Lettre d'information du 30 juillet 2023

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Le 30 juillet 2023

 

Au sommaire de cette lettre… Parmi les textes de loi… Une loi visant à renforcer la protection des parents d’enfant handicapé, malade ou gravement accidentéUn décret modifiant le plafond de comparaison pour le cumul pension d’invalidité et salaireUn arrêté sur la formation des infirmiers des services de médecine préventive de la fonction publique territorialeUn accord sur la protection sociale complémentaire dans la fonction publique territorialeUne circulaire de la Cnav sur le départ anticipé à la retraite pour carrière longue... Un résumé du très intéressant rapport sénatorial consacré à la santé au travail des femmes comprenant des recommandations dont certaines concernent les services de prévention et de santé au travail…

 

Les lettres d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse suivante : https ://bloglettreinfo.blogspot.com/.

 

·       Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d’État

 

Loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité>

Il s’agit d’une proposition de loi formulée par un député qui a été adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat visant à protéger les familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité (« rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants »).

Cette loi modifie le Code du travail et le Code de la Sécurité sociale.

Article 1

Un nouvel article L. 1225-4-4 est créé, instaurant une protection contre le licenciement. Cet article dispose que « Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant un congé de présence parentale prévu à l'article L. 1225-62 ni pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'état de santé de l'enfant de l'intéressé. »

Article 2

D’une part, le texte de loi modifie l’article L. 3142-4 du Code du travail, relatif à des congés, dont le 4° porte la durée des congés respectivement de 5 et 7 jours à « Douze jours pour le décès d'un enfant ou quatorze jours ouvrés lorsque l'enfant est âgé de moins de vingt-cinq ans et quel que soit son âge si l'enfant décédé était lui-même parent ou en cas de décès d'une personne âgée de moins de vingt-cinq ans à sa charge effective et permanente ».

D’autre part, le texte de loi modifie l’articles L. 622-2 du Code général de la fonction publique pour permettre les mêmes durées d’absences que celles évoquées ci-dessus dans le Code du travail. Et l’article L. 622-1 dispose que ces congés sont sans effet sur la durée des congés annuels et n’en modifient pas la constitution de droits.

Article 3

L’article L. 1222-9 du Code du travail dispose maintenant que, relativement au télétravail, « En l'absence d'accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen. Lorsque la demande de recours au télétravail est formulée par un travailleur handicapé mentionné à l'article L. 5212-13 ou un salarié aidant d'un enfant, d'un parent ou d'un proche, l'employeur motive, le cas échéant, sa décision de refus. »

Article 4

Le droit à une allocation journalière de présence parentale, selon l’article L 544-2 du Code de la Sécurité sociale, « est soumis à un avis favorable du service du contrôle médical prévu à l'article L. 315-1 ou du régime spécial de sécurité sociale. »

L’article L. 544-3 précise maintenant que « L'allocation peut faire l'objet d'une avance dans l'attente de l'avis » du service du contrôle médical.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047862209

 

Décret n° 2023-684 du 28 juillet 2023 portant relèvement du plafonnement du salaire de comparaison en cas de cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus

Ce décret publié par le ministère des solidarités et des familles du entre en vigueur le 30 juillet 2023.

Il modifie l’article R. 341-17 du code de la Sécurité sociale en portant le salaire de comparaison à 1.5 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale au-dessus duquel la pension d’invalidité est diminuée de moitié lorsqu’il y a cumul avec une activité professionnelle.

Contexte de ce décret

La problématique à laquelle prétend répondre ce décret a été évoquée dans une question parlementaire, et sa réponse, reprise dans une lette d’information du 2 juillet 2022, voir le blog.

Un décret passé inaperçu

Un décret n° 2022-257 relatif au cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus et diverses dispositions relatives aux pensions d'invalidité a été publié le 23 février 2022.

Les mesures de ce décret n’ont été mises en œuvre qu’en fin d’année 2022, ce qui fait que ses conséquences ne se sont manifestées que bien plus tard.

Un objectif, favoriser le cumul pension invalidité et activité professionnelle

L’objectif de ce décret du 23 février 2022 était de favoriser l’activité professionnelle des personnes reconnues en invalidité.

Ceci se faisait en n’ôtant plus de la pension d’invalidité le montant total de ce qui dépassait du cumul pension d’invalidité et salaire d’activité du montant du salaire de comparaison antérieur (calculé sur les dix meilleures années) mais seulement de la moitié.

Ce qui était bien sur favorable à nombre de personnes reconnues invalides et exerçant une activité.

Mais une autre mesure de ce décret était défavorable pour les salaires élevés

En effet, le salaire de comparaison (qui est maintenant le meilleur des deux, salaire annuel de l’année précédente ou salaire moyen des dix meilleures années d’activité) que ne devait pas dépasser le cumul de la pension et de l’activité était auparavant le montant du salaire de comparaison perçu par le salarié.

Le décret a modifié cela en introduisant un salaire de comparaison limité au plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS, soit 43 992 € en 2023). Et tout ce qui dépassait ce plafond était donc diminué de moitié sur la pension d’invalidité.

Sachant, de plus, que le calcul ne se faisait plus par trimestre mais annuellement. Comme le montre un calcul effectué par l’Assurance maladie ceci était aussi défavorable. Pour un revenu de 60 000 € par an (3 300 de salaire mensuel et 1 700 de pension d’invalidité), le calcul trimestriel aboutissait à une pension mensuelle de 1 283 € alors que le calcul annuel aboutit à une pension mensuelle de 914€ (dans le premier cas, le dépassement mensuel était de 417 € et dans le second cas de 1 572 dont on déduisait donc la moitié de la pension d’invalidité).

Ainsi certains salariés, en particulier des cadres, cumulant pension d’invalidité et activité professionnelle, ont eu la mauvaise surprise de se retrouver avec une pension d’invalidité ramenée à zéro. Cette mesure, selon les informations diffusées par le gouvernement, en particulier en réponse à des questions parlementaires, concernait environ 8 000 personnes bénéficiant d’une pension d’invalidité.

Une deuxième mauvaise surprise !

Cette mauvaise surprise s’est accompagnée d’une deuxième mauvaise surprise pour certaines des personnes concernées par ce décret.

En effet, certains organismes de prévoyance ont aussitôt coupé le complément de pension d’invalidité qu’ils versaient à leurs assurés en indiquant que si le montant de la pension d’invalidité était ramené à zéro, ils ne verseraient plus le complément de la pension prévu par leurs garanties. A ce sujet, le gouvernement a indiqué qu’il envisageait d’en discuter avec les organismes de prévoyance. A ce jour, aucune nouvelle de ces discussions et de leur éventuel effet.

Une réponse partielle

Ainsi, ce décret apporte une réponse partielle à la problématique créée par le décret du 23 février 2022, continuant à toucher les salaires annuels de plus de 1.5 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, avec le risque de ramener à zéro le complément de la prévoyance, et le calcul du cumul se faisant sur une année, plus défavorable que celui trimestriel.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047901978

 

Arrêté du 26 juin 2023 relatif à la formation professionnelle des infirmiers en santé au travail des services de médecine préventive de la fonction publique territoriale

Rappelons qu’un décret n° 2022-1664 du 27 décembre 2022 était relatif à la formation spécifique des infirmiers de santé au travail pour les services de prévention et de santé au travail du privé et en agriculture.

Le présent arrêté vise la formation professionnelle des infirmiers en santé au travail des services de médecine de prévention de la fonction publique territoriale avec de petites variations par rapport à ce qui est prévu dans le décret mentionné ci-dessus.

L’article 1 prévoit que la formation, indispensable pour exercer des fonctions d’infirmier dans un service de médecine préventive, est prise en charge par l’autorité territoriale et est dispensée par un organisme de formation mentionné à l’article L. 6351-1 du Code du travail ou par le Centre national de la fonction publique territoriale.

L’article 2 indique que la durée de la formation est d’une durée de 350 heures sur une période de 6 mois (dans le décret mentionné ci-dessus pour le privé, la formation comprenait 240 heures de cours et 105 heures de stage).

Cette formation couvre les blocs de compétences suivantes (dont le détail figure en annexe) :

- « la gestion et l'organisation des visites ;

- la gestion et la logistique du service de médecine préventive ;

- la participation à l'équipe pluridisciplinaire ;

- la réalisation des visites d'information et de prévention ;

- l'action sur le milieu de travail ;

- la gestion des situations individuelles imprévues ;

- la gestion des situations collectives imprévues. »

L’article 3 précise que la formation comprend des apports théoriques et des travaux pratiques, des échanges entre stagiaires sur la pratique professionnelle et un accompagnement par un référent pédagogique de l’organisme de formation.

Elle peut se dérouler en présentiel et à distance et a lieu en alternance avec des séquences en milieu de travail.

Un encadrement par au moins un médecin du travail doit avoir lieu dans le service de médecine préventive dans lequel l’infirmier est affecté.

L’article 4 dispose qu’une évaluation des compétences, dont les modalités sont précisées dans l’annexe jointe à l’arrêté, est assurée par l’organisme de formation et le service de médecine préventive dès l’entrée en formation.

L’article 5 indique qu’il est possible d’individualiser le parcours de la formation avec une durée inférieure à 350 heures si des infirmiers ont obtenu des équivalences pour un ou des blocs de compétences par une formation diplômante ou certifiante.

L’article 6 précise que l’évaluation de la formation doit donner lieu à la délivrance de documents prouvant la validation de chacun des blocs de compétences.

Enfin, l’article 7, prévoit que l’infirmier doit s’engager par contrat avec le service de médecine préventive où il est affecté à suive la formation.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047826073

 

Accord national sur la protection sociale dans la fonction publique territoriale

Un accord collectif national portant réforme de la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux a été signé le 11 juillet 2023 par six organisations syndicales et sept organisations d’employeurs.

Cet accord porte sur la prévoyance (incapacité et invalidité) et sur la complémentaire santé (remboursement des soins).

Des textes de loi avaient déjà abordé cette protection sociale pour la fonction publique : l’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 et le  décret n° 2022-581 du 20 avril 2022 (ce dernier définissant les garanties minimales que devrait offrir cette protection sociale) en ouvrant la voie à la négociation collective pour en définir les modalités pratiques.

Vous pourrez accéder au document en pièce jointe et à l’adresse internet en fin de commentaire.

Modalités de la prévoyance

Garanties minimales en termes de prévoyance

Incapacité temporaire

Les garanties minimales prévues par cet accord pour la prévoyance sont que tout agent de la fonction publique territoriale, en cas d’incapacité temporaire, sera couvert par le maintien de 90% de son revenu net : traitement indiciaire (TI), nouvelle bonification indiciaire (NBI) et régime indemnitaire (RI).

Ceci, sous déduction des prestations versées par l’employeur ou tout régime obligatoire. À noter que le décret n° 2022-581 prévoyait comme garanties minimales 90% du TI et de la NBI, mais seulement 40% du régime indemnitaire.

Ce maintien de rémunération concerne les fonctionnaires et les agents contractuels.

Il est prévu que les contractuels et stagiaires puissent bénéficier du contrat de protection complémentaire s’ils sont présents plus de 6 mois dans la collectivité ou si leur contrat initial prévoit une durée d’emploi de plus de 6 mois.

Invalidité

La prévoyance en termes d’invalidité dépend du statut des agents et du niveau ou de la catégorie de l’invalidité :

ü pour les agents affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), si le taux d’invalidité, fixé par la CNARCL, est supérieur ou égal à 50%, le maintien de la rémunération nette de l’agent sera de 90% de la rémunération (TI + NBI + RI) et si le taux d’invalidité est inférieur à 50%, le taux de maintien de la rémunération sera proportionnel au taux d’invalidité défini par la CNRACL ;

ü pour les agents contractuels affiliés au Régime général, la prévoyance maintient la rémunération à 90% du revenu net en cas d’invalidité de 2e ou 3e catégorie ou de taux d’incapacité permanente d’au moins 66% suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.

Ce maintien de la rémunération se fait sous déduction des prestations perçues par l’agent.

Type de contrat de prévoyance

Le contrat de prévoyance avec un organisme prestataire sera un contrat collectif à adhésion obligatoire.

Participation de l’employeur

La participation de l’employeur à la cotisation à payer pour la protection prévoyance des agents sera de 50% (elle était au minimum de 20% dans le décret cité ci-dessus).

Complémentaire santé

Garanties minimales de la complémentaire santé

Il s’agit d’un panier minimal de référence.

[NDR - Dans le privé, le panier de référence comprend : la totalité du ticket modérateur (consultations, actes et prestations remboursables par l'Assurance maladie obligatoire), hors exception ; l’intégralité du forfait journalier hospitalier dans le cadre d'une hospitalisation ; le remboursement des frais dentaires à hauteur de 125 % du tarif conventionnel (orthodontie et prothèses) et le remboursement forfaitaire des frais d'optique par période de 2 ans (1 an pour les mineurs ou en cas d'évolution de la vue), avec une prise en charge minimum fixée à 100 € pour une correction simple (verres + monture), 150 € (voire 200 €) pour une correction complexe simple (verres + monture).]

Participation de l’employeur

Ce sera celle prévue dans le décret n° 2022-581 : « La participation mensuelle des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement, pour chaque agent, des garanties prévues à l'article 5 ne peut être inférieure à la moitié d'un montant de référence, fixé à 30 euros. »

Fonds national de solidarité

L’accord prévoit la mise en place d’un fonds national de solidarité qui sera alimenté par un prélèvement de 2% sur les cotisations des contrats de complémentaire santé individuels et collectifs subventionnés par les employeurs publics territoriaux.

Ce fonds national de solidarité est instauré au bénéfice des agents territoriaux actifs et retraités.

Autres dispositions de l’accord

Limitation des barrières à l’entrée des contrats collectifs de prévoyance

Des dispositions devront être prises en vue :

      « d’interdire le questionnaire médical tout au long de la durée du contrat, ainsi que la mise en place d’une tarification différente en raison de l’état de santé.

      d’encadrer la pratique des délais de carence ou de stages en matière de prévoyance en limitant leur durée à 3 (trois) mois.

      d’interdire la proratisation de l’indemnisation en fonction de la durée d’adhésion.

      de supprimer la possibilité de majorer les cotisations pour adhésion tardive.

      •de prévoir que :

- les agents qui ne sont pas en arrêt de travail à la date d’effet du contrat ou du règlement et qui ne sont pas inscrits à celui-ci peuvent y adhérer sous réserve que leur inscription intervienne pendant les 12 premiers mois qui suivent la date de prise d’effet du contrat ;

- les agents embauchés postérieurement à la date de prise d’effet du contrat ou du règlement peuvent y adhérer sous réserve que leur inscription intervienne dans les 12 premiers mois qui suivent la date d’embauche ;

- les agents en arrêt de travail peuvent adhérer au contrat dans les conditions prévues. »

Évolution des conditions tarifaires

Il est prévu un plafonnement des évolutions tarifaires qui ne pourront être supérieures à une hausse annuelle maximale de 15% en matière de prévoyance et de 10% en termes de complémentaire santé.

Reporting annuel obligatoire

Les organismes de protection sociale complémentaire devront transmettre chaque année, avant le 30 juin de l’année n, un bilan en termes de comptes de résultats de l’année n-1 comprenant, entre autres, les données suivantes : le nombre d’agents ou de retraités (et de leurs conjoints et enfants bénéficiaires) assurés par garantie, l’âge moyen des adhérents, les cotisations nettes de taxes et de frais, les provisions constituées par risque, la liste des sinistres en prévoyance (CMO, CLM, CLD et invalidité), le résultat du contrat et le ratio prestations / cotisations.

Garanties en cas de succession de contrats et de changements d’organismes

Rechute d’arrêt maladie

L’accord prévoit que l’organisme titulaire du contrat collectif de prévoyance devra indemniser la rechute d’un arrêt de travail survenu lorsque l’agent était adhérent d’un contrat individuel ou n’avait pas de contrat de prévoyance.

En cas de succession de contrats collectifs de prévoyance, l’organisme du contrat échu devra prendre en charge l’indemnisation d’un arrêt maladie survenu après l’échéance du contrat si le fait générateur a eu lieu pendant le contrat échu.

CLM et CLD

L’effet rétroactif de la reconnaissance de CLM ou de CLD ne pourra faire l’objet d’une indemnisation par le nouvel organisme lorsque l’agent était titulaire d’un contrat de prévoyance individuelle ou n’était pas assuré. S’il disposait d’un contrat individuel, c’est à l’organisme durant le contrat duquel a eu lieu l’arrêt initial qui devra assurer l’indemnisation.

De la même façon, en cas de succession de contrats collectifs, c’est à l’organisme pendant le contrat duquel a eu lieu l’arrêt initial de prendre en charge de façon rétroactive le CLM ou le CLD.

https://cdg50.fr/accord-national-sur-la-protection-sociale-complementaire/#:~:text=Un%20accord%20national%20a%20%C3%A9t%C3%A9,9%20million%20d'agents%20territoriaux.

 

Circulaire de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) du 10 juillet 2023

Il s’agit d’une circulaire de la Cnav sur la retraite anticipée pour carrière longue publiée le 10 juillet 2023 et relative aux salariés et aux travailleurs indépendants.

Cette circulaire prend en compte les évolutions législatives de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 et les dispositions du décret n° 2023-436 du 3 juin 2023. Ces textes ont été commentés respectivement dans les lettres d’information du 23 avril 2023 et du 18 juin 2023 (liens avec les commentaires sur le blog).

Rappelons que la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale porte l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans à compter du 1er septembre 2023.

[NDR - Les départs à la retraite anticipé représentent la part la plus importante des départs à la retraite dérogatoires. Il y a eu, en 2022, 135 272 départs anticipés à la retraite pour carrière longue, 94 498 hommes et 40 774 femmes.]

Vous pourrez accéder à cette circulaire en pièce jointe et sur le site de la Cnav à l’adresse en fin de commentaire.

Ouverture du droit à la retraite anticipée pour carrière longue

Conditions requises

L’article L. 351-1-1 du Code de la Sécurité sociale (CSS) dispose que l’âge légal de départ à la retraite est abaissé pour les assurés qui ont commencé à exercer une activité avant différents âges, dont le plus élevé est 21 ans.

Le droit à la retraite anticipée pour carrière longue est soumis à deux contraintes cumulatives prévues à l’article D. 351-1-1 du CSS :

ü avoir commencé à travailler avant un âge donné ;

ü disposer d’une certaine durée d’assurance cotisée.

Age de début d’activité

L’âge de début d’activité, pour les travailleurs à partir de la génération 1970, en fonction de l’âge de départ anticipé à la retraite, est le suivant :

ü 16 ans pour un départ à compter de 58 ans ;

ü 18 ans pour un départ à compter de 60 ans ;

ü 20 ans pour un départ à compter de 62 ans ;

ü 21 ans pour un départ à compter de 63 ans.

Pour les générations nées entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1969, l’âge de départ anticipé est adapté en fonction de l’augmentation progressive de l’âge légal de départ à la retraite.

Durée d’assurance en début d’activité

Pour pouvoir bénéficier de ce départ anticipé à la retraite, à la fin de l’année civile de l’âge anniversaire de leurs16 ans, 18 ans, 20 ans ou 21 ans, les assurés devront :

ü pour ceux nés au cours des trois premiers trimestres de l’année avoir justifié 5 trimestres d’activité ;

ü pour ceux nés au cours du dernier trimestre de l’année, avoir justifié de 4 trimestres d’activité.

Durée d’assurance cotisée

Pour pouvoir bénéficier de ce départ anticipé à la retraite, les assurés devront justifier, dans le Régime général ou d’autres régimes de protection sociale, une durée d’assurance cotisée à leur charge correspondant à celle nécessaire pour obtenir le taux plein pour leur génération.

Sont considérées comme périodes cotisées :

« les périodes de cotisations à l'assurance vieillesse obligatoire ;

• les périodes d'assurance volontaire vieillesse ;

• les périodes de rachats de cotisations en fonction de la date de la demande et de leur nature ;

• les périodes de validation de carrière au titre de la loi du 26 décembre 1964 et la loi 85-1274 du 4 décembre 1985 ;

• les périodes de congé de formation ;

• les périodes de stage de la formation professionnelle ;

• les périodes de cotisations arriérées ;

• les versements pour la retraite effectués au titre des années civiles d’apprentissage effectuées dans le cadre d'un contrat conclu entre le 1er juillet 1972 et le 31 décembre 2013, visés au IV de l’article L. 351-14-1 CSS (article L. 173-7 CSS). »

Sont exclues de la prise en compte au titre des durées cotisées les périodes reconnues équivalentes, les majorations de durée d’assurance, à l’exception de celles acquises par le compte professionnel de prévention, et les périodes de volontariat associatif.

Certaines périodes non cotisées sont néanmoins réputées cotisées, selon l’article D. 351-1-2 du CSS :

ü les périodes de service national dans la limite de 4 trimestres ;

ü les périodes d’indemnisation au titre de la maladie et de l’incapacité temporaire des accidents du travail dans la limite de quatre trimestres pour l’ensemble de la carrière ;

ü l’ensemble des périodes d’indemnisation au titre de la maternité ou de l’adoption ;

ü les périodes de perception d’une pension d’invalidité dans la limite de deux trimestres pour l’ensemble de la carrière ;

ü les périodes d’indemnisation au titre du chômage et d’activité partielle dans la limite de quatre trimestres pour l’ensemble de la carrière ;

ü les trimestres de majoration de durée d’assurance acquis au titre du compte professionnel de prévention pour leur ensemble (au maximum huit trimestres) ;

ü les périodes validées au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer et de l’assurance vieillesse pour les aidants.

Retraite anticipée

Demande de retraite anticipée

La demande de retraite anticipée peut se faire en ligne ou par le formulaire « demande unique de retraite pour carrière longue ».

Cependant, si l’assuré utilise pour sa demande un formulaire non spécifique de demande de retraite en indiquant vouloir prendre sa retraite avant l’âge légal, ses droits à une retraite anticipée pour carrière longue doivent être examinés à ce titre.

Régime compétent

Le régime compétent pour la demande de retraite est celui dont relève l’assuré au cours de sa dernière activité.

L’assuré peut néanmoins faire cette demande auprès d’un autre régime si celui-ci entre dans le champ de la demande unique de retraite (ces régimes sont :  le régime général, le régime des salariés agricoles, le régime des non-salariés agricoles, le régime des commerçants et le régime des artisans).

Modalités de calcul de la pension de retraite

Le calcul du montant de la retraite pour carrière longue se fait selon les conditions de droit commun de l’article L. 351-1 du CSS.

La retraite pour carrière longue est obligatoirement calculée avec un taux plein de 50%.

Date d’application

Les dispositions de cette circulaire sont applicables aux retraites prenant effet à compter du 1er septembre 2023 pour les assurés nés à partir du 1er septembre 1961.

https://legislation.lassuranceretraite.fr/Pdf/circulaire_cnav_2023_14_10072023.pdf

 

·       Rapport sénatorial sur la santé des femmes au travail

Un rapport sur « La santé des femmes au travail », publié par la délégation aux droits des femmes, a été adopté par le Sénat le 27 juin 2023.

Quatre sénatrices de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont participé à l’élaboration de ce rapport, Mmes Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol.

Vous pourrez accéder à ce rapport en pièce jointe et sur le site du Sénat à l’adresse en fin de commentaire.

Introduction

Ce rapport établit d’abord un constat sur les problématiques inhérentes à la santé des femmes au travail puis émet 23 recommandations afin d’améliorer la prise en compte de la santé des femmes au travail.

Le constat de l’état actuel des choses se fait selon quatre axes :

ü l’absence ou la très faible prise en compte d’une approche « genrée » en santé au travail ;

ü la sous-estimation, voire la méconnaissance, des risques professionnels auxquels les femmes sont exposées ;

ü penser la santé au travail des femmes ;

ü la prise en compte des spécificités féminines en termes de pathologies et de santé sexuelle et reproductive.

Les constats du rapport

Un défaut durable d’approche selon le sexe en matière de santé au travail

Un manque de données statistiques différenciées selon le sexe

Les auteures du rapport constatent qu’il existe un souhait délibéré de la part des employeurs, des institutions et des professionnels de la prévention et de la santé au travail d’adopter une approche indifférenciée en termes de sexes se rapportant le plus souvent à un « homme moyen » et ignorant les spécificités féminines.

Ceci alors qu’une loi n° 2014-873 du 4 août 2014 (article 20) pour l’égalité entre les hommes et les femmes a exigé des entreprises une prise en compte spécifique en fonction des sexes relative à la santé et la sécurité au travail. Ainsi, l’article L. 4121-3 du Code du travail sur l’évaluation des risques professionnels dispose que « Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe. »

De même, une loi n° 2016-41 a imposé à la Caisse nationale d’Assurance maladie [NDR – Les rapports de la Branche AT/MP ne fournissent pas d’information sur la sinistralité en fonction du sexe] et aux services de prévention et de santé au travail de produire des données sexuées (l’article L. 4624-1 disposait que « Le rapport annuel d'activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données présentées par sexe. » [NDR – Le rapport annuel du médecin du travail a été supprimé par la loi du 2 août 2021].

Par exemple, la Caisse nationale d’Assurance maladie n’a pu fournir aux auteures du rapport de données sur la répartition des arrêts maladie par sexe et la Direction générale du travail ne dispose pas de données relatives au sexe sur le suivi individuel en santé au travail.

Les emplois occupés par des femmes font moins l’objet de recherches en santé au travail. Ceci alors que, par exemple, les campagnes des Quinzaines des maladies à caractère professionnel font apparaître, entre 2012 et 2018, des taux de signalements plus élevés de maladies à caractère professionnel chez les femmes que chez les hommes (respectivement, en 2018, 11.4% et 7.1%).

Une approche ergonomique basée sur l’homme moyen

La conception et de l’aménagement des postes et des équipements de travail sont le plus souvent pensés pour un homme de taille moyenne et ne prennent pas en compte la morphologie et les caractéristiques anthropométriques et physiologiques des femmes.

En particulier, celles-ci se caractérisent par une taille plus petite, une force musculaire moindre, un centre de gravité plus bas, un poids moindre et un débit cardiaque plus faible.

De la même façon, les équipements de protection individuelle sont basés sur une morphologie masculine. Ce qui aboutit, par exemple à des gants de protection surdimensionnés et à des appareil de protection respiratoire qui ne sont pas adaptés pour les femmes.

Absence de prise en compte du sexe dans le DUERP

Alors que cette exigence apparaissait dans la loi n° 2014-876, il n’y a que très rarement une approche par sexe dans les documents uniques d’évaluation des risques professionnels. Cette approche est souvent méconnue. Et lorsqu’elle n’est pas méconnue elle soulève des objections car faisant craindre des discriminations. Craintes exprimées lors des entretiens des auteures tant par une représentante d’une organisation syndicale très impliquée dans la santé au travail que d’un employeur, lui aussi très impliqué dans la santé au travail.

Des politiques de prévention et de réparation pensées pour les hommes

Les auteures du rapport renvoient à un imaginaire collectif qui considère que le travail pénible est masculin et lié à des efforts physiques importants, à des ports de charges lourdes, à l’exposition au bruit tandis que la pénibilité à laquelle les femmes sont exposées est moins dangereuse.

En conséquence, les politiques de prévention, en particulier la définition des critères de pénibilité et de qualification des maladies professionnelles, obéissent à cette logique.

Ainsi la Direction générale du travail indique que seulement 23% des personnes concernées par le compte professionnel de prévention sont des femmes en 2021.

De la même façon, les tableaux des maladies professionnelles, notamment ceux relatifs aux cancers professionnels, ont été pensés à l’origine pour des métiers masculins (mines, BTP) et non pas pour des secteurs d’activité féminins comme le soin ou le nettoyage [NDR - Dont le développement a été plus récent].

Une absence de prise en compte de pathologies non professionnelles

Les femmes présentent des pathologies spécifiques qui retentissent sur le travail comme l’endométriose, le cancer du sein ou la fibromyalgie qui sont peu prises en compte pour permettre de bonnes conditions de travail, avec de la souplesse dans l’emploi du temps et les horaires, des marges de manœuvre améliorées et un soutien managérial.

Ainsi, le retour au travail après un cancer du sein, le cancer le plus fréquent chez les femmes, survenant fréquemment pendant que la femme est encore en activité professionnelle, se pose de façon beaucoup plus fréquente pour les femmes alors que les autres cancers surviennent plus souvent chez des sujets nettement plus âgés.

Ces spécificités de la santé des femmes justifieraient une formation adaptée des professionnels de santé intervenant au sein des services de prévention. En effet, de nombreux symptômes et affections féminins, même en dehors de la sphère gynécologique, sont laissés de coté et ignorés comme les maladies cardio-vasculaires chez les femmes ou leur exposition à la dépression, en raison de facteurs psychosociaux.

Il faudrait aussi prendre en compte le fait qu’il y a plus de femmes que d’hommes reconnus handicapés.

Des risques professionnels sous-estimés, méconnus et différenciés chez les femmes

Les expositions professionnelles des femmes sont l’objet :

ü d’une part, de la minimisation de leur charge de travail, de la pénibilité de leurs tâches, de la négligence des risques plus silencieux auxquels elles sont exposées ainsi qu’à l’absence de prise en compte de la précarité de leurs conditions de travail ;

ü d’autre part, d’une méconnaissance des risques auxquels elles sont exposées, différents de ceux de leurs homologues masculins du fait de secteurs d’activité différents [NDR – Voir à ce sujet une étude de la Dares sur les différences des expositions professionnelles entre hommes et femmes commentée dans la lettre d’information du 19 février 2023 sur le blog].

Sous-estimation de la pénibilité des activités majoritairement féminines

Les secteurs d’activité fortement féminisés font l’objet d’une sous-évaluation de leur pénibilité et des risques alors que ces métiers féminins sont exposés à des risques professionnels conséquents.

Ceci a été relevé par l’Anact qui estime que dans les secteurs de la santé et du social, du nettoyage, de l’intérim, du commerce et des industries de l’alimentation, dans lesquels de très nombreuses femmes travaillent, les risques professionnels sont vraisemblablement sous-évalués et les politiques de prévention insuffisamment développées.

Ainsi, comme le montre l’étude de l’Anact « Photographie statistique de la sinistralité au travail en France selon le sexe », alors que la sinistralité par accidents de travail a globalement diminué, elle a augmenté de 42% chez les femmes entre 2001 et 2019. En 2019, le nombre d’accidents du travail est plus élevé dans les activités de services (santé, action sociale, nettoyage, travail temporaire) à prédominance féminine (106 039) que dans le BTP (72 444). [NDR – Ces données sont issues du document de l’Anact mentionné ci-dessus commenté dans la lettre d’information du 17 juillet 2022, voir le blog.]

Par ailleurs, dans de nombreux métiers féminins, les femmes sont exposées à des ports de charges dépassant la norme des 25 kg prescrits par le Code du travail [article R. 4541-9 du Code du travail]. Il en est ainsi pour des ouvrières, des infirmières, des aides-soignantes et des aides à domicile.

Les auteures du rapport constatent, en s’appuyant sur plusieurs entretiens, que la pénibilité est minimisée dans les métiers considérés comme « typiquement féminins ».

De plus, les risques professionnels auxquels les femmes sont exposées sont davantage invisibles, silencieux, liés à une usure physique et psychique par rapport à ceux auxquels sont exposés les hommes. Il en est ainsi des TMS qui touchent majoritairement les femmes qui sont moins apparents que les accidents du travail dont un certain nombre sont mortels touchant majoritairement les hommes. De même, les risques psychosociaux dont elles sont plus victimes que les hommes sont peu visibles [NDR – Voir à ce sujet les résultats des quinzaines des maladies à caractère professionnel dans la lettre d’information du 23 avril 2023 sur le blog. Ces quinzaines des maladies à caractère professionnel montrent que les TMS et la souffrance psychique sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.]

Invisibilisation des cancers professionnels affectant les femmes

Le Centre international de recherche sur le cancer a classé en 2007 le travail posté de nuit comme probablement cancérogène pour le cancer du sein et en 2019 il a conclu que le travail de nuit posté est un facteur de risque de cancer du sein.

Une étude publiée en 2018 a montré que le risque de cancer du sein augmente de 26% en cas de travail de nuit chez des femmes non ménopausées. Par ailleurs, ce risque de cancer du sein est deux à trois fois plus élevé chez des femmes qui ont travaillé au moins deux nuits par semaine pendant plus de 10 ans.

Cependant, malgré une exposition importante des femmes à ce facteur de risque, il y a peu de cancers du sein reconnus comme maladie professionnelle [NDR – A signaler récemment la reconnaissance d’un cancer du sein pour une infirmière ayant travaillé de nuit dans un hôpital dans l’Est de la France. Voir en pièce jointe à ce sujet un article du Monde].

Exposition à des cancérogènes dans certaines activités

Les auteures du rapport citent les travaux du Giscop 93 qui a mis en évidence l’exposition à une combinaison d’agents biologique et à des polluants organiques dans des activités de soin et de nettoyage dans lesquelles les femmes sont beaucoup plus présentes que les hommes. Le Giscop 84 aurait identifié l’utilisation de 7 agents cancérogènes dans les produits de nettoyage ainsi qu’une exposition à l’amiante du fait de l’utilisation de brosses de nettoyage.

Du fait de leur parcours professionnel, plus haché, ne permettant pas les durées ou les intensités d’exposition exigées par les tableaux, un moindre nombre de femmes pourraient déclarer une maladie professionnelle et, parmi celles qui le feraient, il y aurait un moindre taux de reconnaissance

Le cancer de l’ovaire

Depuis 2012, le Circ considère qu’il y a un lien causal entre le cancer de l’ovaire, et du larynx, et l’exposition à l’amiante.

L’Anses a publié un rapport à ce sujet et considère que ces deux cancers peuvent être liés à une exposition à l’amiante et recommande la création de tableaux de maladies professionnelles à leur sujet.

[NDR – Un décret créant un tableau 30 ter consacré aux cancer du larynx et de l’ovaire a été présenté à la commission spécialisée des maladies professionnelles du Conseil d’orientation des conditions de travail et devrait être publié.]

Deux professions sont particulièrement exposées au cancer de l’ovaire, avec plus de 50% des femmes exposées à l’amiante : les conductrices de machines textiles et les ouvrières non qualifiées de l’électricité et de l’électronique.

En outre, de nombreuses activités professionnelles sont effectuées dans un environnement contaminé par l’amiante, par exemple dans l’administration, l’enseignement, ou la santé.

Des conditions de travail difficiles et des situations de précarité fréquentes

Les femmes exercent souvent des professions où les conditions de travail sont difficiles.

Elles sont de plus exposées de façon croissante à des horaires de travail atypiques avec des journées de travail morcelés, des horaires de nuit, une activité tôt le matin ou tard le soir.

Il en est ainsi des horaires morcelés dans des secteurs à prédominance féminine comme le nettoyage ou l’aide à domicile qui conduisent à une amplitude des horaires importante avec des déplacements fréquents.

Une expertise menée par l’Anses entre 2012 et 2016 a permis de mettre en évidence plusieurs effets, avec des niveaux de preuve différents, sur la santé des femmes des activités dans certains secteurs avec travail de nuit :

ü effets sur la somnolence, les troubles du sommeil et les troubles métaboliques ;

ü des effets probables sur la santé psychologique, l’anxiété, la dépression, le burn out, les performances cognitives, l’obésité, la prise de poids, le diabète, les maladies coronariennes ainsi que le cancer du sein ;

ü des effets possibles sur l’augmentation du taux de lipides sanguins, l’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux.

Les femmes connaissent des évolutions de carrière globalement moins rapides que celles des hommes. Elles restent donc plus longtemps dans des emplois opérationnels très exposés aux risques professionnels.

De plus, les femmes sont plus exposées à la précarité de l’emploi que les hommes, en particulier à des emplois avec du temps partiel subi.

Des expositions différenciées aux risques professionnels

Du fait des métiers exercés différemment par les hommes et les femmes, ces dernières sont susceptibles d’être plus exposées à certains facteurs de risque professionnels.

Le risque de troubles musculo-squelettiques

Les femmes sont ainsi plus exposées à des risques de survenue de troubles musculo-squelettiques (TMS) et aux sollicitations psychosociales.

Alors que les hommes sont plus exposés à des tâches pénibles physiquement reconnues comme telles (port de charges, travail dans un environnement agressif, comme dans le BTP), les femmes exercent des métiers où elles doivent se dépêcher, répéter continuellement une même série de gestes ou d’opérations avec pour une partie de ces métiers des horaires peu flexibles, physiquement pénibles et / ou exposant à une charge mentale ou des comportements hostiles.

Ainsi, les femmes, comme on l’a déjà dit, sont plus exposées que les hommes au risque de TMS, à la fois en fréquence et en intensité.

 L’Anact dans le rapport sur la photographie des risques professionnels rapporte que la fréquence des TMS, pour un million d’heures salariées, pour les femmes est de 17.8 contre 11.5 chez les hommes. De même, l’indice de gravité est plus élevé chez les femmes que chez les hommes.

C’est aussi ce que démontrent les quinzaines des maladies à caractère professionnel qui dénombrent des taux de TMS chez les femmes de 4.4% contre 3.2% chez les hommes.

Une surexposition des femmes aux risques psychosociaux

Comme on l’a vu, les femmes sont exposées à certains facteurs de risque psychosociaux liés à leur activité comme le fait de se dépêcher, de faire des tâches répétitives, de subir des horaires atypiques qui sont susceptibles de retentir sur leur psychisme.

Les femmes sont aussi plus spécifiquement exposées aux violences sexuelles et sexistes sur leur lieu de travail.

Ainsi, l’enquête Conditions de travail menée en 2013 montre que 8% des femmes et 1% des hommes déclarent avoir subi un comportement sexiste au travail. Ce qui est encore plus important dans les secteurs à prédominance masculine où 15% des femmes et 1% des hommes se déclarent victimes de comportements hostiles à dimension sexiste.

Outre ces actes sexistes, les femmes sont plus souvent victimes de faits de violence dans le cadre de leur activité professionnelle.

Dans une étude sur les Violences et les rapports de genre, réalisée en 2015, 18% des sujets déclarent avoir subi un acte de violence dans les 12 mois précédant l’enquête. C’est le cas de 20% des femmes et 16% des hommes.

Les victimes de ces violences, comme l’a montré cette enquête, sont plutôt des femmes jeunes, célibataires, en charge de famille monoparentale ou en difficulté financière qui sont déjà en situation de précarité.

Cette exposition à des violences a plusieurs effets sur la santé des femmes, le travail et leur vie personnelle :

- « sur la santé, en particulier psychique, des victimes : culpabilité, anxiété, dépression, insomnies, migraines, stress, addictions, tentatives de suicide ;

- sur leur travail : perte de confiance dans leurs compétences, isolement, absentéisme, retard, déconcentration, désinsertion professionnelle ;

- sur leur vie personnelle : pertes financières en cas d’arrêt maladie de plus de trois mois signant la fin des indemnités journalières [NDR – Je laisse la responsabilité de ce propos aux auteures], difficultés avec l’entourage, rupture de vie sociale ;

- sur le collectif de travail : malaise des témoins, ambiance de travail dégradée, tensions, clivage entre les salariés ;

- sur les entreprises : risques de contentieux, atteinte à l’image, perte de talents, manque d’attractivité. »

Focus sur certains secteurs féminisés emblématiques des atteintes à la santé des femmes

Le secteur du soin

C’est un secteur d’activité à forte prédominance féminine (80%).

Dans ce secteur d’activité, dans une étude menée pour une mutuelle hospitalière, un quart des répondants se déclarent en mauvais état de santé, soit deux fois plus que la population active en général.

Les femmes qui travaillent dans ce secteur indiquent être exposées au port de charges lourdes et à une pénibilité physique importante.

Elles sont aussi souvent exposées à des horaires de travail atypiques, en particulier du travail de nuit.

Une étude de la Dares, publiée en 2022, relève que 22% des infirmières et 15% des aides-soignantes travaillent de nuit et le week-end. Ce qui n’est pas sans entraîner des répercussions néfastes sur leur état de santé.

Dans ces métiers, il y a aussi une forte exposition à des facteurs de risque professionnels tels que les exigences émotionnelles, les contraintes organisationnelles et le manque de reconnaissance.

De plus, le secteur du soin est particulièrement exposé aux incivilités et aux violences verbales, voire physiques. Selon l’enquête de la mutuelle mentionnée ci-dessus, 29% des professionnels de soin hospitaliers disent subir des agressions physiques.

Le secteur du nettoyage

Dans ce secteur, les femmes sont aussi majoritaires, à 80% selon la Dares.

Elles sont exposées à des risques physiques, chimiques et organisationnels.

Selon la Dares, 90% des salariés de ce secteur sont exposés à au moins un risque physique, en particulier au travail répétitif (71%) ou à des postures pénibles (52%).

L’état de santé des travailleurs de ce secteur est notablement altéré avec, entre 60 ans et 62 ans, 50% des salariés, ou des anciens salariés, qui déclarent une limitation pour effectuer des gestes quotidiens contre 30% dans l’ensemble de la population active. Il y a dans ce secteur 7% des licenciements pour inaptitude alors que les salariés de ce secteur ne représentent que 1.8% des contrats à durée indéterminée.

Le risque chimique est aussi important et peu mesuré. Sept substances cancérogène sont présentes dans des produits couramment utilisés pour le nettoyage. Et la présence de ces substances ne doit être indiquée, dans les produits de nettoyage, que si elle dépasse 5%.

Les femmes travaillant dans ce secteur sont aussi exposées à l’amiante à travers l’exposition à des sols amiantés présents dans de nombreux locaux publics, en particulier les écoles et les hôpitaux. L’action des brosses est susceptible de mettre en suspension dans l’air des fibres d’amiante.

L’organisation du travail dans ce secteur peut aussi jouer un rôle délétère sur la santé des femmes. Les emplois dans ce secteur sont très souvent à temps partiel, les horaires sont le plus souvent décalés mais comme ils n’ont le plus souvent pas lieu entre minuit et cinq heures, le travail n’est pas considéré de nuit, et le travail est haché.

Du point de vue psychosocial, il y a aussi une exposition à une activité isolée, un management strict (et souvent masculin) et une faible autonomie.

Le secteur de la grande distribution

Ce secteur est féminisé à 60%. Dans ce secteur, les femmes occupent les trois-quarts des postes de caisses et elles ont, pour 40% d’entre elles, des postes à temps partiel.

Dans ce secteur, on constate une sinistralité assez importante en termes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

En particulier, on constate de très nombreux TMS liés à des contraintes biomécaniques et physiques (manutention de charges, gestes répétitifs) et psychosociales (fragmentation des horaires, contact avec le public, management strict, etc…).

Le secteur du mannequinat et de l’accueil

Ces métiers sont par essence féminins.

Les mannequins sont majoritairement des femmes de 16 à 30 ans qui sont recrutées pour leur physique et leur âge. Après 35 ans, il est plus difficile de trouver du travail.

La profession de l’accueil est aussi à prédominance féminine avec des hôtesses très jeunes, en général de moins de 25 ans sauf en accueil en entreprise où elles peuvent être plus âgées.

Les risques professionnels auxquels sont exposées les mannequins, selon un service de prévention et de santé au travail spécialisé dans ce secteur, sont :

ü des contraintes de travail (multiplicité des lieux de travail avec déplacements professionnels y compris avec décalages horaires, horaires atypiques, travail de nuit, postures pénibles, risque routier lors des déplacements) ;

ü des risques physiques avec exposition à la lumière artificielle, bruit et musique, ambiances thermiques et climatiques, exposition à des poussières ;

ü risque biologique lié au risque infectieux interhumain ;

ü risque chimique du fait de l’exposition à des produits allergisants, sensibilisants, irritants tels que les parfum, les produits capillaires, les cosmétiques ;

ü le risque d’accident, de chute d’agressions verbales et physiques, le risque routier lors des déplacements ;

ü les risques psychosociaux en lien avec la précarité de l’emploi, des employeurs multiples, des contraintes organisationnelles (rythmes de travail irréguliers, travail intermittent), relationnelles, etc… ;

ü du fait de la nécessité de maintenir une minceur souhaitée par les employeurs, les mannequins présentent souvent des comportements alimentaires délétères pour leur santé.

Les hôtesses d’accueil peuvent aussi être exposées à des conditions de travail difficiles, des horaires imprévisibles et atypiques et une dévalorisation de leurs compétences.

De plus, tant les mannequins que les hôtesses d’accueil sont exposées aux violences sexuelles et sexistes.

Les recommandations

Recommandation n° 1

Développer l’élaboration et l’exploitation, par les organismes producteurs de statistiques publiques, de données sexuées et croisées sur la sinistralité au travail.

Recommandation n° 2

Faire de l’approche genrée de la santé au travail et de la conception de politiques de prévention spécifiquement dédiées aux femmes un des axes stratégiques principaux du prochain PST (2026-2030).

Recommandation n° 3

Sur le modèle du plan régional de santé au travail (PRST) de Bretagne, encourager l’ensemble des régions à intégrer, au sein de leur PRST, une analyse différenciée de l’évaluation des risques en fonction du sexe et des actions spécifiques dédiées à la prise en compte de la santé des femmes au travail dans toutes ses dimensions.

Au sujet de ces deux dernières recommandations, les auteures s’appuient sur le modèle du PRST 4 de Bretagne qui a créé un focus visant à identifier les spécificités de la population féminine en lien avec ses expositions professionnelles et la sinistralité à laquelle elle est confrontée.

Recommandation n° 4

Faire appliquer par les employeurs l’obligation légale d’un Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) genré et les inciter à intégrer dans ce document des risques auxquels les femmes sont plus particulièrement exposées, tels que les violences sexuelles et sexistes au travail, les risques psychosociaux ou les TMS.

Recommandation n° 5

Inscrire dans le code du travail l’obligation d’une approche sexuée des risques professionnels au sein des fiches d’entreprise établies par la médecine du travail, par parallélisme avec le DUERP.

Recommandation n° 6

Former les professionnels de santé, et en premier lieu les médecins du travail, l’Inspection du travail, l’ensemble des préventeurs et les DRH à une approche genrée de la santé au travail.

Recommandation n° 7

Élaborer une Stratégie nationale globale pour la santé des femmes incluant un volet « santé au travail » et renforcer le rôle pivot de la médecine du travail dans le suivi de la santé des femmes au travail.

Selon les auteures, ce volet de santé au travail inclus dans la stratégie nationale de santé pourrait représenter un levier d’amélioration de la santé des femmes en général, en particulier pour les femmes les plus précarisées ayant moins accès aux soins et aux dispositifs de prévention. Ceci se heurtant bien évidemment au manque de ressources en termes de médecins du travail.

Recommandation n° 8

Généraliser le développement de maisons des soignants sur tout le territoire.

Recommandation n° 9

Adapter les mesures de prévention primaire et secondaire aux caractéristiques anthropométriques et aux conditions de travail des femmes, notamment dans les secteurs à prédominance féminine.

Recommandation n° 10

Renforcer les sanctions légales à l’encontre des employeurs ne respectant pas les obligations d’aménagement de poste après un arrêt de travail de longue durée.

C’est une recommandation qui pourrait être bénéfique pour l’ensemble des salariés, que ce soient des femmes ou des hommes.

Recommandation n° 11

Renforcer les moyens humains, notamment ceux de la médecine et de l’inspection du travail, dédiés au contrôle de l’application par les employeurs des mesures de prévention et de santé au travail.

Recommandation n° 12

Encourager l’accès de toutes les femmes aux services de prévention et de santé au travail dans le cadre de leur parcours professionnel.

Recommandation n° 13

Faciliter la reconnaissance en maladie professionnelle, d’une part, du cancer du sein en lien avec le travail de nuit, d’autre part, du cancer des ovaires en lien avec une exposition à l’amiante.

Recommandation n° 14

Revoir la liste des critères de pénibilité en l’adaptant à la réalité des risques professionnels féminins.

Recommandation n° 15

Ajouter l’endométriose à la liste des affections de longue durée (ALD 30), permettant de supprimer le délai de carence et donc les pertes financières en cas d’arrêts de travail répétés.

Recommandation n° 16

Généraliser la mise en œuvre du programme ENDOpro, développé par la Fondation pour la recherche sur l’endométriose, aux employeurs privés et publics.

L’endométriose touche près de 10% des femmes et génère un retentissement important sur leur capacité à assumer pleinement leurs activités professionnelles, ce qui justifierait de plus s’intéresser à cette pathologie qui est, en outre, souvent dépistée avec un important retard.

Recommandation n° 17

Inciter les branches à négocier des mesures d’aménagement des conditions de travail des femmes atteintes de pathologies menstruelles incapacitantes (poste de travail, temps et horaires de travail, évolution de carrière).

Certaines entreprises ont déjà mis en œuvre un congé pour règles menstruelles douloureuses (voir en pièce jointe un article du Figaro à ce sujet) et une proposition de loi a été faite afin d’intégrer cela dans le Code du travail, prenant exemple sur l’Espagne qui l’a déjà fait. Il s’agit de la proposition de loi à l’Assemblée nationale n°1219 relative à la prise en compte de la santé menstruelle.

Recommandation n° 18

Assurer une meilleure communication des employeurs auprès des femmes enceintes sur l’ensemble de leurs droits pendant la grossesse.

Les auteures du rapport relèvent qu’il y a encore une fréquence importante de discriminations liées avec la grossesse ou la maternité. Ce qui a été relevé par le Défenseur des droits dans ses rapports sur la discrimination liée à l’emploi.

Recommandation n° 19

Étendre le régime des absences autorisées par la loi, dans le cadre d’un parcours d’AMP (Assistance médicale à la procréation), afin notamment de permettre un accompagnement dans la durée des conjoints ou conjointes de femmes engagées dans ce parcours.

Recommandation n° 20

Mettre en place une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité avec un volet « travail », renforçant notamment le rôle de la médecine du travail dans la diffusion d’information sur la prévention de l’infertilité.

Recommandation n° 21

Rendre les parcours d’AMP plus efficaces en incitant les professionnels de santé à s’adapter à la vie professionnelle des femmes qu’ils suivent.

Les problèmes d’infertilité sont fréquents, touchant 15% des couples, et le poids du traitement de de l’assistance médicale à la procréation repose toujours sur les femmes. Hors, Les auteures du rapport constatent que ces démarches pour une assistance médicale à la procréation sont longues et créent de fortes contraintes pour les femmes en activité en termes d’exploration et de traitement, générant le besoin d’absences au travail.

Recommandation n° 22

Mieux informer, dans le milieu professionnel, les employeurs, les employés et les professionnels de santé sur la symptomatologie de la ménopause, et réfléchir à une adaptation des conditions de travail en conséquence.

Recommandation n° 23

Actualiser les recommandations de la Haute Autorité de Santé relatives aux traitements hormonaux de la ménopause.

https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-780-1-notice.html

 

Je vous souhaite, à toutes et tous, en départ au mois d’août, d’excellentes vacances… A bientôt…

 

Jacques Darmon

 


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