leurs employeurs.

Grâce à un travail d’analyse par les différents acteurs, il permet de mettre en place l’évaluation des risques professionnels ainsi que son plan d’actions. Il s’agit bien d’une approche globale dynamique qui conduit vers la rédaction du plan annuel de prévention pour élaborer le rapport annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail dans le cadre d’un dialogue social renforcé.

Toutes ces étapes sont liées et s’alimentent mutuellement. Le DUERP n’est donc pas la compilation des risques potentiels mais bien une évaluation rigoureuse de ceux-ci, un diagnostic organisé des risques qui devient un support de l’action. Il s’inscrit bien dans une démarche collective sur la réalité du travail et d’analyse critique des prescriptions.

Il est donc majeur :

Que l’ensemble des collectivités territoriales s’emparent du DUERP, son taux de réalisation de 38 % issu de la dernière synthèse des bilans sociaux de la DGCL [la Direction générale des collectivités locales] est trop faible malgré l’obligation légale ancienne, notamment rappelée par une circulaire de la DGCL ;

• que les freins identifiés à la mise en conformité des employeurs vis-à-vis de leurs obligations d’élaboration du DUERP soient pleinement levés, ce qui implique notamment de requestionner le formalisme du document lui-même et la lourdeur de son élaboration ;

• que les préconisations ici établies s’articulent avec les travaux nécessaires à la configuration opérationnelle du futur fonds de prévention de l’usure professionnelle, d’accompagnement des transitions professionnelles et de maintien dans l’emploi dans la FPT.

Nous avons également vu que la formation jouait un rôle majeur notamment dans la professionnalisation des conseillers et assistants de prévention pour accomplir leurs missions, mais aussi dans le cadre du maintien dans l’emploi en prévention. Il conviendra donc de la renforcer.

En effet, l’analyse des risques permet de détecter les risques potentiels liés à certaines fonctions et d’agir en amont auprès des agents concernés pour anticiper une reconversion professionnelle.

Cela concourt à une politique de santé au travail plus globale. Celle-ci est en constante évolution avec le développement des nouvelles formes de travail qui induisent d’autres risques, notamment psychosociaux, auxquels peuvent être exposés les agents, de manière plus intense.

Les agents constituent la richesse des collectivités territoriales. La préservation de leur santé et de leur sécurité doit donc être une vraie priorité. L’objectif constant d’améliorer leurs conditions de travail, la santé et la sécurité doit être une valeur partagée par tous les acteurs de la collectivité et à tous les niveaux. Cette transversalité nécessaire est le fondement d’une politique de santé au travail proactive.

Cette situation permettra aux agents d’accomplir au mieux leurs missions de service public.

En conclusion, créer un document unique et son plan d’actions est précieux. »

https://www.csfpt.org/sites/default/files/51_-_rapport_le_document_unique_devaluation_des_risques_professionnels_dans_la_fpt.pdf

 

Voilà une lettre d’information avec des thèmes intéressants pour appréhender la prévention des risques professionnels pour la santé et ce que l’on peut envisager pour le maintien en emploi dans le cas de pathologies chroniques…

 

Jacques Darmon