Lettre d'information du 31 mai 2020




Le 31 mai 2020

Au sommaire de cette lettre d'information… Des textes de loi… un décret relatif à "StopCovid"… un décret sur les prestations en espèces pour la Covid-19… un décret abrogeant l'autorisation d'utilisation de la chloroquine et de l'hydroxychloroquine dans les établissements de soins… et un arrêté limitant la délivrance du Plaquenil© à certains prescripteurs… Une jurisprudence consacrée au caractère forfaitaire du montant du salaire que l'employeur doit reprendre un mois après l'avis d'inaptitude en l'absence de reclassement ou de licenciement… Un point sur la polémique après la publication dans The Lancet d'une étude sur le traitement par chloroquine et hydroxychloroquine… Un commentaire d'un document de la Dares sur l'activité durant le confinement et les salariés les plus exposés à la Covid-19… Une étude sur les inégalités territoriales en termes d'hospitalisations, de décès et de surmortalité vis-à-vis de la Covid-19… Et une étude anglaise analysant les facteurs de risque de décès à l'hôpital du fait de la Covid-19 avec intégration, dans ces facteurs de risque, d'un indice de précarité lié au lieu du domicile…

·     Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires
Décret n° 2020-650 du 29 mai 2020 relatif au traitement de données dénommé «StopCovid»
Après le vote favorable de l'assemblée nationale et du Sénat, ce décret vient officialiser la mise en œuvre de l'application "StopCovid". Le décret entre en vigueur le 31 mai 2020, pour une durée allant jusque 6 mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire.
Il s'agit d'une application s'installant sur les téléphones mobiles et capable de tracer les croisements entre individus, données qui sont stockées, de façon anonyme, sur un serveur central et qui sont utilisées dès lors qu'un utilisateur déclare qu'il est atteint par la Covid-19.
L'application "StopCovid" est gratuite et son utilisation fait appel au volontariat.
Voici les objectifs de ce dispositif :
" 1° D'informer les personnes utilisatrices de l'application qu'il existe un risque qu'elles aient été contaminées par le virus du covid-19 en raison du fait qu'elles se sont trouvées à proximité d'un autre utilisateur de cette application ayant été diagnostiqué positif à cette pathologie. Les personnes exposées à ce risque sont désignées ci-après comme « contacts à risque de contamination » ;

2° De sensibiliser les personnes utilisatrices de l'application, notamment celles identifiées comme contacts à risque de contamination, sur les symptômes de ce virus, les gestes barrières et la conduite à adopter pour lutter contre sa propagation ;

3° De recommander aux contacts à risque de contamination de s'orienter vers les acteurs de santé compétents aux fins que ceux-ci les prennent en charge et leur prescrivent, le cas échéant, un examen de dépistage ;
4° D'adapter, le cas échéant, la définition des paramètres de l'application permettant d'identifier les contacts à risque de contamination grâce à l'utilisation de données statistiques anonymes au niveau national.

Concrètement, le serveur central garde la trace des contacts entre les utilisateurs de l'application. Si l'un d'entre eux informe du fait qu'il a contracté la Covid-19 et fourni, s'il le peut, la date du début des symptômes l'objectif est de transmettre l'information aux personnes avec lesquelles il a été en contact.
Les sujets contacts reçoivent alors, par l'intermédiaire de leur application, l'information selon laquelle ils ont été en contact à proximité avec un autre utilisateur diagnostiqué positif au coronavirus au cours des 15 derniers jours.
Ils peuvent alors prendre toute mesure pour se faire dépister.
France Info a fait une enquête, " Application StopCovid : accouchée dans la douleur et déjà limitée ",  sur l'utilité de la mise en œuvre d'une application telle que "StopCovid" dans d'autres pays et les résultats sont loin d'être probants. De plus, il semble que l'application ne fonctionne pas, ou mal, sur les appareils d'Apple qui représentent environ 20% des téléphones mobiles.
Un Arrêté du 30 mai 2020 définit les critères de distance et de durée du contact entre les personnes pris en compte pour estimer le risque de contamination par le virus de la Covid-19 dans le cadre de l'application "StopCovid" : la distance est de moins d'un mètre et la duré du contact de 15 minutes.

Décret n° 2020-637 du 27 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus
Ce décret entre en vigueur le 29 mai 2020 et les dispositions concernant les articles 1er, 2, 2 quinquies et 2 septies (voir ci-dessous pour ces deux articles) du décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 peuvent être mises en œuvre jusqu'au terme d'une période de trois mois après la fin de l'état d'urgence.
Le décret modifie le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 avec les dispositions figurant ci-dessous.
L'article deux quinquies est modifié en étendant la suppression de la participation des patients, selon l'article L. 163-13 du Code de la Sécurité sociale, aux actes suivants :
" - pour les actes et prestations dispensés aux assurés dans les centres ambulatoires dédiés au covid-19 ;
- pour l'examen de détection du génome du SARS-CoV-2 par amplification génique inscrit à la nomenclature des actes de biologie médicale ;
- pour la réalisation d'un test sérologique pour la recherche des anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 inscrit à la nomenclature des actes de biologie médicale ;
- pour la consultation initiale d'information du patient et de mise en place d'une stratégie thérapeutique réalisée à la suite d'un dépistage positif au covid-19 ;
- pour la consultation réalisée par le médecin permettant de recenser et de contacter les personnes ayant été en contact avec un malade en dehors des personnes vivant à son domicile. "
Et il rajoute au décret du 31 janvier 2020 des articles 2 quinquies et 2 septies qui sont repris ci-dessous.
Article 2 sexies
" En application de l'article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale, une consultation complexe réalisée en présence du patient par le médecin traitant, ou tout autre médecin impliqué dans la prise en charge du patient en l'absence de médecin traitant désigné, peut faire l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie, par dérogation aux dispositions conventionnelles prises en application de l'article L. 162-1-7, pour les assurés vulnérables au sens du décret du 5 mai 2020 susvisé et les assurés reconnus atteints d'une affectation de longue durée qui remplissent au moins un des critères suivants :
- ne pas avoir eu de consultation avec leur médecin traitant ou tout autre médecin impliqué dans la prise en charge du patient en l'absence de médecin traitant désigné pendant la période d'interdiction de tout déplacement de personne hors de son domicile ;
- avoir été adressé par un établissement de santé en sortie d'hospitalisation.
La participation de l'assuré mentionnée au I de l'article L. 160-13 du même code est supprimée pour cette consultation dont le tarif ne peut donner lieu à dépassement. "
Article 2 septies.
" En application du 5° de l'article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale et par dérogation aux dispositions du I de l'article L. 162-1-7 du même code, le test sérologique pour la recherche des anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 réalisé dans le cadre d'un dépistage systématique des personnels en établissement de santé ou en établissement social ou médico-social peut faire l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie obligatoire quelle que soit l'indication de réalisation du test. La participation de l'assuré mentionnée au I de l'article L. 160-13 du même code est supprimée pour les tests pris en charge en application du présent article. "

Décret n° 2020-630 du 26 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire
Ce décret abroge l'article 19 du décret 2020 548 du 11 mai 2020. Cet article 19 autorisait, de façon dérogatoire, l'utilisation de l'hydroxychloroquine, sous la responsabilité d'un médecin dans les établissements de santé, pour les traitement des patients atteints par la Covid-19. Avec la possibilité de poursuite, ensuite, du traitement à domicile.

Arrêté du 26 mai 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire
Cet arrêté modifie l'arrêté du 23 mars 2020 en y rajoutant, entre autres, l'article 6-2 comprenant les dispositions suivantes : " La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL ©, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin. "

·     Jurisprudence
Un salarié peut, s'il n'a pas été reclassé ou licencié un mois après l'avis d'inaptitude, cumuler la reprise du paiement du salaire par son employeur et une autre activité
C'est un arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2020 - Cass. Soc. n° 18-10719 – publié au Bulletin d'information et dans le bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ce qui lui confère une certaine importance du point de vue jurisprudentiel.
Les faits - Une salariée embauchée en novembre 2011 dans une association, en tant que coordinatrice du secteur d'accueil des mineurs, est en arrêt maladie à compter du 7 mars 2013. Suite à deux consultations du médecin du travail en date des 29 août et 12 septembre 2014, elle est déclarée inapte à son poste.
Elle est licenciée pour inaptitude le 3 décembre 2014.
En janvier 2015, elle saisit le conseil de prud'hommes pour demander la nullité de son licenciement, en invoquant un harcèlement moral, et le paiement de sommes à titre de dommages-intérêts et d'un rappel de salaire.
Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel qui l'a déboutée :
ü de la nullité du licenciement en ne reconnaissant pas le harcèlement moral (premier moyen) ;
ü du paiement de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail (deuxième moyen) ;
ü du refus de reconnaître le licenciement sans cause réelle et sérieuse (troisième moyen) ;
ü  et, enfin, de l'avoir obligée à rembourser les salaires versés du 12 octobre au 3 décembre 2014, soit entre la fin de la période d'un mois après le licenciement prévue à l'article L. 1226-4 pour une inaptitude d'origine non professionnelle (ou L. 1226-11 pour une inaptitude d'origine professionnelle) et la date du licenciement (quatrième moyen).
La Haute juridiction rejette les trois premiers moyens qu'elle ne considère pas susceptibles de cassation.
En revanche, elle n'a pas la même appréciation des textes que la cour d'appel qui avait condamné la salariée à rembourser des salaires payés entre le 12 octobre et le 3 décembre 2014 car la salariée avait retrouvé un emploi le 17 septembre 2014.
Au visa de l'article L. 1226-4 du Code du travail, la Cour de cassation écrit :
" Attendu que, selon ce texte, l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail ;
Attendu que pour condamner la salariée à rembourser à l'association les salaires versés par cette dernière entre le 12 octobre 2014, soit un mois après sa déclaration d'inaptitude, et le 3 décembre 2014, date de son licenciement, la cour d'appel a retenu que depuis le 17 septembre 2014, la salariée avait retrouvé un nouvel emploi à temps plein ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat n'avait été rompu que par le licenciement intervenu le 3 décembre 2014, de sorte que l'employeur était tenu de verser à la salariée, pour la période du 12 octobre au 3 décembre 2014, le salaire correspondant à l'emploi qu'elle occupait avant la suspension du contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ".
L'arrêt de la cour d'appel est cassé sur ce point et l'affaire renvoyée devant une autre cour d'appel.
Dans un arrêt inédit du 18 décembre 2013 - Cass. Soc. pourvoi n° 12.16460 -, la chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà abordé la reprise du paiement du salaire un mois après l'avis d'inaptitude.
Elle avait considéré que, durant la période de reprise du paiement du salaire, l'employeur ne pouvait déduire, du montant forfaitaire qu'il devait verser au titre de l'article L. 1226-11 du Code du travail, des indemnités journalières ou de prévoyance perçues par le salarié.

·     Polémique suite à l'étude publiée dans The Lancet
Vous avez pu lire, ci-dessus, le décret faisant suite à la publication dans The Lancet, le 22 mai 2020, d'une étude que vous pourrez lire en pièce jointe et sur le site de la revue à l'adresse suivante (https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)31180-6) mettant en évidence un nombre important de décès suite à l'utilisation de chloroquine ou d'hydroxychloroquine. Cette étude - qualifiée de "foireuse" par le Pr Raoult auquel l'évolution des événements pourrait tout à fait donner raison - reposait sur des données en provenance de 671 hôpitaux sur 6 continents et a pris en compte plus de 95 000 dossiers de patients avec traitement par chloroquine ou hydroxychloroquine seule ou avec rajout d'un antibiotique de la famille des macrolides comparé à l'absence de traitement spécifique.
Pour les auteurs, la conclusion était que les traitements par chloroquine ou hydroxychloroquine ne faisaient pas la preuve d'un bénéfice pour les patients et étaient associés à une augmentation du risque d'arythmie ventriculaire et de décès. Ces traitements ne devraient donc pas être utilisés en dehors des essais cliniques et une confirmation par des essais randomisés est nécessaire.
Il est à noter que cette étude est une étude observationnelle rétrospective et ne présente donc pas le niveau de preuve qu'aurait pu avoir une étude randomisée en double aveugle, l'une des critiques les plus fréquentes apportées aux études publiées par l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée de Marseille.
La publication de cette étude a entraîné des suites très rapidement.
Le Haut Conseil de la santé publique français a publié le 26 mai 2020 un avis recommandant : " De ne pas utiliser l’hydroxychloroquine (seule ou associée à un macrolide) dans le traitement du Covid-19.
D’évaluer le bénéfice/risque de l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans les essais thérapeutiques.
De renforcer la régulation nationale et internationale des différents essais évaluant l’hydroxychloroquine dans le Covid-19. "
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé - que l'on a connue beaucoup moins prompte à réagir dans certains dossiers - va même plus loin, en préconisant, par précaution, une suspension des essais cliniques utilisant l'hydroxychloroquine.
Dans les essais cliniques Discovery (au niveau européen mais surtout français) menés par l'Inserm et international Solidarity mené par l'OMS, les nouvelles inclusions avec traitement par hydroxychloroquine, sont stoppées.
L'étude du Lancet est, cependant, fortement critiquée. En particulier, plus d'une centaine de médecins et scientifiques, de 26 pays du monde, pas forcément favorables au traitement par l'hydroxychloroquine, ont écrit une lettre critiquant l'étude dont vous pourrez lire la traduction ci-dessous. Cette critique porte tant sur la qualité des données étudiées et celle de l'étude que sur l'absence de transparence des auteurs qui refusent, alors que cela est usuel lors de la publication d'une étude, de fournir les données de base à leurs collègues et le mystère qui entoure la société qui a recueilli et traité les données. Sans parler de conflits d'intérêts des auteurs de l'étude.
Voici la traduction du texte de la lettre ci-dessous. J'ai trouvé cette traduction sur le site de l'Union populaire républicaine, mouvement avec lequel je n'ai rien à voir. J'ai comparé la traduction à la version anglaise que vous trouverez en pièce jointe et elle apparaît tout à fait correcte.
" PRÉOCCUPATIONS CONCERNANT L’ANALYSE STATISTIQUE ET L’INTÉGRITÉ DES DONNÉES
L’étude rétrospective et observationnelle de 96 032 patients COVID-19 hospitalisés de six continents a signalé une augmentation substantielle de la mortalité (~ 30% de décès en excès) et la survenue d’arythmies cardiaques associées à l’utilisation des médicaments à base de 4-aminoquinoléine, l’hydroxychloroquine et la chloroquine. Ces résultats ont eu un impact considérable sur la pratique et la recherche en santé publique.
L’OMS a suspendu le teste de l’hydroxychloroquine dans son essai SOLIDARITY. L’organisme de réglementation britannique, MHRA, a demandé la suspension temporaire du recrutement dans tous les essais d’hydroxychloroquine au Royaume-Uni (traitement et prévention), et la France a modifié sa recommandation nationale pour l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans le traitement au COVID-19 et a également interrompu les essais.
Les titres des médias qui ont suivi ont suscité une inquiétude considérable chez les participants et les patients inscrits à des essais contrôlés randomisés (ECR) cherchant à caractériser les avantages et les risques potentiels de ces médicaments dans le traitement et la prévention des infections à COVID-19. Il existe un accord uniforme selon lequel des ECR bien menés sont nécessaires pour éclairer les politiques et les pratiques.
Cet impact a conduit de nombreux chercheurs du monde entier à examiner en détail la publication en question. Cet examen a soulevé à la fois des problèmes méthodologiques et d’intégrité des données. Les principales préoccupations sont les suivantes :
1. Il n’y a pas eu d’ajustement adéquat pour les facteurs de confusion connus et mesurés (gravité de la maladie, effets temporels, effets sur le site, dose utilisée).
2. Les auteurs n’ont pas adhéré aux pratiques standard de la communauté de l’apprentissage automatique et des statistiques. Ils n’ont pas publié leur code ou leurs données. Il n’y a pas de partage de données / code et déclaration de disponibilité dans le document. Le Lancet figurait parmi les nombreux signataires de la déclaration Wellcome sur le partage des données pour les études COVID-19.
3. Il n’y a pas eu d’examen éthique.
4. Aucune mention n’a été faite des pays ou des hôpitaux qui ont contribué à la source des données et aucune reconnaissance de leurs contributions. Une demande d’information aux auteurs sur les centres contributeurs a été refusée.
5. Les données de l’Australie ne sont pas compatibles avec les rapports du gouvernement (trop de cas pour seulement cinq hôpitaux, plus de décès à l’hôpital que dans tout le pays au cours de la période d’étude). Surgisphere (la société de données) a depuis déclaré qu’il s’agissait d’une erreur de classification d’un hôpital d’Asie. Cela indique la nécessité d’une vérification supplémentaire des erreurs dans toute la base de données.
6. Les données en provenance d’Afrique indiquent que près de 25% de tous les cas de COVID-19 et 40% de tous les décès sur le continent sont survenus dans des hôpitaux associés à Surgisphere qui disposaient d’un enregistrement électronique sophistiqué des données des patients et d’un suivi des patients capable de détecter et d’enregistrer des cas «non soutenus [au moins 6 secondes] ou une tachycardie ventriculaire soutenue ou une fibrillation ventriculaire ». Le nombre de cas et de décès, ainsi que la collecte de données détaillées, semblent peu probables.
7. Des écarts inhabituellement faibles ont été signalés dans les variables de base, les interventions et les résultats entre les continents (tableau S3).
8. L’étude se fonde sur des doses quotidiennes moyennes d’hydroxychloroquine supérieures de 100 mg aux recommandations de la Food and Drug Administration, alors que 66% des données proviennent des hôpitaux nord-américains.
9. Il existe des rapports invraisemblables entre la chloroquine et l’hydroxychloroquine sur certains continents.
10. Les intervalles de confiance très étroits de 95% signalés pour les ratios de risque sont peu probables. Par exemple, pour les données australiennes, il faudrait environ le double du nombre de décès enregistrés comme indiqué dans le document. 
Les données des patients ont été obtenues grâce à des dossiers électroniques des patients et sont détenues par la société américaine Surgisphere. En réponse à une demande de données, le professeur Mehra a répondu : «Nos accords de partage de données avec les différents gouvernements, pays et hôpitaux ne nous permettent malheureusement pas de partager des données.» 
Compte tenu de l’énorme importance et de l’influence de ces résultats, nous pensons qu’il est impératif que :
1. La société Surgisphere fournisse des détails sur la provenance des données. Au minimum, cela signifie partager les données agrégées des patients au niveau de l’hôpital (pour toutes les covariables et les résultats).
2. Une validation indépendante de l’analyse soit effectuée par un groupe constitué par l’Organisation mondiale de la santé, ou au moins par une autre institution respectée. Cela impliquerait des analyses supplémentaires (par exemple pour déterminer s’il y a un effet de dose) pour évaluer la validité des conclusions.
3. Il y ait un accès libre à tous les accords de partage de données cités ci-dessus pour garantir que, dans chaque juridiction, toutes les données extraites étaient légalement respectueuses de l’éthique et du respect de la vie privée des patients.
Dans un souci de transparence, nous demandons également à The Lancet de rendre ouvertement disponibles les commentaires des pairs qui ont conduit à l’acceptation de ce manuscrit pour publication.
Cette lettre ouverte est signée par des cliniciens, des chercheurs médicaux, des statisticiens et des éthiciens du monde entier. La liste complète des signataires et affiliations se trouve ci-dessous. "

·     Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid-19 (Dares)
Vous pouvez accéder à ce document de la Dares en pièce jointe et sur le site du ministère du travail à l'adresse figurant en fin de commentaire.
Matériel et méthode
Cette enquête couvre 15 millions de salariés sur les 25 millions de l'ensemble de la population des travailleurs.
En particulier le secteur de l'agriculture, l'administration publique et les organismes de Sécurité sociale ont été exclus du champ de l'étude. Ont été prises en compte les entreprises de plus de 10 salariés. L'enquête couvre géographiquement la France métropolitaine et les DOM (à l'exception de Mayotte).
Les résultats présentés sont issus de l'enquête réalisée par internet du 1er au 13 avril 2020 avec 14 000 questionnaires exploitables reçus au 14 avril 2020.
Il est à noter que les résultats sont exprimés en termes de taux de salariés touchés et non pas en pourcentage d'entreprises dans ce document.
Résultats
Activité des entreprises au 31 mars 2020
Les données constituent une réponse à la question concernant l'effet de la crise sanitaire sur l'activité des entreprises fin mars 2020 par rapport à ce qui était prévu.
Dans l'ensemble des entreprises, pour 19% des salariés, il y a eu un arrêt de l'activité, pour 30% elle a diminué très fortement (de plus de 50%), pour 31.9% elle a diminué de moins de 50%, pour 14.9% elle est restée inchangée et pour 4.2% elle a augmenté.
Ces résultats varient selon plusieurs critères.
Selon la taille de l'entreprise
L'arrêt de l'activité est surreprésenté dans les entreprises de 10 à 19 salariés (38.9% des salariés touchés), celles de 20 à 49 salariés (23.3%) et celles de 50 à 99 salariés mais il est plus faible dans les entreprises de 500 salariés et plus (10.6%).
L'activité a diminué très fortement, au-delà de l'ensemble des entreprises, mais très faiblement, pour les entreprises de 10 à 49 salariés (30.2%), celles de 100 à 249 salariés (30.5%) et celles de 500 salariés ou plus (31.8%). Une activité en diminution de moins de 50% est surreprésentée pour les entreprise les plus importantes, celles de 250 à 499 salariés (34.2%) et celles de 500 salariés ou plus (39.6%).
L'activité est restée inchangée de façon plus importante que la moyenne dans les entreprises de 50 à 99 salariés (19.1%), celles de 100 à 249 salariés et celles de 250 à 499 salariés.
Enfin, les entreprises qui ont augmenté leur activité au-delà de la moyenne sont celles de 50 à 99 salariés (6.7%), celles de 100 à 249 salariés (5.5%) et celles de 250 à 499 salariés (4.4%).
Selon le secteur d'activité
Là aussi, il existe une forte variation de l'activité suite à la crise sanitaire en fonction du secteur économique.
Les secteurs d''activité où celle-ci a diminué ou stoppé en touchant plus de 50% des salariés (entre parenthèses le nombre de salariés touchés) sont l'hébergement et la restauration (96% dont 75% en arrêt), la fabrication de matériel de transport (92% dont 29% à en arrêt), la construction (87% dont 53% en arrêt) et les autres activités de services incluant les arts, les spectacles et les activités récréatives (90% dont 66% à l'arrêt).
En revanche, l'activité est restée inchangée ou a augmenté faiblement principalement dans la fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac (42% dont 10% d'augmentation) et l'enseignement, la santé humaine et l'action sociale (35%). L'activité a augmenté dans environ 12% dans le secteur des commerces et de la réparation automobile et de motocycles.
Causes de la baisse d'activité
Parmi les causes ayant entraîné une modification ou un arrêt de l'ensemble des entreprises, nous trouvons les difficultés suivantes, le pourcentage de salariés touchés figurant entre parenthèses :
ü la gestion des questions sanitaires avec des problèmes de fourniture de masques, des difficultés de distanciation et de mise à disposition de gel hydroalcoolique (64%) ;
ü des difficultés financières (34.4%) ;
ü des difficultés d'approvisionnement de matières premières (28.1%) ;
ü un manque de débouchés (24.%) ;
ü une fermeture administrative (24%) ;
ü un manque de personnel (24%) ;
ü des difficultés liées à un problème en aval, tel que le transport (15%) ;
ü et d'autres difficultés (20.8%).
Cependant, ces difficultés varient de façon notable selon les secteurs.
Gestion des questions sanitaires
Cette difficulté de gestion sanitaire touche l'ensemble des secteurs d'activité pour plus de 40% des salariés, à l'exception des secteurs de l'hébergement et de la restauration (32.3%) et de l'information et de la communication (38.5% des salariés sont touchés).
Plus de 80% des salariés sont touchés par cette problématique dans les secteurs de la construction (87.5%) et de la cokéfaction et du raffinage (89%).
Difficultés financières
Sont particulièrement en butte à ces difficultés les secteurs de l'hébergement et de la restauration (58.6% des salariés touchés), l'information et la communication (47.2%) et les activités scientifiques et techniques et les services administratifs et de soutien (44.5% des salariés touchés).
Difficultés d'approvisionnement
Les salariés des secteurs suivants sont impactés au-delà de 60% par ces difficultés d'approvisionnement : la construction (70% des salariés) et la fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques et la fabrication de machines (71% des salariés).
Fermeture administrative
Elle concerne principalement les secteurs de l'hébergement et de la restauration (57% des salariés) et les autres activités de services (49% des salariés impliqués).
Manque de débouchés
Le manque de débouchés atteint de façon très importante, avec 97.9% des salariés touchés, le secteur de la cokéfaction et du raffinage et, de façon moindre, le secteur de l'information et de la communication (45.8%).
Manque de personnel
Le manque de personnel touche moins de 40% des salariés pour l'ensemble des secteurs. Sont particulièrement impliqués les secteurs de l'immobilier (31% des salariés touchés) et la fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques et la fabrication de machines (28% des salariés touchés),
Difficultés liées à l'aval
Les secteurs plus particulièrement impactés par les difficultés d'approvisionnement en aval avec plus de 20% des salariés touchés, sont ceux de la fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques et la fabrication de machines, la fabrication d'autres produits industriels et le commerce et la réparation d'automobiles et de motocycles.
Réduction d'effectifs en lien avec la crise
Globalement, pour l'ensemble des entreprises, pour 85.5% des salariés il n'y a pas eu de réduction d'effectifs, ce qui est encore plus le cas pour les petites entreprises de 10 à 19 salariés (88.1% des salariés) et celles de 20 à 49 salariés (87.1% des salariés).
Les effectifs n'ont diminué plus que pour la moyenne de 11.1% des salariés dans les entreprises de 250 à 499 salariés (13.9%).
Enfin, les effectifs ont augmenté au-delà des 3.4% des salariés pour les entreprises de 50 à 99 salariés (5.2%), de 100 à 249 salariés (4.5%) et de 500 salariés ou plus (3.7%).
Les ajustement de la main d'œuvre des entreprises sont surtout passées par une action de report ou d'annulation des embauches (51%) et le non-renouvellement des CDD (49%). Il y eu peu de licenciements (2%) ou de ruptures conventionnelles (4%).
Pour leur part, les entreprises dont l'activité a augmenté ont surtout utilisé les heures supplémentaires ou complémentaires (70%), les recrutements en CDD (48%), le recours à l'intérim (36%) ou une augmentation des horaires d'activité (28%).
Recours au chômage partiel
Les entreprises ont fortement recouru à la mise au chômage partiel de leurs salariés. Ainsi 59% des salariés travaillent dans une entreprise qui a eu recours partiellement ou complètement au chômage partiel.
Le recours au chômage partiel est particulièrement marqué pour certains secteurs d'activité (entre parenthèses, le taux de salariés touchés) : le secteur de la fabrication de matériel de transport (97%), l'hébergement et la restauration (96%) et la construction (95%). Le recours au chômage partiel a été le plus faible dans le secteur de l'assurance et de la banque avec 14% des salariés touchés.
Fin mars 2020, environ un quart des salariés est au chômage partiel, un autre quart en télétravail et un troisième quart en activité présentielle ou sur un chantier. Le quatrième quart est principalement constitué par les salariés en arrêt maladie et en congés.
A noter qu'avant la crise, une majorité des salariés (75.8%) exerçaient dans une entreprise dont moins de 2% des effectifs bénéficiaient du télétravail de façon régulière ou occasionnelle.
La part des salariés au chômage partiel est particulièrement élevée dans les secteurs de l'hébergement et de la restauration (67%), de la construction (49%), de la fabrication de matériels de transport (48%) et les autres activités de services (41%).
En revanche, le taux de salariés en chômage partiel est nettement plus faible dans les secteurs de l'assurance et de la banque (4%) de l'industrie agro-alimentaire (9%) et les secteurs de l'énergie, de l'eau et de la gestion des déchets (10%).
Mesures de prévention mises en œuvre sur les sites ou les chantiers (en % de salariés)
Les entreprises employant 33% des salariés n'ont mis en œuvre aucune mesure de prévention, celles employant 37.1% des salariés ont mis en œuvre des mesures de prévention couvrant 80% ou plus de leur salariés, celles employant 6.5% des salariés ont mis en œuvre des mesures de prévention pour 50% à 79% de leurs salariés, celles employant 9.9% des salariés ont mis en œuvre de la prévention pour 10 à 49% de leurs salariés et les entreprises employant 13.5% des salariés ont mis en œuvre de la prévention pour moins de 10% de leurs salariés.
Les entreprises ayant mis en œuvre des mesures de prévention pour 80% de leurs salariés ou plus ont utilisé principalement les mesures de distanciation vis-à-vis des collègues et/ou des clients (68.9%), la mise à disposition de gel hydroalcoolique (68.9%) et, de façon moins importante, la mise à disposition de masques (28.7%) et de gants (37.1%) ainsi qu'une aide au transport individuel (5.2%).
Les raisons pour lesquelles les entreprises n'ont pas mis en œuvre de mesures de prévention sur site ou sur les chantiers sont que :
ü cela n'était pas nécessaire compte tenu de l'organisation de l'activité (touchant 43% des salariés) ;
ü elles ne disposaient pas des équipements nécessaires (42.7% des salariés) ;
ü cela n'était pas possible compte tenu de l'organisation du travail (22.8% des salariés) ;
ü autres raisons (18.2%).
Estimation du risque d'exposition professionnelle à la Covid-19
Selon son exposition au risque de la Covid-19, la population salariée peut être répartie en 4 catégories :
ü les télétravailleurs qui ne sont pas exposés du fait de leur activité professionnelle à domicile. Selon l'enquête Sumer 2017, on peut les estimer à environ 30% des salariés, soit 7 millions ;
ü les salariés en activité sur site ou sur chantier avec des contacts, pour lesquels on peut estimer un risque supplémentaire d'exposition à la Covid-19 à partir des données des enquêtes Sumer 2017 et Conditions de travail 2013. Ce qui fournit des informations relatives à un contact direct avec le public, si le salarié travaille de façon étroite au sein d'une équipe ou s'il est exposés à un risque infectieux en temps ordinaire :
Ø 12% des salariés (2.8 millions) ne sont exposés à aucun de ces facteurs de risque et sont donc faiblement exposés professionnellement à la Covid-19. Les métiers les plus représentés sont les ouvriers agricoles, les ouvriers qualifiés par enlèvement de métal, les ouvriers non qualifiés de l'électricité et de l'électronique ou du textile et les employés de maison ;
Ø de 26% à 35% des salariés, selon que l'on se fonde sur l'une ou l'autre des enquêtes (soit de 6 à 8 millions de salariés), sont exposés à un seul des trois risques et sont donc ponctuellement exposés. Il s'agit, en termes de métiers, des ouvriers qualifiés et non qualifiés (des secteurs du bois, des industries graphiques, des industries de process, etc…), des ouvriers non qualifiés du bâtiment (gros et second œuvres) et des travaux publics, des secrétaires, des conducteurs des différents types de véhicules et de la fonction publique ;
Ø enfin, de 20% à 32% des salariés, soit de 4.7 à 7.6 millions sont exposés à au moins deux des facteurs de risque évoqués ci-dessus. Parmi les métiers les plus représentés, les aides-soignants, les infirmiers, les policiers et les militaires, les vendeurs, les caissiers et employés de libre-service, les employés et agents de maîtrise de la restauration et de l'hôtellerie, les aides à domicile et les aides ménagères, les professions paramédicales, les professionnels de l'action sociale, les agents d'entretien, les assistantes maternelle, les coiffeurs et les ouvriers qualifiés du BTP [NDR – Soit, pour une bonne partie de ces métiers, des salariés qui ont été amenés à continuer à travailler durant la crise sanitaire].

·     Covid-19 et inégalités territoriales françaises (Etude)
Vous pourrez accéder à ce document en pièce jointe et à l'adresse figurant en fin de commentaire.
Ce document est intitulé " Covid-19 : analyse spatiale de l'influence de facteurs socio-économiques sur la prévalence et les conséquences de l'épidémie dans les départements français ". Il est signé par M. Amdaoud et al. (les auteurs sont membres du laboratoire EconomiX, du CNRS et de l'Université Paris-Nanterre).
Introduction
Cet article s'intéresse à la répartition spatiale du nombre d'hospitalisations et de décès recensés dans les départements français à partir de données issues de l'Insee et du ministère de la santé.
Des premières analyses ont montré une forte hétérogénéité dans la répartition territoriale des hospitalisations et des décès liés à la Covid-19. L'objectif des auteurs est d'estimer l'influence de facteurs socio-économiques et démographiques locaux susceptibles d'expliquer cette hétérogénéité. Ces facteurs sont la densité de population, la répartition des revenus et les conditions de vie.
Ces données sont susceptibles de compléter celles fournies par les cliniciens et les épidémiologistes sur les facteurs individuels de risque de décès liés à la Covid-19 tels que l'âge, le sexe, l'indice de masse corporelle ou les comorbidités.
Matériel et méthode
L'analyse de cette étude porte sur les 96 départements de France métropolitaine. Pour chacun de ces départements, trois indicateurs d'intensité de l'épidémie ont été calculés :
ü la prévalence mesurée par le nombre d'hospitalisations liées à la Covid-19 définie par la somme des nouvelles hospitalisations entre le 19 mars et le 12 avril 2020 ;
ü le nombre de décès à l'hôpital dus à la Covid-19 recensés au 12 avril 2020 ;
ü un taux de surmortalité mesuré par la différence entre le nombre total de décès par département au 30 mars 2020 et la moyenne des décès recensés à la même date en 2018 et 2019 (en 2018, il y a eu une forte épidémie de grippe qui a été moins marquée en 2019, c'est pourquoi la comparaison des mortalités porte sur ces deux années).
Les variables prises en compte
Les variables que l'on cherche à expliquer
Il s'agit des variables suivantes :
ü le taux d'hospitalisation entre le 19 mars et le 12 avril 2020 calculé pour le nombre d'habitants et rapporté à 1000 habitants. Les données ont été fournies par Santé publique France ;
ü le taux de décès entre le 19 mars et le 12 avril 2020 calculé pour le nombre d'habitants et rapporté à 1000 habitants à partir des données de Santé publique France ;
ü le taux de surmortalité calculé par rapport à la moyenne de la mortalités des deux années 2018 et 2019 à partir de données fournies par l'Insee.
Les variables explicatives
Parmi les variables susceptibles d'expliquer l'intensité de l'épidémie dans certains départements, il y a des variables socio-démographiques telles que la densité de la population au Km2 - susceptible de favoriser la contagion -, la part des ouvriers dans le département - ils sont plus exposés à la continuation de leur activité durant l'épidémie (voir ci-dessus) et des inactifs - qui peut être un marqueur de la part des sujets les plus âgés - dans la population.
Du point de vue économique, l'écart interdécile des revenus est pris en compte pour traduite les inégalités économiques qui caractérisent les départements.
Les variables sur les conditions de vie sont la part des résidences secondaires dans le département - qui a pu expliquer des mouvements de population à partir des centres urbains lors du confinement -, le nombre de services d'urgence par département et le caractère urbain ou rural du département.
Résultats
Hospitalisations et variables explicatives
Les résultats des analyses dans le modèle qui a été retenu mettent en évidence les résultats suivants.
Il existe une relation d'augmentation significative à 5% des hospitalisations en lien avec la densité de la population.
Le taux des ouvriers dans la population est aussi significativement corrélé (mais avec une significativité à 10%) avec une augmentation des hospitalisations. Pour les auteurs, " Cela confirme le risque d’exposition accru de cette catégorie sociale (conducteurs des systèmes de transport, livreurs, services de voirie et de nettoyage dans la fonction publique territoriale, réparations d’urgence dans les industries de réseaux, etc.) en raison des moindres possibilités de pratique du télétravail et de leur participation plus élevée aux plans de continuité d’activité mis en oeuvre dès le début du confinement. "
Les inégalités sociales approchées par l'écart interdécile des revenus ont aussi un lien avec une augmentation significative à 1% du nombre d'hospitalisation.
En revanche, le nombre de services d'urgences est en lien avec une diminution significative à 1% du nombre des hospitalisations.
Le nombre de résidences secondaires n'influe pas sur les résultats des hospitalisations.
Décès et variables explicatives
On retrouve, pour les décès, les mêmes liens entre l'augmentation des décès et les variables explicatives. Une augmentation significative à 5% des décès par la Covid-19 en lien avec la densité de la population, et une augmentation significative à 1% avec les écarts de niveau de vie ainsi qu'une augmentation significative à 10% avec la part d'ouvriers dans la population.
Et un lien négatif, significatif à 1%, entre les décès et le nombre de services d'urgence.
Surmortalité et variables explicatives
Relativement à la surmortalité, on retrouve des résultats proches de ceux des liens entre les variables explicatives et les hospitalisations, d'une part, et les décès, d'autre part.
Ainsi, on retrouve une association significative à 1% entre la surmortalité et, d'une part, la densité de la population et, d'autre part, la proportion des ouvriers dans la population. L'association entre la surmortalité et les écarts de niveau de vie est aussi significative mais seulement à 5%.
En revanche, l'association entre la moindre surmortalité et le nombre de services d'urgence n'est pas significative.
Conclusion
" Cette recherche met en évidence que, au-delà de l’importance des caractéristiques individuelles comme facteurs explicatifs de la probabilité de contracter la Covid-19 et de ses conséquences, les éléments liés au contexte économique, démographique et social interviennent également. Les départements les plus denses, les plus inégalitaires ainsi que ceux dans lesquels la part d’ouvriers est la plus élevée se sont en effet révélés les plus vulnérables. Ces caractéristiques soulignent d’abord la complémentarité entre les politiques de santé d’une part et les politiques sociales et de redistribution de l’autre. Le rôle des services d’urgence comme facteur de réduction des manifestations de l’épidémie va dans le même sens. Il montre en effet qu’en présence d’inégalités les services publics, en l’occurrence de santé, permettent de protéger les populations de la maladie et de réduire les décès. Ensuite, en mettant en évidence le rôle de la densité démographique, cet article rappelle que les départements ruraux ou les moins peuplés ne sont pas les plus vulnérables mais que les territoires métropolitains présentent aussi des faiblesses au niveau de la prise en charge des malades qu’il est important de considérer. "

·     Facteurs de risque associés au décès liés à la Covid-19
Dans la lignée de l'étude précédente, cette étude anglaise m'a paru très intéressante car, outre les facteurs de risque de décès déjà largement connus, elle a étudié un facteur socio-démographique et géographique.
Il s'agit d'une étude intitulée " OpenSAFELY: factors associated with COVID-19-related hospital death in the linked electronic health records of 17 million adult NHS patients "
Les auteurs de cette étude sont E. Williamson and al. p
Elle a été publiée en pré-print sur medRxiv and bioRxiv.
Vous pourrez accéder à cette étude en pièce jointe et à l'adresse suivante : https://doi.org/10.1101/2020.05.06.20092999.

Introduction
Les auteurs indiquent que le 11 mars 2020, l'OMS a déclaré que la Covid-19 constituait une pandémie avec des cas rapportés dans 114 pays. Au 30 avril 2020, il y avait plus de 3 millions de cas avec plus de 200 000 décès attribués au coronavirus.
Des facteurs de risque ont été bien établis tels que l'âge – plus de 90% des décès en Grande-Bretagne chez des sujets de plus de 60 ans - et le sexe avec 60% des décès chez les hommes.
D'autres facteurs de risque de décès ont été rapportés par le Centre de contrôle des maladies et de la prévention chinois portant sur 44 672 atteintes par la Covid-19 et 1023 décès : les maladies cardiovasculaires, l'hypertension, le diabète, les maladies respiratoires et les cancers.
Une étude menée en Angleterre portant sur 16 749 patients hospitalisés a montré un risque plus important de décès suite à la Covid-19 pour des patients avec des atteintes cardiaques, pulmonaires et rénales (avec un facteur de risque, HR de 1.19-1.39 après correction sur l'âge et le sexe).
En France, l'obésité a aussi été reconnue comme facteur de risque de décès. L'augmentation du risque lié au tabagisme est plus en discussion car on a pu constater, parmi les patients atteints par la Covid-19, une plus faible proportion de fumeurs que celle des fumeurs dans la population.
Matériel et méthode
Il s'agit d'une étude de cohorte de sujets de 18 ans et plus, disposant d'un dossier dans le système de soins depuis au moins un an, pris en charge entre le 1er février 2020 et le 25 avril 2020. Ces dossiers concernent 17 425 445 sujets parmi lesquels il y eu 5 683 décès qui ont été étudiés.
Pour réaliser cette étude, une plateforme intitulée OpenSAFELY a été utilisée. Elle permet une interface sécurisée permettant une analyse "pseudonymisée" de dossier de patients quasiment en temps réel.
Les évènements pris en compte étaient les décès par la Covid-19 à l'hôpital.
Les variables prises en compte étaient l'âge, le sexe, l'indice de masse corporelle (IMC). les problèmes de santé indiqués comme facteurs de risque mentionnés dans un guide anglais sur les personnes à risque de décès ainsi que les cas d'immunodéficience. Etaient aussi pris en compte l'asthme, les autres maladies respiratoires chroniques, les atteintes cardiaques chroniques, le diabète, les atteintes chroniques hépatiques, les maladies neurologiques, etc…
Enfin, ce qui m'a particulièrement intéressé, était la prise en compte un "Index of multiple deprivation" que je traduirai par indice de multiple précarité sur lequel je m'arrête un instant. Cet indice est en lien très précisément avec le lieu de résidence du patient et est corrélé au numéro de code postal de son domicile.
L'indice est calculé à partir de sept catégories de données auxquelles un poids en pourcentage est attribué : les revenus (22.5%), l'emploi (22.5%), l'éducation (13.5%), la santé (13.5%), la criminalité (9.3%), la difficulté à se loger et à accéder aux services (9.3%) et l'environnement de vie (9.3%). Les sujets sont répartis en 5 quintiles vis-à-vis cet indice.
L'origine ethnique des sujets a aussi été prise en compte
Résultats
Les résultats avec ajustement concernant les patients décédés confirment certains des risques déjà mis en évidence et connus (entre parenthèses, le Hazard ratio avec intervalle de confiance à 95%) :
ü une proportion de 36.9% de femmes et de 63% d'hommes alors qu'ils représentent respectivement dans l'ensemble des dossiers 50.1% et 49.9% des sujets ;
ü un gradient croissant des décès avec l'âge avec une sous-représentation significative des sujets de moins de 50 ans, la tranche d'âge de 50 à 60 servant de référence, puis un HR de 2.09 [1.84-2.38] pour la tranche des 60-70 ans, de 4.77 [4.23-5.38] pour la tranche des 70 à 79 ans et de 12.64 [11.19-14.28] pour les sujets de 80 ans et plus ;
ü l'obésité augmente fortement le risque de décès avec un HR de 1.56 [1.41-1.73] pour un IMC compris entre 35 et 39.9 kg/m2 et de 2.27 [1.99-2.56] pour un IMC supérieur ou égal à 40 kg/m2 ;
ü ce qui va dans le sens d'un rôle protecteur du tabac, la référence étant les sujets n'ayant jamais fumé, l'étude trouve un HR significativement augmenté de 1.25 [1.18-1.33] pour les anciens fumeurs alors qu'il est diminué significativement pour les fumeurs actuels avec un HR de 0.88 [0.79-0.99] ;
ü une maladie cardiaque chronique augmente le risque de décès avec un HR de 1.27 [1.20-1.35] ;
ü le diabète, même avec le HbA1C dans la zone de contrôle, augmente aussi le risque de décès avec un HR de 1.5 [1.40-1.60] ;
ü l'asthme même sans utilisation récente de corticoïde oral augmente le risque de décès avec un HR de 1.25 [1.08-1.35]
ü un cancer non hématologique diagnostiqué il y a moins d'un an augmente de risque de décès d'un HR de 1.56 [1.29-1.89].
Enfin, ce qui est original dans cette étude est l'estimation de l'augmentation du risque de décès en fonction de l'indice multiple de précarité. Si l'on prend comme référence le premier quintile correspondant à la moindre précarité, on observe un gradient croissant en fonction du quintile :
ü 1.13 [1.04-1.24] pour le 2e quintile,
ü 1.23 [1.13-1.35] pour le 3e quintile,
ü 1.49 [1.37-1.63] pour le 4e quintile,
ü et 1.75 [1.60-1.91] pour le 5e quintile des sujets habitant dans une zone avec fort indice multiple de précarité.
Conclusion
Les auteurs indiquent avoir démontré pour la première fois qu'une faible part de l'augmentation substantielle du risque de décès dû à la Covid-19 parmi les sujets demeurant dans des zones les plus précarisées, peut être attribuée à l'état de santé. Il est important de prendre cela en considération pour protéger ces sujets. Les causes sous-jacentes de l'augmentation du risque de décès des sujets de ces zones précarisées nécessitent de futures explorations. Ils suggèrent de recueillir des informations sur les expositions professionnelles et les conditions de vie dans un premier temps.

A bientôt…

Jacques Darmon

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