Lettre d'information du 30 mai 2021

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Le 30 mai 2021

 

Au sommaire de cette lettre… Textes de loi… Une proposition de loi visant à mettre à jour les contre-indications à l'emploi des sujets diabétiques… Une étude de l'OMS et de l'OIT sur les risques cardiovasculaires liés à une exposition à de longues heures de travail… Et un commentaire d'une étude sur les travailleurs de 2e ligne, très exposés durant la pandémie…

 

Réunions

Forum Saint-Jacques

Le Forum Saint-Jacques aura lieu le samedi 5 mai 2021 en distanciel de 10 h à 12 heures. Nous accueillerons le Pr Salmon Céron qui nous parlera du Covid long sur lequel des études apportent des éléments d'information intéressants et le Pr Pairon qui traitera de la silice cristalline figurant, depuis octobre 2020, dans la liste des substances, mélanges et procédés CMR. Vous trouverez en pièce jointe l'invitation à la réunion. Le lien pour se connecter via Zoom : https://u-paris.zoom.us/j/82153409754?pwd=aC92K2YxQVdBc3QweUNBZHVNZWZjdz09.

 

Débat public

Je vous informe de l'organisation d'un " Débat public sur la santé au travail - Proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail : Quelles avancées pour la prévention ? " Ce débat est organisé à l'initiative de Reliance & Travail (Association nationale de psychologues travaillant dans les services de santé au travail), en partenariat avec la FFPP (Fédération française de la psychologie et des psychologues), avec l’AFPTO (Association française de psychologie du travail et des organisations) et enfin avec l’Afisst (Association française des IPRP des services de santé au travail).

Vous trouverez en pièce jointe le flyer de présentation de cette réunion avec nombre d'intervenants de qualité. Cette réunion aura lieu le 17 juin 2021 en distanciel (8h30 – 12h et 13h30 – 17h00). La participation est gratuite mais l'inscription est obligatoire à cette adresse :

https://www.billetweb.fr/debat-sur-la-reforme-de-la-sante-au-travail.

 

Je vous rappelle que vous pouvez accéder à mes lettres d’information depuis un an sur un blog à l’adresse suivante : https://bloglettreinfo.blogspot.com/.

 

·     Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d'état

 

Proposition de loi visant à améliorer l'accès à certaines professions des personnes atteintes de maladies chroniques

Une proposition de loi, présentée à l'Assemblée nationale en 2018, qui apparaît importante pour les travailleurs atteints de diabète a été votée par le Sénat et sera examinée par l'Assemblée nationale à compter du 27 mai 2021. Il me semble intéressant de l'évoquer préalablement, en espérant que l'issue en sera positive.

J'avais été sensibilisé à cette question en 2019 car un pilote de ligne canadien diabétique avait été autorisé à exercer son métier (avec un co-pilote) du fait de l'amélioration des traitements et de la surveillance du diabète.

" Objet du texte

Agnès FIRMIN-LE BODO et plusieurs de ses collègues députés relèvent que "4 millions de personnes sont aujourd'hui touchées par les diabètes en France [et que,] parmi elles, beaucoup se voient refuser l'accès à certaines professions et aux écoles associées". Ils constatent également que " ces discriminations viennent d'une réglementation obsolète, totalement déconnectée des progrès thérapeutiques et des conditions actuelles de travail ".

Ils ont donc déposé, le 21 novembre 2018, une proposition de loi à l'Assemblée nationale, afin de "permettre une révision globale et coordonnée des normes d'aptitude, relevant de plusieurs ministères". La proposition de loi qu'ils ont déposée vise notamment à :

- créer un "comité d'évaluation des textes obsolètes" réglementant l'accès au marché du travail (art. 1er) ;

- abroger les listes interdisant a priori l'accès des personnes diabétiques aux professions réglementées (art. 2) [NDR – Les interdictions concernent les professions de gendarme, militaire, hôtesse de l'air ou steward, contrôleur aérien ou contrôleur de trains, conducteur de trains, sapeur-pompier, policier, pilote d'avion ou d'hélicoptère ou douanier] ;

 - prévoir la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport évaluant les progrès réalisés par le comité interministériel d'évaluation des textes obsolètes (art. 3) ;

- mettre en place une campagne de communication publique informant sur le diabète et autres maladies chroniques et sensibilisant à l'inclusion des personnes concernées sur le marché du travail (art. 4). "

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl19-291.html

 

·       Risques cardiovasculaires de longues heures de travail (OMS/OIT)

L'organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation internationale du travail (OIT) ont mis en ligne une étude estimant le risque cardiovasculaire, lié à une durée de travail importante, aux niveaux international, régional et national dans 194 pays.

Cette étude est intitulée " Global, regional, and national burdens of ischemic heart disease and stroke attributable to exposure to long working hours for 194 countries, 2000–2016: A systematic analysis from the WHO/ILO Joint Estimates of the Work-related Burden of Disease and Injury " et elle est signée de F. Pegan and al. Cet article est sous presse dans la revue Environment International. Vous pourrez y accéder avec le DOI (https://doi.org/10.1016/j.envint.2021.106595).

Données mondiales

Estimation du nombre de sujets exposés

Globalement, en 2016, dans les 194 pays de l'étude, 488 millions de salariés, soit 8.9% de la population sont exposés à 55 heures et plus de travail. Tant pour les hommes que pour les femmes, les tranches d'âge les plus exposées étaient celles des 30-34 ans (environ 53% pour les hommes et 18% pour les femmes) puis celles des 34-39 ans (environ 50% pour les hommes et 17% pour les femmes) et des 25-29 ans (environ 49% pour les hommes et 16% pour les femmes).

Au niveau mondial, cette étude estime les expositions suivantes à des horaires hebdomadaires de 55 heures ou plus selon les trois périodes prises en compte :

ü en 2000, 8.1% pour les deux sexes et 11.8% pour les hommes et 4.4 % pour les femmes ;

ü en 2010, 8.3% pour les deux sexes et 12.3% pour les hommes et 4.4% pour les femmes ;

ü en 2016, 8.9% pour l'ensemble des travailleurs et 13.2% pour les hommes et 4.5% pour les femmes.

Entre 2000 et 2016, l'augmentation du nombre de sujets exposés à 55 heures de travail hebdomadaire ou plus a été de 9.3%, beaucoup plus marquée chez les hommes (11.8%) que chez les femmes (1.9%).

Effets cardiovasculaires

En 2016, dans le monde, 745 194 décès sont liés aux cardiopathies ischémiques et aux accidents vasculaires cérébraux en lien avec une exposition à 55 heures ou plus de travail hebdomadaire.

Les atteintes ischémiques étaient impliquées dans les décès pour 46.5% et les accidents vasculaires cérébraux pour 53.5%.

Les effets globaux attribués aux longu.es heures de travail et l'évolution 2000-2016

ü décès liés aux atteintes cardiaques ischémiques : en 2000, 753, 244 983 et, en 2016, 346 753, soit une augmentation de 41.5% ;

ü décès liés aux accidents vasculaires cérébraux, en 2000, 334 855 et, en 2016, 398 441, soit une hausse de 19%.

En 2016,la fraction des décès par cardiopathies ischémiques et accidents vasculaires attribuable à de longues heures de travail de plus de 55 heures est respectivement de 3.7% [3.4-4%] et de 6.9% [6.4-7.5%].

Les effets chez les hommes et l'évolution 2000-2016 :

ü décès liés aux atteintes cardiaques ischémiques : en 2000, 186 791 et, en 2016, 262 754, soit une augmentation de 40.7% ;

ü décès liés aux accidents vasculaires cérébraux, en 2000, 229 596 et, en 2016 398 441, soit une augmentation de 20.3%.

Les effets chez les femmes et l'évolution 2000-2016 :

ü décès liés aux atteintes cardiaques ischémiques : en 2000, 58 192 et, en 2016, 83 999, ce qui correspond à une augmentation de 44.4% ;

ü décès liés aux accidents vasculaires cérébraux, en 2000, 105 259 et, en 2016, 122 343, soit plus 16.2%.

Les décès en fonction des groupes d'âges

Le nombre le plus important de décès par cardiopathie ischémique se retrouve dans la tranche des 60-64 ans avec environ 42 000 décès chez les hommes et 13 000 chez les femmes) puis chez les 65-69 ans (environ 40 000 chez les hommes et 12 000 chez les femmes) et chez les 55-59 ans (environ 35 000 chez les hommes et 11 000 chez les femmes).

Le nombre de décès par accident vasculaire cérébral est aussi le plus important dans la tranche d'âge des 65-69 ans (environ 50 000 pour les hommes et 20 000 chez les femmes) puis dans la tranche des 60-64 ans (environ 48 000 chez les hommes et 20 000 chez les femmes.

Conclusion

L'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation internationale du travail estiment que l'exposition à des horaires de travail hebdomadaires de 55 heures ou plus est un facteur d'exposition professionnel qui peut entraîner un nombre important de décès par cardiopathie ischémique et par accident vasculaire cérébral. Dans une estimation des risques professionnels comparative, c'est habituellement le facteur de risque auquel on peut le plus attribuer un effet sur la santé. Aussi ces deux organismes estiment que ce fait doit guider des actions de prévention des expositions à de longues heures de travail afin de réduire les cardiopathies ischémiques et les accidents vasculaires qui sont attribuables à cette exposition. Ceci implique la mise en œuvre de standards internationaux sur les temps de travail, tels que des limitations des horaires de travail. Les lois et règlements, les politiques du travail et des programmes et des interventions sur les temps de travail doivent permettre de s'assurer que les heures de travail et les heures supplémentaires effectuées par les salariés n'entraînent pas d'atteintes à la santé humaine.

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412021002208?via%3Dihub

 

·       Conditions de travail des métiers de 2e ligne (Dares)

Cette étude intitulée " Quelles sont les conditions de travail des métiers de la « deuxième ligne » de la crise Covid " a été publiée dans le numéro 21 de Dares Analyses de mai 2021. Vous pourrez accéder à ce document en pièce jointe et à l'adresse internet en fin de commentaire.

Introduction

Les métiers de première ligne durant l'épidémie de Covid-19 ont été ceux du soin, notamment les professions médicales, qui ont été directement confrontés à l'épidémie.

Cependant, alors qu'une majorité de salariés pouvaient accéder au télétravail, une autre partie des travailleurs a été amenée à exercer son activité dans des conditions quasi-habituelles, voire accrues, pour assurer la continuité des activités quotidiennes indispensables à la population.

Ce sont ces travailleurs que l'on dénomme de 2e ligne.

Cette étude cherche à préciser quels sont ces travailleurs de 2e ligne et quelles sont leurs conditions de travail.

Les données utilisées pour définir ces travailleurs de 2e ligne et leurs conditions de travail sont issues de sources diverses de la statistique publique.

À partir de la fin du mois d'avril 2021, des créneaux prioritaires de vaccination ont été réservés à des professionnels de plus de 55 ans dont les métiers recoupent certains dits de 2e ligne (voir sur le site du ministère du travail).

Les métiers de 2e ligne

On estime que 4.6 millions de salariés ont assuré, en 2e ligne, les tâches nécessaires à la continuité de l'activité économique.

L'ensemble des métiers concernés nécessite la présence des salariés sur leur lieu de travail, ou de leur activité, car leur métier ne peut s'exercer en télétravail.

Du fait de leur type d'activité, les salariés de ces professions de 2e ligne ont été très exposés à la contamination par le SARS-CoV-2 car professionnellement en contact avec de nombreuses autres personnes.

C'est à partir des deux critères ci-dessus – d'une part, impossibilité du télétravail et activité sur site et, d'autre part, exposition professionnelle potentielle au Covid-19 - qu'a été établie la liste des 17 métiers de la 2e ligne : les conducteurs de véhicules, les agents d’entretien et les caissiers et employés de libre-service, les ouvriers du bâtiment, les aides à domicile et aides ménagères, les métiers du commerce alimentaire (bouchers, boulangers...) ainsi que les agriculteurs.

Parmi ces métiers, ceux occupant le plus grand nombre de salariés sont les suivants (entre parenthèses le nombre de salariés et le taux de femmes dans la profession, qui est en moyenne de 44% pour l'ensemble des métiers) :

ü les conducteurs de véhicules (738 481, 12.7%) ;

ü les agents d'entretien (648 722, 65.8%) ;

ü les caissiers et employés de libre-service (551 967, 67.6%) ;

ü les ouvriers qualifiés de la manutention (356 167, 14.3%) ;

ü les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment (288 108, 1.5%) ;

ü les ouvriers non qualifiés de la manutention (257 974, 29.8%) ;

ü les aides à domicile et aides ménagères (243 798, 95.4%) ;

ü les agents de gardiennage et de sécurité (240 908, 22.8%) ;

ü les ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment (211 100, 0.5%) ;

ü les vendeurs en produits alimentaires (192 237, 72%) ;

ü les bouchers, charcutiers et boulangers (190 137, 16.3%) ;

ü les maraîchers, jardiniers et viticulteurs (137 635, 21.8%) ;

ü les ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l'extraction (136 895, 0.8%).

Comme on peut le constater il existe une ségrégation par sexe dans ces activités avec certaines où la proportion de femmes est infime (bâtiment, travaux publics) et d'autres où elles sont majoritaires (agents d'entretien, aides à domicile et ménagères, vendeurs de produits alimentaires).

Conditions d'emploi, salaires et perspectives de carrière

Conditions d'emploi

En 2019, ces travailleurs de 2e ligne sont plus exposés que la moyenne à de la précarité, 10.5% sont en contrat à durée déterminée (CDD) contre 7.5% dans l'ensemble du secteur privé.

Ces CDD sont particulièrement fréquents dans les professions de l'agriculture, du bâtiment et parmi les agents d'entretien (15% ou plus dans chacun de ces métiers).

De la même façon, on retrouve, dans ces métiers plus de salariés en intérim (7.2%) que dans l'ensemble des travailleurs du secteur privé (3.1%), en particulier, les ouvriers non qualifiés de la manutention (36%), des industries agro-alimentaires et du gros œuvre du BTP (22% pour chacune de ces professions).

Les salariés de 2e ligne travaillent plus souvent à temps partiel (26%) que l'ensemble des salariés du secteur privé (18%), à l'exception des conducteurs qui effectuent de longs horaires de travail.

Particulièrement, certaines professions présentent des taux importants de temps partiels : les aides ménagères et à domicile (77%), les agents d'entretien (61%) et les caissiers et employés de libre-service (40%) .

Les travailleurs de 2e ligne sont aussi plus souvent confrontés à des horaires atypiques que l'ensemble des salariés du privé.

En effet, 19% travaillent plus de dix dimanches par an, 8% au moins 50 nuits dans l'année et 8% en journées avec interruptions contre respectivement 14%, 5% et 6% de l'ensemble des salariés.

Leurs horaires de travail sont aussi plus imprévisibles que ceux de l'ensemble des salariés du privé, 31% versus 20%.

Cette imprévisibilité est même majoritaire chez les conducteurs de véhicules (58%) et élevée chez les bouchers, charcutiers et boulangers (46%) et les ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment, des travaux publics, du béton et de l'extraction (41%).

Les salaires

Les salariés de 2e ligne ont globalement des salaires mensuels nets en équivalent temps plein plus faibles que l'ensemble des salariés du secteur privé, 1634 € versus 2337 €. Parmi les salaires les plus faibles, les aides à domicile et ménagère (1286 €), les agents d'entretien (1406 €) et les vendeurs en produits alimentaires (1449 €). On retrouve des salaires plus élevés, mais tous inférieurs à la moyenne du secteur privé, pour les ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l'extraction (1967 €) et les ouvriers qualifiés de la manutention (1858 €).

La part des bas salaires parmi les travailleurs de 2e ligne est plus marquée que dans l'ensemble du secteur privé (18% versus 11.9%) et elle est particulièrement importante pour les aides à domicile et ménagère (43.5%), les ouvriers non qualifiés du second œuvre du bâtiment (28.4%) et les maraîchers, jardiniers et viticulteurs (27.2%).

De plus, au fil de leur carrière, la différence salariale entre ces travailleurs de 2e ligne et ceux de l'ensemble du privé tend à augmenter. En 2017, l'écart de salaire mensuel net entre travailleurs de 2e ligne et l'ensemble des salariés du privé est de 17% pour les 25-29 ans et il est de 37% pour les 55-59 ans. Ceci du fait de possibilités d'évolution limitées et de carrières instables.

En outre, si les travailleurs de 2e ligne changent plus souvent d'employeurs que les autres travailleurs du privé (46% contre 40%), ce changement s'avère moins souvent bénéfique financièrement (8.5% versus 14.8%).

Conditions de travail

Les travailleurs de 2e ligne sont plus souvent exposés à des conditions de travail difficiles. Cela se traduit par un taux d'accidents du travail (20%) presque doublé par rapport à celui des autres salariés du privé (11%). Certaines professions étant encore plus accidentogènes, telles celles des ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment (32%), des ouvriers non qualifiés de la manutention (27%), des ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment (24%) et des agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bûcherons et des ouvriers qualifiés de la manutention (23% pour chacune de ces professions).

Les contraintes physiques sont aussi très présentes parmi ces travailleurs de 2e ligne, 61% contre 36% parmi les salariés de l'ensemble du privé.

Certains des métiers de 2e ligne présentent des expositions aux contraintes physiques encore nettement plus importantes que celle de la moyenne : les ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l'extraction (97%), les ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment (88%) et les ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment, des travaux publics, du béton et de l'extraction (85%) puis, au même taux, les maraîchers, jardiniers et viticulteurs et les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment (80%).

https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/8f1d9e08a5956834a666c266fff98056/Dares%20Analyses_m%C3%A9tiers-deuxi%C3%A8me%20ligne_crise%20covid.pdf

 

·     Le présentéisme des salariés (étude Cnam/Ceet)

Cette étude sur le présentéisme a été publiée dans le n° 170 de mai 2021 de Connaissance de l'emploi et signée par Mme Hamon-Cholet et M. Lanfranchi du Cnam/Ceet. Elle est intitulée " Présentéisme pour maladie : une conséquence de l'organisation du travail ? " Vous pourrez y accéder en pièce jointe et à l'adresse du site du Cnam/Ceet en fin de commentaire.

Introduction

Si l'absentéisme peut représenter une problématique bien connue, importante en tant que révélateur d'une altération de la santé au travail, le présentéisme apparaît comme un

phénomène moins connu et moins visible.

Le présentéisme lié à la maladie est défini comme " le comportement du travailleur qui, malgré des problèmes de santé physique et/ou psychologique nécessitant de s'absenter se présente au travail ".

[NDR – Un Baromètre de l'absentéisme 2019 de Malakoff Médéric estimait que 28% des arrêts maladie n'étaient pas respectés, pas du tout respectés (17%) ou ne l'étaient que partiellement (11%) – Ce Baromètre 2019 a été commenté dans la lettre d'information du 8 décembre 2019 à laquelle vous pourrez accéder sur le Blog.]

En 2013 puis en 2016, l'enquête Conditions de travail s'est intéressée au présentéisme en posant cette question aux sujets interrogés : " Au cours des douze derniers mois, vous est-il arrivé d'aller travailler tout en pensant que vous auriez dû rester à la maison parce que vous étiez malade ? Combien de fois cela est-il arrivé au cours des douze derniers mois ? "

L'enquête Conditions de travail interroge un panel assez large de sujets : 33 673 en 2013 et 27 000 en 2016.

Le présentéisme, un phénomène assez répandu

Selon la littérature, le présentéisme lié à la maladie apparaît comme contre-productif et nuisible tant individuellement que collectivement. Des études médicales ont montré qu'il induit des pertes élevées en termes de rendement individuel du fait de la moindre productivité lorsque l'on travaille en étant malade. Collectivement, le présentéisme peut aussi avoir un effet sur la productivité et, de plus, risque d'entraîner des contaminations.

Enfin, ce présentéisme, sur le plan de la société peut entraîner des conséquences négatives et générer des coûts importants.

Selon les enquêtes conditions de travail 2013 et 2016, au cours de l'année écoulée, les nombres de jours de présentéisme ont concerné :

ü au moins un jour, 41.3% des sujets en 2013 et 44.1% en 2016 dont :

ü 1 ou 2 jours, 41.8% des sujets en 2013 et un peu moins en 2016, 40.6% ;

ü de 3 à 5 jours, 33.7% en 2013 et 33.2% en 2016 ;

ü de 6 à 10 jours, 11.2% en 2013 et 11.4% en 2016 ;

ü enfin, plus de 10 jours, 13.3% des sujets en 2013 et 14.8% en 2016.

Le présentéisme n'apparaît donc pas comme un phénomène anodin puisqu'il touche plus de 44% des sujets en 2016. De plus, il est à noter qu'entre 2013 et 2016, le présentéisme est en augmentation, de même que le nombre de jours moyens (2.5 jours en 2013 et 3.1 jours en 2016).

Présentéisme en fonction des caractéristiques individuelles

Le présentéisme est plus marqué chez les femmes (49.5% avec une moyenne de 3.6 jours) que chez les hommes (38.6% avec 2.7 jours en moyenne).

En termes de tranches d'âge, les plus sujets au présentéisme sont les 26-35 ans (46.8% et 2.9 jours en moyenne), les 36-45 ans (46.7% et 3 jours en moyenne), les 46-55 ans (43.3% et 3.6 jours en moyenne) puis les 56-65 ans (40.5% et 3.8 jours en moyenne) et les sujets les plus jeunes de 18-25 ans (38.6%, 1.9 jour en moyenne).

Selon le statut, les sujets en contrat à durée déterminée sont moins fréquemment sujets au présentéisme (33.4% et 1.3 jour en moyenne de présentéisme), de même que ceux dont l'ancienneté est inférieure à un an (30.7% et 1.3 jours en moyenne), que les sujets en contrat à durée indéterminée (46.1% et 3.4 jours en moyenne). En revanche, les salariés qui ont peur de perdre leur emploi sont plus fréquemment sujets au présentéisme (52.8% et 4.5 jours de présentéisme en moyenne).

Selon la catégorie socioprofessionnelle, les employés (45.9% et 3.5 jours de présentéisme en moyenne) et les professions intermédiaires (46.6% et 3 jours en moyenne) sont plus enclins au présentéisme que les ouvriers (42% et 3.4 jours en moyenne) et, surtout que les cadres (40.1% et 2.2 jours en moyenne).

Les agents de la Fonction publique sont plus sujets au présentéisme (46.8% et 3.4 jours en moyenne) - particulièrement ceux de la Fonction publique hospitalière (50.9% et 3.6 jours en moyenne de présentéisme) et de la Fonction publique d'État (49.2% et 3.3 jours en moyenne) - que les salariés du privé (43.2% et 3 jours en moyenne).

Lien du présentéisme avec l'organisation du travail

La fréquence du présentéisme varie en fonction de certaines contraintes de travail liées à l'organisation du travail.

Ainsi, par rapport au taux global de 44.3% des sujets faisant du présentéisme en 2016, avec en moyenne 3.1 jours, les situations ci-dessous sont associées à une augmentation du taux et des journées de présentéisme (entre parenthèses, le nombre de jours en moyenne) :

ü heures de travail supérieures à la médiane, 46.1% (3.3 jours) ;

ü horaires atypiques, 46% (3.1%) ;

ü rythme de travail lié aux contraintes de machines, 51% (4.7 jours), à la demande interne ou externe, 46.8% (3.3 jours), aux normes de production, 48.4% (3.6 jours), au contrôle par la hiérarchie, 52.6% (5 jours) et à la dépendance d'un collègue, 50.9% (4 jours) ;

ü manquer de temps pour faire son travail, 60.9% (5.3 jours) ;

ü se dépêcher souvent ou toujours, 55.3% (4.5 jours) ;

ü recevoir de l'aide, 43.9% (3 jours).

Présentéisme et autonomie dans l'activité

La possibilité de marges de manœuvre au sein de son activité est susceptible de diminuer de façon nette le présentéisme.

Ainsi, en 2016, l'absence de délais pour réaliser les tâches est en lien avec un présentéisme moins fréquent (42.2% et 2.8 jours en moyenne) que lorsque les salariés doivent subir des délais qui leur sont imposés (47.1% et 3.7 jours en moyenne).

De même lorsque les salariés ont le choix des méthodes de travail (43.9% de sujets faisant du présentéisme et 3 jours en moyenne), la fréquence du présentéisme est moindre que pour l'ensemble des travailleurs.

Lorsqu'il n'y a pas de consignes concernant l'activité (40.1% et 2.9 jours) et lors d'application stricte des consignes (40% et 2.9 jours), le présentéisme est moins important que la moyenne. En revanche, lorsqu'il n'y a pas d'application stricte des consignes la plupart du temps, le taux et le nombre de jours de présentéismes sont plus élevés, respectivement 50.9% et 4.2 jours.

Les tâches d'encadrement entraînent une surreprésentation des sujets en présentéisme (45.7% et 3.5 jours).

Présentéisme, vécu du travail et santé perçue

Le présentéisme varie aussi avec le vécu du travail par les salariés, un travail intéressant, l'apprentissage de choses nouvelles, la reconnaissance de son travail et des possibilités d'évolution diminuent le présentéisme. Au contraire, le fait de ressentir une mauvaise santé perçue augmente de façon importante le présentéisme.

C'est ce que montrent les données suivantes avec, entre parenthèses, le taux et les jours de présentéisme, pour diverses situations, la moyenne étant de 44.3% et de 3.1 jours de présentéisme :

ü apprendre des choses nouvelles (42.9% et 2.8 jours) ;

ü sentiment d'un travail utile aux autres (38.6% et 2.7 jours) ;

ü travail bien reconnu (39% et 2.2 jours) ;

ü perspectives de promotion satisfaisantes (35.3% et 1.9 jour) ;

ü mauvaise santé perçue (72.1% et 12.9 jours) ;

ü  assez bonne santé perçue (58.4% et 5.4 jours) ;

ü bonne santé perçue (42.3% et 2.3 jours) et très bonne santé perçue (30.9% et 1.2 jour).

Conclusion

Si les caractéristiques individuelles des travailleurs jouent sur le présentéisme, les caractéristiques de l'organisation du travail semblent jouer le premier rôle dans ce domaine. Et ce phénomène s'est accentué entre 2013 et 2016. Le présentéisme apparaît donc bien lié à la qualité de vie au travail, voire à la santé au travail.

Ainsi, " Pour combattre ce phénomène, les organisations devraient tout mettre en œuvre pour limiter la charge de travail imposée aux salariés et leur concéder une véritable autonomie dans l’organisation de leur travail au jour le jour, tout en préservant les collectifs de travail, comme le préconise l’ANACT (2015), notamment. Et ce, afin de protéger la santé des travailleurs. En ce sens, la lutte contre le présentéisme comme enjeu de santé publique est désormais une question majeure. Il est probable que les leçons tirées ou à tirer de la crise sanitaire que nous traversons en France et en Europe contribueront à faire bouger les lignes, à condition qu’être malade conduise à un vrai repos et non pas seulement à travailler chez soi. "

https://ceet.cnam.fr/publications/connaissance-de-l-emploi/presenteisme-pour-maladie-une-consequence-de-l-organisation-du-travail--1259588.kjsp?RH=1507126380703

 

 

Pour celles et ceux qui ont eu le courage de lire cette lettre jusque la fin, je vous informe qu'à la fin du débat du 27 mai avec Mmes Lecocq et Grandjean, M. Artano, sénateur, a annoncé que le texte de loi sur la réforme de la santé au travail était examiné en commission des affaires sociales et devrait être examiné par l'ensemble des sénateurs le 6 juillet 2021… Ce sera bien entendu suivi…

 

Jacques Darmon

 

Si vous souhaitez ne plus figurer sur cette liste de diffusion, vous pouvez m'en faire part à l'adresse suivante : jacques.darmon@orange.fr.

 

 

 

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