Lettre d'information du 23 avril 2023

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Le 23 avril 2023

 

Au sommaire de cette lettre… Parmi les textes de loi… La loi de de financement de la Sécurité sociale  rectificative pour 2023 traitant principalement des retraitesUn décret fixant les modalités de la mise en œuvre de la transformation d’un abandon de poste en démissionUne circulaire de la Cnam relative aux modalités de mise en œuvre du suivi post-exposition ou post-professionnel pour les travailleurs ayant été exposés à des risques professionnels susceptibles de générer des affections à long termeEt un arrêté d’extension de l’accord sur les salaires dans le services de prévention interentreprises… Deux jurisprudences… l’une marquant un revirement de la position de la Haute juridiction au sujet de la dénonciation d’un harcèlement moralet l’autre relative à l’opposabilité d’une maladie professionnelle, même si l’exposition est inférieure aux seuils de prévention du risque professionnelUne étude sur l’association entre co-exposition à des contraintes physiques et des facteurs de risques psychosociaux sur la survenue d’accidents du travail dans le secteur du soinUne présentation du rapport de Santé publique France sur les quinzaines des maladies à caractère professionnel 2012-2018 mettant en évidence le poids important des TMS et de la souffrance psychique et la sous-déclaration des maladies professionnelles…

 

Les lettres d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse suivante : https ://bloglettreinfo.blogspot.com/.

 

Dans une lettre d’information récente, je vous faisais part d’un plan de sauvegarde de l’emploi de la Mutualité française qui vise au licenciement de nombre de salariés. Parmi ces salariés ceux qui sont impliqués dans la revue Santé & Travail qui est un outil important pour la réalisation d’enquêtes et la diffusion d’informations sur la santé au travail. Cette revue mérite un soutien que vous pouvez exprimer : Pétition · Sauvons le magazine Santé & Travail · Change.org.

 

·       Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d’État

 

Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Dès l’obtention de la validation par le Conseil constitutionnel, à l’exception de quelques cavaliers législatifs (voir en fin de commentaire), le 14 avril 2023, le texte de loi de financement rectificative pour 2023 a été rapidement promulgué par le président de la République.

Il a été publié dans le Journal Officiel du samedi 15 avril 2023. Ainsi, les dispositions relatives au relèvement de l’âge de départ à la retraite, à laquelle une majorité de la population était opposée, pourront être mises en œuvre rapidement.

Vous trouverez en pièce jointe deux textes publiés dans Le Monde des 18 et 20 avril 2023 de professeurs de droit constitutionnel fort critiques et un autre texte, plus en accord avec la décision du Conseil constitutionnel, d’un autre constitutionnaliste publié sur le site Actu-juridique relatifs à la décision du Conseil constitutionnel de validation de la plus grande partie du texte de la loi 2023-270.

Voici les dispositions figurant dans ce texte de loi que j’ai retenues.

Dispositions relatives au budget de la Branche des accidents du travail et des maladies professionnelles

L’article 7 de la loi confirme le budget de la Branche AT/MP pour 2023

Dans ce budget, il est prévu 17 Mds (milliards) € de recettes, 14.8 Mds € de dépenses et donc un solde positif de 2.2 Mds € qui viendra renforcer les fonds propres de la Branche AT/MP.

En annexe du texte de loi, figure un tableau reprenant les recettes et dépenses et le solde depuis 2019 avec les prévisions pour les années 2024 à 2026 :

ü en 2024, recettes de 16.9 Mds €, dépenses de 15.3 Mds € et solde de 1.6 Md €,

ü en 2025, recettes de 17.5 Mds€ , dépenses de 15.7 Mds € et solde de 1.8 Md €,

ü en 2026, recettes de 17.5 Mds €, dépenses de 16.1 Mds € et solde de 1.4 Md €.

A noter que si, sur ces années, les dépenses augmentent, les recettes diminuent (2024) ou restent stables (2025 et 2026) !

Dispositions en lien avec le recul de l’âge de la retraite

Age d’ouverture des droits et durée de cotisations

Ces dispositions sont intégrées dans le texte de loi sous un Titre Ier intitulé « Reculer l’âge de départ en tenant compte des situations d’usure professionnelle et de la pénibilité effective des métiers » et elle comprend les articles 7 à 17 du texte de loi.

L’article 10 modifie l’article L. 161-17-2 du Code de la sécurité sociale

Celui-ci prévoit désormais que « L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du présent code, à l'article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l'article L. 24 et au 1° de l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-quatre ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968 ».

Puis, le 2e alinéa de cet article indique que « Cet âge est fixé par décret dans la limite de l'âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1968 et, pour ceux nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1967, de manière croissante, à raison de trois mois par génération. »

Ce même article 10 modifie l’article L. 161-17-3 du Code du travail, indiquant le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le taux plein de retraite de la Sécurité sociale, qui s’applique aussi pour les fonctionnaires civils et militaires, qui devient :

« Pour les assurés des régimes auxquels s'applique l'article L. 161-17-2, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite sont fixées à :

1° 167 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 ;

2° 168 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 août 1961 ;

3° 169 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1962 ;

4° 170 trimestres, pour les assurés nés en 1963 ;

5° 171 trimestres, pour les assurés nés en 1964 ;

6° 172 trimestres, pour les assurés nés en 1965. »

Mais, cerise sur le gâteau, pour ceux qui n’auraient pas obtenu le nombre de trimestres nécessaires pour le taux plein du fait de trous dans leur carrière, l’âge auquel ils pourront obtenir un départ à la retraite à taux plein, mentionné à l’article L. 351-8 du Code de la Sécurité sociale, ne sera que l’âge légal augmenté de 3 ans (contre 5 aujourd’hui). Il restera donc fixé à 67 ans comme c’est le cas actuellement.

Ainsi « Bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires :

1° Les assurés qui atteignent l'âge prévu à l'article L. 161-17-2 augmenté de trois années » (1° de l’article L. 651-8 modifié).

Pour les fonctionnaires civils ou militaires, l’âge de départ légal à la retraite mentionné à l’article L. 24 du Code des pensions civiles et militaires renvoie à l’article L. 161-17-2 cité ci-dessus.

Des exceptions demeurent puisque l’article L. 24 est ainsi modifié : « Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, la liquidation de la pension peut, pour les fonctionnaires occupant ou ayant occupé un emploi classé en catégorie active, intervenir à compter d'un âge anticipé égal à l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale diminué de cinq années. Cette faculté est ouverte à la condition que le fonctionnaire puisse se prévaloir, au total, d'au moins dix-sept ans de services accomplis indifféremment dans de tels emplois, dits services actifs. »

Ce même article L. 24 dispose que certains fonctionnaires pourront partir à la retraite dix ans avant l’âge légal de départ à la retraite. Il en est ainsi des identificateurs de l’Institut médico-légal, des égoutiers, des surveillants de l’administration pénitentiaire et de certains policiers mentionnés à l’article L. 556-8 du Code général de la fonction publique modifié par cette loi.

Age maximal de départ à la retraite des fonctionnaires

Le texte de loi modifiera aussi l’article L. 556-1 du Code général de la fonction publique en autorisant les fonctionnaires, ne relevant pas de la catégorie active, à exercer leur activité jusque 70 ans sur autorisation de l’administration (au lieu de 67 ans auparavant). Le refus d’autorisation doit être motivé.

La même disposition, selon les mêmes modalités, figurera à l’article L. 556-11 pour les agents contractuels.

Départ anticipé à la retraite ou taux plein malgré une carrière incomplète

Ces dispositifs concernent les carrières longues, l’inaptitude au travail reconnue par le médecin conseil et l’incapacité permanente due à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Les conditions actuelles sont les suivantes. Pour les carrières longues, le départ anticipé pouvait se faire, en fonction de l’âge du début de l’activité professionnelle, avant 20 ans. Les salariés déclarés inaptes au travail peuvent obtenir leur taux plein à l’âge légal de départ à la retraite, à 62 ans. Les sujets atteints d’une incapacité permanente d’au moins 10% pouvaient partir à la retraite, sous certaines conditions, à partir de 60 ans.

L’article 11 de la loi modifie l’article L. 351-1-1 relatif au départ anticipé à la retraite pour carrière longue en précisant que peuvent y avoir droit des personnes ayant commencé à travailler avant quatre âges, dont le plus élevé est 21 ans. Ces âges et les modalités de départ à la retraite devront être déterminés par décret.

Il est précisé, par une modification de l’article L. 653-2 du Code de la Sécurité sociale, que leur durée d’assurance ne pourra être supérieure à celle prévue au 2e alinéa de l’article L. 351-1, soit celle de la durée de cotisation pour obtenir le taux plein.

Cet article 11 crée un article L. 351-1-5 du Code de la Sécurité sociale qui dispose que « La condition d'âge prévue au premier alinéa de l'article L. 351-1 est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés reconnus inaptes au travail dans les conditions prévues à l'article L. 351-7 [inaptitude reconnue par le médecin conseil] et pour ceux justifiant d'une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret. »

L’article 17 du texte de loi a modifié, selon ce que j’en ai compris, les conditions de départ à la retraite prévues à l’article L. 351-1-4 du Code de la Sécurité sociale en cas d’incapacité permanente. Pour les incapacités permanentes (IP) d’au moins un certain taux, qui devrait être fixé par décret, la possibilité de départ anticipé à la retraite à partir de 60 ans est conservée. En revanche, ce même article L. 351-1-4 indique que si le taux d’incapacité permanente est inférieur à ce taux, le départ anticipé à la retraite ne pourra se faire qu’à 62 ans.

Voici ce que devient l’article L. 351-1 du Code de la Sécurité sociale :

« I. - La condition d'âge prévue au premier alinéa de l'article L. 351-1 est abaissée à soixante ans pour les assurés qui justifient d'une incapacité permanente au sens de l'article L. 434-2 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d'une maladie professionnelle mentionnée à l'article L. 461-1 ou au titre d'un accident de travail mentionné à l'article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle.

II. - La pension de retraite liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l'assuré ne justifie pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

III. - Lorsque l'assuré justifie d'une incapacité permanente d'un taux inférieur à celui mentionné au I du présent article et que cette incapacité est reconnue au titre d'une maladie professionnelle mentionnée à l'article L. 461-1 ou au titre d'un accident de travail mentionné à l'article L. 411-1, la condition d'âge prévue au premier alinéa de l'article L. 351-1 est abaissée de deux ans et le II du présent article s'applique, sous réserve :

1° Que le taux d'incapacité permanente de l'assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

2° Que l'assuré ait été exposé, pendant un nombre d'années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L. 4161-1 du code du travail ;

3° Qu'il puisse être établi que l'incapacité permanente dont est atteint l'assuré est directement liée à l'exposition à ces facteurs de risques professionnels ».

Les titulaires d’une rente d’IP devront être informés de ces dispositions avant un certain âge fixé par décret.

Les mêmes dispositions sont intégrées dans le Code rural et de la pêche maritime à l’article L. 732-18-3.

Modification du Code rural et de la pêche maritime

Un nouvel article du Code rural et de la pêche maritime, L. 732-18-4, dispose qu’un décret devra fixer les conditions dans lesquelles l’âge légal de départ à la retraite est abaissé pour les assurés reconnus inaptes au titre de l’article L. 351-7 du Code de la Sécurité sociale  et pour ceux qui justifient un taux d’incapacité permanente.

Création d’un fonds de prévention de l’usure professionnelle

L’article 17 du texte de loi crée un nouvel article du Code de la Sécurité sociale, l’article L. 221-1-5, qui vise à la création, au sein de la Caisse nationale d’Assurance maladie, d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. Ce fonds sera placé auprès de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP). Le montant de la dotation à ce fonds par la Branche AT/MP sera fixé annuellement par arrêté.

La mission de ce fonds est « de participer au financement par les employeurs d'actions de sensibilisation et de prévention, d'actions de formation mentionnées à l'article L. 6323-6 du code du travail et d'actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle à destination des salariés particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés au 1° du I de l'article L. 4161-1 du même code. »

Les orientations seront déterminées par la CATMP après avis de la formation compétente du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct).

Le fonctionnement de ce fonds et les modalités de sa participation au financement des actions des entreprises seront déterminé par un décret en Conseil d’État.

Un nouvel article L. 4163-2-1 du Code du travail prévoit que les branches professionnelles peuvent établir des listes d’activité ou de métiers qui pourront faire l’objet des actions du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle de l’article L. 221-1-5 mentionné ci-dessus.

Les branches professionnelles devront engager dans les deux mois suivant la promulgation de la loi une négociation afin d’établir les listes d’activité ou de métiers évoquées ci-dessus. Ce qui est explicité dans un nouvel article du Code du travail, l’article L. 4163-2-1 qui dispose que « Dans le cadre d'accords, les branches professionnelles peuvent établir des listes de métiers ou d'activités particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés au 1° du I de l'article L. 4161-1 du présent code, en vue de l'application de l'article L. 221-1-5 du code de la sécurité sociale. »

Montant minimum de la pension de retraite

L’article 18 du texte de loi modifie l’article L. 114-4 du Code de la Sécurité sociale en y insérant la possibilité pour les salariés qui ont la durée d’assurance cotisée nécessaire pour le taux plein et qui ont travaillé à temps complet d’obtenir une pension de base représentant 85% du montant du smic.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047445077

À noter que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2023-849 du 14 avril 2013 a considéré que plusieurs dispositions de ce texte de loi n’avaient pas à y figurer et il en abrogé plusieurs article. En particulier, les articles suivants du texte de loi :

ü l’article 2 visant « à instituer, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, la publication d’indicateurs relatifs à l’emploi des « seniors » ;

ü l’article 3 qui instaure « à titre expérimental, un contrat de fin de carrière pour le recrutement des demandeurs d’emploi de longue durée âgés d’au moins soixante ans » ;

ü la disposition de l’article 17 permettant aux salariés « exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels de bénéficier d’un suivi individuel spécifique, comprenant, entre le soixantième et le soixante et unième anniversaires, une visite médicale au cours de laquelle, si son état de santé le justifie, le salarié est informé de la possibilité d’être reconnu inapte au travail. » ;

ü l’ article 27 qui « instaure un dispositif d’information à destination des assurés sur le système de retraite par répartition ».

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047455109

 

Décret n°2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié

Ce décret entre en vigueur le 19 avril 2023.

Il crée un nouvel article dans le Code du travail relatif à l’abandon de poste. Celui-ci a été pris en compte à l’article 4 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi qui a créé l’article L. 1237-1-1 du Code du travail : « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud'hommes. L'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. 

Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'État. »

La sanction de cette disposition est que la démission n’ouvre plus le droit à l’indemnisation par Pôle emploi alors qu’auparavant l’abandon de poste sanctionné par un licenciement pour faute grave permettait de s’inscrire à Pôle emploi. Néanmoins, il semble toujours possible à l’employeur, selon la formulation de l’article du Code du travail, de recourir au licenciement pour faute grave.

Le présent décret détermine les modalités d'application de l’article ci-dessus en créant l’article R. 1237-13 :

« L'employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission prévue à l'article L. 1237-1-1 le met en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste.

Dans le cas où le salarié entend se prévaloir auprès de l'employeur d'un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, tel que, notamment, des raisons médicales, l'exercice du droit de retrait prévu à l'article L. 4131-1, l'exercice du droit de grève prévu à l'article L. 2511-1, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, le salarié indique le motif qu'il invoque dans la réponse à la mise en demeure précitée.

Le délai mentionné au premier alinéa de l'article L. 1237-1-1 ne peut être inférieur à quinze jours. Ce délai commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure prévue au premier alinéa. »

 

Circulaire CIR-4/2023 – Cnam du 30 mars 2023

Cette circulaire de la Caisse nationale d’Assurance maladie fait le point sur le suivi post-professionnel et la visite médicale de fin de carrière.

Je vous joins le courrier d’un collègue, ancien médecin du travail, recevant des patients dans le cadre de suivi-post-professionnel demandant des précisions au sujet du manque de précisions quant à certaines situations de patients dans cette circulaire.

Le cadre réglementaire

La loi du 2 août 2021 a prévu, à l’article L. 4624-2-1 du Code du travail, une visite de fin de carrière ou de fin d’exposition pour les salariés en surveillance individuelle renforcée des articles L. 4624-2 et R. 4624-23 du Code du travail.

Le décret n° 2022-696 du 26 avril 2022 prévoit à l’article D. 461-23 du Code de la Sécurité sociale le suivi post-professionnel pour la personne qui le demande, qu’elle soit « inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, qui cesse d'être exposée à l'un ou plusieurs des risques professionnels suivants :

- risque professionnel susceptible d'entraîner une affection mentionnée dans les tableaux de maladies professionnelles, selon le cas, n° 25, 44, 91 et 94 du régime général ou n° 22 du régime agricole ;

- agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou mentionné à l'article R. 4412-60 du code du travail ;

- rayonnements ionisants dans les conditions prévues à l'article R. 4451-1 du code du travail. »

L’assuré doit déposer une demande de suivi post-professionnel à sa caisse d’affiliation en produisant la synthèse des expositions que le médecin doit faire au titre de l’article L. 4624-2-1 (2e alinéa).

Procédure d’instruction

La caisse doit instruire la demande de suivi post-professionnel à partir de la synthèse des expositions réalisées par le médecin du travail (problème lorsqu’elle n’existe pas !). Ce document vaut attestation d’exposition, sans besoin de mener des expositions complémentaires.

Le médecin conseil peut solliciter une consultation de pathologies professionnelles pour définir le protocole de surveillance adapté aux expositions de la personne.

Le médecin conseil doit procéder de la même façon pour les salariés retraités qui n’auraient pas eu de visite de fin de carrière.

Les avis des consultations de pathologies professionnelles sont mutualisés et mis à la disposition des services médicaux.

La caisse doit notifier à l’assuré la nature et la fréquence des examens accordés par le médecin conseil qui sont pris en charge à 100%.

https://circulaires.ameli.fr/sites/default/files/directives/cir/2023/CIR-4-2023.pdf

 

Arrêté du 17 avril 2023 portant extension d'accords conclus dans le cadre de la convention collective nationale des services de santé au travail interentreprises

Cet arrêté étend à l’ensemble des services de prévention et de santé au travail interprofessionnels l'accord du 18 janvier 2023 portant sur les rémunérations minimales annuelles garanties, conclu dans le cadre de la convention collective nationale entre Présance et les organisations syndicales..

Vous trouverez l’accord en question en pièce jointe.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047472242

 

·       Jurisprudence

 

Revirement de jurisprudence de la Cour de cassation relative à la dénonciation d’un harcèlement moral

Le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation fait l’objet de cet arrêt du 19 avril 2023 de la chambre sociale en formation plénière – Cass. soc., pourvoi n° 21-21053 – qui bénéficie d’une publicité conséquente puisqu’il est publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation, à son rapport annuel et qu’il a fait l’objet d’une notice de la Haute juridiction. La conséquence de cet arrêt est la suivante : « il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation ».

Faits et procédure – Une psychologue a été embauchée en novembre 2002 dans une association où elle exerçait au sein d’un foyer accueillant des adolescents en difficulté.

Elle a été licenciée pour faute grave par un courrier du 9 avril 2018, après avoir adressé à des membres du conseil d’administration de l’association un courrier où elle mettait en cause le directeur et certains de ses collègues.

Elle a saisi la juridiction prud’homale au motif qu’elle aurait subi des agissements de harcèlement moral qu’elle a dénoncés dans le courrier évoqué ci-dessus, néanmoins sans mentionner expressément un harcèlement moral.

La cour d’appel reconnaît que le licenciement est nul et l’indemnise pour harcèlement moral, violation de l’obligation de sécurité et pour la nullité du licenciement.

L’employeur se pourvoit en cassation.

Moyen de l’employeur

L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir dit le licenciement nul pour avoir considéré fautifs les reproches adressés par la salarié dans son courrier dans lequel elle avait « gravement mis en cause l’attitude et les décisions du directeur tant à son égard que s’agissant du fonctionnement de la structure » et dans lequel « elle avait également porté des attaques graves à l’encontre de plusieurs collègues, quant à leur comportement, leur travail, mais encore à l’encontre de la gouvernance de l’association » mais sans indiquer expressément qu’elle avait fait l’objet d’un harcèlement moral.

Or, le juge ne peut prononcer la nullité du licenciement que si, dans le courrier sur lequel repose la faute grave justifiant le licenciement, le salarié a qualifié, de bonne foi, les faits qu’il dénonce de harcèlement moral.

Or, la cour d’appel n’ayant pas constaté que la salariée avait qualifié les faits qu’elle relatait de harcèlement moral a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1232-6 du Code du travail.

Réponse de la Cour de cassation

« Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail [NDR - Lien avec la version en vigueur au moment des faits], dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

La Cour de cassation en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce, et que le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation par le salarié de faits de harcèlement moral emporte à lui seul la nullité du licenciement (Soc., 7 février 2012, pourvoi n° 10-18.035, Bull. 2012, V, n° 55 ; Soc., 10 juin 2015, pourvoi n° 13-25.554, Bull. V, n° 115).

La Cour de cassation a également jugé que le salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d'un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s'il avait lui-même qualifié les faits d'agissements de harcèlement moral (Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-23.045, Bull. 2017, V, n° 134).

Postérieurement, la Cour de cassation a énoncé que l'absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n'est pas exclusive de la mauvaise foi de l'intéressé, laquelle peut être alléguée par l'employeur devant le juge (Soc., 16 septembre 2020, pourvoi n° 18-26.696, publié).

Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu'il résulte des articles L. 1121-1 du code du travail et 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées et que le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par le salarié de sa liberté d'expression est nul (Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 19-17.871, publié).

Dès lors, au regard, d'une part de la faculté pour l'employeur d'invoquer devant le juge, sans qu'il soit tenu d'en avoir fait mention au préalable dans la lettre de licenciement, la mauvaise foi du salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, d'autre part de la protection conférée au salarié licencié pour un motif lié à l'exercice non abusif de sa liberté d'expression, dont le licenciement est nul pour ce seul motif à l'instar du licenciement du salarié licencié pour avoir relaté, de bonne foi, des agissements de harcèlement, il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

D'abord, ayant constaté, hors toute dénaturation, que la lettre de licenciement reprochait à la salariée d'avoir adressé à des membres du conseil d'administration de l'AIFST, le 26 février 2018, une lettre pour dénoncer le comportement du directeur du foyer en l'illustrant de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, de sorte que l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral, la cour d'appel a pu retenir que le grief énoncé dans la lettre de licenciement était pris de la relation d'agissements de harcèlement moral. Ensuite, ayant estimé que la mauvaise foi de la salariée n'était pas démontrée, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le grief tiré de la relation par l'intéressée d'agissements de harcèlement moral emportait à lui seul la nullité du licenciement. »

Le pourvoi de l’employeur est donc rejeté.

https://www.courdecassation.fr/decision/643f8694ad85da04f53a3953?search_api_fulltext=21

Vous pourrez consulter la notice accompagnant l’arrêt sur le site de la Cour de cassation à l’adresse ci-dessous :

https://www.courdecassation.fr/getattacheddoc/643f8694ad85da04f53a3953/0cec59f32d94fbdc03241fe12f7d1e83

 

Le juge est libre de juger de la reconnaissance d’une maladie professionnelle

Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2023 – Cass. 2e Civ., pourvoi n° 21-16217, inédit – qui montre que les juges peuvent déclarer opposable à une entreprise une maladie professionnelle liée à un tableau, même si l’exposition ne dépasse pas les seuils déterminés pour la prévention du risque.

Faits et procédure – La caisse primaire d’Assurance maladie (Cpam) a pris en charge une atteinte du rachis lombo-sacré au titre du tableau n° 97 pour un conducteur de grue. L’entreprise a contesté l’opposabilité de la prise en charge de cette maladie professionnelle, d’abord devant la commission de recours amiable qui a confirmé la décision de la Cpam puis devant une juridiction du contentieux de la Sécurité sociale.

L’entreprise se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel qui a considéré que la maladie professionnelle lui était opposable.

[NDR – Ce qui revient à impliquer, d’une part, que l’éventuelle absence maladie selon sa durée et, d’autre part, qu’une partie du coût lié au taux d’incapacité permanente attribué au salarié seront à sa charge. Voir dans la lettre du 8 janvier 2023 les montants imputés aux employeurs pour les arrêts maladie et les taux d’incapacité permanente, sur le blog].

Moyen de l’employeur

L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande d’inopposabilité de la maladie professionnelle du tableau n° 97 car, pour lui, l’exposition devrait être supérieure aux seuils d’exposition aux vibrations déterminés dans les articles R. 4443-1 et R. 4443-2 du Code du travail relatifs à la prévention des risques d’exposition aux vibrations mécaniques. Or il présente une expertise démontrant que les vibrations de la grue que conduisait le salarié étaient plus faibles que celles auxquelles il était exposé dans son véhicule personnel. Ainsi, en déclarant que la pathologie lui était opposable alors que l’exposition aux vibrations était inférieure aux seuils du fait que le tableau ne posait pas de conditions quant au niveau des expositions mais seulement la nécessité d’une exposition, les juges du tribunal administratif, en confirmant la position de la commission de recours amiable de la Cpam, ont violé d’une part l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale dans sa version antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 [NDR – Lien avec la version en vigueur au moment des faits], le tableau n° 97 des maladies professionnelles et les articles R. 4443-1 et R. 4443-2 du Code du travail.

Réponse de la Cour de cassation

« Le tableau n° 97 des maladies professionnelles subordonne la prise en charge des affections chroniques du rachis lombaire qu'il décrit à la réalisation des travaux exposant habituellement aux vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier qu'il énumère, sans imposer de seuil d'exposition.

L'arrêt relève que si le rapport d'expertise produit par l'employeur conclut à des valeurs d'exposition de la victime inférieures aux normes de sécurité imposées par les articles R. 4443-1 et R. 4443-2 du code du travail relatifs à la prévention des risques d'exposition aux vibrations mécaniques, cependant, le tableau n° 97 des maladies professionnelles exige uniquement une exposition aux vibrations, laquelle est démontrée tant par l'enquête administrative que par ce rapport.

De ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a exactement déduit que, la condition relative à l'exposition au risque étant remplie, la décision de prise en charge de l'affection, au titre de la législation professionnelle, devait être déclarée opposable à l'employeur. »

Le pourvoi de l’employeur est donc rejeté.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047350383?dateDecision=&init=true&juridictionJudiciaire=Cour+de+cassation&page=1&query=21-16.217&searchField=ALL&tab_selection=juri

 

·       Exposition aux risques physiques et psychosociaux et accidents du travail dans le secteur de la santé (Étude)

Il s’agit d’une étude publiée en décembre 2022, dans une revue intitulée Frontiers in Public Health sous le titre de « Co-exposures to physical and psychosocial work factors increase the occurrence of workplace injuries among French care workers » et signé de R. Colin et al. (étude commune de l’Inrs et de l’Inserm).

Vous pourrez y accéder en pièce jointe et à l’adresse figurant en fin de commentaire.

Introduction

Dans l’ensemble du monde la population des travailleurs du soin augmente et elle est victime de nombreux accidents du travail (AT).

En France, en 2019, les statistiques nationales indiquent qu’il y a 3.5 millions de travailleurs dans le secteur du soin (10% de plus que 10 ans auparavant). Cette même année 2019, on a recensé 180 000 AT dans cette population, avec un taux de 52.3 AT pour 1 000 travailleurs, ce qui la classait au premier rang en termes de taux d’AT, devant le secteur de la construction et bien au-dessus du taux moyen de l’ensemble des secteurs d’activité de 33.5 AT pour 1 000 travailleurs. En 5 ans, le taux des AT chez les travailleurs du soin avait augmenté de 12% alors que, dans les autres secteurs d’activité, la tendance était à la diminution.

Le secteur du soin regroupe plusieurs types d’activités dédiées à la prise en charge d’autrui (soins médicaux, dépendance, etc…). On y retrouve des professions telles que des aides à domicile, des infirmiers, des assistants dentaires, des techniciens de laboratoire, des chirurgiens. Ces professions s’exercent dans de multiples lieux : hôpital, domicile de la personne, Ehpad, etc…

Les personnels du soin sont particulièrement sujets à des troubles musculo-squelettiques et à des atteintes du rachis lombo-sacré.

Ces personnels du soin sont exposés à de multiples risques professionnels en lien avec des activités physiques telles que la manutention manuelle, les chutes, les infections et les expositions à des produits chimiques (désinfectants, anesthésiques, médicaments).

De plus, du fait de la spécificité du soin nécessitant une activité continue, ils sont susceptibles d’être soumis à des organisations du travail avec horaires atypiques, travail de nuit ou posté et des horaires tels que les plannings de 12 heures de travail.

Ces personnels sont aussi exposés à des facteurs de risque psychosociaux tels que les organisations du travail stressantes, la confrontation avec la maladie ou la fin de vie des patients et les violences entre collègues, avec les patients ou leurs proches.

Les études qui ont observé les effets des expositions à des facteurs de risque psychosociaux sur les AT sont rares. Une étude d’une cohorte prospective menée en 2019 au Danemark a montré qu’en plus des risques physiques une faible collaboration et un faible soutien social entre travailleurs augmentaient le risque d’atteintes lombo-sacrées. Une étude néerlandaise a estimé qu’une faible autonomie, une exposition au harcèlement moral et des violences internes ou externes étaient associées avec des AT des travailleurs du soin et de l’aide sociale.

Concernant la co-exposition à des risques physiques et psychosociaux, une étude transversale a montré une plus forte prévalence des AT lors de la manutention de patients chez des infirmiers exposés à une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle, ce qui correspond à du stress professionnel (job strain).

Une étude longitudinale récente a mis en évidence une différence de taux d’AT entre les travailleurs, tous secteurs confondus, exposés à des facteurs de risque psychosociaux faibles ou importants dont la survenue augmentait alors que l’exposition aux facteurs de risque physiques augmentait.

Pour l’instant, aucune étude prospective ne s’est focalisée sur les effets conjoints d’une exposition à des facteurs de risque physiques et psychosociaux parmi les travailleurs du soin.

Cette étude s’est donc intéressée aux effets de la co-exposition à des facteurs de risque physiques et psychosociaux sur la survenue d’AT chez les travailleurs du soin.

Matériels et méthode

Cette étude utilise les données recueillies lors des enquêtes Conditions de travail 2013 et 2016 sur un échantillon de 4 418 travailleurs du soin suivis lors des deux enquêtes.

Les données relatives aux AT proviennent de la Caisse nationale d’Assurance maladie en utilisant le numéro unique d’identification des patients. Les travailleurs du soin étaient comparés à 13 413 autres travailleurs.

Les facteurs de risque qui ont été pris en compte figurent ci-après.

Facteurs de risque physiques : postures pénibles ou inconfortables, port de charges lourdes, exposition à des vibrations, exposition à du bruit intense, nécessité de concentration du fait de signaux faibles (visuels, audio) et travail dans un environnement peu sain. À partir de l’estimation des expositions qui étaient scorées, trois groupes ont été constitués correspondant à une faible, moyenne ou forte exposition à des contraintes physiques.

Du point de vue des facteurs de risque psychosociaux, étaient pris en compte l’intensité et la durée du travail, l’autonomie, les relations de travail, les conflits de valeur et l’insécurité de l’emploi.

Les autres variables prises en compte étaient le sexe, l’âge, le niveau d’éducation, la structure familiale et le niveau de revenu. L’étude, du point de vue de la santé,recherchait la présence de troubles du sommeil et la prise de psychotropes. L’étude a aussi considéré le nombre de travailleurs dans l’entreprise, le type de contrat, l’ancienneté dans l’entreprise, le type d’employeur et la catégorie socio-professionnelle.

Résultats

Caractéristiques de l’échantillon

Les travailleurs du soin étaient à 84.2% des femmes et 15.8% des hommes versus respectivement 47% et 53% chez les autres travailleurs.

En termes de tranches d’âges, on retrouvait à peu près les mêmes proportions (entre parenthèses taux de l’échantillon des travailleurs du soin et des autres) : 30 ans et moins (14.2% versus 13.2%), 30-50 ans (53.5% et 54.7%) et 50 ans et plus (32.3% et 32.1%).

Les travailleurs du soin étaient plus nombreux à avoir un niveau d’études supérieur, 48.2% versus 37.7% pour les autres travailleurs.

Du point de vue de la structure familiale et des revenus, il n’y avait pas de différence avec les autres travailleurs, de même que pour le type de contrat ou l’ancienneté.

En revanche du point de vue de la santé, un taux plus important de travailleurs du soin se plaignaient de troubles du sommeil (34.1% versus 29.8%) et de l’usage de psychotropes (10.5% versus 7.4%).

Les travailleurs du soin exerçaient plutôt dans de grandes structures, 60.6% travaillaient dans des établissements de plus de 50 salariés contre 40.8% des autres travailleurs.

Les travailleurs du soin faisaient plus fréquemment partie des professions intermédiaires (43.7% versus 25.9%) et des employés (47.9% et 27.4%) et moins des cadres et professions intellectuelles supérieures (respectivement 8.1% versus 19.4%) que les autres travailleurs.

Prévalence et caractéristiques des AT

Un nombre de 344 (8%) travailleurs du soin ont déclaré au moins un AT. Pour 67.5% des AT, il y eut plus d’un jour d’arrêt maladie. La répartition des arrêts selon leur durée était la suivante : de 1 à 7 jours (16.9%), de 8 jours à un mois (30.8%) et de plus d’un mois (19.8%).

Les AT touchaient le plus fréquemment les membres supérieurs (29.9%), le dos (29.4%) et les membres inférieurs (19.5%).

Exposition aux risques professionnels et AT

Tant pour les hommes que pour les femmes, plus le score des contraintes physiques était fort plus il y avait d’AT. Si l’on prenait individuellement les différents risques physiques on retrouvait un gradient croissant significatif du taux d’AT pour les expositions aux postures pénibles et inconfortables, à la manutention manuelle, à la demande d’efforts de concentration et à l’environnement de travail insalubre. Par exemple, s’agissant d’une exposition à des postures pénibles ou inconfortables, on passait d’un taux d’AT associé de 8/1 000 pour un score faible à un taux de 22/1 000 si l’exposition était moyenne et à un taux de 28.9/1 000 si l’exposition était forte.

De la même façon, il y avait une augmentation globale du taux d’AT selon le gradient du score d’exposition aux facteurs de risque psychosociaux, faible, moyen et fort. Pris individuellement, on constatait une augmentation significative du nombre d’AT en fonction de trois niveaux de score d’exposition pour l’insécurité de travail, le manque d’autonomie et la demande émotionnelle.

Par exemple, une exposition à des relations de travail difficiles était associée à un taux d’AT de 16.8/1 000 si le score des relations de travail difficiles était faible, à 23.5/1 000 s’il était moyen et à 43.9/1 000 s’il était fort.

Les expositions concomitantes aux contraintes physiques et aux facteurs de risque psychosociaux eurent un effet potentialisateur statistiquement significatif en termes de survenue d’AT.

Ainsi, pour les sujets les plus exposés aux contraintes physiques, en cas d’association avec un score faible de risques psychosociaux, cela donnait un taux d’AT de 14.6/1 000 personnes années, en cas d’association avec un faible score d’exposition aux facteurs de risque psychosociaux et une forte insécurité de l’emploi, le taux passait à 25.9/1 000 personnes années et à 38/1 000 personnes années s’il y avait association d’un score fort d’exposition aux contraintes physiques et aux facteurs de risque psychosociaux.

Effet de la co-exposition aux contraintes physiques et aux risques psychosociaux

Parmi les travailleurs du soin, 709 (16%) étaient exposés à une combinaison de contraintes physiques et de risques psychosociaux qui entraînait un taux d’AT supérieur à 40/1 000 personnes années.

La co-exposition à des contraintes physiques et psychiques concernait surtout les relations de travail délétères et, dans une moindre mesure, le manque d’autonomie, l’insécurité de l’emploi et la forte intensité du travail.

La co-exposition à des positions de travail pénibles et inconfortables d’un score élevé (associées isolément à un taux d’AT de 28.9/1 000) et de relations sociales difficiles d’un niveau élevé (associées isolément à un taux d’AT de 49.3/1 000) était associée à un taux d’AT de 51.73/1 000.

Caractéristiques des travailleurs les plus exposés aux AT

Une régression logistique avec ajustement sur l’ensemble des co-variables permettait de déterminer des facteurs favorisant le risque de présenter plus de 40 AT/1 000 personnes années pour certaines catégories de travailleurs ou situations.

Ainsi, sont exposés à des taux d’AT de 40 / 1 000 personnes années :

ü les aides-soignants avec un OR de 1.43 [1.15-1.19] ;

ü les agents hospitaliers avec OR de 2.28 [1.72-3.03] ;

ü  les sujets pour lesquels il y a modification de leur emploi du temps en cas d’imprévu avec OR de 1.49 [1.19-1.85] ;

ü ceux qui sont informés de leur emploi du temps au moins une semaine à l’avance (référence, un mois) avec OR de 1.51 [1.18-1.95] ou la veille avec OR de 1.07 [0.63-1.84]) ;

ü les sujets qui travaillent au-delà de l’horaire prévu parfois (OR de 1.26 [0.97-1.65]), souvent (OR de 1.81 [1.34-2.45]) ou quotidiennement (OR de 1.85 [1.22-2.81] ;

ü en cas de problème personnel ou familial et d’avoir à s’absenter du travail même pour quelques heures, si c’est possible mais difficile (OR de 1.52 [1.23-1.87]) et si c’est impossible (OR de 1.61 [1.25-2.08]).

Conclusion

Les résultats de cette étude mettent en évidence la nécessité de prendre en compte la présence de facteurs de risque psychosociaux en plus de celle de contraintes physiques, souvent seules prises en compte, lorsque l’on analyse la survenue des accidents du travail.

De futurs travaux devraient se focaliser sur l’identification des associations de contraintes physiques et de facteurs de risque psychosociaux impliquées dans la survenue d’accidents du travail.

Les résultats de cette étude procurent différentes clés pour la mise en œuvre d’une prévention des accidents du travail chez les personnels du soin. Plus spécifiquement, des interventions ciblées sur la réduction de la manipulation de charges et plus centrées sur les ressources humaines pourraient ensemble permettre une réduction des risques physiques et psychiques à l’origine de nombreux accidents de travail dans le secteur du soin.

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36582372/

 

·       Résultat des quinzaines des MCP 2012-2018 (Santé publique France)

Le rapport de Santé publique France consacré aux quinzaines des maladies à caractère professionnel (MCP) 2012-2018 a été publié le 18 avril 2023. Le document est intitulé « Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel en France – Résultats des Quinzaines MCP sur la période 2012-2018 ». Ce document est signé de Mme Homère Julie et al. Les auteurs travaillent pour Santé publique France et l’Inspection médicale du travail.

Vous pourrez accéder à ce document sur le site de Santé publique France à l’adresse en fin de commentaire et sur le blog (car sinon l’envoi dépasse 5 Mo, ce qui est rédhibitoire pour l’envoi dans certaines institutions).

Introduction

Les maladies à caractère professionnel (MCP) sont des pathologies que tout médecin devrait déclarer selon l’article L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale – ce qui est exceptionnellement fait – afin de permettre l’évolution des tableaux de maladies professionnelles.

Depuis 2007, l’InVS puis Santé publique France organisent des quinzaines des MCP en région dans le cadre du programme de surveillance des MCP. Pendant deux quinzaines dans une année, des médecins du travail volontaires signalent toutes les pathologies non reconnues en maladie professionnelle qu’ils rencontrent lors des consultations médicales et indiquent les facteurs qui peuvent en être à l’origine.

Le présent rapport collige les données des quinzaines des MCP qui ont eu lieu dans les régions entre 2012 et 2018.

Les informations recueillies par les médecins lors de ces quinzaines sont le sexe, l’année de naissance, l’intitulé de la profession, le secteur d’activité, le type de contrat de travail et le type de visite médicale. Sont aussi notés le statut de l’entreprise et la catégorie socio-professionnelle (CSP) du salarié.

En cas de MCP à signaler, le médecin remplit une fiche pour fournir les données médicales relatives à la pathologie et les agents d’exposition qui peuvent en être à l’origine ainsi que si cette pathologie figure ou non dans un tableau des maladies professionnelles. Si la pathologie figure dans un tableau, le médecin se renseigne sur une déclaration et, si celle-ci n’a pas été faite, quelle en est la raison.

Les affections sont codée selon la 10e Classification internationale des maladies (CIM 10) et les expositions professionnelles à partir du thésaurus harmonisé de l’Anses prenant en compte les facteurs organisationnels, relationnels et éthiques (FORE), les facteurs biomécaniques, agents physiques, biologiques et chimiques et les produits ou procédés industriels. Deux codages spécifiques des quinzaines des MCP concernent les agents relatifs aux lieux de travail et aux équipements et outils de travail.

Une pondération des taux a été réalisée pour se caler sur la population de chaque région. Le taux de signalements correspond au nombre de salariés pour lesquels au moins une MCP a été mise en évidence rapporté au nombre de salariés vus durant les quinzaines.

Données relatives aux quinzaines des MCP dans les régions

Entre 2012 et 2018, le nombre de régions participant au programme des MCP a diminué, passant de 15 en 2012 à 9 en 2018 (mais le nombre de régions a aussi diminué du fait de la réforme territoriale de 2016).

De même, le nombre de médecins participant aux quinzaines a diminué, passant de 781 (taux de participation de 17%) en 2012 à 428 (taux de participation de 13%) mais néanmoins en augmentation par rapport aux participants de 2015 à 2017.

En termes de salariés vus lors de ces quinzaines, le maximum l’a été en 2012 (81 171) et, ensuite une diminution régulière entre 2013 et 2017 pour remonter à 42 075 en 2018.

En 2018, parmi les salariés vus durant les quinzaines des MCP, il y avait une différence significative avec l’ensemble de la population salariée. Les salariés des quinzaines étaient surreprésentés dans l’industrie et les activités spécialisées scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien alors que les secteurs de l’administration publique et de l’enseignement étaient sous-représentés.

La surreprésentation des salariés de l’industrie pourrait être due au fait qu’exposés à des risques professionnels leurs visites médicales sont plus fréquentes que celles des salariés d’autres secteurs (surveillances médicales renforcées puis suivis individuels renforcés).

Résultats

Description de la population vue durant les quinzaines des MCP 2012-2018

Selon les années, de 50.3% à 52.4% des salariés vus étaient des hommes.

Sur l’ensemble des années, la majorité des salariés étaient compris dans les tranches d’âges entre 25 et 54 ans, tant pour les hommes que pour les femmes. C’était le cas, en 2018 : pour les hommes, 23.3% pour les 25-34 ans, 24.7% pour les 35-44 ans et 26.8% pour les 45.54 ans et pour les femmes, 22.5% pour les 25-34 ans, 25.8% pour les 35-44 ans et 25.8% pour les 45-54 ans..

Sur l’ensemble de la période de l’étude, les salariés ont été vus principalement lors des visites périodiques, entre 38.6% et 56.3% pour les hommes et entre 24.8% 36.4% pour les femmes. Les visites d’embauche ont représenté selon les années de 24.8% à 36.4% chez les hommes et 23% à 30.6% chez les femmes. Enfin, les visites de reprise du travail ont plus concerné les femmes, entre 15.2% et 20.8%, que les hommes, entre 9.9% et 13.2%.

Les visites à la demande ont concerné de 8.9% des visites en 2012 à 11.6% en 2018.

Le contrat de travail majoritaire était le CDI, avec des taux situés entre 77.7% en 2018 et 81.6% en 2013. Les CDD constituaient entre 7.7% et 9.4% des contrats, 8.8% en 2018.

La catégorie socio-professionnelle (CSP) représentée était de façon plus importante les ouvriers chez les hommes, entre 43.2% et 48.7% selon les années, et les employées chez les femmes, entre 48.8% et 50.9%.

Les secteurs d’activité les plus représentés étaient l’industrie pour les hommes, de 20% à 24% des salariés vus et le secteur de la santé et de l’action sociale chez les femmes, entre 24% et 27% de salariées vues en visite médicale

Signalements de MCP

Le taux de signalements, toujours plus élevé pour les femmes, a varié de façon modérée entre hommes et femmes entre 2007 et 2018. Pour les hommes, il est resté assez stable entre 2007 et 2015 puis il a augmenté régulièrement entre 2016 et 2018. Ce taux de signalements est ainsi passé de 4.9% en 2007 à 7.1% en 2018.

Chez les femmes, il y a eu un début d’augmentation des signalements plus précoce, à partir de 2011, puis une forte augmentation à partir de 2016 jusque 2018. Ainsi, entre 2007 et 2018, on est passé d’un taux de signalements de 6.2% à 11.4%.

Pour les hommes, on pouvait constater un gradient de taux de signalements croissant avec les tranches d’âges alors que chez les femmes, il y avait une augmentation du taux de signalements jusque 45-54 ans en fonction de l’âge puis une diminution chez les 55 ans et plus.

En termes de CSP, chez les hommes, les signalements concernaient plus les ouvriers ou les employés, seulement en 2015 pour ces derniers, la majorité des années, à l’exception de 2018 où les cadres représentaient la CSP avec le plus fort taux de signalements.

Chez les femmes, les taux de signalements les plus élevés concernaient des ouvrières en 2012, 2013, 2014, 2016 et 2018. En 2015, les taux les plus élevés étaient retrouvés chez les employées et en 2017 chez les cadres.

Selon le secteur d’activité, on retrouvait, sur l’ensemble des années, les taux les plus élevés de signalements dans l’industrie et la construction (respectivement 8.7% et 8.3% en 2018) chez les hommes et chez les femmes, dans le secteur des transports et de l’entreposage (19.8% en 2018).

Les pathologies signalées

Sur la période 2012-2018, sur les 23 206 salariés ayant été l’objet d’un signalement de MCP, 19 453 (84%) n’en présentaient qu’une seule et 1 668 (7%) en présentaient deux. Parmi ceux présentant deux pathologies, 783 (48%) présentaient deux TMS et 587 (32%) présentaient un TMS et une autre pathologie, principalement une souffrance psychique (34%). Ensuite, 122 salarié faisaient l’objet de 3 signalements de pathologies, 9 de quatre pathologies et 3 de cinq pathologies.

Les principales pathologies

Les pathologies signalées variaient selon le sexe.

Chez les hommes, il y avait une grande majorité d’atteintes de l’appareil locomoteur (de 50.6% à 54.3% selon les années et 52.2% en 2018) dont la plus grande partie étaient des troubles musculo-squelettiques (de 45.2% à 49.8% selon les années et 45.2% en 2018). Puis venait la souffrance psychique avec des taux compris entre 32.1% et 35.9% (pour ce dernier taux en 2018). Venaient ensuite, de façon nettement plus faible, les troubles de l’audition (2.9% en 2018) et les irritations et l’allergie (3.8% en 2018).

Chez les femmes, les signalements étaient à peu près également répartis entre les atteintes de l’appareil locomoteur et la souffrance psychique.

Les atteintes de l’appareil locomoteur représentaient, selon les années, de 41.5% à 49.9% des signalements, 43.5% en 2018 dont de 39.6% à 45.5% de TMS, 40% en 2018.

La souffrance psychique a représenté de 41.8% à 51.6% (en 2018) des signalements. Les irritations et les allergies, de façon bien moindre, constituaient la 3e cause la plus importante (2.1% en 2018).

Les troubles musculo-squelettiques

Les TMS représentaient environ 90% des atteintes de l’appareil locomoteur. Ils étaient plus fréquents chez les femmes que chez les hommes. Ils représentaient 4.4% des signalements chez les femmes et 3.2% chez les hommes en 2018.

Les TMS les plus fréquemment signalés chez les hommes sont les atteintes du rachis lombaires, suivis de l’épaule (tous deux en augmentation respectivement depuis 2014 et 2015) puis le coude.

Chez les femmes, les TMS les plus fréquents sont ceux de l’épaule (en forte croissance depuis 2015) puis les atteintes du rachis lombaire.

À noter, au 3e rang on trouvait les syndromes canalaires entre 2007 et 2014 puis les atteintes du coude ont été plus nombreuses en 2015, ce qui s’ est confirmé en 2017 et 2018.

Les CSP les plus touchées par les TMS du rachis lombaire étaient les ouvriers (de 1.3% à 2.1% selon les années) et les employés (de 0.6% à 1.8% selon les années) chez les hommes.

Chez les femmes, les TMS de l’épaule se retrouvaient de façon plus importante chez les ouvrières (de 1.5% à 3.3% selon les années) et les employées (de 1% à 2.3%).

Les agents d’exposition professionnelle associés aux TMS signalés

Tant chez les hommes que chez les femmes, la majorité des agents d’exposition professionnelle associés aux TMS étaient les facteurs biomécaniques, le travail en force (respectivement 35.2% et 26.6% chez hommes et femmes), les mouvements répétitifs (respectivement 20% et 32.8% chez hommes et femmes) et les postures (respectivement 28.2% et 21.6% chez hommes et femmes).

Les agents physiques venaient en 4e position chez les hommes, notamment les vibrations (7.2%). En revanche, chez les femmes, les facteurs organisationnels, relationnels et éthiques représentaient la 4e association aux TMS, notamment les exigences inhérentes à l’activité (5.5%) et l’organisation fonctionnelle de l’activité (3.8%).

L’implication, en 2018, des différents facteurs associés aux TMS, biomécaniques ou facteurs psychosociaux, variait en 2018 selon le type de TMS :

ü rachis lombaire, tant pour les hommes que pour les femmes, travail en force (port de charges et manutention de personnes) ;

ü rachis cervical, contraintes posturales pour les hommes et mouvements répétitifs pour les femmes ;

ü épaule, tant pour les hommes que pour les femmes, les  mouvements répétitifs ;

ü coude, avec parmi les facteurs biomécaniques au premier plan les mouvements répétitifs puis le travail en force pour hommes et femmes et, pour les femmes, les facteurs psychosociaux, principalement les exigences liées à l’activité, les horaires de travail, la pauvreté du contenu, la polyvalence des tâches, etc…

ü les syndromes canalaires étaient associés principalement à des mouvements répétitifs, tant chez les hommes que chez les femmes.

Risque de survenue de TMS

En fonction de la tranche d’âge, on pouvait observer, chez les hommes, un gradient croissant de l’augmentation du risque de survenue de TMS avec l’âge croissant et on passait, les moins de 25 ans servant de référence, d’un Odds ratio (OR) de 2.03 pour les 25-34 ans à un OR de 4.30 pour les 55 ans et plus.

Chez les femmes, on constate un gradient croissant en fonction de l’âge jusque la tranche des 45-54 ans, passant d’un OR de 1.63 pour les 25-34 ans à un OR de 4.11 pour les 45-54 ans puis l’OR diminue pour la tranche des 55 ans et plus à 3.57.

Relativement à la CSP, les ouvriers servant de référence, on passe à des OR, respectivement chez les hommes et les femmes, de 0.6 et 0.53 pour les employés, 0.33 et 0.22 chez les professions intermédiaires et 0.13 et 0.14 chez les cadres.

Les secteurs d’activité, l’industrie servant de référence, dans lesquels on trouve une augmentation significative du risque de survenue de TMS sont :

ü pour les hommes la construction (OR de 1.29) et les activités immobilières (OR de 1.44) ;

ü pour les femmes, l’agriculture (OR de 1.57), le commerce (OR de 1.28), l’hébergement et la restauration (OR de 1.66), la santé humaine et l’action sociale (1.15) et les autres activités de services (1.26).

La souffrance psychique

Les signalements de souffrance psychique de 2012 à 2018

Quelle que soit l’année, la souffrance psychique était deux à trois fois plus souvent signalée chez les femmes que chez les hommes.

Tant chez les hommes que chez les femmes, on a commencé à assister à une augmentation des signalements de souffrance au travail au fil du temps, à partir de 2010 chez les femmes, chez lesquelles elle était plus marquée, et de 2011 chez les hommes. En 2017 et 2018, l’augmentation a été très importante, encore plus forte chez les femmes que chez les hommes.

Selon les années, chez les hommes, la souffrance psychique, était plus fréquemment signalée dans la tranche des 45-54 ans (en 2012, 2013, 2014 et 2018), dans celle des 55 ans et plus (en 2015 et 2017) ou sensiblement équivalente en 2016.

Chez les femmes, les signalements de souffrance psychique étaient plus fréquents dans la tranche des 45-54 ans (en 2014, 2015, 2016 et 2017), dans la tranche des 25-34 ans (en 2012 et 2013) et dans la tranche des sujets de 55 ans et plus en 2018.

Tant chez les hommes que chez les femmes, les signalements de souffrance psychique ont eu lieu majoritairement chez les cadres, suivis des professions intermédiaires, les ouvriers étant les moins représentés.

Souffrance psychique et secteurs d’activité

Sur l’ensemble de la période, les signalements de souffrance psychique étaient plus élevés, pour les hommes, dans les secteurs de l’information et de la communication (1.9% à 6.9%), de l’enseignement (0.5% à 8.5%), des activités financières et des assurances (2% à 4.7%) et dans les activités immobilières (1.6% à 7.9%) et, pour les femmes, dans les secteurs des activités immobilières (3.3% à 15.4%), du transport et de l’entreposage (2.9% à 13.5%) et de l’information et de la communication (4.3% à 8%).

Les pathologies et atteintes signalées

Tant chez les hommes que chez les femmes, la pathologie la plus souvent signalée était la dépression, selon les années, de 0.6% à 1.3% chez les hommes et de 1.5% à 3.7% chez les femmes. Chez les femmes, le taux de signalements de dépression a fortement augmenté entre 2017 et 2018, passant de 2.6% à 3.7%.

Chez les hommes l’ensemble des autres atteintes psychiques étaient très proches en termes de taux (anxiété, burn out, syndrome post-traumatique et troubles du sommeil) sauf à partir de 2017 où anxiété et burn out ont tendance à être plus élevés.

En revanche, chez les femmes, à partir de 2013 l’anxiété et le burn out s’individualisent au-dessus des autres atteintes.

Facteurs professionnels associés à la souffrance psychique

Parmi les facteurs d’exposition professionnelle associés à la souffrance psychique, 90% de ceux relevés par les médecins du travail étaient des facteurs organisationnels, relationnels et éthiques (FORE). Parmi ces FORE, la surcharge ou sous-charge de travail (respectivement 18.2% et 17.3% chez les hommes et les femmes), les changements organisationnels (respectivement 12% et 8.1%), les dysfonctionnements de la hiérarchie (10.6% et 6.3%), des problématiques de relations de travail telles que la qualité des relations de travail (respectivement 21.6% et 27.6%) et les violences internes (respectivement 2.5% et 6.7%) et externes (respectivement 1.4% et 2.3%), les exigences liées à l’activité (respectivement 6.5% et 4.9%) et les problèmes éthiques (respectivement 5.1% et 3%).

Associations entre souffrance psychique et caractéristiques socio-démographiques

En termes de tranches d’âges, celle des moins de 25 ans servant de référence, tant chez les hommes que chez les femmes, on constate :

ü un gradient croissant en fonction de l’âge augmentant respectivement, pour les hommes, d’un OR de 1.9 pour les 25-34 ans à un OR de 2.28 pour les 45-54 ans puis, pour les 55 ans et plus, le taux de signalements de souffrance psychique diminuait avec u OR de 1.85 ;

ü pour les femmes, on passe d’un OR de 1.09 pour les 25-34 ans à un OR de 1.54 pour les 34-44 ans puis une diminution avec des OR de 1.47 et 1.23 pour respectivement les tranches d’âges de 45-54 ans et de 55 ans et plus.

En fonction de la CSP on observe aussi un gradient croissant, les ouvriers servant de référence, de l’association entre CSP et souffrance psychique tant pour les hommes avec des OR de 1.79 pour les employés, de 2.70 pour les professions intermédiaires et de 3.96 pour les cadres que pour les femmes avec des OR respectifs pour ces CSP de 2.16, 3.26 et 4.49.

Selon les secteurs d’activité, l’association avec la souffrance psychique le secteur d’activité, la référence étant l’industrie est différente pour les hommes et les femmes (entre parenthèses les OR).

Pour les hommes, les secteurs où il y a augmentation significative de l’association sont: l’enseignement (1.71), l’agriculture (1.67), les autres activités de services et l’information et la communication (1.44), les activités financières et les assurances (1.39), l’hébergement et la restauration (1.34), le commerce (1.30), la santé humaine et l’action sociale (1.21) et le transport et l’entreposage (1.19).

Pour les femmes, l’association entre souffrance psychique et secteur d’activité est augmentée significativement, par rapport à l’industrie, de façon très modérée, pour le transport et l’entreposage (1.02) et le secteur de l’information et de la communication (1.08) et, de façon un peu plus importante, dans les activités immobilières (1.15).

Les autres pathologies signalées pendant les quinzaine des MCP

Les troubles de l’audition

Les signalements relatifs aux troubles de l’audition concernent majoritairement les hommes (89%). Il y a, quelle que soit l’année, un plus fort taux d’atteinte chez les 55 ans et plus.

En termes de CSP, globalement, les ouvriers sont les plus touchés (2013, 2014, 2015 et 2017), parfois à égalité avec les professions intermédiaires (2012, 2016 et 2018).

Les irritations et les allergies

Le signalement des irritations et des allergies est nettement moins fréquent, de 0.1% à 0.3% selon l’année et sans relation notable avec l’âge.

Les employés et les ouvriers semblent plus impactés par ces atteintes que les professions intermédiaires et les cadres.

Les tumeurs

Entre 2012 et 2018, 31 tumeurs ont été signalées chez les hommes (cancers du poumon, du larynx, de la vessie, du rein, lymphome) et 13 chez les femmes (cancer du sein, lymphome non hodgkinien, etc…).

Les agents d’exposition étaient principalement des solvants, des composés organiques volatils, des produits phytosanitaires, des expositions à des rayonnements ionisants et aux UV, une surcharge de travail et le travail de nuit.

La sous-déclaration des maladies professionnelles

Les TMS

Nous n’indiquons que les résultats pour l’année 2018. Cette année-là, 1 110 TMS signalés correspondaient à un tableau de maladie professionnelle (MP), soit 70.5% des l’ensemble des TMS signalés comme MCP et 511 TMS étaient hors tableaux (29.5%) (lombalgie, cervicalgie, capsulite, tendinite, hernie discale, rachialgie, névralgie cervico-brachiale).

Parmi les 1 110 TMS faisant l’objet d’un tableau, une majorité (899, 77.4%) n’a pas fait l’objet d’une déclaration de MP et 22.5% (211) ont fait l’objet d’une déclaration dont, pour 60 (7%), il y a eu refus et pour 15.5% (151) la demande de reconnaissance est en cours d’instruction.

Parmi les pathologies figurant dans un tableau qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration (899, 77.4%), pour 318 (35.4%) cela a été du fait de la méconnaissance du salarié, pour 256 (28.5%) du fait d’un bilan diagnostique insuffisant, pour 134 (14.9%) car les critères du tableau n’étaient pas remplis et, pour 46 (10.1%), pour une autre raison.

Lorsque le salarié a refusé de faire la déclaration (201. 22,4%) les raisons en étaient, pour 91 (45.3%) la crainte pour son emploi, pour 47 (23.4%) la complexité de la démarche, pour 44 (21.1%) le fait que la réparation est peu attractive et, pour une autre raison, pour 46 (22.9%).

Les taux de non-déclaration, de non-reconnaissance et de procédure en cours étaient assez stables sur la période 2012 à 2018 mais le taux des non-déclarations pour les atteintes du rachis cervical ont augmenté de façon importante à partir de 2013.

Les troubles de l’audition

Dans plus de 80% des cas les signalements de troubles de l’audition relevaient d’un tableau de maladie professionnelle et, cependant, dans plus de 90% des cas aucune déclaration n’a été faite, principalement car les critères du tableau n’étaient pas remplis.

Les irritations et les allergies

Dans deux tiers des signalements de ces atteintes sur la période 2012-2018, il y avait un tableau de MP. Le taux de non-déclaration a été relativement stable, de l’ordre de 87%.

Les tumeurs

Parmi les 44 tumeurs dont le signalement a été fait sur l’ensemble de la période, 13 figuraient dans les tableaux de maladies professionnelles. Sur ces 13 tumeurs, 7 n’avaient pas fait l’objet d’une déclaration. La raison principale en était la méconnaissance du processus de demande de réparation su salarié et les critères du tableau non remplis.

Conclusion

« Grâce à la mobilisation des médecins du travail volontaires, de leurs équipes, de leurs services, et d’une animation régionale dynamique par les médecins inspecteur du travail et les épidémiologistes, le programme MCP remplit ses objectifs et fournit des indicateurs permettant de mieux documenter les risques professionnels. Les résultats obtenus montrent qu’il existe un nombre significatif de maladies et symptômes non reconnus en maladies professionnelles que les médecins du travail estiment en lien avec le travail (retrouvés chez 5 à 7 % des salariés). Les TMS et la souffrance psychique étaient les MCP signalées les plus fréquentes. La quantification des MCP apporte ainsi un éclairage complémentaire aux données du champ de la santé au travail existant par ailleurs (maladies professionnelles reconnues, accidents du travail, conditions de travail, etc.). Il permet notamment, par la meilleure connaissance des situations à risque (secteurs d’activité, professions, etc.), d’aider à la priorisation des actions de prévention. Ainsi, le fort taux de signalement des MCP observé à partir de 45 ans confirme l’intérêt particulier qui doit être porté aux travailleurs vieillissants et la nécessité d’adapter le travail avec l’avancée en âge. Par ailleurs, des disparités entre hommes et femmes concernant la souffrance psychique au travail sont observées. En effet, les femmes sont plus touchées par la souffrance psychique au travail et les problèmes relationnels sont plus souvent évoqués comparativement aux hommes. Ainsi, la qualité des relations au travail doit faire l’objet d’une vigilance accrue et plus particulièrement chez les femmes. Enfin, les problèmes auditifs retrouvés majoritairement chez les hommes ouvriers et de professions intermédiaires, pour des professions exposant au bruit, confirme que l’usage d’équipements de protection pour les salariés exposés au bruit est indispensable, et que des campagnes de sensibilisation auprès de ces professionnels doivent être menées ou poursuivies.

Globalement l’ensemble des résultats issus de ce programme confirme l’importance de développer et renforcer les actions de prévention primaire en améliorant les conditions de travail et diminuant les expositions notamment chez les travailleurs les plus à risque. Le programme MCP permet de documenter de manière originale la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. Pour les maladies qui relèvent d’un tableau de MP, une grande majorité ne sont pas déclarées en tant que telles, principalement en raison de la méconnaissance de la procédure par le salarié avant la consultation avec le médecin du travail et d’un bilan diagnostique insuffisant. Ces résultats montrent tout l’intérêt de poursuivre la sensibilisation des travailleurs et la formation des médecins, et de mieux comprendre les déterminants de cette sous-déclaration. »

https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/maladies-a-caractere-professionnel/documents/enquetes-etudes/programme-de-surveillance-des-maladies-a-caractere-professionnel-en-france.-resultats-des-quinzaines-mcp-sur-la-periode-2012-2018

 

 

 

Jacques Darmon

 

 

 

 



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