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Le 21 mai 2023
Au sommaire de
cette lettre… Parmi les textes de loi… Un décret sur la déconjugalisation de
l’allocation d’adulte handicapé au 1er octobre 2023… Jurisprudence…
Un arrêt du Conseil d’Etat rejette la requête du Conseil national de l’Ordre
des médecins d’annulation du décret permettant aux infirmiers des services de
prévention et de santé au travail de réaliser les visites de pré-reprise, de
reprise et de mi-carrière… Une jurisprudence de la Cour de cassation sur la date de première constatation médicale d'une maladie professionnelle... L’aboutissement de la négociation des partenaires
sociaux relative à l’autonomisation de la Branche AT/MP… Deux documents
relatifs aux aidants en termes de retentissement sur leur santé et de charge
ressentie du fait de l’aide… Un Baromètre sur la santé psychologique des
salariés et la prévention des risques psychosociaux en entreprise…
Les lettres
d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse
suivante : https ://bloglettreinfo.blogspot.com/.
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Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions
parlementaires, Conseil d’État
Ce décret entre en vigueur le 1er octobre 2023.
Le décret est pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection
du pouvoir d'achat.
Voici la notice de ce texte qui modifie des articles du Code de la
Sécurité sociale : « le décret détermine les modalités de la
déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en ne tenant pas
compte des revenus du conjoint dans le calcul de la prestation et en supprimant
le plafond de ressources applicable aux couples. »
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047541289
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Jurisprudence
Il s’agit de l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 avril 2023, pourvoi n°
465318, inédit au recueil Lebon des arrêts du Conseil d’Etat.
Faits et
procédure – Le Conseil
national de l’Ordre des médecins (Cnom) a demandé devant les juridictions
administratives l’annulation du décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 relatif aux délégations de missions par les
médecins du travail aux infirmiers de santé au travail et, pour le moins,
l’annulation de la possibilité de déléguer les visites de pré-reprise et de
reprise du travail et la visite de mi-carrière par les infirmiers.
Rappels du
Conseil d’Etat
L’article L. 4622-8 (2e alinéa) du Code du travail issu de la loi du 21 août 2021
prévoit que les missions des services de prévention et de santé au travail sont
assurées par une équipe pluridisciplinaire. Un décret devant préciser dans quelles
conditions le médecin du travail peut déléguer, sous sa responsabilité et dans
le respect du projet de service, certaines missions à des membres de l’équipe
pluridisciplinaire, dans le respect de leurs compétences.
Le décret du 26 avril 2022 précise que le médecin du travail peut
confier, dans le cadre de protocoles écrits, des examens prévus dans le Code du
travail au chapitre IV du livre II de la 4e partie du Code du
travail, aux internes, aux collaborateurs médecins et aux infirmiers, à l’exception
des examens d’aptitude et de leur renouvellement (R. 4624-24 et R. 4624-25 du Code du travail). Avec néanmoins la réserve que les avis,
propositions d’aménagement et conclusions ne peuvent être émis que par le
médecin du travail.
Les visites de pré-reprise sont prévues par les articles L. 4624-2-4 (dans lequel il est indiqué que l’employeur doit informer le salarié de la
possibilité d’une visite de pré-reprise) et R. 4624-29. Selon l’article R. 4624-32, « Au cours de l'examen de préreprise, le médecin du travail
peut recommander : / 1° Des aménagements et adaptations du poste de travail ; /
2° Des préconisations de reclassement ; / 3° Des formations professionnelles à
organiser en vue de faciliter le reclassement du travailleur ou sa
réorientation professionnelle. / A cet effet, il s'appuie en tant que de besoin
sur le service social du travail du service de prévention et de santé au
travail interentreprises ou sur celui de l'entreprise. / Il informe, sauf si le
travailleur s'y oppose, l'employeur et le médecin conseil de ces recommandations
afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le
maintien dans l'emploi du travailleur. »
La visite de reprise est prévue par les articles L. 4624-2-3 et R. 4624-31 du Code du travail.
La visite de mi-carrière a été créée à l’article L. 4624-2-2 du Code du travail par la loi du 2 août 2023 avec les objectifs
suivants : « 1° Établir un état des lieux de l'adéquation entre le
poste de travail et l'état de santé du travailleur, à date, en tenant compte
des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été
soumis ; / 2° Évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant
en compte l'évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours
professionnel, de son âge et de son état de santé ; / 3° Sensibiliser le
travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des
risques professionnels. / Le médecin du travail peut proposer, par écrit et
après échange avec le travailleur et l'employeur, les mesures prévues à
l'article L. 4624-3. / II.-La visite médicale de mi-carrière peut être
réalisée par un infirmier de santé au travail exerçant en pratique avancée. Celui-ci ne peut proposer les mesures mentionnées
au dernier alinéa du I. À l'issue de la visite, l'infirmier peut, s'il l'estime
nécessaire, orienter sans délai le travailleur vers le médecin du
travail. »
Réponse du
conseil d’Etat
Relativement aux visites de reprise et de pré-reprise
En premier lieu, l'article L. 4622-8, mentionné ci-dessus, « habilite
l'autorité investie du pouvoir réglementaire à prévoir par décret en Conseil d'Etat les conditions
dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer, sous sa responsabilité et
dans le respect du projet de service pluriannuel, à un infirmier en santé au
travail la réalisation d'examens et visites prévus au titre II du livre VI de la quatrième
partie du code du travail, dans
les limites de leurs compétences respectives. Par suite, l'article 1er du décret
attaqué, en ce qu'il
prévoit que le médecin du travail peut confier, dans le cadre de protocoles
écrits et du projet de service pluriannuel, sous sa responsabilité, la réalisation
des visites et examens prévus au chapitre IV du titre II du livre VI de la
quatrième partie du code du travail - au nombre desquels figurent les visites
de préreprise et de reprise-, et dans le respect des compétences respectives du
médecin du travail et de l'infirmier en santé au travail, n'a pas été
édicté en méconnaissance des dispositions des articles L. 4624-2-3 et L.
4624-2-4 du code du travail, alors même que ces dispositions ne mentionnent pas
expressément la possibilité que le médecin du travail délègue à un infirmier en
santé au travail la réalisation des visites de préreprise et de reprise. »
En deuxième lieu, il ressort que « les visites de
préreprise et de reprise n'impliquent pas dans tous les cas la réalisation
d'actes réservés par le code de la santé publique, notamment l'article L. 4161-1, aux
médecins. En
outre, il résulte de l'article 1er du décret attaqué que lorsque ces
visites sont déléguées,
l'infirmier en santé au travail qui bénéficie de la délégation doit disposer de
la formation et des compétences nécessaires, les réaliser sous la
responsabilité du médecin du travail, dans le cadre de protocoles écrits, et
dans le respect de leurs compétences respectives, réorienter le salarié vers le
médecin du travail si nécessaire ainsi que dans les situations prévues par le
protocole et que les avis, propositions, conclusions écrites ou indications
reposant sur des éléments de nature médicale ne peuvent être émis que par le
médecin du travail. Par
suite,
le Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas fondé à
soutenir qu'en
permettant, dans ces conditions, à un médecin du travail de déléguer à un
infirmier en santé au travail la réalisation des visites de préreprise et de
reprise,
le décret attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions législatives du
code de la santé publique qui réservent à un médecin la réalisation de certains
actes. »
Ainsi, en fonction de ces considérations, le Conseil d’Etat écrit que « le Conseil
national de l'ordre des médecins n'est pas fondé à soutenir que
le décret qu'il attaque
est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le
droit à la protection de la santé qui résulte du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27
octobre 1946 et les dispositions de l'article 7 de la directive du Conseil du
12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir
l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, en ce
qu'elles prévoient que les personnes ou services extérieurs à l'entreprise
chargés des activités de protection et des activités de prévention des risques
professionnels de l'entreprise doivent avoir les aptitudes nécessaires et
disposer des moyens personnels et professionnels requis. »
Le Conseil d’Etat rejette aussi l’argument du Cnom critiquant l’absence
de formation spécifique des infirmiers en indiquant qu’il revient au médecin du
travail de déléguer les tâches en fonction des compétences des professionnels
auxquels il les délègue. [NDR – Cette formation qui était obligatoire dans
l’année suivant le début d’activité de l’infirmier dans un service de
prévention et de santé au travail, n’était pas définie. La loi du 2 août 2021
(article 34) a créé l’article L. 4623-10 du Code du travail qui dispose que
cette formation serait précisée par décret. Le décret n° 2022-1664
du 27 décembre 2022 relatif à la formation spécifique des infirmiers de santé
au travail a précisé les modalités de cette formation mais avec une entrée en
vigueur postérieure à la parution du décret sur les visites médicales, en mars
2023.]
Relativement à la visite de mi-carrière
Le Conseil d’Etat écrit à ce sujet que si l'article L. 4624-2-2 du
Code du travail « réserve
aux seuls infirmiers en pratique avancée la possibilité de réaliser de plein
droit la visite médicale de mi-carrière qu'il institue, l'article L. 4622-8 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi habilite
l'autorité investie du pouvoir réglementaire à prévoir par décret en Conseil
d'Etat quelles missions, parmi toutes celles prévues au titre II du livre VI de la quatrième
partie du code du travail,
peuvent être déléguées, dans certaines conditions, par le médecin du travail à
un infirmier en santé au travail, qu'il soit ou non infirmier en pratique
avancée. Il s'ensuit que
l'autorité investie du pouvoir réglementaire pouvait
légalement, à
l'article 1er du décret attaqué, permettre, dans les conditions qu'il définit, à un médecin du
travail de déléguer à un infirmier en santé au travail la réalisation
de la visite médicale de mi-carrière, parmi les visites et examens dont il
autorise la délégation, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, par ailleurs, en vertu des dispositions citées au
point précédent, les
infirmiers en pratique avancée aient la possibilité de réaliser cette visite
sans qu'ils aient reçu, au préalable et à cette fin, une délégation du médecin
du travail. Par
suite, le
Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas fondé à soutenir que
l'article 1er du décret attaqué a été édicté en méconnaissance des
dispositions de l'article L. 4624-2-2 du code du travail qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne
réservent pas la réalisation de cette visite soit au médecin du travail, soit à
l'infirmier en pratique avancée. »
La requête du Cnom est donc rejetée.
Date de première
constatation médicale d’une maladie professionnelle
Il s’agit d’un arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de
cassation du 11 mai 2023, Cass. 2e Civ., pourvoi n° 21-17788, publié
au Bulletin d’information de la Cour de cassation. La date de première constatation
médicale d’une maladie professionnelle est importante car elle permet de
constater si le délai de prise en charge – marquant le temps passé entre la fin
de l’exposition et la déclaration de la maladie professionnelle - figurant dans
la 2e colonne du tableau de maladie professionnelle est respecté.
Dans le cas contraire, si la pathologie figure bien dans le tableau, cela
oblige à passer devant le comité régional de reconnaissance des maladies
professionnelles au titre de l’alinéa 6 de l’article L. 461-1 du Code de la
Sécurité sociale. Cette date de première constatation médicale est aussi
importante car, si la pathologie est reconnue en maladie professionnelle, les
indemnités journalières sont rétroactivement rémunérées sur le montant des
indemnités journalières des pathologies professionnelles (0.6 les 28 premiers
jours d’arrêt et 0.80 ensuite).
Faits et
procédure – La Caisse
primaire d’Assurance maladie (Cpam) a pris en charge, pour une salariée, une
maladie professionnelle au titre du tableau n° 57 B pour une atteinte des deux coudes par une décision
du 11 septembre 2018. L’employeur conteste, devant une juridiction de Sécurité
sociale, l’opposabilité d’une maladie professionnelle (qui a pour conséquence
l’obligation d’assumer financièrement le coût des arrêts de travail et d’un
éventuel taux d’incapacité permanente selon la tarification mise à jour annuellement
(voir le blog pour la tarification 2023).
La Cpam se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel qui a
fait droit à la demande de l’employeur en considérant que la maladie
professionnelle ne lui était pas opposable du fait du dépassement du délai de
prise en charge.
Moyen de la Cpam
La Cpam fait grief au jugement de
la cour d’appel d’avoir déclaré que le délai de prise en charge de 14 jours
entre la fin de l’activité et la première constatation médicale de la maladie
était dépassé du fait que le certificat médical initial avait été émis le 14
mars 2018 alors que la salariée était en arrêt maladie depuis le 12 février
2018. Mais la date initiale de constatation de la pathologie, telle que
déterminée par le médecin conseil était le 16 octobre 2017, alors que la
salariée était encore exposée au risque. La cour d’appel aurait ainsi violé l’article
L. 461-2 du Code de la Sécurité sociale et les dispositions du tableau n° 57 B
des maladies professionnelles.
La cour d’appel a émis son jugement en déniant à un certificat médical en
date du 17 octobre 2017 d’établir la date de première constatation médicale de
la pathologie alors que le médecin conseil avait fixé cette date comme première
constatation médicale en se basant sur un arrêt de travail prescrit ce jour-là.
Or, selon la Cpam, il appartient seulement aux juges du fond de vérifier,
s’il y a contestation de la date de première constatation médicale, si les
pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l’employeur d’être
informé des conditions dans lesquelles la date de première constatation de la
maladie professionnelle a été retenue, ce qui apparaît dans le colloque
médico-administratif. Il s’avère que, dans ce colloque, le médecin conseil
avait fixé la date de première constatation médicale à la date de l’arrêt de
travail du 16 octobre 2017.
Ainsi, la cour d’appel aurait violé les articles L. 461-1 et L. 461-2 du
Code de la Sécurité sociale.
Réponse de la
Cour de cassation
Au visa des articles L. 461-1 [5e alinéa], L. 461-2 [5e alinéa] et D. 461-1-1 du Code de la sécurité sociale, et le tableau n° 57 B des maladies
professionnelles la Haute juridiction écrit :
« Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces
textes que la première constatation médicale de la maladie professionnelle
exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de
l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler
l'existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale
est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été
constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et
qu'elle est fixée par le médecin conseil.
Pour accueillir le recours de l'employeur, l'arrêt relève que le médecin
conseil de la caisse a fixé la date de première constatation médicale au 16
octobre 2017, en faisant référence à un arrêt de travail. Il retient que la
caisse en refusant la communication du certificat médical ayant servi de base à
l'arrêt de travail a mis l'employeur et la cour dans l'impossibilité de
vérifier que la date fixée par le médecin conseil était bien celle de la
première constatation médicale des maladies prises en charge, la mention
d'un arrêt de travail à cette date sur les colloques médico-administratifs
étant insuffisante. Après avoir relevé que la salariée avait cessé le
travail le 12 février 2018 et que le certificat médical initial n'avait été
dressé que le 14 mars 2018, il en déduit que le délai de prise en charge de 14
jours pour les épicondylites, prévu au tableau n° 57 des maladies
professionnelles, était dépassé.
En statuant
ainsi, sans prendre en considération les avis du médecin conseil qui fixaient au 16 octobre 2017 la date de la
première constatation médicale des affections déclarées au vu de l'arrêt de
travail prescrit à cette date, de sorte que le délai de prise en charge des
pathologies déclarées n'était pas dépassé, la cour d'appel a violé les textes
susvisés. »
L’arrêt de la cour d’appel est cassé et l’affaire renvoyée devant la même
cour d’appel autrement composée.
Voilà le sommaire précédant l’arrêt sur le site de la Cour de
cassation : « Il résulte de la combinaison des articles L. 461-1,
L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale que la première
constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de
prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute
manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, que la date de
la première constatation médicale est celle à laquelle les premières
manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que
le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil [NDR
– Outre la date du premier arrêt maladie lié à la pathologie, ce peut être par
exemple un examen complémentaire comme un scanner ou une IRM qui met en
évidence la pathologie, voire un courrier d’un médecin]. Viole ces textes la
cour d'appel qui juge que le délai de prise en charge des pathologies déclarées
est dépassé, sans prendre en considération les avis du médecin conseil fixant
la date de la première constatation médicale des affections déclarées au vu de
l'arrêt de travail prescrit à cette date. »
·
Négociation
relative à la Branche AT/MP
Je vous faisais
part dans la lettre d’information du 17 juillet 2022 (voir le blog)
du début d’une négociation relative à la Branche AT/MP avec la volonté des
partenaires sociaux de s’émanciper de la tutelle de la Caisse nationale
d’Assurance maladie (Cnam) et de gérer cette Branche paritairement.
La négociation
s’est déroulée à bas bruit durant des mois avec sept séances de négociation.
Finalement, les partenaires sociaux ont pu arriver récemment, dans la nuit du
15 au 16 mai 2023, à élaborer un texte, sous forme d’un projet d’accord
national interprofessionnel (ANI), qui est soumis à la signature de l’ensemble
des organisations syndicales et patronales d’ici la fin du mois de mai 2023.
D’emblée, il apparaît que les organisations patronales (Medef, CPME et U2P) seraient
signataires de cet ANI et, pour l’instant, la CFDT et la CFE-CGC seraient
signataires, les autres organisations syndicales devant solliciter leurs
instances.
Le texte de l’accord
mis à la signature des partenaires sociaux que j’ai pu obtenir prévoit deux
volets, l’un consacré à la gouvernance de la Branche AT/MP et l’autre aux
orientations que souhaitent les partenaires sociaux en termes de prévention, de
réparation et de reconnaissance des maladies professionnelles.
Il est important
de préciser deux points. D’une part, les partenaires sociaux considèrent que
cet ANI représente un ensemble cohérent et que le Gouvernement devrait l’accompagner
des évolutions législatives et réglementaires nécessaires afin que la
transposition de cet accord soit fidèle à ce qui a été défini par les
partenaires sociaux. En effet, ces derniers indiquent dans le texte, au sujet
de la mise en œuvre de l’accord, que « Les dispositions du présent
accord forment un tout équilibré, cohérent et indissociable. La mise en œuvre
de chacune de ses dispositions en l’état est entière liée à la mise en œuvre
des autres dispositions » (dispositions finales de l’accord). D’autre
part, les partenaires sociaux rappellent leur attachement au compromis social
issu des lois sur les accidents du travail (1898) et les maladies
professionnelles (1919) en termes de reconnaissance et de prise en charge des
atteintes liées au travail même si des critiques sont portées sur leur mise en
œuvre actuelle.
Gouvernance de
la Branche AT/MP
La gouvernance
de la Branche AT/MP s’individualiserait de la Cnam. Un conseil d’administration
(CA) paritaire devrait être formé, par une évolution de la Commission AT/MP
actuelle (CATMP) qui est déjà une instance paritaire. Ce conseil
d’administration serait composée uniquement de membres des organisations
syndicales et patronales représentatives au niveau national.
Le président de
ce conseil d’administration serait un employeur et deux vice-présidents
seraient issus des organisations syndicales.
Cette Branche
AT/MP élaborera une Convention d’objectifs et de de gestion (COG) avec les
ministères de tutelle (ministères du travail et de la santé et des comptes
publics) et elle signera tous les 3 ans une convention d’objectifs et de
gestion avec la Cnam.
Cette Branche
AT/MP coordonnerait un réseau constitué des caisses de retraite et de santé au
travail (Carsat), la Caisse régionale d’Assurance maladie d’Ile de France
(Cramif), les caisses générales de Sécurité sociale (CGSS, dans les territoires
d’Outre-mer), les caisses primaires d’Assurance maladie, de l’Inrs et d’Eurogip.
[NDR – Ce projet me rappelle, sans néanmoins l’intégration des services de prévention
et de santé au travail, ce qui était envisagé, en termes d’intégration des
organismes de prévention, dans le rapport
de Mme Lecocq et MM. Dupuis et Forest sur la santé au
travail de 2018.]
Le CA
déterminera la réaffectation des budgets vers les objectifs qui figureront dans
la COG en termes de prévention et de réparation. En particulier, les
partenaires sociaux envisagent de renforcer les moyens humains des Carsat, de
la Cramif, des CGSS, de l’Inrs et d’Eurogip.
Les orientations
d’action de la Branche AT/MP
Elles se jouent
selon trois axes :
ü la
prévention des risques professionnels qui représente un axe fort pour la Branche
AT/MP et ses conventions d’objectifs et de gestion ;
ü la
réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
ü la
gouvernance de la Branche AT/MP qui a été évoquée ci-dessus.
La prévention
des risques professionnels
Les partenaires
sociaux réaffirment, dans cet ANI, l’importance qu’ils accordent à la
prévention, en particulier à la prévention primaire.
La Branche, dans
ce domaine, souhaite se positionner comme un acteur de la prévention en identifiant
le plus en amont possible les risques professionnels et en agissant pour les
prévenir. Ceci en mobilisant l’ensemble du réseau évoqué ci-dessus dont
l’action devra être coordonnée avec éventuellement d’autres acteurs de la
prévention.
Cette prévention
sera à réaliser en développant les actions vers les entreprises, en particulier
les plus petites, et en prenant en compte l’usure professionnelle et la
désinsertion professionnelle.
Les partenaires
sociaux réaffirment le rôle des comités techniques nationaux (qui participent à
l’élaboration des conventions nationales d’objectifs) et régionaux dans la
rédaction de recommandations qu’il faudra faire connaître des entreprises.
Afin d’adapter
les politiques de prévention, la Branche AT/MP envisage de définir un
référentiel d’évaluation quantitative et qualitative des actions entreprises
dans le domaine de la prévention et, ainsi, de juger de leur efficacité et de
l’intérêt de les pérenniser.
Cette politique
de prévention verra les moyens qui lui sont alloués augmenter pour permettre
l’évolution des contrats de prévention, des subventions au bénéfice des
TPE/PME, des ristournes sur les cotisations AT/MP (qui devront être réévaluées)
et de programmes spécifiques vis-à-vis de secteurs professionnels particulièrement
exposés à des risques professionnels (aide à la personne, soin, secteur médico-social).
Dans le domaine
spécifique de l’usure professionnelle, la Branche AT/MP aura à gérer le fonds
de prévention de l’usure professionnelle créé par l’article 17 de la loi n°
2023-270 rectificative de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (voir le
blog).
Ainsi, la Branche AT/MP définira les orientations et les investissements à
réaliser dans ce domaine en termes de prévention des effets sur la santé des
expositions à des contraintes physiques marquées.
La réparation
des accidents du travail et des maladies professionnelles
Comme indiqué ci-dessus,
les partenaires sociaux réaffirment dans ce domaine leur attachement au
compromis social qui, en contrepartie d’une absence de poursuite des employeurs
et d’avoir à prouver le lien entre l’atteinte et le travail, dans certaines
conditions, pour les salariés, permet une réparation forfaitaire.
Le projet
d’accord indique que les partenaires sociaux ont pour objectif premier « que
les victimes bénéficient d’une juste réparation à la hauteur de leur
situation » [NDR – On en est souvent bien loin !].
L’idée semble
aussi de réduire le contentieux : « la garantie d’une réparation
rapide, automatique et à un niveau adéquat sont des éléments de réduction des
contentieux et les bases du compromis social historique ». [NDR – Il
est intéressant de constater, dans le rapport
de la Branche AT/MP 2021 (p. 31), que le contentieux cité
dans le rapport est celui avec les employeurs. Ce contentieux coûte
227 781 326 € dont plus de la moitié (116 736 300 €) pour rendre
inopposables des sinistres et pour la contestation et la réduction de taux
d’incapacité permanente (94 618 813 €). Il n’est pas indiqué le montant du coût
des contentieux avec les salariés qui sont plus nombreux que ceux des
employeurs.]
Dans le projet
d’ANI, les partenaires sociaux envisagent d’ouvrir une réflexion sur la
cohérence des dispositifs incapacité/invalidité. Cette dernière étant parfois
mobilisée en lieu et place des dispositifs de réparation des risques
professionnels. Je considère, à la différence de ce qui est indiqué dans le
document (« il n’est pas possible d’affirmer d’emblée que l’un est plus
favorable que l’autre même si des écarts d’indemnisation peuvent exister dans
des situations médicales semblant analogues. ») que
généralement la mise en invalidité est plus favorable financièrement que
l’indemnisation par une incapacité permanente. Sur ce thème, la Branche AT/MP
envisagera de mener une évaluation afin de proposer éventuellement des
évolutions. Dans ce domaine, le rapport rappelle que, dans certaines
conditions, l’article L.
434-2 (5e alinéa) du Code de la
Sécurité sociale permet de porter une rente d’incapacité permanente au niveau
de la pension d’invalidité.
La Branche AT/MP
envisage aussi de continuer à faire évoluer les barèmes des incapacités
permanentes et de permettre une meilleure prise en compte du retentissement des
atteintes professionnelles sur les gains (coefficient professionnel). Il est
d’ailleurs envisagé de mettre en place au sein de la Branche AT/MP une
« Commission des garanties » qui aura notamment pour mission de
concourir à une meilleure harmonisation et cohérences des pratiques relatives à
l’application des règles permettant de déterminer le niveau des rentes AT/MP.
L’ANI aborde
aussi la problématique des maladies professionnelles sous différents angles
(partant du constat largement reconnu de leur sous-déclaration et de leur
sous-reconnaissance).
Dans ce domaine,
il est envisagé de mieux former l’ensemble des professionnels de santé.
Concernant la
reconnaissance des maladies professionnelles, au titre des alinéa 6 et 7 de
l’article L.
461-1 du Code de la Sécurité sociale, l’ANI
envisage la possibilité pour la commission de recours amiable de statuer sur
une décision du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
(CRRMP) [NDR – Alors que l’alinéa 8 de l’article L. 461-1 du Code de la
Sécurité sociale dispose que l’avis du CRRMP s’impose à la caisse primaire
d’Assurance maladie.] Il prévoit aussi de favoriser la médiation qui existe
déjà à la Cnam.
Le texte de
l’ANI prévoit aussi de favoriser la création et la modification des tableaux de
maladies professionnelles et invite la CS 4 (la commission en charge des maladies
professionnelles) du Coct à examiner les pathologies prises en compte au titre
de l’alinéa 6 [NDR – Qui encombrent les CRRMP, en particulier les pathologies
du tableau 57.]
Un élément
nouveau relatif à la reconnaissance des maladies professionnelles hors
tableau : les partenaires sociaux demandent que le taux d’incapacité
permanente prévisible de 25% soit diminué à 20%. Un bilan des effets et
conséquences de cet abaissement du taux à 20 % sera réalisé par la Branche
AT/MP. [NDR – Ce taux a été fixé, par décret, à 66.66% en 1993 à la création de
la voie complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles puis a
été diminué à 25% par un autre décret en 2002. D’après ce qui m’a été rapporté
relativement à la négociation, les organisations syndicales de travailleurs souhaitaient
diminuer ce taux à 10% mais une organisation patronale s’y est fortement
opposée, menaçant de ne pas signer l’accord.]
Deux études nous
apportent des informations sur les aidants.
Il s’agit, d’une
part, du n° 1255 d’Études et résultats de la Drees publié en février 2023
intitulé « 9,3 millions de personnes déclarent apporter une aide
régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en
2021 » qui est signé par M. Thomas Blavet.
D’autre part, il
s’agit du n° 110 de mai 2023 des dossiers de la Drees intitulé « Les
proches aidants : une population hétérogène – Proposition de grille
d’analyse pour rendre compte de la diversité des situations des proches aidants de personnes vivant à
domicile et cerner celles dont le vécu est le plus difficile ». ce
document est signé par MM. Blavet et Caenen.
Vous pourrez
accéder à ces documents en pièce jointe et sur le site de la Drees, à l’adresse
figurant en fin de chaque commentaire.
Il apparaît
intéressant de prendre en compte les aidants car, comme on le verra, il y en a un
nombre maximal dans la tranche d’âge des 50-64 ans, population le plus souvent
encore en activité professionnelle, et que le fait d’être aidant est en lien
avec une santé altérée.
[NDR
- Des dispositions permettent, tant pour le privé que pour la fonction publique,
de fournir un soutien aux aidants. Il s’agit du congé de proche aidant dont il
est possible de bénéficier durant un an pendant sa carrière, tant dans le privé
que dans le public. Ce congé peut éventuellement se prendre par journée ou
demi-journée.
Le congé de
proche aidant est prévu aux articles L.
3142-16 et suivants du Code du travail dans le
privé et aux articles L.
634-1 et suivant du Code général de la fonction
publique (dans cette dernière, par durée maximale de 3 mois jusqu’au total d’un
an dans la carrière).
Ce congé, selon
les articles L.
168-8 et suivants du Code de la Sécurité
sociale peut donner lieu à une allocation journalière de congé de proche aidant
(AJPA) versée par la Caisse d’allocation familiale et qui vaut tant pour le
privé que pour le public. Il ne peut y avoir plus de 66 AJPA dans la carrière
de la personne. Son montant journalier, en 2023, est de 62.44 €.]
La population des aidants familiaux
Introduction
Selon l’enquête
Vie Quotidienne et santé menée en 2021, 9.3 millions de personnes déclarent
apporter une aide régulière à une personne en situation de handicap ou de perte
d’autonomie vivant dans le même logement ou ailleurs. Il s’agit, pour
8 825 000 d’entre eux d’adultes de 18 ans et plus. Ainsi, 16.9% des sujets
de cette tranche d’âges sont des aidants.
L’aide apportée
Il existe
plusieurs types d’aides que les aidants peuvent apporter :
ü une
aide à la vie quotidienne,
ü un
soutien moral,
ü une
aide financière.
La plus grande
partie des aidants n’apportent qu’une seule aide (5 585 000, 10.7%)
qui est le plus souvent un soutien moral (11.5%) suivi par une aide à la vie
quotidienne (10.3%) et, plus rarement, une aide financière (2.6%).
De façon moins
importante (2 601 000, 5%), les aidant apportent simultanément deux
aides : aide à la vie quotidienne et soutien moral (4.2%), aide à la vie
quotidienne et aide financière (0.2%) et soutien moral et aide financière
(0.6%).
Et 1.2% des
aidants (639 000) apportent les trois aides évoquées.
Âges des aidants
Entre 18 ans et
les tranches d’âges des 55-59 ans et des 60-64 ans, il y a une augmentation
régulière de la proportion des aidants apportant une aide régulière. Ensuite,
le taux diminue jusque la tranche des 80-84 ans où l’on assiste à un rebond dû
au fait que la personne aidée est le plus souvent le conjoint.
Pour une moyenne
de 16.9% des aidants pour les sujets de 18 et plus, on retrouve des taux
d’environ 23% pour les tranches des 55-59 ans et 60-64 ans (modérément plus
pour la tranche des 60-64 ans).
Pour les aides à
la vie quotidienne et le soutien moral, l’évolution des taux est le même en
fonction de l’âge que celle de l’ensemble des sujets apportant une aide
régulière.
L’acmé se
retrouve pour la tranche des 55-59 ans, pour l’aide sous forme de soutien moral,
à un peu plus de 15% et à un peu moins de 15% pour l’aide à la vie régulière.
En revanche, la
proportion de sujets apportant une aide financière varie moins en fonction des
tranches d’âges et reste toujours inférieure à 4%, avec un sommet aussi pour la
tranche des 55-59 ans.
Femmes et
aidants
Quelle que soit
la tranche d’âges, les femmes sont surreprésentées parmi les aidants apportant
une aide régulière.
La proportion de
femmes parmi les aidants selon les tranches d’âges apparaît ci-dessous (entre parenthèses, leur proportion dans l’ensemble de la
population), soit pour l’ensemble 56.1% de femmes versus 52.2% dans
l’ensemble :
ü de
18 à 29 ans, 55% (49.8%) ;
ü de
30 à 44 ans, 56.2% (51.3%) ;
ü de
45 à 59 ans, 56% (50.9%) ;
ü de
60 à 74 ans, 56.8% (53.2%).
Santé des
aidants
L’état de santé
des aidants s’avère globalement moins « bon ou très bon », tant pour
les femmes (65.6%) que pour les hommes (67.1%) que l’ensemble de la population (respectivement
72.3% et 75.5%).
Ceci se vérifie
pour chacune des tranches d’âges prises en compte (entre parenthèses, leur
proportion dans l’ensemble de la population) aussi pour les femmes et les hommes ;
Chez les
femmes :
ü de
18 à 29 ans, 85.4% (90.7%) ;
ü de
30 à 44 ans, 76.6% (85.9%) ;
ü de
45 à 59 ans, 66.5% (72.6%) ;
ü de
60 à 74 ans, 58.8% (62.8%).
Chez les
hommes :
ü de
18 à 29 ans, 90.1% (93.7%) ;
ü de
30 à 44 ans, 81.6% (88.2%) ;
ü de
45 à 59 ans, 68.1% (75.1%) ;
ü de
60 à 74 ans, 57.4% (61.3%).
Les aidants
selon les régions
Il existe des
différences significatives en termes de proportion d’aidants selon les régions
françaises. Ainsi, pour une moyenne nationale de 14.8% d’aidants (incluant les
aidants de moins de 18 ans), on trouve les taux de 21.7% en Martinique et
Guadeloupe, 18.4% à la Réunion, 15.8% en Provence-Alpes-Côte d’Azur et 15.7%
dans les Hauts-de-France. En revanche, dans
certaines régions les taux d’aidants sont plus faibles que la moyenne
nationale. Il en est ainsi dans les Pays de la Loire (12.4%), en Bretagne
(13%), en Bourgogne-Franche-Comté (14%) et en Normandie (14.2%).
Une partie des
disparités régionales serait en lien avec la part des personnes en situation de
handicap dans les régions (que ce handicap le soit au titre d’une limitation
sensorielle, physique ou cognitive sévère ou au titre d’une forte limitation
dans les activités de la vie quotidienne).
Plus
précisément, la part des personnes déclarant apporter une aide régulière à la
vie quotidienne d’une personne aidée dans les régions concorde assez avec les
taux de personnes se déclarant fortement limitées ou déclarant une limitation
fonctionnelle sévère.
Ainsi la part
des personnes déclarant apporter une aide régulière à la vie quotidienne en
moyenne de 9% dans l’ensemble de la population est de 15.1% en Martinique,
12.5% en Guadeloupe, 11.5% à la Réunion, 10.2% dans les
Hauts-de-France et 9.6% en Corse.
Ces régions sont
parmi celles où il y a le plus de personnes se déclarant fortement limitées ou
déclarant une limitation fonctionnelle sévère, 16.6% en Martinique, 15.9% en
Guadeloupe et en Corse et 15.1% dans les Hauts-de-France.
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-02/ER1255.pdf
Typologies des
proches aidants
Cette deuxième
étude s’intéresse aux proches aidants d’une personne vivant à domicile (pour
les individualiser de ceux vivant en institution). Cette étude est basée sur
des données de l’Enquête Handicap-santé de l’Insee et de la Drees de 2008.
Les grandes typologies
À partir de 10
groupes d’aidants caractérisés par différents critères - le temps qu’ils
consacrent à la personne aidée, les relations qui existent entre la personne
aidante et l’aidée, la situation des aidants vis-à-vis de l’emploi et les
caractéristiques de la personne aidée (enfant ou adulte) - les auteurs de
l’étude ont défini trois catégories d’aidants qui peuvent présenter des
caractéristiques propres. Au total, ces aidants sont 7 615 000.
Les aidants les
plus impactés
Au nombre de 1 845 000,
ce sont des conjoints, des parents, des enfants qui apportent une aide
important à la personne aidée. Ils ressentent les choses suivantes : 42%
un sentiment de manquer de temps pour eux, 45.8% que l’aide les amène à faire
des sacrifices dans la vie, 31.7% que l’aide prodiguée altère leur santé, 49.1%
que l’aide impacte la possibilité de partir quelques jours et 50% ressentent de
la fatigue physique.
Parmi cette
catégorie, des aidants ayant une activité entre 20 et 34 heures d’aide par
semaine (435 000) et de plus de 34 heures d’aide par semaine
(482 000), des parents aidant au quotidien un enfant (392 000, majoritairement
des mères en emploi qui aident au quotidien un enfant de moins de 20 ans vivant
à domicile) et des enfants, conjoints ou parents aidant une personne très
handicapée et n’habitant pas avec elle.
Les aidants
moyennement impactés
Ils sont au
nombre de 2 172 000. Ce sont des conjoints et parents de personnes
ayant peu de limitations mais ils sont seuls pour les aider.
Parmi ces aidants,
19.4% ont le sentiment de manquer de temps pour eux, 22.8%
ont le sentiment que l’aide les amène à faire des sacrifices dans la vie, 13%
que l’aide prodiguée altère leur santé, 24.8% que l’aide impacte la possibilité
de partir quelques jours et 29.2% ressentent de la fatigue.
Les aidants les
moins impactés
Cette catégorie
regroupe 3 598 000 aidants qui sont des enfants, des frères et des
sœurs ou d’autres membres de la famille ou de l’entourage de la personne aidée.
Le retentissement sur leur vie est moins marqué que les catégories précédentes
avec pour 12.4% le sentiment de manquer de temps pour eux, 15.4% le sentiment
que l’aide les amène à faire des sacrifices dans la vie, 5.7% que leur santé
est altérée par l’aide apportée, 14.1% que l’aide impacte la possibilité de
partir quelques jours et 12% ressentent de la fatigue.
Parmi cette
catégorie, 1 650 000 sont des enfants de la personne. Elles sont en
emploi et apportent une aide moyennement intense à une personne ne partageant
pas leur domicile.
La charge
ressentie en termes d’aide
Les facteurs
liés au ressenti de la charge
L’aidant
masculin étant pris en référence, les auteurs retrouvent une augmentation
ressentie de la charge par les aidants de façon significative (avec p<0.1%) pour :
ü une
aide constante, + 0.85,
ü une
femme aidante, + 0.49.
Il y a une
augmentation significative de 0.41 (avec p<1%) pour le conjoint par rapport
à un enfant aidant.
L’actif occupé
constituant la référence, on trouve une augmentation significative (avec
p<0.1%) de la charge ressentie en fonction du nombre d’heures consacrées à
la personne aidée :
ü de
6 à 19 heures, + 0.35,
ü de
20 à 33 heures, + 0.73,
ü 34
heures et plus, + 0.70.
Il y a aussi une
augmentation significative de la charge ressentie lorsque le parent est
l’aidant, + 0.96 (avec p<0.1%) et une diminution significative lorsque
l’aidant est célibataire avec enfant - 0.65 (avec p<0.1%).
En revanche, la
charge ressentie est significativement diminuée (avec p<1%) pour un retraité
(- 0.41) et une personne sans emploi (- 0.25).
Le nombre d’aides
étant compris entre une et trois servant de référence, il y a augmentation significative
de la charge ressentie (avec p<0.1%) pour 4 à 7 aides (+ 0.32), 8 à 11 aides
(+ 0.86) et 12 aides et plus (+ 1.60).
L’aide de moins
de 4 heures servant de référence, il y a augmentation significative (avec
p<0.1%) pour la présence d’un aidant professionnel (+ 0.29), la prise de
décision seul (+ 0.69) et le soutien moral (+ 0.46) et une diminution
significative (avec p<0.1%) lorsque l’aidant peut se faire remplacer (-
0.50).
Les groupes
ressentant le plus la charge de l’aidant
Parmi les
groupes ressentant de façon significative (avec p<0.1%) une augmentation du
ressenti de la charge d’aidant, les parents et conjoints de personnes ayant peu
de limitation servant de référence sont :
ü les
aidants dispensant 34 heures ou plus d’aide par semaine (+ 1.50) ;
ü les
aidants apportant de 20 à 33 heures d’aide par semaine (+ 1.02) ;
ü les
parents aidant au quotidien un enfant de moins de 2 ans (+ 0.93) ;
ü les
aidants impliqués dans l’aide d’une personne avec nombreuses limitations (+
0.68).
Conclusion
« Dans cette
étude, une typologie structurelle des proches aidants de personnes vivant à
domicile a été proposée. Elle rend compte de la diversité des situations d’aide
sur la base de critères objectifs, en considérant à la fois le profil des
aidants et des aidés, les liens qui les unissent, le besoin d’aide des aidés et
l’implication des aidants. La typologie a été réalisée en mobilisant les
données de l’enquête Handicap-Santé réalisée en 2008 par la DREES et l’Insee,
qui sont à ce jour les plus récentes sur l’ensemble des aidants quel que soit
l’âge des personnes aidées. Cette typologie structurelle vise à servir de
grille d’analyse pour les études à venir sur les proches aidants, qu’il
s’agisse (lorsque les résultats de la future enquête Autonomie pilotée par la
DREES seront disponibles) d’apprécier si les effectifs des groupes ont évolué
ou qu’il s’agisse de rassembler des éléments de sources diverses pour
analyser l’impact de la situation d’aide sur les conditions de vie et la santé
des proches aidants. »
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-05/DD110.pdf
· Baromètre sur l’état psychologique des salariés
(Sondage)
Il s’agit du 11e Baromètre Empreinte Humaine / OpinionWay
(organisme de sondage). Empreinte Humaine est un Cabinet spécialisé sur les
risques psychosociaux et la qualité de vie au travail.
Vous pouvez accéder à ce Baromètre en pièce jointe (uniquement sur le
blog) et sur le site d’Empreinte humaine à l’adresse en fin de commentaire.
Matériel et méthodes
Le sondage a été réalisé auprès de 2 000 salariés français du 7 au
17 février 2023. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas
portant sur les critères suivants : l’âge, le sexe, la catégorie
socio-professionnelle, la région de résidence, la taille et le secteur
d’activité et la répartition secteur public / secteur privé
Résultats
Etat
de santé psychologique des salariés
Un taux de 44% des répondants présentent de la détresse psychologique (+
3% par rapport à juin 2022) dont 14% sont en taux de détresse psychologique
élevé. Parmi ces personnes, 74% déclarent que leur état de santé psychologique
est lié partiellement ou totalement au travail.
Les populations le plus touchées par les risques psycho-sociaux (entre
parenthèses l’évolution par rapport à juin 2022) : 49% des femmes (+ 3%),
55% des moins de 29 ans (+ 4%) et 44% des managers (stable). On note aussi une
augmentation de l’exposition aux risques psychosociaux pour 44% des
non-managers (+ 4%).
Etat
de santé psychologique et télétravail
La détresse psychologique est présente chez 50% des sujets complétement
en télétravail, 44% de ceux en activité hybride et 43% des
non-télétravailleurs.
Le taux de burn out diminue mais reste à un niveau deux fois plus élevé
qu’avant 2020, soit 28% (- 6%), dont 10% qualifiés de sévères (- 3%).
Ce qui inspire ce commentaire aux auteurs du sondage : « Depuis
3 ans, la situation de l’état de santé psychologique des salariés français
évolue peu. Des
actions de prévention manquent toujours malgré l’ampleur du phénomène. Les
conséquences sur l’absentéisme, les arrêts maladie, le turn over ou le rapport
dégradé au travail continueront certainement à être observés dans les prochains
mois tant que des
actions de fond ne seront pas menées. Les coûts sociaux et humains sont très
importants. Cette étude cherche à montrer qu’investir dans la santé sécurité
psychologique au travail peut aider à résoudre les problèmes que rencontrent de
nombreuses organisations aujourd’hui. »
Conséquences
médicales du burn out
Une proportion de 29% des personnes en burn out déclarent avoir reçu une
prescription médicale, la moitié a été en arrêt de travail et 9% ont été
hospitalisés.
Un taux de 40% des salariés se disent épuisés au travail et pour un tiers
des salariés la crise de la Covid 19 impacte encore leur niveau de fatigue.
Santé
mentale et rapport au travail
Il existe une forte corrélation entre un mauvais état de santé
psychologique au travail et un rapport au travail différent. Ainsi, il y a deux
fois plus de détresse psychologique chez les personnes avec un rapport
différent au travail et 7 sur 10 recherchent plus de sens dans leur travail.
La moitié des salariés déclarent qu’avoir été affectés au travail a fait
changer leur rapport au travail.
Pour 52% des sujets en détresse psychologique, le travail a pris moins
d’importance dans leur vie et pour 52% d’entre eux leur santé psychologique a
pris plus d’importance dans leur travail. Pour 54% des sujets se plaignant de
détresse psychologique, on leur en demande de plus en plus en termes de charge
de travail.
Les répondants sont 50% à déclarer qu’avoir vu des burn out dans leur
entourage les a amenés à remettre en question leur rapport au travail, 50% se
reconnaît en « quiet quitting » (faire le strict minimum au travail)
et, parmi ceux-ci, 57% sont en détresse psychologique. [NDR – La dernière
lettre d’information Santé-Travail Paca donne accès à un article sur le quiet quitting.]
Enfin, 54% des personnes interrogées se disent moins tolérantes au
stress.
Sens
du travail et santé mentale
Quatre salariés sur dix sont déçus par ce que leur travail leur apporte
(parmi ceux-ci, 64% sont en état de détresse psychologique).
Les intentions de quitter son emploi sont aussi en lien avec la santé
mentale : 39% des salariés (+ 2%) souhaitent quitter leur emploi et 70%
déclarent qu’ils partiraient plus facilement pour des problèmes qui peuvent
atteindre leur santé mentale. Ainsi, il y aurait 2 à 3 fois plus de risque de
départ de son entreprise en cas d’atteinte de la santé mentale.
Cependant, 90% des salariés estiment qu’avoir un travail est bon pour la
santé mentale.
Une majorité de 80% des sujets apprécient leur travail, y apprennent de
nouvelles choses, continuent à apprendre de plus en plus au fil du temps, estiment
s’améliorer au travail et y ont évolué en tant que personnes. Ces personnes
sont 1.5 fois plus souvent en meilleure santé psychologique que les autres.
Cependant 4/10 des salariés déclarent que les exigences de leur travail ont
un impact négatif sur leur santé mentale et plus de la moitié (52%) déclarent
qu’ils font de moins en moins ce qu’ils apprécient dans leur activité du fait
des process, du reporting, des réunions.
Le travail est bon pour la santé mais, néanmoins, 55% des répondants ont
l’impression que leur travail n’est qu’une ressource pour les investisseurs /
les actionnaires (et parmi ces personnes, on retrouve 53% de détresse
psychologique).
Qualité
de vie au travail
Les auteurs du sondage indiquent que « Contrairement à une idée
reçue, les salariés estiment que le travail est, pour la grande majorité, bon
pour la santé mentale.
Ce sont les mauvaises conditions de travail qui nuisent à la santé. On reproche souvent que la prévention des risques psychosociaux
instituerait un rapport négatif au travail.
Les salariés aiment leur travail et s’y épanouissent, mais les exigences
les éloignent de plus en plus ce qu’ils aiment faire, du sens qu’il
recherchent. C’est bien la qualité du travail et des conditions de travail qui
restent dans l’angle mort du débat sur le travail. Dans l'entreprise et dans le
débat public. »
Si l’on interroge les salariés sur l’évolution de la qualité de vie au
travail en termes de travail, ils émettent les souhaits suivants :
ü
pour 19%
travailler moins ;
ü
pour 10%,
travailler plus ;
ü
et pour
71% travailler autant mais mieux.
Les
attentes des salariés
Les priorités des salariés sont les suivantes (entre parenthèses par
rapport à juin 2022) :
ü
les
salaires et les primes (+ 1%) ;
ü
l’équilibre
entre la vie professionnelle et la vie privée (- 1%) ;
ü
de bonnes
relations avec les collègues ;
ü
la
reconnaissance au travail autre que salariale (pour ces deux derniers items,
pas de modification des taux).
En revanche, ne figurent pas parmi les priorités évoquées par les
salariés les programmes de nutrition et le yoga.
La
prévention des risques psychosociaux (RPS) dans les entreprises
Une minorité de 4/10 des salariés indiquent qu’il existe un plan d’action
de prévention des RPS dans leur situation de travail.
Pour 90% d’entre eux, ils estiment que leur entreprise ou l’organisation
dans laquelle ils travaillent pourrait faire plus en matière de prévention des
RPS (stress, surcharge de travail, manque de reconnaissance).
Une majorité de 80% des sujets considèrent que l’Etat devrait aider les
entreprises à agir sur la prévention des RPS.
Pour les répondants, les principales raisons de l’échec de la prévention
des RPS sont les suivantes :
ü
un manque
d’intérêt du manager de proximité ;
ü
un manque
d’intérêt de la direction générale [NDR - Le rapport sur « Le bien-être et l’efficacité au travail » réalisé par Mme Pénicaud et MM. Lachmann et Larose en 2010 avait bien
mis en évidence que l’implication de la direction était indispensable à une
amélioration des conditions de travail] ;
ü
un manque
de contraintes légales pour obliger les employeurs à protéger la santé mentale
des salariés ;
ü
un manque
de connaissance sur les bonnes actions à mener ;
ü
la
surcharge de travail des managers.
Intérêt
de la prévention des risques psychosociaux
Les salariés expriment globalement que la prévention des RPS aurait un
effet positif dans leur entreprise ou leur organisation. Ils sont entre 75% et
90% à penser que cette prévention jouerait sur :
ü
la fierté
d’appartenance à leur entreprise ;
ü
un
engagement professionnel plus important ;
ü
un
recrutement plus facile de nouveaux salariés ;
ü
une
amélioration de la productivité de l’entreprise ;
ü
une
diminution du turn over ;
ü
un
rapport plus positif des salariés avec leur travail.
Ainsi, huit répondants sur dix indiquent qu’ils se sentent moins fatigués
lorsque leur travail est reconnu.
Seniors
et jeunes en entreprise
Une proportion de 34% des répondants estiment que les seniors (les plus
de 50 ans) ne sont pas bien traités dans leur entreprise. Cette proportion
monte à 41% pour les plus de 50 ans.
Huit sur dix des répondants estiment que les jeunes sont moins motivés au
travail que les autres générations (7/10 parmi les moins de 29 ans). Ces jeunes
sont une grande majorité (90%) à ne pas vouloir être managés comme les autres
générations.
Six sur dix des répondants estiment que la façon dont les seniors sont
traités a un impact sur la motivation des jeunes générations.
Huit sur dix des répondants ont vu des personnes d’une génération
précédente trop sacrifier leur vie personnelle par rapport au travail et sept
sur dix estiment que les jeunes générations ont raison de bousculer les normes
managériales de l’entreprise (cette réponse concerne 80% des moins de 29 ans).
Santé
mentale et retraite
Une majorité de 60% des répondants estiment que leur état de santé
psychologique ne leur permettra pas de travailler jusque l’âge de départ à la
retraite.
Une large majorité de 90% des répondants indiquent qu’il faudrait
améliorer les conditions de travail pour le rendre soutenable.
Conclusion
« Au regard des résultats de cette étude, on peut dire qu’au sein
des débats actuels autour des retraites et du rapport au travail, la question de
la qualité de vie et des conditions de travail n’a pas la place qu’elle devrait. Elle est une des clefs pour résoudre les problèmes
actuels du monde du travail.
La
France est mal classée en Europe en matière en santé mentale au travail (Eurostat), les arrêts maladie pour motif psychologique sont en
explosion.
On
doit arrêter de ne regarder que les aspects quantitatifs du travail (nombre d’emploi, nombre d’annuités, d’heures etc…)
pour
aborder les aspects qualitatifs du travail. Sous peine de laisser dans l’angle mort ces
dimensions et continuer à en « gérer les conséquences ».
https://empreintehumaine.com/sondageseh/
À bientôt…
Jacques Darmon
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