Lettre d'information du 19 juin 2022

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Le 19 juin 2022

 

Deux jurisprudences de la Cour de cassation… L’une, consacrée à l’absence d’obligation de consulter les représentants du personnel lorsque l’avis d’inaptitude du médecin du travail indique qu’il n’y a pas de reclassement possible… l’autre, relative à la nécessité pour un CSE qui vote une expertise de prouver qu’il y a un risque grave… Une critique de la loi du 2 août 2021 co-signée par Solidaires et le Syndicat de la médecine générale… Une étude sur l’absentéisme de longue durée en lien avec une exposition à des facteurs de risque psychosociaux...

 

·     Jurisprudence

 

La consultation des représentants du personnel n’est pas obligatoire si le médecin du travail indique qu’il n’y a pas de reclassement possible

L’arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 2022 – Cass. Soc. pourvoi n° 20-22500, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation – nous fournit la position de la Haute juridiction sur deux points importants en cas d’inaptitude et de licenciement suite à une inaptitude. D’une part, lorsque le médecin du travail indique sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il n’y a pas de reclassement à envisager par l’employeur. Et donc pas de consultation des représentants du personnel au titre des articles L. 1266-2 et L. 1226-2-1 pour une inaptitude non professionnelle ou L. 1226-12 en cas d’inaptitude d’origine professionnelle. D’autre part, en cas de licenciement non justifié suite à une inaptitude, l’employeur doit au salarié une indemnité compensatrice de préavis qui n’ouvre pas droit à congé payé.

Faits et procédure – Une salariée embauchée en tant qu’opératrice le 25 avril 1994 est victime d’un accident du travail.

Suite à cet accident du travail, elle est déclarée inapte par le médecin du travail le 6 novembre 2017 dans un avis qui indique, selon la formule figurant sur le formulaire d’inaptitude, que « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Le 30 novembre 2017, la salariée est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour d’appel condamne l’employeur à verser une somme pour irrégularité liée à l’absence de consultation des délégués du personnel (la loi instaurant le comité social et économique n’étant pas encore passée par là).

Premier moyen de l’employeur

L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de l’avoir condamné à payer une somme de 10 335,60 euros pour irrégularité de consultation des délégués du personnel. En effet, selon lui, dès lors que le médecin du travail mentionne que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise, l’employeur n’est pas tenu de solliciter l’avis des délégués du personnel.

Et en indiquant, que cette obligation s’imposait à l’employeur même en cas d’impossibilité de reclassement, la cour d’appel a violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du Code du travail.

Réponse de la Cour de cassation

Au visa des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la Haute juridiction écrit :

« Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

Selon le second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison du défaut de consultation des délégués du personnel, l'arrêt retient que, quelle que soit l'origine de l'inaptitude, l'employeur a l'obligation de solliciter l'avis du comité économique et social, anciennement délégués du personnel, en application des article L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la consultation doit être faite même en l'absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l'article L. 1226-15 du code du travail.

En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés. »

Deuxième moyen de l’employeur

L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de l’avoir condamné à verser une somme au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis. Pour l’employeur, le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1226-14 du Code du travail en cas d’inaptitude professionnelle a la nature d’une indemnité et ne peut donner lieu au paiement de congés payés.

La cour d’appel aurait donc violé l’article L. 1226-14.

Réponse de la Cour de cassation

Au visa de l’article L. 1226-14, la Cour de cassation écrit :

« Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.

La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.

En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé. »

L’arrêt de la cour d’appel est cassé sur ces deux points et l’affaire renvoyée devant une autre cour d’appel.

https://www.courdecassation.fr/decision/62a1992cfa7283a9d4ab346e?search_api_fulltext=&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&judilibre_chambre%5B%5D=soc&judilibre_publication%5B%5D=b&op=Rechercher+sur+judilibre&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=0&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=2

 

Le comité social et économique doit prouver qu’il existe un danger grave et imminent pour voter une expertise

Il s’agit d’un arrêt du 18 mai 2022 de la Cour de cassation - Cass. Soc. pourvoi n° 20-23556, inédit - portant sur l’administration de la preuve d’un risque grave par un comité social et économique qui vote une expertise.

Faits et procédure

Le comité social et économique (CSE) d’un établissement de construction d’hélicoptères, appartenant à un groupe international, a voté, le 20 octobre 2020, une expertise pour risque grave en lien avec des risques psychosociaux dans un établissement et désigné un cabinet pour l’expertise.

Ce vote s’inscrit dans une problématique plus ancienne puisque, en 2018, une expertise pour risques psychosociaux avait déjà été votée et une mission confiée à un cabinet d’expertise. Ce cabinet d’expertise, dans le rapport rédigé à l’issue de sa mission, avait préconisé un plan d’action. Selon le CSE, le plan d’actions avait été élaboré par la seule direction et les instances représentatives avaient émis un vote négatif sur ce plan d’actions en septembre 2019. La direction a estimé que ce plan d’actions avait permis de résoudre les difficultés. Ce qui ne correspondait pas aux remontées du terrain dont faisait part le CSE, tels que le mal-être au travail, la crainte des sanctions, le manque de reconnaissance, des difficultés de relations entre les salariés et l'encadrement... qui, s'ils existaient déjà en 2018, restaient d’actualité. Le CSE avait donc voté à l’unanimité une nouvelle expertise et désigné un nouveau cabinet d’expertise.

La société a assigné le CSE, selon la procédure accélérée de fond, anciennement référé, devant le président du tribunal judiciaire afin d’obtenir, au titre des articles L. 2315-94, L. 2315-86 et R. 2315-49 du Code du travail, l’annulation de la délibération du CSE.

La formation de référé a débouté l’employeur de sa demande d’annulation en indiquant que l’appréciation d’un risque grave rassortissait du CSE qui était spécialiste des risques professionnels.

Moyen de l’employeur

Selon son pourvoi en cassation, l’employeur fait grief au jugement de l’avoir débouté de sa demande d’annulation de la délibération alors qu’il appartenait au CSE d’apporter la preuve qu’il existait un risque grave justifiant le vote d’une expertise. La formation de référé avait basé son jugement sur le fait que la société n’apportait pas la preuve qu’il n’existait pas de risque grave alors que la preuve de la présence de risque grave aurait dû incomber au CSE. Ainsi, selon l’employeur, le président du tribunal judiciaire a renversé la charge de la preuve et violé les L. 2315-94 du Code du travail et 1353 du Code civil.

Réponse de la Cour de cassation

Au visa des articles L. 2315-94 du Code du travail et 1353 du Code civil, la Cour de cassation écrit :

« Selon le premier de ces textes, le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. Selon le second, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il en résulte qu'il incombe au comité social et économique dont la délibération ordonnant une expertise en application de l'article L. 2315-94, 1°, du code du travail est contestée, de démontrer l'existence d'un risque grave, identifié et actuel, dans l'établissement.

Pour débouter la société de son action en annulation de la délibération du comité social et économique du 20 octobre 2020, le jugement retient que le constat d'un risque grave relève de l'appréciation du comité social et économique en l'absence de dénaturation des faits qu'il présente comme constituant ce risque et que le juge n'a pas à contrôler l'opportunité de la mesure d'expertise décidée, que les représentants élus du comité social et économique sont, de fait, des spécialistes en matière de risques psychosociaux, ils sont chargés de retransmettre les inquiétudes exprimées par des salariés et le fait qu'ils aboutissent à la nécessité d'une nouvelle expertise confiée à un cabinet extérieur, et ce, à l'unanimité des membres élus, relève de l'exercice de leur mission au sein du comité social et économique et que faute pour la société de démontrer qu'il n'existe aucun risque grave, actuel et identifié de risques psychosociaux, il y a lieu de la débouter. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. »

L’arrêt est cassé et l’affaire renvoyée devant un autre tribunal judiciaire, devant une formation statuant en procédure accélérée de fond.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045836543?cassPubliBulletin=F&cassPubliBulletin=T&init=true&isAdvancedResult=true&juridictionJudiciaire=Cour+de+cassation&origine=juri&page=1&pageSize=10&query=%7B%28%40ALL%5Bt%22risque+psychosocial%22%5D%29%7D&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typeRecherche=date

J’avais commenté dans la lettre d’information du 12 juin 2018 (voir sur le blog) un arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2018 – Cass. soc. pourvoi n° 17-10852, inédit – qui indiquait ce qui pouvait justifier une expertise au titre du risque grave. La Haute juridiction avait cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui avait annulé une demande d’expertise votée par un CHS-CT sous prétexte que celui-ci demandait à l’expertise de déterminer s’il y avait un risque grave. Le CHS-CT faisait état de sept accidents du travail survenus au cours des mois précédents, et de treize accidents survenus au cours de l'année précédente. Pour la Haute juridiction le risque grave justifiant l’expertise était donc avéré.

 

·     Critiques de la loi du 2 août 2021 (Solidaires / SMG)

Vous trouverez en pièce jointe un texte co-écrit par le syndicat de salariés Solidaires et par le Syndicat de la médecine générale. Ce document critique plusieurs dispositions de la loi du 2 août 2021 sur la santé au travail reprenant en grande majorité les dispositions d’un accord national interprofessionnel du 10 décembre 2020 signé par les partenaires sociaux.

À titre personnel, je considère que certaines critiques apparaissent tout à fait justifiées. Ainsi, le fait que la mission des services de prévention et de santé au travail n’est plus exclusivement celle d’éviter toute altération de la santé des travailleurs mais est devenue la mission principale parmi d’autres dont certaines peuvent être éloignées de l’action sur le milieu de travail (bien que le texte sur l’offre socle définie par les partenaires sociaux précise que « les missions générales de santé publique doivent demeurer contenues dans un périmètre défini avec précision afin de ne pas remettre en cause la réalisation des éléments constitutifs de l'offre socle et des moyens qui lui seront attribués. Le périmètre d'intervention du SPSTI est défini par le fait qu'il existe un lien avec le travail. ») Autre disposition qui mérite d’être critiquée, l’introduction de médecins praticiens correspondants censés, après une formation, mais sans connaître les entreprises, réaliser des visites d’information et de prévention. Ceci, dans un contexte où il est déjà difficile d’accéder à des médecins généralistes en cas de besoin.

En revanche, je suis en désaccord avec la critique du fait que le médecin du travail puisse avoir accès, avec l’accord du salarié, à son dossier médical et que les données d’exposition du dossier médical en santé au travail y soient intégrées. Cette disposition pourrait permettre aux médecins traitants et aux spécialistes de mieux connaître les expositions professionnelles et de faciliter la déclaration d’éventuelles maladies professionnelles. Dont on connaît la sous-déclaration.

Les auteurs de cette lettre proposent :

« - que l'activité de prévention collective des services de santé au travail soit renforcée, sans confusion avec des activités curatives individuelles / "Mission exclusivement préventive de préservation de la santé des travailleur·euses"

- que les personnes restent décisionnaires des éléments à transmettre ou non aux différents professionnel·les qui interviennent dans leur parcours de santé, y compris celui de santé au travail

- des moyens permettant une meilleure implication des salarié·es et de leurs représentant·es dans la prévention de la santé au travail au sein de leurs entreprises. Dans ce domaine, la suppression des CHSCT a été un énorme recul.

- la gestion majoritairement salariale des services de santé au travail ».

 

·     Exposition a des facteurs de risques psychosociaux et absentéisme (Étude)

Vous pourrez accéder en pièce jointe et à l’adresse en fin de commentaire à l’étude publiée Online le 1er juin 2022 sur le site du Scandinavian Journal of Work, Environment and Health. Cette étude est intitulée « Combined psychosocial work factors and risk of long-term sickness absence in the general working population: Prospective cohort with register follow-up among 69 371 workers » et elle est signee par L.L. Anderson et al.

Introduction

Dans la plupart des pays, l’employeur a la responsabilité d’assurer une activité professionnelle respectant la santé et la sécurité des travailleurs. Durant le siècle précédent, les efforts de prévention ont surtout porté sur les risques « classiques » tels que les risques physiques et chimiques au travail. Cependant, au cours des dernières décennies, les absences au travail du fait des problèmes de santé mentale ont attiré l’attention sur les facteurs de risque psychosociaux professionnels.

Afin d’étudier l’association entre l’exposition à des facteurs de risque psychosociaux, les chercheurs ont utilisé plusieurs approches. La plus fréquente de ces approches – et la plus utilisée - est celle du modèle de Karasek du job strain (basée sur demande psychologique / latitude décisionnelle) dans laquelle une forte demande psychologique associée à une faible latitude décisionnelle augmente le risque d’apparition de pathologies et de troubles.

Un autre modèle largement utilisé est celui de l’équilibre efforts / récompenses développé par Siegrist. Ce modèle est basé sur le fait qu’un déséquilibre entre une forte implication professionnelle et une faible récompense des efforts fournis en termes de reconnaissance de la part du management, de sécurité de l’emploi et de promotion professionnelle peut être néfaste pour la santé.

Il existe cependant d’autres modèles tels que celui de la justice organisationnelle. Une exposition à une faible justice au travail peut aussi être la source d’une santé altérée.

Une autre approche des chercheurs est d’appréhender plusieurs facteurs de risque psychosociaux au travail plutôt que de se référer à un modèle théorique unique.

Une dernière approche, rarement utilisée, consiste à regrouper différentes variables d’exposition dans des clusters afin d’estimer les effets associés de ces différents facteurs professionnels. C’est cette approche qui a été mise en œuvre dans cette étude.

Matériel et méthodes

Les enquêtes

Cette étude a utilisé les données des enquêtes WEHD du Danemark (Work Environment and Health in Denmark) qui prend en compte différents facteurs de risque psychosociaux et variables. Cependant, des facteurs de risque psychosociaux susceptibles de produire des effets à long terme tels que les harcèlements moral et sexuel n’ont pas été pris en compte, de même que la qualité du management ou l’insécurité de l’emploi.

L’enquête WEHD a été réalisée en 4 vagues, en 2012, 2014, 2016 et 2018 dans lesquelles les sujets n’ont été pris en compte qu’une seule fois. Ainsi, après exclusion des sujets ayant eu une absence maladie dans les 52 semaines précédentes et ceux qui n’ont pas répondu à l’ensemble des questions, au total, 69 371 sujets ont été pris en compte dans l’étude.

Données sur les longues absences maladies

Les données concernant les absences de longue durée proviennent d’une base de données DREAM de prise en charge financière des absences maladie.

Est considérée comme une absence de longue durée, un arrêt maladie d’au moins 6 semaines consécutives sur une durée de deux ans après avoir répondu à l’enquête.

Les facteurs de risque psychosociaux

Les facteurs de risque psychosociaux pris en compte dans les enquêtes WEHD sont basés sur le questionnaire COPSOQ (Copenhagen Psychosocial Questionnaire) qui a aussi été validé en Français (voir en pièces jointes les informations sur ce questionnaire).

Les dimensions qui ont été prise en compte figurent ci-dessous (sachant que par rapport à celles du COPSOQ le nombre de questions pour certains items a parfois été diminué) :

·     la reconnaissance,

·     la demande quantitative de travail,

·     le rythme de travail,

·     l’exigence émotionnelle,

·     la latitude décisionnelle,

·     la justice organisationnelle,

·     la clarté de la mission,

·     l’imprécision des tâches,

·     la collaboration et le soutien des collègues.

A partir de ces 9 items, 11 clusters homogènes ont été définis qui vont des scores les plus positifs pour l’ensemble des items (le cluster 1) aux scores les plus négatifs (cluster 11). Le cluster 1 sert de référence pour calculer l’augmentation du risque, les Hazard ratio, dans les analyses statistiques. A partir du cluster 7, on voit apparaître une part non négligeable de mauvais scores pour différents items.

Les expositions des différents clusters

A partir du cluster 7 les clusters montrent une association significative avec une augmentation de l’absentéisme de longue durée. Voici, pour ces clusters, les facteurs de risque psychosociaux présentant des scores défavorables auxquels les sujets sont exposés :

ü cluster 7, reconnaissance, demande quantitative de travail et rythme de travail ;

ü cluster 8, reconnaissance, demande quantitative de travail, rythme de travail, justice organisationnelle, flou des tâches et support et collaboration des collègues ;

ü cluster 9, demande quantitative de travail, rythme de travail, exigences émotionnelles, justice organisationnelle, flou des missions et des tâches ;

ü cluster 10, absence de reconnaissance, latitude décisionnelle, justice organisationnelle, flou des missions et des tâches et collaboration et soutien des collègues ;

ü cluster 11, pour l’ensemble des items, les sujets de ce cluster présentent des scores défavorables, majoritairement les scores les plus mauvais, pour l’ensemble des items.

Variables d’ajustement prises en compte dans les modèles

Les variables qui ont été prises en compte pour réaliser des ajustements sont le sexe, l’âge, le niveau d’éducation (modèle 1) et les variables pouvant influer sur la santé, le tabagisme, l’indice de masse corporelle, les activités physiques de loisir et celles dans le cadre professionnel (ajoutées aux premières variables, elles sont prises en compte dans le modèle 2), la présence de symptômes dépressifs et la présence de douleurs musculosquelettiques figurent aussi dans les variables mais sont appréciées séparément. En effet, des analyses complémentaires ont été réalisées en prenant en compte la présence de symptômes dépressifs et de douleurs musculo-squelettiques.

Résultats

Caractéristiques des participants

Les participants étaient composés de 47.4% d’hommes et de 52.6% de femmes. Leur âge moyen était de 45.9 ans.

Un taux de 45.3% des participants avaient avait le niveau d’éducation le plus élevé et 54.7% un niveau inférieur.

L’indice de masse corporelle était en moyenne de 25.7 kg/m2.

Le tabagisme quotidien concernait 14.5% des sujets et un tabagisme occasionnel 5.2% alors que 29% étaient d’anciens fumeurs et 51.3% n’avaient jamais fumé.

Sur une échelle de 1 à 100, la moyenne de la demande physique au travail était de 19.

Seulement 22.4% des participants n’avaient jamais eu de douleurs musculo-squelettiques mais 15.3% en avaient quotidiennement, 17.6% de façon hebdomadaire et 14.1% mensuellement.

Taux globaux d’absentéisme pour hommes et femmes

Selon les différents clusters, les taux globaux d’absentéisme de longue durée pour maladie figurent ci-dessous pour respectivement hommes et femmes :

ü cluster 1, 5.2% et 10%,

ü cluster 2, 5.2% et 6.9%,

ü cluster 3, 4.4% et 8.5%,

ü cluster 4, 5.6% et 8.5%,

ü cluster 5, 4.9% et 10.5%,

ü cluster 6, 6.3% et 10.4%,

ü cluster 7, 7% et 10.8%,

ü cluster 8, 6.8% et 10%,

ü cluster 9, 6% et 11.6%,

ü cluster 10, 9.4% et 14%,

ü cluster 11, 9% et 17.7%.

Les augmentations du taux d’absence de longue durée

En fonction des différents clusters d’exposition aux facteurs de risque, le cluster 1 servant de référence, on retrouve des augmentations significatives de l’absentéisme de longue durée selon les deux modèles (modèle 1 : ajustement seulement sur le sexe, l’âge et l’année de l’enquête et modèle 2 ajustement sur toutes les variables énoncées ci-dessus).

Résultats pour les modèles 1 et 2

On retrouve des augmentations significatives de l’absentéisme longue durée dans les clusters suivants avec des HR de :

ü cluster 7, 1.26 [1.09-1.46] pour le modèle 1 et 1.20 [1.03-1.39] pour le modèle 2,

ü cluster 8, 1.22 [1.03-1.43] pour le modèle 1 et une augmentation non significative de 1.15 [0.98-1.36] pour le modèle 2,

ü cluster 9, 1.29 [1.12-1.49] pour le modèle 1 et 1.24 [1.07-1.43] pour le modèle 2,

ü cluster 10, 1.61 [1.39-1.87] pour le modèle 1 et 1.45 [1.25-1.69] pour le modèle 2,

ü cluster 11, 1.96 [1.71-2.26] pour le modèle 1 et 1.68 [1.45-1.94] pour le modèle 2.

Ainsi, les auteurs peuvent affirmer que, selon les ajustements des modèles 1 et 2, les sujets des clusters 7 à 11 dont les scores pour différents facteurs de risque psychosociaux sont mauvais présentent un risque significativement plus important d’absence de longue durée pour maladie.

Résultats du modèle 2 pour hommes et femmes

On retrouve les résultats suivants pour hommes et femmes selon le modèle 2 d’ajustement sur l’ensemble des variables (hors état de santé) :

ü cluster 7, augmentation significative uniquement pour les hommes avec un HR de (1.45 [1.10-1.91]),

ü cluster 8, augmentation significative uniquement pour les hommes avec HR de (1.32 [1.03-1.70]),

ü cluster 9, augmentation significative uniquement pour les femmes avec HR de (1.21 [1.02-1.44]),

ü cluster 10, augmentation significative pour les hommes avec HR de (1.64 [1.28-2.10]) et pour les femmes (1.33 [1.10-1.62]),

ü cluster 11, augmentation significative pour les hommes avec HR de (1.62 [1.25-2.10] et pour les femmes (1.68 [1.41-2.01].

Résultats après ajustement sur l’état de santé du modèle 2

Pour les sujets de l’étude en bonne santé globale, seuls les sujets du cluster 11 présentent une augmentation significative de l’absence de longue durée avec un HR de 1.31 [1.04-1.64].

Le contrôle sur l’état dépressif fournit des résultats n’indiquant aucune augmentation significative de l’absentéisme longue durée pour l’ensemble des clusters.

Le contrôle sur la présence de douleurs montre une augmentation significative de l’association entre absentéisme de longue durée et les clusters 10 avec HR de (1.29 [1.11-1.51]) et 11 avec HR de (1.42 [1.22-1.64]).

Clusters et professions

Les clusters sont répartis différemment selon les professions. Voici pour certains clusters augmentant le risque d’absence de longue durée leur présence à un taux non négligeable dans certaines professions :

ü cluster 7 : professeurs du secondaire (21%), infirmière et travailleurs des services (18%) ;

ü cluster 9 : médecins (25%), psychologues (22%), travailleurs sociaux et enseignants (21%), professeurs et chercheurs universitaires (20%) ;

ü cluster 10 : chauffeurs de bus, de taxis et conducteurs de trains (23%), pompiers et agents de sécurité (22%), travailleurs du secteur industriel agro-alimentaire (20%) et chauffeurs de camions (18%) ;

ü cluster 11 : officiers de police et gardiens de prison (18%), professeurs de l’enseignement professionnel (17%) et travailleurs sociaux (16%).

Discussion

Les résultats de cette étude montrent que de mauvais scores sur plusieurs facteurs de risque psychosociaux jouent un rôle important dans la survenue de problèmes de santé qui se traduisent par une augmentation de l’absentéisme de longue durée.

Le cluster 11 correspond à une situation de job strain en termes de forte demande psychologique et de faible latitude décisionnelle. Mais il est aussi caractérisé par de mauvais scores pour les autres facteurs de risque professionnels.

Aucune augmentation de l’absentéisme de longue durée n’a été avérée en présence d’une situation de job strain alors que d’autres facteurs de risque psychosociaux présentaient des scores favorables ou modérés.

Ainsi l’association constante entre le job strain et les atteintes de la santé rapportées dans la littérature pourraient être, au moins en partie, en lien avec la présence d’autres facteurs de risque psychosociaux dont les scores sont défavorables.

Dans les clusters 4 et 10, de mauvais scores relatifs à la reconnaissance pouvant correspondre aux faibles récompenses du modèle de Siegrist étaient associés à des scores favorables de la demande quantitative et du rythme de travail. Cette association, selon le modèle de Siegrist, ne devrait pas augmenter le risque d’effets négatifs. Mais, alors que c’était le cas pour le cluster 4, le risque d’absence de longue durée pour le cluster 10 était significativement augmenté. La différence entre ces deux clusters étant la présence, dans le cluster 10, d’autres facteurs de risque défavorables tels que la latitude décisionnelle, la justice organisationnelle, le flou des tâches et le support des collègues.

Pour les clusters qui ne présentent pas d’association significative avec de l’absentéisme de longue durée, il semble que des scores favorables pour d’autres facteurs de risque psychosociaux puissent contrebalancer l’effet négatif d’un ou deux scores de risque psychosociaux défavorables.

Au final, les analyses suggèrent que le sexe et ni l’âge ni le niveau d’éducation influencent l’association des clusters avec l’absentéisme de longue durée

Conclusion

La combinaison de l’exposition à plusieurs scores défavorables de facteurs de risque psychosociaux joue un rôle important en termes de survenue d’une altération de l’état de santé qui se traduit par un absentéisme de longue durée. Cependant, la présence de scores favorables pour plusieurs facteurs de risque psychosociaux peut contrebalancer la présence d’un ou deux scores défavorables. Ceci est important en pratique dans le milieu professionnel si l’on ne peut améliorer l’ensemble des facteurs de risque psychosociaux.

https://www.sjweh.fi/article/4035

 

Dans cette période d’élections législatives, pas de de textes de loi importants relatifs à la santé au travail à commenter… Cela reviendra après les élections… Avec, avant de nouveaux textes de loi, un débat sur le report de l’âge légal de départ à la retraite… qui risque encore de pénaliser les sujets qui ont commencé à travailler tôt et été exposés à une usure professionnelle importante…

 

Jacques Darmon

 

 



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