Téléchargement des fichiers joints
Le 23 juin 2024
Au sommaire de
cette lettre… Parmi les textes de loi… L’extension d’un accord sur la grille
des rémunération des services de prévention et de santé au travail de 2024… Des
jurisprudences… Deux arrêts de la Cour de cassation… L’un consacré aux
conséquences de la formulation d’un avis d’inaptitude du médecin du travail… Un
autre relatif à la justification du licenciement d’un salarié coupable de
propos à connotation sexuelle dégradants… Et une décision du Conseil d’Etat sur
une sanction d’une médecin généraliste pour avoir évoqué un Burn out sans avoir
pris contact avec le médecin du travail… Un document sur le coût des atteintes
psychologiques au travail au Québec… Et
un baromètre sur l’absentéisme avec focus sur les managers…
Les lettres
d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse
suivante : https ://bloglettreinfo.blogspot.com/.
·
Textes de
loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires,
Conseil d’État
Par cet arrêté,
l’accord sur les rémunérations minimales signé par Présance avec les
organisations syndicales de salariés le 22 février 2024 est étendu.
Ainsi, il
s’applique dorénavant à tous les services de prévention et de santé au travail qui
n’adhèrent pas à l’organisme patronal, Présance, et à tous les organismes qui
se réfèrent à la grille des salaires des services de prévention et de santé au
travail pour rémunérer leurs médecins du travail.
Pour mémoire,
vous pourrez accéder la grille des rémunérations annuelles minimales pour
l’ensemble des métiers au 1er janvier 2024 sur
le site Légifrance.
A noter que la
signature d’un accord sur l’évolution des métiers de la Convention collective
et des rémunérations est, a priori, très proche. J’en parlerai très
prochainement.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049747215
·
Jurisprudence
Il s’agit d’un
arrêt de la chambre sociale du 12 juin 2024 – Cass. soc., pourvoi n° 23-13522,
publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation – qui montre que, tant
l’employeur que le salarié, doivent être particulièrement attentifs à la rédaction
d’un avis d’inaptitude d’un médecin du travail lorsqu’il ne coche pas l’une des
deux cases prévues sur l’avis d’inaptitude et mentionnées dans les articles L.
1226-2-1 et L.
1226-12 indiquant l’impossibilité du reclassement
- respectivement pour une inaptitude d’origine non professionnelle et
professionnelle - : « tout maintien du salarié dans un emploi
serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié
fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Faits et
procédure – Un salarié a été embauché en tant
qu’ouvrier spécialisé de production le 10 septembre 1979 dans une usine de fabrication
de pneumatiques.
Lors d’une
visite de reprise, après une absence maladie d’origine non professionnelle, le
médecin du travail émet un avis d’inaptitude ainsi rédigé : « Inaptitude
définitive au poste de travail du fait des contraintes posturales et
manipulations suite à étude du poste et des conditions de travail. L'état de
santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ».
Le salarié est
licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il saisit la justice
prud’homale pour contester son licenciement.
Le licenciement
du salarié est reconnu sans cause réelle et sérieuse par la cour d’appel qui
accorde au salarié une indemnité de licenciement ainsi qu’une indemnité
compensatrice de préavis et les congés payés afférents [NDR – Les congés payés
sur une indemnité compensatrice de préavis lorsque le licenciement d’un salarié
inapte est reconnu sans cause réelle et sérieuse ne sont pas acceptés, de
jurisprudence constante, par la Cour de cassation].
L’employeur se
pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel qui a jugé que le
licenciement n’était pas justifié.
Moyen de
l’employeur
L’employeur fait
grief au jugement de la cour d’appel d’avoir reconnu le licenciement sans cause
réelle et sérieuse, de lui avoir attribué les indemnités mentionnées ci-dessus
et de l’avoir condamné à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage perçues
par le salarié dans la limite de six mois [NDR – Ce remboursement doit être
prononcé par le juge au titre de l’article L.
1235-4 du Code du travail lorsque le
licenciement n’est pas justifié et que Pôle emploi (maintenant France travail)
a indemnisé le salarié sans emploi].
L’employeur
argue du fait que, vu ce qui était mentionné sur l’avis du médecin du travail
relatif à l’impossibilité du maintien dans l’emploi du salarié, il n’avait pas
à rechercher un reclassement. En outre, les restrictions indiquées sur l’avis
d’inaptitude du médecin du travail allaient aussi dans le sens d’une
impossibilité de reclassement. De plus, en l’absence de contestation de l’avis
selon l’article L.
4624-7 du Code du travail, les avis, conclusions
et préconisations du médecin du travail relatives à l’avis d’inaptitude
s’imposent aux parties. Ceci d’autant plus que le médecin du travail, dans un
courriel du 6 juin 2017, destiné à l’employeur, avait indiqué que cet avis « vous
relève de l'obligation de recherche de reclassement professionnel suite à
inaptitude et, sauf élément contraire, M. [V] [D] devrait faire l'objet d'un
licenciement ».
Ainsi, en
considérant que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse
du fait de l’absence de recherche de reclassement, la cour d’appel aurait violé
les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail dans leur rédaction
issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
Réponse de la
Cour de cassation
Au visa de
l’article L.
1226-2-1 du Code du travail, dans sa rédaction
issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la Cour de cassation écrit :
« Selon ce
texte, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit
de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à
l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces
conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que
tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa
santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans
un emploi.
Pour dire le
licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'avis du
médecin du travail émis le 6 juin 2017 ne mentionne l'impossibilité de
reclassement que dans l'emploi et non dans tout emploi,
que la mention de l'emploi, qui tend à viser l'emploi occupé précédemment, ne
peut être assimilée à celle d'un emploi qui suggère la référence à une
généralité d'emplois, et qu'un salarié peut, en effet, être inapte à un type
d'emploi sans l'être nécessairement à tout emploi sauf indication en ce sens du
médecin du travail, inexistante en l'espèce.
L'arrêt ajoute
que l'employeur n'a procédé à aucune recherche de reclassement, alors que
l'avis du médecin du travail n'était pas de nature à l'exonérer de son
obligation à cet égard.
En statuant
ainsi, alors qu'elle constatait que l'avis d'inaptitude mentionnait
expressément que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout
reclassement dans l'emploi, ce dont il résultait que l'employeur était dispensé
de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement, la cour
d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et
conséquences de la cassation
Tel que suggéré
par l'employeur, il est fait application des articles L.
411-3, alinéa 2 du code de l'organisation
judiciaire et 627
du code de procédure civile.
L'intérêt d'une
bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation
statue au fond.
L'employeur
étant dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de
reclassement, le licenciement prononcé le 25 octobre 2017 est fondé sur une
cause réelle et sérieuse et le salarié sera débouté
de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse et d'indemnité de préavis et de congés payés afférents. »
L’arrêt de la
cour d’appel est cassé, sans renvoi, en ce qu’il a reconnu un licenciement sans
cause réelle et sérieuse et qu’il a indemnisé le salarié.
Il s’agit d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 12
juin 2024 – Cass. soc., pourvoi n° 23-14292, publié au Bulletin de la Cour de
cassation.
Faits et
procédure – Un salarié a
été embauché en tant que technicien supérieur le 21 septembre 1993 par le
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Le 1er septembre 2016, il est mis à pied à titre conservatoire
et convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement puis devant
le conseil conventionnel auquel l’employeur a soumis une proposition de mise à
pied d’un mois.
Le salarié est licencié par lettre du 11 octobre 2016 pour faute.
Il saisit la justice prud’homale. L’employeur se pourvoit en cassation
contre l’arrêt de la cour d’appel qui a considéré le licenciement sans cause
réelle et sérieuse.
Moyen de
l’employeur
L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir déclaré le
licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamné à payer au
salarié des dommages intérêts pour ce licenciement.
L’employeur argumente sur le fait qu’il est obligé de prendre toutes
dispositions afin de prévenir ou de faire cesser des agissements à connotation
sexuelle, attentatoires à la dignité de salariées, dégradants, au besoin en
licenciant le coupable des faits.
Ainsi, le salarié a été licencié car, selon plusieurs témoignages, il
aurait tenu des propos de cette nature à l’égard de femmes. Il aurait ainsi dit
au sujet d’une de ses collègues qu’elle était « une partouzeuse,
qu’elle avait une belle chatte et qu’elle aimait les femmes ». Il
aurait aussi tenu des propos à connotation sexuelle, insultants et humiliants à
deux collègues femmes.
Il avait déjà tenu des propos de ce type dans le passé.
L’employeur considère que la cour d’appel aurait violé, en considérant le
licenciement sans cause réelle et sérieuse, les articles L. 1232-1, L. 1235-1
et L. 1235-3 du Code du travail ainsi que les articles L. 4121-1, L. 4121-2 et
L. 1142-2-1 du Code du travail.
Pour l’employeur, le fait que le salarié ait tenu de façon réitérée de
tels propos durant plusieurs années, même s’il n’a pas fait l’objet d’une
sanction antérieurement, constitue une faute justifiant le licenciement. Ceci
même s’il n’a pas été immédiatement licencié mais seulement sermonné par son
supérieur hiérarchique dans le passé.
Ces circonstances ne dispensaient pas l’employeur de réagir, d’autant
plus qu’il se trouvait dans l’obligation de préserver la santé et la sécurité
de l’ensemble des salariés, dont les femmes victimes des propos dégradant,
insultants tenus par le salarié. Ainsi, la cour d’appel aurait violé les
articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du Code du travail, ensemble les
articles L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 1142-2-1 du Code du travail.
Réponse de la
Cour de cassation
« Vu les articles L. 1142-2-1, L. 1232-1, L. 1235-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail : Aux termes du premier de ces
textes, nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement
lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à
sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant,
humiliant ou offensant.
Il résulte des
troisième et quatrième de ces textes que l'employeur, tenu d'une obligation de
sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer
la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et faire
cesser notamment les agissements sexistes.
Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et
condamner l'employeur à lui payer en conséquence une somme à titre de
dommages-intérêts, l'arrêt retient que, les 2 et 3 juillet 2016, le salarié a
tenu, auprès de certains collègues de travail, des propos à connotation
sexuelle, insultants, humiliants et dégradants à l'encontre de deux autres
collègues de sexe féminin, indiquant notamment que l'une d'elles « était une
partouzeuse », « avait une belle chatte » et « aimait les femmes » et parlant
en des termes salaces d'une autre collègue et de sa nouvelle relation
masculine.
Il énonce également que le salarié avait tenu, par le passé, des propos
similaires, à connotation sexuelle, insultants et dégradants, à leur encontre
et que sa hiérarchie en était informée mais ne l'avait pas sanctionné.
Relevant enfin
que l'employeur envisageait initialement une mise à pied disciplinaire d'un
mois et que le licenciement avait été sollicité par un représentant syndical au
conseil conventionnel, l'arrêt en déduit que ce licenciement apparaît
disproportionné, aucune
sanction antérieure n'ayant été prononcée pour des faits similaires, alors que
l'employeur en avait connaissance.
En statuant
ainsi, alors
qu'elle avait constaté que le salarié avait tenu envers deux de ses collègues,
de manière répétée, des propos à connotation sexuelle, insultants et
dégradants, ce qui était de nature à caractériser, quelle qu'ait pu
être l'attitude antérieure de l'employeur tenu à une obligation de sécurité en
matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, un
comportement fautif constitutif d'une cause réelle et sérieuse fondant le
licenciement décidé par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré
les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. »
L’arrêt de la cour d’appel est cassé et l’affaire renvoyée devant une
autre cour d’appel.
Pratique d’un
employeur pour dénoncer un médecin établissant un lien entre travail et
pathologie
Il s’agit d’un arrêt du Conseil d’Etat du 28 mai 2024, n° 469089, inédit
au recueil Lebon.
Faits et
procédure – Un employeur a
porté plainte contre une médecin généraliste devant le Conseil de l’Ordre
départemental des médecins de Moselle. Celui-ci a transmis la plainte à la
chambre disciplinaire de première instance du Grand-Est de l’Ordre des
médecins, sans s’y associer. La chambre disciplinaire de première instance a
infligé à la médecin, le 9 octobre 2020, une sanction sous la forme d’un
avertissement.
La médecin a saisi la chambre disciplinaire nationale du Conseil de
l’Ordre pour contester cette décision. La chambre nationale disciplinaire a
rejeté la demande le 22 septembre 2022.
Aussi, le médecin a saisi d’un pourvoi le Conseil d’Etat le 22 novembre
2022 pour faire annuler la décision.
A la base de cette procédure, la médecin généraliste a fait une
prolongation d’arrêt de travail, le 27 juin 2017, au salarié de l’entreprise
avec indiqué comme motif médical de l’arrêt « Burn out ». Aussi
l’employeur [NDR – Dont on peut se demander pour quelle raison il a été informé
du motif de l’arrêt si ce n’est pas dans le cadre d’une maladie
professionnelle] a porté plainte contre la médecin au motif qu’elle n’aurait
pas respecté l’obligation déontologique de l’article R. 4127-28 du Code de la santé publique
Le Conseil d’Etat rappelle, d’une part, que, selon l’article L. 162-4-1 du Code de la Sécurité sociale, les médecins sont tenus de mentionner
sur un arrêt de travail le motif médical de l’arrêt qui devrait conditionner le
versement des indemnités journalières.
D’autre part, le Conseil d’Etat précise qu’au titre de l’article R.
4127-28 mentionné ci-dessus, « La délivrance d'un rapport tendancieux
ou d'un certificat de complaisance est interdite ».
Or, la décision de la chambre disciplinaire de l’Ordre s’est référée à la recommandation de la Haute autorité de santé (HAS, page 5) qui soulignait l’importance, dans
l’intérêt du patient, d’établir un contact, avec l’accord du patient, entre le médecin
traitant et le médecin du travail pour le repérage du syndrome d’épuisement
professionnel.
La chambre disciplinaire a considéré que, pour affirmer un Burn out, le
médecin traitant ne pouvait seulement se fonder sur les déclarations de la
patiente qui indiquait que son stress et son angoisse provenaient de ses
conditions de travail, sans disposer de l’analyse des conditions de travail par
le médecin du travail. Ainsi, la chambre disciplinaire en a déduit que le
médecin généraliste avait méconnu son obligation déontologique de l’article R.
4127-28.
Réponse du
Conseil d’Etat
Pour le Conseil d’Etat, en statuant ainsi, alors que le fait que le
médecin généraliste a fait état d’un syndrome d’épuisement professionnel sans
avoir consulté le médecin du travail ne peut qualifier l’établissement d’un
certificat tendancieux ou de complaisance au sens de l’article R. 4127-28. La
chambre disciplinaire a donc inexactement qualifié les faits.
Ainsi, la médecin généraliste est tout à fait fondée à demander
l’annulation de la décision du 22 septembre 2022 de la chambre disciplinaire
nationale de l’Ordre des médecins.
Le
Conseil d’Etat décide :
Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire
nationale de l'Ordre des médecins du 22 septembre 2022 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale
de l'Ordre des médecins.
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-05-28/469089
· Coût des lésions psychologiques liées au travail au
Québec (Étude)
Il s’agit d’un
document de l’Institut de recherche Robert Sauvé en santé et en sécurité au
travail (IRSST) publié en mai 2024 et intitulé « Le coût des lésions
psychologiques liées au travail au Québec » dont les signataires sont Martin
Lebeau et al. On peut considérer que l’IRSST est au Québec un équivalent de
l’Inrs. L’IRSST réalise des études sur la santé et la sécurité au travail.
Vous pourrez
accéder au document en pièce jointe et sur le site de l’IRSST à l’adresse en
fin de commentaire.
Introduction
Les atteintes
psychologiques dans le monde du travail
Les milieux de
travail peuvent être le cadre de situations potentiellement délétères pour la
santé humaine que des auteurs classifient en trois grandes catégories :
une conception déséquilibrée des tâches (charge de travail excessive, horaires
prolongés, etc…), l’incertitude professionnelle (insécurité d’emploi, salaire
insuffisant, etc..) et le manque de valeur et de respect sur le lieu de travail
(soutien limité des collègues ou des supérieurs, discrimination, etc…).
Une étude québécoise
a montré que les troubles mentaux seraient la deuxième cause de plus grand
nombre de pertes d’années de vie sans incapacités (Daly).
Les plus
récentes statistiques de la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la
santé et de la sécurité au travail) qui reconnaît les atteintes liées au
travail au Canada ont montré une augmentation des lésions psychologiques reconnues
imputables au travail. Avec des coûts de prise en charge de ces affections
élevés, en particulier en lien avec de longues durées d’indemnisation des
absences maladie.
Aussi, la
présente étude a pour objectif d’estimer au Québec le coût des lésions
psychologiques en lien avec le travail pour des atteintes survenues entre 2014
et 2019.
Un état des
connaissances sur le coût des lésions psychologiques
Les auteurs de
l’étude ont pu faire une revue de la littérature sur le coût dans divers pays
des atteintes psychologiques, sachant que ces coûts ne se référent pas
spécifiquement aux atteintes professionnelles.
Il est aussi
difficile de les comparer car les méthodologies employées dans ces études sont
très hétérogènes.
Ainsi, des
études ont estimé les coûts suivants pour les atteintes psychologiques dans
différents pays :
ü une
étude de 2013 a estimé que les coûts des troubles mentaux dans le monde en 2010
se sont élevés à environ 8 500 Md $ (Md :
milliard) et qu’ils devraient atteindre 16 100 Md $ en 2030 en prenant en
compte la valeur monétaire du nombre d’années sans incapacité perdues ;
ü au
Canada, une étude a conclu qu’en 2003 les problèmes de santé mentale auraient
entraîné des coûts estimés à 51 Md $ dont la moitié seraient associés à la
perte de qualité de vie. Les autres coûts étant en lien avec la perte de
productivité et les frais médicaux ;
ü en
France, une étude de 2023 a estimé les coûts pour la société (soins de santé,
services sociaux, productivité perdue, perte de qualité de vie) des troubles
mentaux à 163 Md € avec 51% pour la perte de qualité de vie et 27% pour la
perte de productivité. Ce qui représente une hausse de 50% des coûts par
rapport à une étude qui avait été menée en 2013 avec une méthodologie
similaire ;
ü aux
États-Unis, une étude publiée en 2021 estime le coût des troubles dépressifs
majeurs à 210 Md $ en 2010.
Face à un manque
de données sur le coût des atteintes psychologiques liées au travail, les
auteurs indiquent qu’il est pertinent de les estimer par cette étude.
Matériel et
méthodes
Les données des
pathologies reconnues d’origine professionnelle proviennent de la CNESST. Elles
ont été reconnues entre les années 2014 et 2019.
Les affections
principales qui ont été prises en compte sont l’anxiété, le stress et les
troubles névrotiques, les états de stress post-traumatique, les états
dépressifs, l’épuisement professionnel et les troubles d’adaptation.
L’indicateur de
coût qui a été pris en compte représente une estimation globale de l’impact
humain et financier des lésions professionnelles reconnues par la CNESST. Les
coûts pris en compte représentent une sous-estimation représentative du coût de
ces atteintes.
Pour
l’estimation des coûts, on été pris en compte les postes suivants :
ü les
frais médicaux destinés aux soins et à la réhabilitation d’une victime ;
ü les
coûts salariaux représentant les heures non travaillées et non productives mais
payées par l’employeur ;
ü la
productivité perdue du fait de l’absence du salarié ;
ü les
coûts administratifs liés à la prise en charge du cas de la victime, avec, en
particulier, le recrutement et la formation d’un remplaçant ;
ü les
coûts humains considérés comme la dégradation de la qualité de vie de la
victime en prenant en compte les années perdues sans incapacités.
Pour les
analyses statistiques ont été pris en compte les facteurs suivants :
l’année, le sexe, la tranche d’âge, la catégorie professionnelle (manuel, non
manuel et mixte), la taille de l’entreprise, la nature de l’atteinte, le genre
d’accident ou d’exposition, la profession et le secteur d’activité.
Résultats
[NDR - Pour
avoir une base de comparaison sur les montants présentés dans ce document, il
faut savoir que le produit intérieur brut du Québec en 2019 est de 426.3 Md $
pour une population de 8 485 000 habitants, soit un PIB par habitant
de 41 988 $.]
Faits saillants
relevés par les auteurs de l’étude
Les auteurs ont
relevé les points suivants :
ü entre
2014 et 2019, 8 325 lésions psychologiques ont été reconnues en lien avec
le travail. Elles ont engendré des coûts totaux estimés à environ 1.01 Md $ avec
un coût moyen annuel de 169 M. $ et un coût moyen par lésion de 121 590 $ ;
ü le
nombre de lésions psychologiques a augmenté de 108% entre 2014 et 2019 alors
que les coûts globaux ont augmenté de 195% et le coût moyen par lésion de
42% ;
ü les
coûts des atteintes psychologiques se composent principalement d’une perte de
productivité (51%) et de coûts humains (31%) ;
ü les
femmes âgées de 25 à 44 ans entraînent le plus de coûts liés à des lésions
psychologiques (273 M. $) et ce sont les femmes âgées de 55 ans et plus qui
génèrent le coût moyen par lésion le plus élevé (171 740 $). Quel que soit
le sexe, le coût moyen par lésion psychologique augmente avec l’âge ;
ü le
stress post-traumatique est la lésion qui entraîne les coûts totaux les plus
élevés (536 M. $) suivi par les troubles de l’adaptation (309 M. $) ;
ü la
dépression est la lésion psychologique qui entraîne le coût moyen par lésion le
plus élevé (217 390 $) ;
ü l’exposition
à un événement traumatisant est le type d’accident ou d’exposition qui engendre
le plus de coûts (364 M. $), suivi par le harcèlement moral (194 M. $) et les
violences physiques (102 M. $) ;
ü les
types d’accidents ou d’exposition qui entraînent les coûts moyens les plus
élevés par lésion sont le harcèlement moral (203 150 $), les relations de
travail conflictuelles (182 660 $) et les agressions sexuelles
(179 820 $) ;
ü le
secteur de la santé et de l’aide sociale est celui qui entraîne le plus de
coûts totaux liés aux atteintes psychologiques (224.2 M. $), soit 22% de
l’ensemble des coûts des atteintes psychologiques. Il est suivi par le secteur
du transport et de l’entreposage (107.8 M. $) et les administrations publiques
(94.8 M. $) ;
ü les
secteurs d’activité dans lesquels les lésions psychologiques entraînent le plus
de coûts pour les femmes sont celui de la santé et de l’action sociale (178 M.
$), le commerce de détail (67 M. $) et les administrations publiques (48 M. $).
Chez les hommes les secteurs d’activité générant les coûts les plus élevés sont
le transport et l’entreposage (77 M. $), l’industrie (50 M. $) et les
administrations publiques (47 M. $) ;
ü les
professions qui entraînent le plus de coûts sont :
Ø chez
les femmes, les caissières (29 M. $), les aides-infirmières (23.1 M. $), les
éducatrices de personnes inadaptées non classées ailleurs (18.4 M. $), les infirmières
diplômées (17 M. $) et les conductrices d’autobus (14.4 M. $) ;
Ø chez
les hommes, les camionneurs et chauffeurs livreurs (36.6 M. $), les gardiens et
agents de sécurité (24.1 M. $), les conducteurs d’autobus (24 M. $), les agents
de police et détectives de la police officielle (14 M. $) et le personnel
spécialisé et les auxiliaires de soins infirmiers et thérapeutiques (11.9 M. $) ;
ü en
termes de taille d’entreprises, ce sont celles de 500 salariés et plus qui
présentent le plus grand nombre de cas de lésions psychologiques et engendrent
le plus de coûts. Il faut dire aussi que ce sont celles qui emploient le plus
grand nombre de travailleurs. Sur la période 2014-2019, on y recense 4 896
lésions psychologiques sur les 8 325 recensées. Cependant, il y a un
gradient inverse de la taille des entreprises en termes de coût moyen par
lésion psychologique, celui dans les entreprises de petite tailles
(203 320 $) est nettement supérieur à celui des entreprises de grande
taille (90 700 $).
Détail des résultats
Coûts des
lésions psychologiques
Entre 2014 et
2019, on observe un gradient croissant en termes de nombre de cas d’atteintes
psychologiques (on passe de 1 007 à 2 092), de coûts totaux (on passe
de 94 110 340 M. $ à 277 857 540 $) et de coût moyen par
lésion (de 93 460 $ à 132 820 $). Soient des augmentations
respectives de 108%, 195% et 42% entre 2014 et 2019.
Répartition des
coûts des atteintes psychologiques
Les coûts des
atteintes psychologiques sont ainsi répartis : productivité perdue (59%),
coûts humains (31%), coûts salariaux (5%), frais médicaux (3%) et coûts
administratifs (1%).
Coûts selon le
sexe et l’âge
Chez les femmes
Les femmes
représentent, sur la période 2014-2019, 55.6% des atteintes psychologiques
(4 633) avec un coût total sur la période de 578 555 700 $ et un coût
moyen par lésion psychologique de 124 880 $.
La tranche d’âge
la plus touchée est celle des 24-44 ans avec 2 378 atteintes, un coût global de
273 144 440 $ et un coût moyen par lésion de 114 860 $. Dans les tranches
plus âgées, il y a moins de cas de lésions mais des coûts moyens qui sont plus
élevés, 1 135 cas dans la tranche des 45-54 ans et 669 dans celle des 55 ans et
plus et des coûts moyens respectifs par lésion de 136 270 $ et, surtout, pour
la tranche des sujets les plus âgés, de 171 740 $.
Chez les hommes
On retrouve 3 692
(44.4%) lésions psychologiques chez les hommes, sur la période 2014-2019, engendrant
un coût global de 433 641 700 $ et un coût moyen par lésion de 117 450 $
(inférieur à celui des femmes).
Comme pour les
femmes, on trouve le plus grand nombre de cas de lésions dans la tranche des
25-44 ans (1 771) avec le coût global le plus élevé de 189 958 340 $ et un
coût moyen de 107 260 $. Dans les tranches des 45-54 ans et 55 ans et plus, les
lésions psychologiques sont moins nombreuses – respectivement 1 038 et 690 – ,
les coût globaux moins élevés – respectivement 121 528 320 $ et 107 380 290 $ –
mais le coût moyen de chaque atteinte est
nettement plus élevé dans la tranche des 55 ans et plus, 155 620 $.
A noter que,
tant pour les femmes que pour les hommes, il existe un gradient croissant du
coût moyen par lésion en fonction de la tranche d’âge croissante.
Coûts sur la
période selon les lésions psychologiques
Les coûts totaux
et moyens des lésions sur la période sont respectivement pour :
ü la
dépression, de 88 M. $ et 217 390 $ ;
ü le
stress post-traumatique, de 536 M. $ et 120 000 $ ;
ü l’anxiété,
le stress et les troubles névrotiques, de 78 M. $ et 91 030 $ ;
ü le
trouble d’adaptation, de 309 M. $ et 120 000 $ ;
ü les
autres troubles, moins de 1 M. $ et 29 300 $.
Ainsi, si le
coût total du stress post-traumatique est le plus élevé, et de loin, le coût
moyen le plus élevé pour les lésions psychologiques est celui de la dépression.
Coût sur la
période selon le type de cause
Les coûts totaux
et moyens sur la période 2014-2019, variant aussi en fonction de la cause de
l’atteinte psychologique, sont respectivement pour :
ü l’exposition
à un événement traumatisant, de 364 M. $ et 105 780 $ ;
ü un
harcèlement moral, de 194 M. € et 203 150 $ ;
ü les
violences physiques, de 102 M. $ et 107 380 $ ;
ü une
menace armée, de 77 M. $ et 118 920 $ ;
ü l’organisation
du travail, de 51 M. $ et 168 590 $ ;
ü une
agression sexuelle, un viol, de 29 M. $ et 179 820 $ ;
ü des
relations de travail conflictuelles, 29 M. $ et 182 660 $ ;
Coûts des
lésions psychologiques selon les secteurs d’activité
Les coûts totaux
des lésions psychologiques les plus élevés parmi les secteurs d’activité sur la
période 2014-2019 sont retrouvés pour :
ü la
santé et l’action sociale, 224.2 M. $ avec une forte prédominance du coût pour
les femmes, environ 175 M. $ ;
ü le
transport et l’entreposage, 107.8 M. avec une prédominance pour les hommes,
environ 75 M. $ ;
ü les
administrations publiques, 94.8 M. $ avec un taux d’hommes et de femmes à peu
près équivalent ;
ü le
commerce de détail, 88.1 M. $ avec une forte prédominance féminine d’environ 70
M. $ ;
ü l’industrie,
63.8 M. $ avec là une forte prédominance masculine de 50 M. $ ;
ü les
services d’enseignement, de 50.6 M. $ avec un peu plus de 40 M. $ pour les
femmes.
Coûts totaux
selon le sexe et la profession
Chez les femmes
Parmi les
professions ayant engendré les coûts totaux les plus importants sur la période
2014-2019 on retrouve :
ü les
caissières, 29 M. $,
ü les
aides-infirmières, 23.1 M. $,
ü les
éducateurs de personnes inadaptées, 18.4 M. $,
ü les
infirmières diplômées, 17 M. $,
ü les
conductrices d’autobus, 14.4 M. $,
ü les
infirmières auxiliaires, 12 M. $,
ü les
travailleuses du social, 11.9 M. $,
ü les
gardiennes et agentes de sécurité, 11.8 M. $,
ü les
directeurs et administrateurs, 11.5 M. $,
ü les
autres personnels administratifs, 11 M. $.
Chez les hommes
Chez les hommes,
les professions ayant engendré les coûts totaux les plus importants sur la
période 2014-2019 sont :
ü les
camionneurs et chauffeurs-livreurs, 36.6 M. $,
ü les
gardiens et agents de sécurité, 24.1 M. $,
ü les
conducteurs d’autobus, 24 M. $,
ü les
agents et détectives de police, 14 M. $,
ü le
personnel spécialisé et les auxiliaires de soins, 11.9 M. $,
ü les
manœuvres et manutentionnaires, 11.7 M. $,
ü les
mineurs, carriers, foreurs de puits, 8.5 M. $,
ü les
directeurs et administrateurs, 6.8 M. $,
ü les
peintres, tapissiers et travailleurs assimilés, 6.6 M. $,
ü les
autres enseignants et personnels assimilés, 4.9 M. $.
Coûts totaux sur
la période en fonction de la taille de l’entreprise
On peut
constater un gradient croissant :
ü d’une
part, du nombre de cas de lésions psychologiques,
ü d’autre
part, du coût total des lésions psychologiques en fonction de la taille
croissante de l’entreprise.
En revanche, le
coût moyen par lésion représente un gradient décroissant alors que la taille de
l’entreprise augmente.
Ainsi, on trouve
les valeurs suivantes pour les entreprises de :
ü 1
à 9 salariés, 714 cas, un coût total de 145 178 860 $ et un coût moyen de 203 320
$ ;
ü 10
à 49 salariés, respectivement 969, 179 213 880 $ et 184 950 $ ;
ü 50
à 499 salariés, 1 337 cas, un coût total de 186 641 530 $ et un coût moyen de
139 600 $ ;
ü 500
salariés et plus, 4 896 cas, un coût total de 444 048 040 $ et un coût
moyen de 90 700 $
Conclusion
« Ce
rapport statistique constitue une première analyse aussi complète des
conséquences humaines et financières des lésions psychologiques liées au
travail au Québec. Il fournit un éclairage nouveau et utile pour guider plus
efficacement les efforts de recherche et de prévention destinés à diminuer
l’occurrence et les conséquences des lésions psychologiques liées au travail.
Il met aussi en lumière l’importance de promouvoir un environnement de travail
sain et sûr pour tous les travailleurs et travailleuses du Québec. »
https://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/R-1196-fr.pdf?v=2024-06-17
·
Baromètre de
l’absentéisme (Ayming/AG2R La Mondiale)
Il s’agit du « 16e
Baromètre de l’Absentéisme et de l’engagement – Prévention de l’absentéisme et
renforcement de l’engagement au cœur de enjeux managériaux » publié en
2024 et portant sur l’année 2023.
Vous pourrez
accéder à ce document sur le site de la société Ayming à l’adresse figurant à
la fin du commentaire et en pièce jointe uniquement sur le blog du fait de son
poids.
Matériels et
méthode
Les données
présentées dans ce document proviennent :
ü d’une
part, d’une étude quantitative de l’absentéisme en France en 2023 menée avec
AG2R La Mondiale auprès de 55 465 entreprises du secteur privé employant
3 525 929 salariés en CDI, s’appuyant sur les données issues de la
déclaration sociale nominative [NDR – Selon l’Insee,
il y aurait, fin 2023, 21 110 300 salariés employés dans le privé.
L’échantillon de ce sondage peut donc apparaître assez représentatif] ;
ü d’autre
part, d’une étude qualitative réalisée en partenariat avec OpinionWay auprès de
1 839 managers en CDI du secteur privé qui a porté, en particulier, sur
leur engagement et sur leurs réactions vis-à-vis de l’absentéisme dans leurs
équipes.
L’absentéisme
est calculé par le rapport suivant :
(nombre
de jours calendaires d’absence sur l’année/nombre de jours de présence
théorique)*100
Les absences
prises en compte sont celles pour maladies ordinaire et professionnelle et pour
accidents du travail.
Résultats
relatifs à l’absentéisme
Évolution de
l’absentéisme ces dernières années
En 2020 et 2022,
on peut constater des pics d’absentéisme de respectivement 6.87% et 6.70% avec
des taux respectifs de salariés absents de respectivement 41% et 47%.
En 2021, ces
taux étaient moindres avec un taux d’absentéisme de 6.19% et 37% de salariés
absents.
En 2023, le taux
d’absentéisme est plus faible qu’en 2022. Il est de 6.11% avec 37% de salariés
absents. Cet absentéisme était de 5.54% en 2019, soit une dégradation de 10% en
5 ans.
Les secteurs
d’activité les plus impactés par l’absentéisme en 2023 sont (entre parenthèses,
le taux de salariés absents) :
ü les
services, 6.73% (37%),
ü la
santé, 6.62% (39%),
ü les
transports, 5.75% (40%),
ü le
commerce, 5.72% (34%),
ü l’industrie
et le BTP, 5.41% (42%).
Absentéisme
en fonction des tranches d’âge et des caractéristiques socio-démographiques
On peut
observer, en 2023, un gradient croissant des taux d’absentéisme avec
l’augmentation d’âge (entre parenthèses, le taux de salariés absents) :
ü 30
ans et moins, 4.42% (36%),
ü 31-40
ans, 5.37% (39%),
ü 41-50
ans, 5.97% (37%),
ü 51
ans et plus, 7.94% (38%).
On peut aussi
constater que, si le taux d’absentéisme augmente en fonction des tranches
d’âge, le taux de salariés absents est relativement stable, ce qui signifie que
les durées d’absence sont plus longues alors que les salariés avancent en âge.
Cette même année
2023 (de même d’ailleurs que les années précédentes), le taux d’absentéisme est
plus élevé chez les femmes (7.43% avec 41% d’absentes) que chez les hommes
(4.78% avec 34% d’absents).
Si l’on prend en
compte le statut, l’absentéisme est notablement plus élevé chez les non-cadres
(6.85%) que chez les cadres (3.17%) avec aussi un taux d’absents plus élevé,
39% contre 31%.
Analyse de
l’absentéisme
L’analyse de
l’absentéisme permet de constater qu’au sein de la diminution de l’absentéisme
que l’on a pu constater, deux évolutions négatives sont à relever.
Une augmentation
de l’absentéisme pour accident du travail (AT)
Entre 2022 et
2023, on peut constater que les absences maladie sont passées d’un taux de
5.61% (45% d’absents) à 5% (35% d’absents), les absences pour AT sont passées
de 0.81% (3% d’absents) à 0.84% (4% d’absents), les accidents de trajet sont
passés de 0.07% à 0.08% et l’absentéisme pour maladie professionnelle de 0.21%
(0.3% d’absents) à 0.19 (0.3% d’absents).
Entre 2022 et
2023, il y a eu pour tous les secteurs d’activité, sauf les services
(respectivement 0.97% et 0.96%), une augmentation de l’absentéisme pour AT.
Il en est ainsi,
pour respectivement 2022 et 2023, pour le commerce, 0.75% et 0.80%, pour
l’industrie et le BTP, 0.59% et 0.63%, pour les transports, 1.10% et 1.16%
(soit une augmentation de 32% du taux d’absentéisme et de 6% des salariés
absents) et, pour la santé, une augmentation modérée avec passage de 0.80% à
0.81%.
L’absentéisme de
plus de 3 mois concerne 70% des AT.
Une augmentation
de l’absentéisme de longue durée
Le taux
d’absentéisme pour une durée supérieure à 90 jours augmente notablement entre
2022 et 2023, passant de 3.20% à 3.70% (+ 31% en 5 ans par rapport aux 2.82% de
2019) avec respectivement des taux de 3.9% et 5.3% de salariés en cause concernés
et, de façon plus modérée, pour les absences de 3 jours et moins, 0.13% et
0.14%.
En revanche pour
les autres durées d’absence, on peut constater entre 2022 et 2023 une
diminution de leurs taux. En effet, on passe, respectivement entre ces deux
dates, pour les arrêts de 4 à 7 jours de 0.66% à 0.29%, pour les arrêts de 8 à
30 jours de 1.28% à 0.90% et pour les arrêts de 31 à 90 jours de 1.44% à 1.08%.
Le nombre de
jours moyen des absences en 2023 est de 183.2 jours, contre 201 en 2022.
Par rapport à
2019, on constate une augmentation de 43% du taux de salariés absents mais une
diminution de 8% de la durée moyenne des arrêts de longue durée, 199.4 jours en
2019 versus 183.2 en 2023.
Une augmentation
des arrêts de plus de 90 jours
L’augmentation
des arrêts de plus de 3 mois entre 2019 et 2023 a touché tous les secteurs
d’activité avec les taux respectifs suivants (entre parenthèses, l’augmentation
du taux) :
ü commerce,
2.60% et 3.35% (+ 29%),
ü industrie/BTP,
2.57% et 3.10% (+ 21%),
ü transports,
2.79% et 3.40% (+ 22%),
ü santé,
3.33% et 4.06% (+ 22%),
ü services,
30.08% et 4.25% (+ 38%).
Cette
augmentation des arrêts de longue durée a aussi touché toutes les tranches
d’âge avec des passages respectifs entre 2019 et 2023 pour les 30 ans et moins
de 1.36% à 1.77% (+ 30%) ; pour les 31-40 ans de 2.54% à 2.95% (+ 16%), pour
les 41-50 ans de 2.84% à 3.69% (+ 30%) et pour les 51 ans et plus de 3.95% à
5.59% (+ 41%).
La part de
l’absentéisme de longue durée dans l’absentéisme global a augmenté, entre 2019
et 2023, pour toutes les tranches d’âge en passant respectivement entre ces
deux dates de 32% à 40% (+ 25%) pour les 30 ans et moins, de 46% à 55% (+ 19%)
pour les 31-40 ans, de 53% à 62% (+ 17%) pour les 41-50 ans et de 60% à 70% (+ 17%) pour les 51 ans et plus.
Pour expliquer
cette évolution, les auteurs de l’étude émettent les hypothèses
suivantes : « Le changement du rapport au travail entre les
générations, le déséquilibre entre investissement et bénéfices perçus, la perte
de sens au travail, l’opposition de valeurs se sont renforcés ces dernières
années. On constate également des pathologies lourdes contractées de plus
en plus jeune. »
Absentéisme de
longue durée en fonction des tranches d’âge et des caractéristiques socio-démographiques
Tant chez les
cadres que chez les non-cadres, l’absentéisme de longue durée a augmenté entre
2019 et 2023, passant respectivement pour cadres et non-cadres de 1.34% à
1.786% (+ 31% et + 19% en un an) et de 3.13% à 4.20% (+ 34% et + 15% en un an).
Ainsi cet absentéisme de longue durée représente 61% de l’absentéisme des
non-cadres et 56% de celui des cadres
Quel que soit le
sexe, l’absentéisme de longue durée a aussi augmenté entre 2019 et 2023. Pour
les femmes, il est passé de 3.39% à 4.65% (+ 37% et + 14% en un an) et, pour
les hommes, il est passé de 2.20% à 2.75% (+ 25% et + 19% en un an).
Évolution du
nombre d’absence
En 2023, 63% des
salariés n’ont eu qu’une absence, 22% deux absences et 15% trois absences ou
plus. Ces taux n’ont pas excessivement changé depuis 2019 avec 59% d’absence
unique, 23% de deux absences et 18% de trois absences ou plus.
Charge de
l’absentéisme
En moyenne,
l’absentéisme représente 6 équivalents temps plein pour 100 salariés et
l’équivalent de 1.3 million de salariés absents toute l’année pour l’ensemble
de la population étudiée.
Focus sur les managers
Missions et
objectifs des managers
Les principales
mission réalisées par les managers telles qu’elles ressortent du sondage
sont :
ü organiser
la charge de travail,
ü maintenir
une équité au sein de l’équipe,
ü s’assurer
de la qualité du travail rendu,
ü soutenir
son équipe en cas de besoin,
ü tenir les objectifs de la direction.
Une majorité de
76% des managers déclarent avoir des objectifs avec un ou plusieurs critères
(41%, un critère, 34%, deux critères et 25% trois critères ou plus).
Selon ces
managers, les quatre critères d’objectifs prioritaires sont :
ü financiers
(production chiffre d’affaires et rentabilité),
ü relatifs
au développement de l’activité,
ü relatifs
à l’animation de l’équipe,
ü relatifs
à un/des projets d’entreprise.
Difficultés
rencontrées
Les managers
interrogés indiquent que leurs principales difficultés sont pour :
ü 32%
d’entre eux, la surcharge de travail,
ü 25%
d’entre eux, le manque d’effectifs,
ü 23%
d’entre eux, la difficulté à motiver les salariés,
ü 21%
d’entre eux, une sur-sollicitation.
Pour faire face
à ces difficultés, les managers sont 78% à indiquer qu’ils peuvent compter sur
le soutien de leur organisation et 68% à
bénéficier d’une formation managériale.
Une majorité de
86% des managers qui ont des objectifs considèrent que leur entreprise leur
donne les ressources nécessaires pour les atteindre.
Cependant,
lorsque les managers considèrent que leurs objectifs sont incohérents, cela
peut mener à un désengagement (5% pour ceux qui ont des objectifs cohérents
versus 33% de ceux avec des objectifs incohérents), voire à de l’absentéisme
(respectivement 35% versus 44%)
Exposition au
stress et absentéisme des managers
Une majorité de
71% des managers indiquent être exposés à une source de stress importante (49%
parfois et 22% souvent) contre 6% qui n’y sont jamais soumis et 23% y sont
rarement soumis.
L’exposition au
stress multiplie par deux le risque d’être absent chez les managers.
Parmi les
managers, 33% déclarent avoir été absents en 2023, dont la moitié pour une
absence de plus de trois mois. Pour 63% de ceux qui sont absents plus de trois
mois, l’origine de l’arrêt est en lien avec la situation professionnelle (accident
de travail, maladie professionnelle, épuisement professionnel, burn out et
démotivation.
Une majorité de
66% des managers déclarent que leurs difficultés se répercutent sur leur
équipe. Ainsi, 77% des managers absents ont des absences dans leur équipe
versus 52% de ceux qui n’en ont pas ; 45% des managers désengagés
considèrent leur équipe désengagée versus 8% de ceux qui ne sont pas désengagés
et 56% des managers non engagés
estiment ne pas avoir de levier pour
développer l’engagement de leur équipe versus 26% de ceux qui sont engagés.
Ce qui incite
les auteurs de l’enquête à écrire qu’agir sur le manager permet d’avoir une
action sur l’ensemble des salariés.
Managers et
absentéisme dans leur équipe
Une majorité de
60% des managers considèrent qu’ils ont une problématique d’absence dans leur
équipe, 79% considèrent qu’ils ont un rôle actif à jouer et 61% pensent avoir
le moyen d’agir sur l’absentéisme
Il existe une
distorsion entre la perception de l’absentéisme et l’action. Parmi les managers
confrontés à un absentéisme important dans leur équipe, 25% ne le considèrent
pas comme une problématique et 33% estiment ne pas avoir de rôle à jouer.
Les raisons pour
lesquelles les managers ne sont pas acteurs de lutte contre l’absentéisme sont
les suivantes :
ü une
absence de démarche de prévention de l’absentéisme dans l’entreprise,
34% ;
ü le
sentiment d’impuissance vis-à-vis de l’absence des collaborateurs, 33% ;
ü le
fait qu’ils considèrent que ce sujet relève avant tout des ressources humaines,
28%.
Les attentes des
mangers et leurs souhaits de développement
Les attentes des
managers sont pour :
ü 29%,
d’être écoutés et consultés,
ü 27%,
d’avoir de la reconnaissance,
ü 27%,
d’avoir des objectifs clairs,
ü 26%,
de disposer d’autonomie et de responsabilités,
ü 26%,
d’être soutenus dans leur fonction.
Les principaux
souhaits de développement des compétences des managers sont pour :
ü 36%,
la gestion des situations complexes,
ü 30%,
l’accompagnement au développement des compétences de l’équipe,
ü 28%,
le management des nouvelles générations,
ü 26%,
l’adaptation aux nouvelles technologies,
ü 24%,
la gestion des émotions et la capacité à s’exprimer.
Une démarche de
prévention globale
Ainsi pour lutter contre l’absentéisme, ce
baromètre montre qu’il est nécessaire d’avoir une démarche globale qui est
ainsi formulée par les auteurs de l’enquête :
« Préserver les managers et leurs
équipe
Il [le baromètre] souligne que
l’entreprise doit apporter de la cohérence dans les objectifs opérationnels et financiers
à atteindre, en lien avec les moyens et ressources mis à disposition. Ceci,
pour favoriser l’adhésion des managers et leur permettre de fédérer leur équipe
tout en préservant la santé et l’engagement (au travail) de chacun. Il ne
suffit pas de demander uniquement à la ligne managériale « de faire
». Mais il est nécessaire de se questionner régulièrement sur l’évolution de
l’environnement, sur les difficultés qu’elle rencontre pour qu’elle se sente
soutenue et puisse mener à bien ses missions
Cette étape est cruciale non seulement
pour préserver les managers mais également pour prévenir les conséquences sur
leurs équipes.
Définir la problématique de l’absentéisme
Dans le cadre de la prévention de
l’absentéisme des collaborateurs, il est important de déployer une démarche
partagée dont l’une des premières étapes est de définir la problématique de
l’absentéisme notamment en précisant les types d’absence sur lesquelles
on peut agir et comment. Afin d’être efficace sur le sujet, il est important
d’identifier les différents acteurs ressources, de mettre à disposition les
moyens d’agir pour que chacun se saisisse de son rôle. L’analyse des situations
d’absence au sein de l’entreprise, l’élaboration de solutions adaptées et
l’accompagnement de leur mise en œuvre, notamment par la formation, sont autant
d’étapes incontournables. Sans oublier de vérifier régulièrement les mesures
déployées afin de les ajuster et/ou de les enrichir des retours d’expérience de
chacun.
Faire face à
l’absentéisme de longue durée
L’évolution de
la loi santé a pris en compte la problématique de l’absentéisme de longue
durée. Cependant celle-ci reste un défi à relever et les solutions sont à
challenger parmi lesquelles : maintenir le lien durant l’absence,
sécuriser le retour au travail, développer les dispositifs de maintien dans
l’emploi, travailler en collaboration avec la médecine du travail, s’appuyer
sur les différents dispositifs prévus dans la loi comme l’essai encadré ou le
rendez-vous de liaison, créer des postes dédiés à la reprise d’activité d’une
personne, à la suite d’un arrêt longue durée, sur une période limitée, etc.
D’un point de vue plus « sociétal », le partage des
expérimentations et des réussites doit venir alimenter les démarches des
entreprises mais aussi permettre aux collaborateurs concernés de voir que des
solutions sont possibles. »
https://go.ayming.com/16eme-barometre-absenteisme
Jacques Darmon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire