Lettre d'information du 23 mars 2020




Le 23 mars 2020

Dans cette lettre d'information… Plusieurs textes de loi en lien avec l'épidémie de coronavirus… un décret sur la réquisition de matériel de protection qui manque de façon importante aux professionnels de santé…un arrêté permettant à l'armée d'intervenir pour aider les hôpitaux civils en transférant des patients et en apportant des moyens de prise en charge des patients… un arrêté autorisant les pharmaciens à renouveler les ordonnances des patients sans nouvelle prescription médicale… un arrêté élargissant la possibilité de réalisation de tests de dépistage du coronavirus… et un nouveau modèle d'arrêt de travail… Des éléments de réflexion sur la gestion de l'épidémie de coronavirus… Et une instruction relative au fonctionnement des services de santé au travail…
Tout ceci dans l'attente de la publication de la loi sur l'urgence sanitaire votée au parlement mais qui devrait être examinée par le Conseil constitutionnel.

·     Textes de loi, réglementaires, circulaires, questions parlementaires

Décret n° 2020-281 du 20 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19
Les décrets du 13 et du 20 mars 2020 visent à lutter contre la pénurie criante de masques de protection (chirurgicaux et FFP 2), plus particulièrement pour les professionnels de santé exposés à des sujets éventuellement contaminés par le coronavirus. [NDR – A titre personnel, je trouve choquant que des particuliers se déplacent dans les rues avec des masques de protection sur le visage alors qu'il y a un manque de ces masques pour ceux qui en ont vraiment besoin.]
Le décret du 13 mars prenait les dispositions suivantes :
" I. - Eu égard à la nature de la situation sanitaire et afin d'en assurer la disponibilité ainsi qu'un accès prioritaire aux professionnels de santé et aux patients dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, sont réquisitionnés, jusqu'au 31 mai 2020 :
1° Les stocks de masques de protection respiratoire de types FFP2, FFP3, N95, N99, N100, P95, P99, P100, R95, R99, R100 détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé ;
Les stocks de masques antiprojections détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution.
II. - Les masques de protection respiratoire de types FFP2, FFP3, N95, N99, N100, P95, P99, P100, R95, R99, R100 et les masques antiprojections produits entre la publication du présent décret et le 31 mai 2020 sont réquisitionnés, aux mêmes fins, jusqu'à cette date. "
Le présent décret précise que les masques anti-projections évoqués dans le décret du 13 mars 2020 doivent respecter la norme EN 14683.
En outre ce décret précise que " Les dispositions du I et du II ne sont applicables qu'aux stocks de masques déjà présents sur le territoire national et aux masques produits sur celui-ci. Des stocks de masques importés peuvent toutefois donner lieu à réquisition totale ou partielle jusqu'au 31 mai 2020, par arrêté du ministre chargé de la santé, au-delà d'un seuil de cinq millions d'unités par trimestre par personne morale. Le silence gardé par ce ministre plus de soixante-douze heures après réception d'une demande d'importation adressée par cette personne ou l'importateur fait obstacle à la réquisition. "
Arrêté du 20 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19
L'arrêté du 14 mars 2020 avait déjà été modifié le 17 mars pour permettre à l'armée d'aider aux transports de patients durant cette épidémie : " Eu égard à la situation sanitaire, afin de permettre une meilleure prise en charge des personnes atteintes par le virus covid-19 et, à cette fin, de les répartir si nécessaire entre différents établissements de santé sur l'ensemble du territoire de la République, les moyens des armées peuvent être utilisés pour transporter tout patient. Les personnels du service de santé des armées qui prendront en charge les patients lors de ces transports peuvent utiliser tout matériel, produit de santé et produit sanguin et réaliser tout acte et examen nécessaire à la réalisation de cette mission. "
Ce qui a d'ailleurs commencé pour le transfert de six patients de l'Hôpital de Mulhouse vers les hôpitaux militaires de Toulon et Marseille le 18 mars 2020. Une évacuation de patients présents dans les établissements corses est prévue par un navire de la marine nationale pour une prise en charge par des hôpitaux du sud de la France. Et le 21 ou le 22 mars 2020, un avion militaire devrait transférer des patients de Mulhouse vers Bordeaux.
En complément de cette participation de l'armée au transfert de patients, une intervention directe du service de santé des armées est prévue dans l'arrêté du 20 mars 2020 : " Eu égard à la situation sanitaire, afin de permettre une meilleure prise en charge des patients atteints par le virus covid-19, peuvent être mises en œuvre sur le territoire de la République ou dans ses eaux territoriales une ou plusieurs structures médicales opérationnelles relevant du ministre de la défense pour prendre en charge tout patient.
Le personnel de santé intervenant au sein de ces structures peut utiliser tout matériel, produit de santé et produit sanguin et réaliser tout acte et examen nécessaire à la réalisation de cette mission.
Les structures médicales opérationnelles peuvent être ravitaillées en matériels, produits de santé et produits sanguins par tout moyen, notamment par toute officine de pharmacie, toute pharmacie à usage intérieur, tout établissement de transfusion sanguine ou établissement pharmaceutique.
Une ou plusieurs structures ne relevant pas du ministre de la défense et désignées par l'agence régionale de santé compétente peuvent réaliser ou contribuer à réaliser, pour les besoins de cette mission, toute activité administrative, logistique, technique ou médico-technique. "
Dans ce cadre, le président a annoncé, dans sa dernière intervention télévisée du 16 mars 2020, la mise en place d'un hôpital militaire dans le Grand Est qui est en cours d'installation à Mulhouse.

Arrêté du 19 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19
Cet arrêté permet aux pharmaciens, eu égard à la situation sanitaire :
ü d'une part, de délivrer des médicaments contenant des substances à propriétés hypnotiques ou anxiolytiques, sous réserve que ces médicaments aient été prescrits depuis au moins trois mois consécutifs. Il en est de même pour la méthadone. Le pharmacien doit en informer le médecin ;
ü  d'autre part, de renouveler, dans le cadre d'une prescription antérieure pour un traitement d'une maladie chronique, et selon la posologie prévue, des médicaments ayant été délivrés depuis au moins trois mois consécutifs.
Cette délivrance ne peut excéder une période de 28 jours. Elle est renouvelable jusqu'au 31 mai 2020.
Arrêté du 7 mars 2020 portant modification de la liste des actes et prestations mentionnée à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale (inscription de la détection du génome du SARS-CoV-2 par RT PCR)
Un test de dépistage du coronavirus peut être réalisé dans des laboratoires de biologie médicale privés. Ce test figure dans la rubrique " Microbiologie médicale par pathologie " de la nomenclature des actes de biologie médicale prévue à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. Il est créé, à la suite de la rubrique relative au virus de la rougeole, un acte dont la désignation est " SARS-COV-2 : Détection du génome par RT PCR " (code de l'acte, 5271). [La RT PCR permet d'obtenir à partir de l'ARN du virus par transcriptase inverse (RT) un fragment d'ADN complémentaire qui est ensuite dupliqué par la méthode de PCR, l'amplification en chaîne par polymérase.]
La description de cet acte de biologie figure ci-dessous.
" Détection du génome du SARS-CoV-2 par RT PCR Les indications de prise en charge concernent les patients présentant des signes cliniques d'infection par le virus SARS-CoV-2: -patient suspecté d'être contaminé par ce virus selon les critères définis par l'Agence nationale de santé publique, sans signes de sévérité orientant vers une prise en charge hospitalière; - patient contaminé par ce virus et après disparition de tout signe clinique, dans le but de s'assurer de la fin de sa contamination (situation dite de «diagnostic de guérison»), un résultat négatif devant être confirmé par un second examen 48 heures après. Dans ces situations :
-le prélèvement à privilégier est un prélèvement nasopharyngé des voies respiratoires hautes par écouvillonnage, ou des voies respiratoires basses (crachats ou liquide bronchoalvéolaire ) ;
 -chaque prélèvement doit obligatoirement être accompagné de renseignements cliniques, en particulier ceux indiqués sur la fiche de renseignements du Centre national de référence des virus des infections respiratoires dont la grippe et notamment:
 -Contexte: voyages récents à l'étranger, contact étroit avec un cas confirmé...;
 -Statut vaccinal pour la grippe saisonnière;
 -Signes cliniques évocateurs...
-Le résultat doit être transmis dans les 24 heures.
Le compte rendu doit préciser le dispositif médical de diagnostic in vitro utilisé qui doit détecter au moins deux séquences virales et disposer d'un marquage CE ou avoir été validé par le Centre national de référence des virus des infections respiratoires dont la grippe. En cas de résultat discordant entre ces deux cibles, un nouvel examen est à réaliser à partir d'un nouveau prélèvement. -En cas de résultat positif, le résultat et les renseignements cliniques doivent être transmis au Centre national de référence des virus des infections respiratoires dont la grippe pour que celui-ci remplisse ses missions de surveillance. La manipulation des échantillons respiratoires doit se faire dans un laboratoire LSB2, sous PSM2, quelles que soient les activités réalisées (mise en tampon de lyse pour l'extraction des acides nucléiques, ensemencement à visée bactériologiques, cytologie des liquides type liquide. "
Ce test peut être réalisé dans des laboratoires de ville qui devront cependant adapter des mesures de prélèvement sécurisées. Le matériel génétique du virus est recherché à partir d'un écouvillonnage profond du nez ou de la gorge.

Arrêté du 3 mars 2020 fixant le modèle du formulaire « Avis d'arrêt de travail »
Un nouveau formulaire d'arrêt maladie est disponible sous le n° Cerfa 10170*06 dont vous trouverez le modèle en pièce jointe. Si quelqu'un trouve la différence avec le précédent…

·     Réflexions sur l'épidémie de coronavirus et sa gestion
Je vous propose plusieurs documents relatifs à l'épidémie de coronavirus que vous pourrez retrouver aux adresses figurant en fin de commentaire.
D'une part l'article écrit par M. Jean-Dominique Michel (voir aussi en pièce jointe), anthropologue de la santé et expert en santé publique, très critique vis-à-vis de la position prise par le gouvernement français du confinement de l'ensemble de la population alors que, par exemple, un pays comme la Corée a pu nettement limiter les conséquences de l'épidémie du coronavirus en utilisant d'autres moyens. En effet, ce pays, qui a déjà subi de façon non négligeable l'épidémie de SRAS en 2003 et du MERS en 2015 (Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient - MERSCoV) a mis en œuvre une campagne massive de dépistage afin de permettre un suivi adapté des patients atteints par le coronavirus, avec éventuellement un confinement ou une hospitalisation uniquement de ceux-ci.
Cet article renvoie aussi à une interview, accessible via un lien ci-dessous, du Pr Raoult, directeur de l’Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée infection à Marseille, et infectiologue mondialement reconnu, relativisant, de façon argumentée, l'actuelle épidémie et préconisant un traitement de l'infection par l'hydroxychloroquine (Plaquenil®, antipaludéen, aussi utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde) qu'il a testée, de façon positive en termes de diminution de la charge virale, à une dose de 600 mg/jour, sur un nombre limité d'une vingtaine de patients. Une étude chinoise sur une centaine de patients aurait démontré l'efficacité de ce produit (voir en pièce jointe la prépublication de cet article sur BioScience Trends - DOI: 10.5582/bst.2020.01047). La préconisation de l'utilisation de l'hydroxychloroquine par le Pr Raoult a soulevé nombre de critiques.
Une étude internationale va être réalisée en Europe par le consortium REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases) coordonnée par l'Inserm portant sur 3200 patients dont 800 en France. Il apparaît que l'hydroxychloroquine va être testée dans l'étude initiée au niveau européen. Le protocole de cette étude devait initialement présenter quatre branches : traitement par remsidivir (utilisé contre le virus Ebola), Kaletra® (association de deux produits anti-VIH, le lopinavir et le ritonavir) associé ou non à de l'interféron - dont je journal Egora indique dans une newsletter du 20 mars 2020 qu'une étude chinoise menée sur près de 200 cas s'est révélée infructueuse - et une branche avec uniquement les traitements symptomatiques. Le traitement par hydroxychloroquine a été rajouté à cette étude.
Les médecins de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection - Pr Philippe Brouqui, Pr Jean-Christophe Lagier, Pr Matthieu Million, Pr Philippe Parola, Pr Didier Raoult, Dr Marie Hocquart - ont publié hier un communiqué indiquant qu'en tant que médecins, ils se devaient de proposer le seul traitement susceptible d'être efficace : "Nous avons décidé pour tous les malades fébriles qui viennent nous consulter, de pratiquer les tests pour le diagnostic d’infection à Covid-19 ; et pour tous les patients infectés, dont un grand nombre peu symptomatiques ont des lésions pulmonaires au scanner, de proposer au plus tôt de la maladie, dès le diagnostic, un traitement par l’association hydroxychloroquine + Azithromycine, dans le cadre des précautions d’usage de cette association (avec notamment un électrocardiogramme à J0 et J2), et hors AMM. "
Il semble actuellement, d'après les propos du ministre de la santé, que l'on se dirige aussi en France vers des tests plus largement utilisés comme le recommande l'OMS : " Face à l’aggravation de la pandémie de coronavirus / Covid-19, le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, a demandé lundi à tous les pays dans le monde d’intensifier les tests de dépistage comme meilleur moyen de ralentir la progression de cette pandémie. "
Sur le traitement par Hydroxychloroquine
Article de Jean-Dominique Michel
Interview du Pr Raoult du 17 mars 2020
Sur les tests

·     Instruction pour les services de santé au travail interentreprises
La réaction des services de santé au travail interentreprises (SSTI) à l'épidémie a été très hétérogène, certains cessant complètement leurs activités et d'autres les réduisant fortement.
Je vous avais communiqué dans la lettre précédente, envoyée le 15 mars 2020, le fait que les médecins inspecteurs régionaux d'Ile de France diffusaient un mail demandant aux SSTI de continuer à accompagner les entreprises pour ce qui apparaissait urgent : informer les entreprises et assumer des visites telles que les visites d'embauche pour certain secteurs stratégiques et les visites de reprise ou d'inaptitude. Cette position a été entérinée dans une instruction ministérielle.
Cette instruction des ministères du travail et de l'agriculture et de l'alimentation relative au fonctionnement des services de santé au travail pendant l'épidémie de Covid 19 a été diffusée le 17 mars 2020 (vous la trouverez en pièce jointe).
Cette instruction indique : " En raison de leur mission essentielle d'intérêt général de protection de la santé et de la sécurité des salariés et dans l'objectif de ralentir la propagation de la pandémie, tout en garantissant la poursuite des activités essentielles à la continuité de la vie de la Nation, les services de santé au travail doivent assurer la continuité de leur mission, en adaptant bien évidemment leur activité et leur organisation au risque engendré par l'épidémie de Covid 19. "
Cette instruction recommande, chaque fois que cela est possible, la mise en œuvre du télétravail.
Concernant plus précisément l'activité des SSTI, d'une façon générale, " toutes les visites peuvent, en principe, être reportées sauf si le médecin du travail estime qu'elles indispensables. " 
Cependant, l'instruction distingue " le cas particulier des salariés exerçant des activités nécessaires à la continuité de la vie économique de la Nation. "
Dans ce cas, les visites, hors visites périodiques, doivent être maintenues. Il s'agit :
ü des visites d'information et de prévention initiales devant être réalisées dans les 3 mois après l'embauche et les SSTI doivent s'organiser pour tenir ce délai ;
ü les visites d'information et de prévention des travailleurs de nuit et des jeunes de moins de 18 ans qui selon ce texte doivent être réalisées avant l'embauche (l'article R. 4624-18 indique seulement que ces travailleurs doivent être vus avant leur affectation au poste) et les SSTI doivent impérativement les réaliser dans les délais les plus brefs ;
ü les visites d'aptitude des salariés en surveillance individuelle renforcée et les visites de reprise doivent être réalisées en priorité.
Ces visites peuvent faire l'objet d'une téléconsultation en accord avec le salarié lorsque cela est possible.
Si la visite doit être tenue physiquement, l'entreprise doit être informée des précautions à prendre et il doit être rappelé au salarié qu'il ne sera pas reçu par le professionnel de santé s'il présente des symptômes car les professionnels de santé des SSTI ne sont pas équipés pour prendre en charge des sujets malades.
En revanche, les actions en milieu de travail doivent être reportées à une date ultérieure, sauf s'il s'agit d'une situation d'urgence justifiée (enquête d'accident du travail ou décision dans le cadre d'une procédure d'inaptitude).
Vous pourrez lire sur le site du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (Snpst) un communiqué s'élevant contre cette instruction qui serait en contradiction avec les recommandations du ministère de la santé (https://www.snpst.org/). Et je vous joins un tract de la CGT reprenant les textes face à un risque biologique professionnel.

Je vous dis à bientôt…

Jacques Darmon

Si vous souhaitez ne plus figurer sur cette liste de diffusion, vous pouvez m'en faire part à l'adresse suivante : jacques.darmon@orange.fr.



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