Lettre d'information - Envoi 10 du 23 mai 2021

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Le 23 mai 2021

 

Dans cette lettre, nous abordons les thèmes suivants… Textes de loi… Un décret crée le tableau 101 des maladies professionnelles consacré aux cancers du rein liés à l'exposition au trichloréthylène… Jurisprudence… Un arrêt du Conseil d'Etat sur le licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé et un rappel de la doctrine dans ce domaine…un arrêt de la Cour de cassation sur les modalités de mise en œuvre des dispositions spécifiques en cas d'inaptitude professionnelleet un rappel sur la jurisprudence en termes de qualification de la visite de reprise et de délivrance du Cerfa d'indemnité temporaire d'inaptitude… Une intéressante étude sur les symptômes persistants de la Covid-19 six mois après une forme sévère avec hospitalisation… Un commentaire d'un document sur les conduites addictives en population active…

 

Veille juridique de l'Inspection médicale d'Ile de France

Vous pourrez trouver, en pièce jointe, la toujours très intéressante veille juridique de l'Inspection médicale d'Ile de France. Il s'agir de la 2e veille de 2021 qui recense les textes de loi et réglementaires du 2e trimestre et une sélection de jurisprudences concernant la santé au travail.

 

Je vous rappelle que vous pouvez accéder à mes lettres d’information depuis un an sur un blog à l’adresse suivante : https://bloglettreinfo.blogspot.com/.

 

·     Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d'Etat

 

Décret n° 2021-636 du 20 mai 2021 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale

Ce décret crée le tableau 101 des maladies professionnelles intitulé " Affections cancéreuses provoquées par le trichloréthylène ".

Les caractéristiques de ce tableau sont :

ü désignation des maladies : cancer primitif du rein ;

ü délai de prise en charge : 40 ans (sous réserve d'une durée d'exposition de 10 ans) ;

ü liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : Travaux exposant aux vapeurs de trichloréthylène : Dégraissage et nettoyage de l'outillage, des appareillages mécaniques ou électriques, de pièces métalliques avant 1995.

Selon la revue Santé & Travail, ce tableau était prêt depuis 2017 et il a fallu presque quatre ans pour qu'il soit publié voir en pièce jointe, avec l'aimable autorisation de la revue S&T, l'article à ce sujet).

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043523521

 

·     Jurisprudence

 

L'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail pour inaptitude d'un salarié protégé est justifiée si l'employeur a suivi les préconisations du médecin du travail faites après l'avis d'inaptitude

Il s'agit d'un arrêt du Conseil d'Etat en date du 16 avril 2021 – n° 433905, mentionné dans les tables du recueil Lebon – qui apporte encore des précisions en cas d'inaptitude et de licenciement d'un salarié protégé pour lequel une demande d'autorisation administrative est obligatoire pour le licenciement.

Préambule

Depuis 2013, la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation sont unifiées en termes d'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé déclaré inapte par le médecin du travail. Dans son arrêt du 20 novembre 2013 – CE, pourvoi  n° 340591, publié au recueil Lebon – le Conseil d'Etat affirme " que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés [protégés] est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise "

Il en ressort que " si l'administration doit ainsi vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, la décision de l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, fasse valoir devant les juridictions compétentes les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur ".

Dans son arrêt du 27 novembre 2013 sur le même thème - Cass. Soc. pourvoi n° 12-20301, publié au Bulletin - la Cour de cassation est en phase en écrivant : " Mais attendu que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ". Cet arrêt a été commenté dans le Rapport 2013 de la Cour de cassation (page 567).

Cette position de la Cour de cassation a été confirmée dans un arrêt plus récent, en date du 29 juin 2017 – Cass. Soc. pourvoi n° 15-15.775, publié au Bulletin – , où il s’agissait d'une médecin du travail reconnue inapte après avoir subi un harcèlement. La Cour de cassation écrit " qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a relevé que la salariée avait subi pendant de nombreuses années des changements de secrétaires de plus en plus fréquents, ayant entraîné une désorganisation de son service avec de très nombreux dysfonctionnements et un accroissement de sa charge de travail, que malgré ses nombreuses plaintes, l'employeur n'avait procédé à aucune modification de ses conditions de travail, lesquelles avaient eu des répercussions sur sa santé mentale, a estimé que cet employeur avait commis un manquement à son obligation de sécurité, dont la salariée était fondée à solliciter la réparation du préjudice en résultant et, ayant fait ressortir que l'inaptitude de la salariée était en lien avec ce manquement, a exactement décidé que celle-ci était en droit de percevoir, outre une indemnité pour perte d'emploi, une indemnité compensatrice du préavis dont l'inexécution était imputable à l'employeur ".

Jurisprudence du jour

Les faits – A la suite d'un accident du travail, une salariée, Mme A…, a été déclarée inapte à son poste d'auxiliaire de vie dans une association d'accompagnement et de maintien à domicile.

Le 31 mars 2015, l'inspectrice du travail autorise le licenciement de cette salariée. La salariée saisit le tribunal administratif qui confirme l'autorisation de licenciement, le 10 mai 2017. Mais la cour d'appel administrative, saisie par la salariée, fait droit à ses demandes, le 25 juin 2019, en infirmant le jugement du tribunal administratif et en annulant l'autorisation de licenciement de l'inspectrice du travail.

L'employeur se pourvoit en cassation devant le Conseil d'Etat.

Le Conseil d'Etat rappelle les obligations de l'article L. 1226-10 en cas d'inaptitude suite à un accident du travail de rechercher un poste de reclassement en prenant en compte les préconisations du médecins du travail et de l'article L. 1226-12, pour licencier le salarié, de justifier de l'impossibilité de reclassement ou du refus du salarié d'un poste compatible avec les préconisations du médecin du travail.

Le Conseil d'Etat revient sur le rôle de l'administration : " Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Lorsqu'après son constat d'inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s'il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l'employeur. "

La conclusion du Conseil d'Etat est donc la suivante : " Dès lors, en jugeant que l'association pour l'accompagnement et le maintien à domicile ne pouvait, en vue de justifier du caractère sérieux de sa recherche de reclassement de Mme A..., se prévaloir, notamment, des échanges qu'elle avait eus, après le constat d'inaptitude, avec le médecin de travail sur les possibilités de reclassement de cette salariée, sans pour autant retenir qu'il n'y avait pas lieu, en l'espèce, de tenir compte de ces préconisations, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, l'association pour l'accompagnement et le maintien à domicile est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ".

Le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour administrative d'appel et renvoie l'affaire devant cette même cour.

Conseil d'Etat n° 433905 du 16 avril 2021

 

Conditions d'application, lors d'une inaptitude, des dispositions spécifiques des accidents du travail et des maladies professionnelles

Il s'agit d'un arrêt du 5 mai 2021 de la chambre sociale de la Cour de cassation - Cass. Soc. pourvoi n° 20-13551, inédit - qui a le mérite de rappeler les modalités de mise en œuvre des dispositions spécifiques de l'article L. 1226-14 du Code du travail lorsqu'une inaptitude est susceptible d'être, au moins partiellement, d'origine professionnelle. Ces dispositions protectrices des victimes de pathologies en lien avec le travail sont, d'une part, le doublement de l'indemnité de licenciement et, d'autre part, le droit à une indemnité compensatrice de préavis. Parmi les dispositions spécifiques figure aussi la possibilité, si le médecin délivre et remplit le Cerfa pour l'indemnité temporaire d'inaptitude, que la période maximale d'un mois après l'inaptitude, normalement non rémunérée par l'employeur, soit prise en charge par l'Assurance maladie au titre de l'article R. 4524-56 du Code du travail.

Les faits – Un salarié a été embauché le 1er octobre 2001 par une société de transport en qualité de chauffeur routier. Le 15 septembre 2014, à l'issue d'un arrêt maladie, il est déclaré, en une seule visite, inapte à tout poste dans l'entreprise pour danger immédiat.

Le salarié est licencié par son employeur le 15 novembre 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Il saisit la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

L'employeur se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel qui l'a, notamment, condamné à payer l'indemnité spéciale de licenciement et compensatrice de préavis au titre de l'articles L. 1226-14 et une indemnité pour manquement aux dispositions de l'article L. 1226-15 du Code du travail. L'employeur critique la décision de la cour d'appel qui a décidé d'appliquer les dispositions spécifiques de ces articles du Code du travail en déduisant du fait qu'il était mentionné sur l'avis du médecin du travail qu'il y avait un danger immédiat en lien avec le travail, que cette inaptitude était d'origine professionnelle.

La réponse de la Cour de cassation rappelle la jurisprudence constante en la matière depuis des années et en tire les conclusions :

" Vu l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 :

Il résulte de ce texte que les règles applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie.

Pour retenir l'origine professionnelle de l'inaptitude, l'arrêt énonce que si la cour n'a pas retenu pour établi le harcèlement moral, il apparaît du dossier que dès le 15 septembre 2014, l'employeur a connaissance de l'inaptitude et de son origine professionnelle, étant informé par l'avis d'inaptitude de l'existence d'une situation de danger immédiat en lien donc avec le travail. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si l'inaptitude avait au moins partiellement pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. "

L'arrêt de la cour d'appel est cassé sur l'ensemble des indemnités accordées au salarié et renvoie l'affaire devant une autre cour d'appel.

Cour de cassation - pourvoi n° 20-13551 du 5 mai 2021

 

Visite de reprise et délivrance du Cerfa d'ITI

Dans les suites de l'arrêt commenté ci-dessus, je souhaite faire un point sur l'état des jurisprudences dans deux situations fréquentes dans la pratique de la santé au travail.

D'une part, lors de mes consultations de pathologie professionnelle à l'Hôtel Dieu, j'ai constaté qu'à plusieurs reprises des médecins du travail ont refusé de recevoir ou n'ont pas voulu donner un avis (voire émettre une inaptitude) en visite de reprise des salariés car ces salariés étaient encore en arrêt de travail, parfois pour leur dernier jour.

D'autre part, certains médecins du travail, alors qu'a priori l'inaptitude était, d'évidence, en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle, ne remplissaient pas le formulaire d'incapacité temporaire d'inaptitude (ITI, Cerfa 14103*1), qui permet une prise en charge financière, par un équivalent des indemnités journalières, durant le délai maximum d'un mois pendant lequel le salarié attend son reclassement ou son licenciement. Ce document marque le lien entre l'inaptitude et la pathologie professionnelle et permet au salarié de bénéficier d'un droit. Ceci alors que parfois j'en ai fait explicitement mention dans le courrier adressé au médecin du travail.

Aussi, je souhaite rapporter la jurisprudence au sujet de ces deux thèmes, qui date un peu mais n'a pas été depuis, à ma connaissance, contredite.

Qualification de la visite de reprise

Voici donc ce qu'affirme cet arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2011 - Cass. Soc. pourvoi n° 09-68544 - publié au Bulletin d'information de la Cour de cassation, quant à la qualification de la visite de reprise : " Mais attendu, d'abord, qu'après avoir exactement rappelé que la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut être sollicitée par le salarié auprès du médecin du travail en avertissant l'employeur de cette demande, la cour d'appel, ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le médecin du travail avait, le 15 mars 2007, rendu un avis d'inaptitude totale et définitive en visant l' existence d' un danger immédiat et l'article R. 241-51-1 du code du travail lui permettant de déclarer l'inaptitude du salarié après un seul examen, a pu déduire de ses énonciations que cet examen correspondait à une visite de reprise. "

Ainsi, les conditions cumulatives suivantes sont nécessaires pour qu'une visite soit qualifiée de visite de reprise :

ü la visite a été demandée au médecin du travail, ou au service de santé au travail, par l'employeur ou le salarié. Si le salarié en a fait directement la demande, l'employeur doit être informé de cette demande de visite de reprise (personnellement, je conseille au salarié de prendre rendez-vous auprès du service de santé au travail et d'adresser, par lettre recommandée avec accusé de réception, la date du rendez-vous à l'employeur, avec éventuellement copie au médecin du travail afin qu'il soit sûr que l'employeur est averti) ;

ü le médecin du travail indique sur l'avis qu'il s'agit d'une visite de reprise.

Quant à la possibilité, si les conditions ci-dessus sont réunies, de réaliser une visite de reprise, et de prononcer une inaptitude, alors que le salarié est encore en arrêt de travail, elle est énoncée dans une jurisprudence publiée au Bulletin d'information de la Cour de cassation en date du 24 juin 2009 (Cass. Soc. pourvoi n° 08-42618). L'arrêt indique que " attendu, d'une part, que l'envoi par un salarié de la prolongation d'un arrêt de travail n'interdit pas de retenir la qualification de visite de reprise et qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que Mme X..., qui invoquait l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement des salaires à l'expiration du délai d'un mois à compter de la seconde visite du 28 juillet 2004, ait admis avoir été en arrêt de travail, sans discontinuer jusqu'au 27 juillet 2004 ;

Attendu, d'autre part, que la salariée ayant été déclaré inapte par le médecin du travail, la délivrance d'un nouvel arrêt de travail ne pouvait avoir pour conséquence juridique d'ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime juridique applicable à l'inaptitude ".

Dans cette affaire, la salariée qui a passé la visite de reprise le 13 juillet 2004 (qui était, à l'époque la première visite de la procédure d'inaptitude qui se déroulait en 2 visites espacées d'au moins 15 jours) avait été en arrêt de travail sans discontinuer depuis le 4 juin jusqu'au 27 juillet 2004 (et elle avait alors passé la 2e visite de la procédure d'inaptitude). Elle était donc en arrêt de travail lorsqu'elle a passé la visite de reprise et que l'avis d'inaptitude a été émis, le 13 juillet 2004.

Dans un autre arrêt un peu antérieur du 9 avril 2008 (Cass. Soc. pourvoi n° 07-40832, inédit) la Cour de cassation avait déjà établi que si les conditions requises pour qualifier une visite de reprise étaient remplies, le fait que le salarié soit en arrêt de travail importait peu. C'est ce qu'écrit la Cour de cassation au visa des articles L. 122-24-4 et R. 241-51 du Code du travail alors en vigueur.: " Qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé si l'avis du médecin du travail n'avait pas été délivré à la demande de la salariée qui en avait informé son employeur, en vue de la reprise du travail, ce dont il résulterait que la période de suspension du contrat de travail, au sens de l'article R. 241-51 du code du travail, avait pris fin, peu important à cet égard que la salariée ait continué à bénéficier d'un arrêt de travail de son médecin traitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés "

Dans cet arrêt, le jugement de la cour d'appel est cassé car elle a considéré le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse car l'inaptitude avait été déclarée alors que la salariée était en arrêt maladie, et donc en période de suspension de son contrat de travail puisqu'elle avait décidé que la visite de reprise n'était pas validée du fait d'un arrêt de travail en cours.

Indemnité temporaire d'inaptitude

Selon l'article R. 4624-56 du Code du travail, " Lorsque le médecin du travail constate que l'inaptitude du salarié est susceptible d'être en lien avec un accident ou une maladie d'origine professionnelle, il remet à ce dernier le formulaire de demande prévu à l'article D. 433-3 du code de la sécurité sociale. "

Or certains médecins du travail refusent de remplir ce document sous le prétexte que l'accident du travail n'a pas été reconnu par la Sécurité sociale (parfois d'ailleurs parce que la procédure de reconnaissance est en cours, surtout pour les maladies professionnelles).

Aussi, je souhaite rappeler que, pour deux autres dispositions, aussi liées à l'inaptitude d'un salarié, en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle, le doublement de l'indemnité légale de licenciement et le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la jurisprudence n'exige pas la reconnaissance de la maladie par la Sécurité sociale. En effet, " les règles applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie. " (Voir l'arrêt ci-dessus).

Au-delà même de la décision prise dans la jurisprudence précédente, un arrêt du 9 juin 2010, plus ancien, de la Cour de cassation, publié au Bulletin - Cass. Soc. pourvoi n° 09-41040) -, et dont je n'ai pas trace qu'il a été contredit, indique que les dispositions favorables en cas d'inaptitude d'origine professionnelle ont vocation à s'appliquer en dehors de la position de la caisse primaire d'assurance maladie. Voilà l'attendu de cet arrêt : " les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que l'application de l'article L. 1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude ; qu'ayant relevé que le salarié avait bénéficié d'un arrêt de travail, le 22 juillet 2002 pour rechute d'accident du travail initial et qu'il n'avait pas repris le travail ensuite jusqu'à l'engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude, la cour d'appel, qui a constaté que l'inaptitude avait au moins partiellement pour origine l'accident du travail et que l'employeur en avait connaissance au moment du licenciement, a légalement justifié sa décision. "

Dans un autre arrêt inédit du 28 avril 2011 (Cass. Soc. pourvoi n° 09-43550), la Cour réitère son point de vue au sujet d'un arrêt qui pour juger que le salarié " ne pouvait bénéficier des règles protectrices relatives aux accidents du travail ou maladies professionnelles, l’arrêt retient que l’organisme social n’a pas reconnu l’origine professionnelle de la maladie du salarié lorsqu’il se trouvait en arrêt de travail du 2 juin 2005 au 23 octobre 2006 ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’application des dispositions protectrices des victimes d’accident du travail n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude, et qu’il appartenait aux juges du fond de rechercher eux-mêmes l’existence de ce lien de causalité, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision "

En conclusion :

ü dès lors que le salarié vient pour passer une visite de reprise à sa demande ou à celle de son employeur– même s'il n'y a aucune idée de reprise réelle – et que l'employeur a été prévenu de cette visite, il est tout à fait possible de déclarer une inaptitude, même si le salarié est en arrêt maladie ;

ü le document Cerfa d'indemnité temporaire d'inaptitude devrait systématiquement être rempli si " il est susceptible d'être en lien " - comme l'indique le Cerfa - avec un accident du travail ou une maladie professionnelle. C'est un droit social dont doit bénéficier la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Voir l'article 76 du Code de déontologie médicale.

 

·       Symptomatologie persistante après Covid-19 (Etude)

Cet article est sous presse pour la revue Clinical Microbiology and Infection sous le titre " Persistent COVID-19 symptoms are highly prévalent 6 months after hospitalization: results from a large prospective cohort ". Il est signé de Jade Ghosn and al. Vous pourrez y accéder sur le site de la revue à l'adresse en fin de commentaire et en document joint.

Introduction

La phase initiale de la Covid-19 se présente sous diverses formes cliniques, depuis la forme asymptomatique jusqu'à une phase aiguë couramment accompagnée de symptômes comme une toux, une dyspnée, de symptômes tels ceux de la grippe, des douleurs articulaires, des troubles gastro-intestinaux et de l'anosmie et de l'agueusie.

En France, 83% des patients hospitalisés pour une Covid-19 sévère étaient vivants deux mois après leur admission.

Récemment, des études ont mis en évidence la persistance de symptômes de la maladie jusque trois mois après la sortie de l'hôpital.

Cependant, peu est connu sur la fréquence et la nature de ces symptômes au-delà de trois mois.

Aussi, une étude prospective longitudinale a été mise en œuvre afin d'estimer les symptômes persistant six mois après une admission à l'hôpital.

Matériel et méthodes

Les patients de cette étude ont été hospitalisés pour un Covid-19, biologiquement confirmé, entre le 24 janvier et le 10 avril 2020, et enrôlés dans un suivi de 6 mois.

Sur les 2858 patients enrôlés durant cette période, 292 (10%) sont décédés durant leur hospitalisation initiales, 29 (1%) sont décédés entre leur sortie de l'hôpital et le 6e mois de l'étude, 35 patients ont retiré leur consentement et 2 patients n'ont pas été présent à la consultation au 6e mois.

Ainsi, au total, il y a eu 1137 participants répartis dans 63 centres.

Résultats

Caractéristiques des patients lors de l'hospitalisation

L'âge médian des patients était de 61 ans, les femmes au nombre de 424 représentaient 37% des patients hospitalisés.

Cette étude fournit, étonnamment, des résultats sur l'origine ethnique des patients, comme les études anglo-saxonnes. N'ayant pas d'effet sur les résultats, je ne fournis pas ces données.

Une majorité des patients (65%) n'avait jamais fumé et respectivement 29% et 6% étaient d'anciens fumeurs et des fumeurs actuels.

Les comorbidités les plus fréquentes chez les patients étaient l'hypertension (38%), une obésité (22%), une pathologie cardiaque chronique (18%) et un diabète de type 1 ou 2. On notait une absence de comorbidités chez 29% des patients, 32% en présentaient une ou deux et 62% en présentaient trois ou plus.

Suivi durant l'hospitalisation

Durant l'hospitalisation, 29% des patients ont été admis en unité de soins intensifs, 72% ont bénéficié d'une oxygénothérapie et 15% d'une ventilation non invasive.

Les traitements administrés durant l'hospitalisation : produit antiviral (22%), hydroxychloroquine (16%), antibiotique (64%), immunomodulateur (2%) et corticostéroïde (18%).

La durée moyenne d'hospitalisation a été de 9 jours avec un intervalle de 5 à 15 jours.

Suivi après la sortie

La durée médiane entre l'apparition des symptômes et la consultation à 6 mois a été de 194 jours avec un intervalle de 188 à 205 jours et la durée médiane de l'intervalle entre la sortie de l'hôpital et la consultation à 6 mois a été de 177 jours avec un intervalle compris entre 168 et 186 jours.

Evolution de la symptomatologie chez les patients

Trois mois après la sortie de l'hôpital, 32% des patients ne présentaient aucun symptôme, 42% en présentaient 1 ou 2 et 27% en présentaient 3 ou plus.

Six mois après la sortie de l'hôpital, 40% des patients ne présentaient plus aucun symptôme, 36% en présentaient 1 ou 2 et 24% en présentaient trois ou plus.

Evolution de la présence des symptômes chez les patients sur les trois périodes de l'étude, au moment de l'admission à l'hôpital puis trois mois et six mois après la sortie de l'hôpital :

ü fatigue, 970, 944 et 1063 (soit, pour cette dernière période juste un peu moins de 40% des sujets et environ 18% chez les femmes et 20% chez les hommes) ;

ü dyspnée, 1014, 948 et 1065, un peu plus fréquente à six mois chez les hommes que chez les femmes ;

ü douleurs articulaires, 920, 941 et 1061, modérément plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes ;

ü myalgies, 954, 940 et 1062, là aussi très modérément plus présentes chez les hommes que chez les femmes ;

ü céphalées, 964, 941 et 1064 dont la présence est sensiblement identique chez hommes et femmes ;

ü rhinorrhée, 936, 941 et 1060 qui est présente un peu plus fréquemment chez les hommes au 6e mois ;

ü toux, 1018, 946 et 1062 aussi un peu plus fréquente chez les hommes au 6e mois ;

ü mal de gorge, 911, 942 et 1059 avec une quasi-égalité de la présence de ce symptôme chez hommes et femmes au 6e mois ;

ü agueusie, 856, 937 et 1057 et anosmie, 858, 934 et 1059.

Ces deux symptômes sont quasiment présents au même taux chez hommes et femmes au 6e mois.

Ainsi, au 3e mois et au 6e mois, 655 patients (68% avec intervalle de confiance à 95% de 65-71%) avaient au moins un symptôme, principalement de la fatigue, une dyspnée, des douleurs articulaires et des myalgies.

Au terme des six mois de l'étude, 255 patients présentaient trois des symptômes ou plus, soit 24% des patients, avec un intervalle de confiance de 21-27%. L'anosmie et l'agueusie étaient présentes à ce stade chez 79 des patients, 7% [6%-9%].

Retour à l'emploi

Entre la sortie de l'hôpital et la consultation du 6e mois, pour ceux qui étaient en activité initialement, 304/429, soit 71% avaient repris le travail.

Un nombre de 125 patients (29% [25%-34%]) qui étaient initialement en emploi n'ont pas reprise le travail à l'issue de l'étude.

Les facteurs favorisants de la présence de symptômes persistants

La présence d'au moins trois symptômes au 6e mois était plus fréquente chez les femmes avec un OR de 2.1 [1.51-2.68].

L'analyse multivariée portant sur le sexe, le fait d'avoir au moins trois symptômes à l'admission à l'hôpital et le transfert en unité de sons intensifs durant la phase aigue de la pathologie a permis de mettre en évidence les associations suivantes avec la présence d'au moins trois symptômes à 6 mois :

ü être une femme entraîne une augmentation de l'association d'un facteur de 2.40 [1.75-3.30] avec p<0.001 ;

ü avoir présenté trois symptômes à l'admission à l'hôpital entraîne une association augmentée d'avoir trois symptômes à 6 mois avec un OR de 2.04 [1.45-2.89] avec p<0.001 ;

ü avoir nécessité un transfert en unité de soins intensifs durant la phase aiguë de la maladie augmente l'association avec un OR de 1.55 [1.09-2.18] avec p de 0.013.

En revanche, ni l'âge, ni la présence de deux comorbidités ne sont associés à une augmentation de la présence de symptômes persistants à six mois.

Conclusion

Les auteurs de l'étude indiquent que 60% des sujets admis à l'hôpital pour un Covid-19 se plaignent d'au moins un symptôme persistant six mois après l'admission à l'hôpital. Un quart des patients présentent, à six mois, trois symptômes ou plus. De plus, les données suggèrent que la symptomatologie présente au 3e mois non seulement persiste mais parfois augmente au 6e mois.

La présence de ces symptômes a des effets sur la désinsertion professionnelle puisque un tiers de ceux qui avaient un emploi avant leur admission à l'hôpital n'avaient pas repris le travail au 6e mois après leur admission à l'hôpital.

L'association de la persistance de symptômes cliniques au 6e mois avec le sexe et la présentation clinique initiale (avoir trois symptômes ou plus et avoir été transféré en unité de soins intensifs) suggère un rôle intrinsèque du virus et de la gravité initiale de la maladie.

https://www.clinicalmicrobiologyandinfection.com/action/showPdf?pii=S1198-743X%2821%2900147-6

 

·       Conduites addictives dans la population active

Le document commenté est intitulé " Les conduites addictives de la population active – chiffres clés issus de la cohorte Constances ". Vous pourrez y accéder en pièce jointe et à l'adresse en fin de commentaire. Il est publié par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).

Selon son site, " Constances est une cohorte épidémiologique « généraliste » constituée d'un échantillon représentatif de 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l'inclusion, consultants des Centres d'examens de santé (CES) de la Sécurité sociale. "

Introduction

Les principales substances consommées par les salariés et les agents de la Fonction publique sont :

ü le tabac, l'alcool et le cannabis ;

ü le mésusage des psychotropes qui doit aussi faire l'objet d'une vigilance particulière.

Le cannabis a tendance à se substituer à la consommation d'alcool.

L'usage de cocaïne, non mesurée dans Constances, est en augmentation mais ne concerne qu'une minorité de la population active.

Les données fournies dans ce document doivent permettre d'articuler des actions de prévention collective et de réaliser un accompagnement individuel des salariés et des agents publics en difficulté avec leur consommation.

Consommation de substance psychoactives par la population en emploi

Le tabac

Parmi la population active, 27% des hommes et 23% des femmes consomment du tabac.

La consommation de tabac varie aussi en fonction de l'âge et de la catégorie socioprofessionnelle (CSP).

Les 18-35 ans sont les plus nombreux à fumer, 37.7% pour les hommes et 31.6% pour les femmes (ils sont respectivement 13% et 4.5% à fumer 20 cigarettes ou plus par jour).

Les 36-50 ans sont 27.9% chez les hommes et 22.6% chez les femmes à fumer mais leur consommation de 20 cigarettes ou plus est plus fréquente, elle touche 23.9% des hommes et 11.4% des femmes.

Enfin, les sujets de 50 ans ou plus sont moins nombreux à fumer, 15.6% pour les hommes et 14.1% chez les femmes mais leur consommation de 20 cigarettes ou plus par jour est importante, 33.2% chez les hommes et 22.8% chez les femmes.

Cette consommation est plus marquée dans certaines catégories socioprofessionnelles, 30.9% chez les employés ainsi que 35.8% chez les ouvriers et 31.3% chez les ouvrières (dont respectivement 28.1% et 24.9% fument 20 cigarettes ou plus par jour). Cette consommation est la plus faible chez les cadres, 19% chez les hommes et 15.8% chez les femmes qui sont aussi moins nombreux à fumer 20 cigarettes ou plus par jour, 15.8% chez les hommes et 8.9% chez les femmes.

L'alcool

Parmi la population active occupée, la consommation d'alcool à risque concerne 19.8% des hommes et 8% des femmes. Parmi les populations surreprésentées en termes de consommation d'alcool, on trouve les 18-35 ans, 30.7% chez les hommes et 12.9% chez les femmes faisant un usage dangereux d'alcool.

Parmi les CSP, celles ayant le plus un usage dangereux d'alcool sont les employés avec 22.9% et les ouvriers et ouvrières avec respectivement 22% et 10.7% de consommation dangereuse d'alcool.

Les alcoolisations ponctuelles importantes (API, ou consommation d'au moins 6 verres en une seule occasion) ou " binge drinking " concernent, dans la population active occupée, 27.5% des hommes et 11.5% des femmes qui en font une au moins une fois par mois.

La fréquence de ces API varie selon l'âge des salariés, elle est chez les 18-35 ans de 11.4% chez les hommes et 5.1% chez les femmes, chez les 36 à 50 ans, 8.6% des hommes et 3.3% des femmes et chez les plus de 50 ans, le taux est de 7.5% chez les hommes et 3.1% chez les femmes.

Les 18-34 ans sont les plus exposés aux risques liés à l'alcool, 5.8% au risque de dépendance et 30.7% à un usage dangereux chez les hommes et respectivement 1.6% et 12.9% chez les femmes.

Parmi les CSP, les plus exposés chez les hommes sont les employés avec 7.7% de risque de dépendance et 22.9% d'usage dangereux (respectivement de 1% et 6.8% chez les femmes) puis les ouvriers avec 6% de risque de dépendance et 22% d'usage dangereux alors que ces taux sont respectivement de 2% et 6.6% chez les ouvrières.

Les cadres hommes sont nettement moins exposés (2.9% à un risque de dépendance et 16.3% à un usage dangereux). Chez les femmes cadres, le risque de dépendance est en ligne avec les autres CSP (1%) mais, en revanche, le risque d'usage dangereux est plus fréquent (10.7%).

L'appréciation du risque de la consommation d'alcool est faite par le test Audit (Alcohol Use DIsorders Test).

Ainsi, les hommes ouvriers et employés et les femmes des professions intermédiaires et des cadres sont plus concernés par un usage d'alcool à risques.

Les secteurs d'activité où le taux d'usagers à risque est le plus élevé sont l'industrie, le commerce, les services à la personne et l'éducation.

Dans tous les cas, il y a deux fois plus d'hommes que de femmes en usage d'alcool à risque, sauf dans le secteur des emplois administratifs où les différences entre hommes et femmes sont moins importantes.

Le cannabis

Parmi la population active occupée, 8% des hommes et 4% des femmes consomment du cannabis au moins une fois par semaine.

La consommation de cannabis, chez les 18-34 ans, plus d'une fois par semaine (14.2% chez les hommes et 6.8% pour les femmes) et moins d'une fois par semaine (28.5% pour les hommes et 25.2% chez les femmes) sont particulièrement fréquentes.

La consommation de cannabis moins d'une fois par semaine est plus fréquente chez les employés (11.6% chez les hommes et 5.9% chez les femmes) et plus d'une fois par semaine (respectivement pour hommes et femmes, 20.3% et 18.9%).

La consommation de cannabis moins d'une fois par semaine pour les hommes est aussi importante chez les ouvriers (17.6%) et les cadres (18.9%) et chez les femmes pour les ouvrières (18.9%), les employées (15.1%) et les cadres (14.6%).

Les médicaments psychotropes anxiolytiques

Parmi la population active occupée, 4.9% des femmes et 2.8% des hommes ont eu au moins un mésusage (une consommation au-delà de 12 semaines) d'anxiolytiques dans l'année. Dans 52.4%, il s'agit de femmes de plus de 50 ans et dans 58% d'hommes de plus de 50 ans.

Les CSP les plus concernées par les mésusages d'anxiolytiques sont les employées (56.3%) et les ouvriers (34.6%).

Risques addictifs et travail

" Chez les hommes, l'exposition stressante au public est associée à des risques augmentés d'usage de tabac, de cannabis et d'alcoolisations ponctuelles.

Chez les femmes, l'exposition stressante au public est associée à des risques accrus d'augmenter leur consommation de tabac et de cannabis ainsi que la consommation hebdomadaire d'alcool. De plus, chez les femmes exposées, il existe un risque au moins multiplié par deux de dépendance à l'alcool.

Le risque aggravé de consommation de substances psychoactives existe indépendamment de la présence d'autres facteurs de vulnérabilité (souffrance au travail, trouble de l'usage d'alcool) et quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle.

Tous les secteurs sont touchés mais certains le seraient encore plus tels que le secteur de la santé chez les femmes et l'éducation pour les femmes et les hommes. "

Différences de consommation en fonction du statut

Temps partiel et temps plein

Les addictions varient en fonction du statut de l'emploi à temps plein ou à temps partiel pour les différentes addictions.

Pour les hommes, les taux d'addiction sont respectivement pour les emplois temps plein versus les temps partiels :

ü fumeurs vie entière, 43% versus 46% ;

ü consommation d'alcool à risque dangereux ou problématique, 21.4% versus 24.6% ;

ü sujets concernés par des API au moins une fois par mois, 23.6% versus 25.6% ;

ü consommation de cannabis au moins une fois par semaine, 7% versus 16%.

Pour les femmes, les données pour les addictions des temps pleins versus les temps partiels sont les suivantes (j'ai vérifié les chiffres et il y a effectivement moins de consommation chez les temps partiels !) :

ü consommatrices de tabac vie entière, 46% versus 42% ;

ü consommation d'alcool à risque dangereux ou problématique, 7.9% versus 6.6% ;

ü sujets concernés par des API au moins une fois par mois, 8.6% versus 6.6% ;

ü consommation de cannabis au moins une fois par semaine, 4% versus 3%.

Personnes en emploi et inactifs

Globalement, les statistiques montrent que les demandeurs d'emploi consomment plus de substances psychoactives (tabac, alcool et cannabis) que les actifs occupés. Le fait d'être en emploi constituerait donc un facteur de protection contre les addictions.

Cependant, l'environnement de travail peut s'avérer plus ou moins protecteur selon les secteurs d'activité et les entreprises.

De plus, l'usage de substances addictives pourrait être à l'origine d'une perte d'emploi et être ainsi antérieur à la période d'inactivité.

Concernant le tabagisme, il y a 1.5 fois plus de fumeurs chez les inactifs que chez les sujets en emploi. Ce facteur multiplicatif est de 1.3 chez les femmes inactives par rapport aux femmes actives.

Chez les hommes, l'usage d'alcool augmente lorsque les conditions socio-économiques se dégradent. Les hommes inactifs ont une addiction à l'alcool deux fois plus importante que chez ceux en activité.

Chez les femmes des conditions socio-économiques favorables ne protègent pas nécessairement contre l'usage de l'alcool (voir ci-dessus les femmes cadres et l'alcool) mais les femmes inactives présentent deux fois plus d'addiction à l'alcool que les femmes en emploi.

Agents du secteur public et ensemble de la population active

Par rapport à la population active totale, voici les données que l'on peut présenter.

Pour les hommes, les taux respectivement dans le secteur public versus dans la population totale en activité de consommation des différentes substances :

ü tabac, 18.6% versus 27% ;

ü entre 10 et 19 cigarettes par jour, 7.7% versus 2.7% ;

ü plus de 20 cigarettes par jour, 3.1% versus 21.1% ;

ü alcool à risque, 19.6% versus 24% ;

ü cannabis au moins une fois par mois, 8.2% versus 8%.

Pour les femmes, ces données de consommation sont :

ü tabac, 15.8% versus 23% ;

ü entre 10 et 19 cigarettes par jour, 6.2% versus 42.6% ;

ü plus de 20 cigarettes par jour, 1.3% versus 9% ;

ü alcool à risque, 6.5% versus 24% ;

ü cannabis au moins une fois par mois, 2.6% versus 4%.

De plus, les salariés du secteur privé, en particulier les femmes, présentent des prévalences plus élevées de mésusage d'anxiolytiques que les agents de la Fonction publique : 3.3% des femmes du secteur privé versus 2.8% de celles du secteur public.

Les risques associés à l'usage des substances psychoactives

Le risque de perte d'emploi

L'usage d'alcool, de tabac ou de cannabis est associé à un risque augmenté de perte d'emploi à court terme. Il y a, de plus, un gradient croissant de risque de perte d'emploi associé à l'augmentation de la consommation.

Ce risque de perte d'emploi est présent quels que soient l'âge, le sexe, l'existence de symptômes dépressifs et l'état de santé général.

Le risque de perte d'emploi est présent même en l'absence d'autres facteurs de vulnérabilité tels que le niveau d'éducation, la CSP, le niveau de revenus, la présence de stress au travail, le type du contrat de travail, le temps de travail et la durée de temps passée au chômage.

Ainsi, les fumeurs ont un risque de perte d'emploi multiplié par 1.5 par rapport aux non-fumeurs, cela même pour ceux consommant moins de 10 cigarettes par jour.

Un usage dangereux de l'alcool (score au test d'Audit compris entre 8 et 15 points) multiplie d'un facteur 1.5 le risque de perte d'emploi. Pour les sujets dépendants, ce facteur multiplicateur de risque de perte d'emploi est de 2.

La consommation de cannabis moins d'une fois par mois est associée à un risque multiplié par 2 de perte d'emploi. Ce risque est multiplié par 3 lorsque la consommation de cannabis est d'au moins une fois par mois.

Liens entre consommation d'alcool et accidents du travail graves

Les informations fournies ici résultent de l'analyse des données de la cohorte Constances entre 2012 et 2015.

Le risque d'accident grave est en lien avec l'intensité de la consommation hebdomadaire, soit sous forme chronique, soit sous forme d'alcoolisation ponctuelle importante.

Selon ce document : " Le risque d’accidents du travail graves est multiplié par 2 dès lors qu'il existe une consommation chronique hebdomadaire excessive (définie dans la cohorte Constances par au moins 2 verres par jour chez les femmes et 4 verres par jour chez les hommes).

Le risque d’accidents du travail graves est augmenté de 50% pour ceux qui ont une API au moins une fois par semaine. "

https://www.drogues.gouv.fr/sites/drogues.gouv.fr/files/atoms/files/rapport_constances_web.pdf


Jacques Darmon

 

Si vous souhaitez ne plus figurer sur cette liste de diffusion, vous pouvez m'en faire part à l'adresse suivante : jacques.darmon@orange.fr.

 

 

 

 

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