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Le 3 octobre 2021
Dans cette lettre
d'information… Parmi les textes de loi… Un décret permettant de proroger le
report des visites médicales qui auraient dû avoir lieu jusqu'au 30 septembre 2021…
une décision du Conseil constitutionnel considérant conforme à la Constitution
l'article L. 4622-6 du Code du travail que la loi du 2 août 2021 prévoit de
modifier… Une jurisprudence de la Cour de cassation sur le doublement de
l'indemnité spéciale de licenciement pour une demande de résiliation judiciaire
suivie d'une inaptitude d'origine professionnelle… Une étude de Santé publique
France sur la faisabilité d'une surveillance épidémiologique des suicides en
lien avec le travail… Un commentaire d'une étude sur les maladies à caractère professionnel
dans la grande distribution alimentaire, en particulier chez les caissières et
les employées de libre-service… Un document d'un Collectif de la fonction
publique sur la perte de sens de leur travail chez les agents…
Je vous rappelle
que vous pouvez accéder à mes lettres d’information depuis un an sur un blog à
l’adresse suivante : https://bloglettreinfo.blogspot.com/.
· Textes de loi, circulaires,
instructions, accords, questions parlementaires et questions prioritaires de
constitutionnalité
Décret n° 2021-1250 du 29 septembre
2021 modifiant le décret n° 2021-56 du 22 janvier 2021 adaptant temporairement
les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de
santé au travail à l'urgence sanitaire
Ce décret du 29 septembre modifie
deux dispositions relatives à la santé au travail :
ü d'une part, le report des visites
médicales des salariés (1° de l'article 1 du décret) ;
ü d'autre part, la possibilité pour
les infirmiers de réaliser certaines visites médicales spécifiques (2° de
l'article 1 du décret).
Report des visites médicales
L'ordonnance n° 2020-386
du 1er avril 2020 (article 3) prévoyait le report des visites médicales qui
devaient être réalisées à partir du 12 mars 2020. Cette ordonnance indiquait
que ces visites médicales " peuvent faire l'objet d'un report dans
des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sauf lorsque le médecin
du travail estime indispensable de maintenir la visite compte tenu notamment de
l'état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail.
" Le décret en Conseil d'Etat du n° 2021-56 du 22 janvier 2021 a
mis en œuvre cette disposition.
Le présent décret modifie le décret n° 2021-56 du 22 janvier 2021, qui prévoyait le report de certaines
visites médicales qui devaient être réalisées avant le 2 août 2021, en
prorogeant ce délai jusqu'au 30 septembre 2021.
Ainsi, selon l'article 2 du décret du 22 janvier 2021, il
sera possible au médecin du travail de reporter, au plus tard d'un an,
l'échéance prévue dans les textes réglementaires avant
l'ordonnance du 1er avril 2020 pour les visites suivantes :
ü visite d'information et de prévention initiale des articles R. 4624-10 du Code du travail (CdT) et R. 717-13 du Code rural et de la pêche maritime
ou l'examen médical préalable à la prise de fonction prévu aux articles R. 4626-22 du CdT [dans la Fonction publique
hospitalière] ou R. 717-14 du Code rural et de la pêche maritime,
sauf celles des travailleurs évoqués ci-dessous (pas de report pour les
travailleurs handicapés, ceux qui déclarent être titulaires d’une pension
d’invalidité, les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes, les
travailleurs de moins de 18 ans, les travailleurs de nuit, ceux exposés à des
champs électromagnétiques affectés à des postes pour lesquels les valeurs
limites d’exposition fixées à l’article R. 4453-3 du Code du travail sont dépassées,
ainsi que les travailleurs exposés à des agents biologiques de groupe 2) ;
ü renouvellement de la visite d'information et de
prévention prévue aux articles R. 4624-16 du CdT et R. 717-14 du Code rural
et de la pêche maritime ou l'examen tous les deux ans de l'article R. 4626-26 du CdT [dans la fonction publique
hospitalière] ;
ü renouvellement
de l'examen d'aptitude et de la visite intermédiaire des articles R. 4624-25 du CdT et R. 717-16-2 du Code rural et de la pêche
maritime, à l'exception du renouvellement de l'aptitude des travailleurs
exposés aux rayonnements ionisants évoqués ci-dessous.
Cependant, si le médecin du travail l'estime nécessaire, la
visite devra avoir lieu à son échéance normale.
En cas de report d'une visite médicale, le médecin du travail
doit en informer l'employeur et le salarié en indiquant la date de report. S'il
ne dispose pas des coordonnées du salarié, il demande à l'employeur de
communiquer l'information au salarié.
Comme initialement prévu dans le
décret du 22 janvier 2021, certaines visites médicales ne peuvent toujours pas
faire l'objet d'un report :
" 1° La visite d'information et de
prévention initiale prévue à l'article R. 4624-10 du code du
travail et à l'article R. 717-13 du code rural et de la pêche
maritime ou l'examen médical préalable à la prise de fonction prévu à
l'article R. 4626-22 du code du travail, concernant :
a) Les travailleurs handicapés ;
b) Les travailleurs âgés de moins de
dix-huit ans ;
c) Les travailleurs qui déclarent être
titulaires d'une pension d'invalidité ;
d) Les femmes enceintes, venant
d'accoucher ou allaitantes ;
e) Les travailleurs de nuit ;
f) Les travailleurs exposés à des champs
électromagnétiques affectés à des postes pour lesquels les valeurs limites
d'exposition fixées à l'article R.
4453-3 du code du travail sont dépassées ;
g) Les travailleurs exposés à des agents
biologiques de groupe 2 ;
2° L'examen médical d'aptitude initial,
prévu à l'article R.
4624-24 du code du travail et à l'article R.
717-16-1 du code rural et de la pêche maritime ;
3° Le
renouvellement de l'examen d'aptitude pour les travailleurs exposés à des
rayons ionisants classés en catégorie A en application de l'article R.
4451-57 du code du travail, prévu à l'article R.
4451-82 du même code.
Visites réalisées par l'infirmier en
santé au travail
L'article 5 de l'ordonnance du 1er
avril 2020 prévoyait que le médecin pouvait confier, à titre dérogatoire, la
réalisation de certaines visites médicales aux infirmiers en santé au travail.
Ce qui a été mis en œuvre, dans le
décret du 22 janvier 2021 qui permettait au médecin du travail de confier les
visites suivantes à l'infirmier en santé au travail :
ü la visite de pré-reprise prévue aux articles R. 4624-29 et R. 4626-29-1 du CdT et R. 717-17 du Code rural et de la pêche
maritime ;
ü la visite de reprise prévue à l'article R. 4624-31 du CdT et à l'article R. 717-17-1 du Code rural et de la pêche
maritime, à l'exception de celle concernant les salariés faisant l'objet d'un
suivi individuel renforcé dans le cadre des articles R. 4624-22 du CdT et R. 717-16 du Code rural et de la pêche
maritime.
A compter du 30 septembre 2021 il ne
sera plus possible de confier ces visites aux infirmiers en santé au travail.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044125984
Décision du
Conseil constitutionnel n° 2021-931 QPC du 23 septembre 2021
Les services de
santé au travail sont très préoccupés par les modalités de cotisation demandées
à leurs adhérents. En particulier, de l'article L. 4622-6 qui énonce des règles
de cotisation qui peuvent donner lieu à interprétation avec un retentissement
financier non négligeable.
Dans ce cette
décision du 23 septembre 2021, le Conseil constitution a été saisi en juin 2021
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de
l'article L. 4622-6 du Code du travail.
Le requérant principal était l'association " Agir ensemble pour
la santé au travail " (Agestra) qui est en conflit à ce sujet avec un
groupe de restauration rapide dont de nombreux salariés travaillent à temps
partiel. Présentent aussi des observations, l'association interprofessionnelle
des centres médicaux et sociaux de santé au travail de la région Ile-de-France
et Presanse [NDR - L'organisme patronal des services de santé au travail] ainsi
que le Premier ministre. La société impliquée a aussi émis des observations.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 septembre 2018 - Cass. Soc. n° 17-16219 publié au Bulletin - a jugé que les
cotisations des adhérents des services interentreprises devaient être calculées
sur les équivalents temps plein et non pas sur le nombre total de salariés,
chacun comptant pour une unité, y compris ceux à temps partiel.
L'association
requérante reproche à l'interprétation de l'article L. 4622-6 par la Cour de
cassation, dans son arrêt du 19 septembre 2018 ci-dessus, de prévoir, une
répartition des frais afférents à ces services proportionnelle au nombre des
salariés de chacune d'elles déterminé en équivalent temps plein. Il en
résulterait ainsi une différence de traitement injustifiée entre les employeurs
selon la proportion des salariés à temps plein et à temps partiel au sein de
l'entreprise, alors même que tous les salariés bénéficient des mêmes prestations
des services de santé au travail, en méconnaissance du principe d'égalité
devant la loi.
Plus
précisément, le service de santé au travail requérant considère comme contraire
à l'égalité les mots " proportionnellement au nombre des salariés
" figurant au deuxième alinéa de l'article L. 4622-6 du code du
travail sur lesquels porte la QPC.
Les autres
intervenants soutiennent ce grief. Certains intervenants soutenant que
l'interprétation de la Cour de cassation de cet article L. 4622-6 constitue une
entrave à la liberté d'association.
Le Conseil
constitutionnel considère que cette disposition de l'article L. 4622-6 du Code
du travail et son interprétation par la Cour de cassation ne génèrent pas de
différences de traitement entre les entreprises puisqu'elles y sont toutes
soumises.
Il constate "
que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité
devant les charges publiques, ni la liberté d'association, ni aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la
Constitution "
Il décide donc
que " Les mots « proportionnellement au nombre des salariés » figurant
au deuxième alinéa de l'article L. 4622-6 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à
l'architecture et au patrimoine, sont conformes à la Constitution. "
[NDR – Pour
résoudre cette problématique liée au mode de calcul des cotisations des
entreprises adhérant à un service de santé au travail, la prise en compte de
chaque salarié en tant qu'une unité, pour le calcul des entreprises adhérentes
est prévu par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention. Son article
13 modifie, à compter du 31 mars 2022, le 2e alinéa de l'article L.
4622-6 du Code du travail qui devient : " Au sein des services communs à plusieurs établissements ou à
plusieurs entreprises constituant une unité économique et sociale, ces frais
sont répartis proportionnellement au nombre des salariés comptant chacun pour
une unité. "]
· Jurisprudence
Le doublement de l'indemnité de
licenciement d'une inaptitude d'origine professionnelle est dû en cas de
résiliation judiciaire déclarant le licenciement nul
Il s'agit d'un arrêt de la chambre sociale
de la Cour de cassation du 15 septembre 2021 - Cass. Soc. n° 19-24498 - publié
sur le site et dans le Bulletin des arrêts de la Cour de cassation.
Les faits et la procédure – Un salarié
travaille au moment des faits pour une entreprise en tant que responsable de
chargement confirmé. Il avait été embauché le 31 mars 2005, comme agent
d'exploitation, dans une entreprise, reprise, en 2012, par son employeur au
moment des faits.
Le 14 mars 2014, le salarié demande la
résiliation judiciaire de son contrat de travail pour un manquement de
l'employeur à son obligation de sécurité en ne mettant pas en place des mesures
de prévention et un harcèlement moral et demande, de plus, l'annulation d'une
sanction et d'une mise à pied disciplinaire de 2013. Il invoque aussi, à
l'appui de ses demandes, la dégradation de son état de santé.
Le 27 avril 2014, le salarié est victime
d'un accident du travail. Il est déclaré inapte à son poste par le médecin du
travail à l'issue de deux visites médicales, les 15 juin et 18 juillet 2016.
Le 24 octobre 2016, il est licencié pour
inaptitude et impossibilité de reclassement.
[NDR - Pour information, une demande de
résiliation judiciaire doit être justifiée par un manquement grave de
l'employeur à ses obligations. Si les juges considèrent qu'il y a eu un
manquement grave, la résiliation judiciaire rompt le contrat et produit les
effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou, éventuellement,
d'un licenciement nul si c'est par exemple pour un harcèlement ou une
discrimination. Dans le cas contraire, la résiliation judiciaire est rejetée et
le contrat se poursuit.]
Le salarié développe devant la cour d'appel une
argumentation sur le manquement à l'obligation de sécurité et au harcèlement
moral dont il dit avoir été victime, et qu'il avait dénoncé à son employeur, et
renouvelle sa demande d'annulation d'une sanction et de la mise à pied
disciplinaire de 2013. Cette argumentation est développée dans l'arrêt de la
cour d'appel de Paris du 18 septembre 2019, n°
16/11180.
La cour d'appel fait droit à sa demande de
résiliation judiciaire et celle-ci produit les effets d'un licenciement nul.
Les juges lui accordent alors, entre autres, un doublement de son indemnité de
licenciement au titre de l'article L.
1226-14 du Code du travail.
L'employeur se pourvoit en cassation sur
ce moyen en faisant grief à l'arrêt de la cour d'appel d'avoir attribué ce
doublement de l'indemnité légale de licenciement au titre de l'article L.
1226-14 car, pour lui, cette indemnité n'est due que lorsque le licenciement
est prononcé dans le cas de l'impossibilité de reclassement du salarié ou de
son refus, non abusif, du ou des postes de reclassement proposés par
l'employeur après une inaptitude d'origine professionnelle. La cour d'appel
aurait donc violé les termes de cet article pour avoir appliqué les
dispositions de l'article L. 1226-14 après une résiliation judiciaire aux torts
de l'employeur.
Réponse de la Cour de cassation
" Ayant
constaté que le salarié avait fait l’objet d’un licenciement en raison d’une
inaptitude consécutive à un accident du travail, la cour d’appel, qui a
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit qu’elle
produisait les effets d’un licenciement nul, a décidé à bon droit que
l’employeur était redevable de l’indemnité spéciale de licenciement prévue par
l’article L. 1226-14 du code du travail. "
Ainsi, le pourvoi de l'employeur est
rejeté.
On peut donc tirer de cette jurisprudence
qu'en cas de résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul
suivie d'une inaptitude pour raison professionnelle, le doublement de
l'indemnité de l'article L. 1226-14 est dû.
· Maladie
à caractère professionnel dans la grande distribution alimentaire (BEH)
Vous pourrez
accéder à cet article publié dans le Bulletin épidémiologique n° 14 du 21
septembre 2021 en pièce jointe et à l'adresse figurant en fin de commentaire
sur le site de Santé publique France.
Cet article est
intitulé " Les maladies à caractère professionnel chez les salariés de
la grande distribution alimentaire en France – Résultats 2008-2016 "
et il est signé par Mme Aurélie Fouquet et al.
Introduction
Les maladies à
caractère professionnel
Les maladies à
caractère professionnel (MCP) sont définies comme des maladies dont l'origine ne
fait pas l'objet d'une reconnaissance en maladie professionnelle pour diverses
raisons (elles ne figurent pas dans des tableaux ou ne peuvent l'être au titre
des tableaux, elles sont en cours de reconnaissance, elles ne sont pas
déclarées ou ne sont pas reconnues, etc…).
Depuis 2007, des
quinzaines des quinzaines des maladies à caractère professionnel sont
organisées dans plusieurs régions françaises, à raison de deux quinzaines par
an. Entre 2009 et 2016, entre 11 et 15 régions ont participé par année aux
quinzaines des MCP.
Lors de ces MCP,
des médecins du travail volontaires signalent toutes les pathologies dont ils
estiment qu'elles pourraient être d'origine professionnelle. En complément des
informations relatives aux pathologies, sont recueillies les caractéristiques
socioprofessionnelles des salariés vus lors des visites médicales.
Le taux de signalement des MCP est le rapport entre le nombre de salariés
présentant au moins une MCP sur le nombre total de salariés vus lors des
visites médicales. Le taux de prévalence d'une pathologies est défini comme le
rapport entre le nombre de salariés présentant cette pathologie sur le nombre
total de salariés vus lors des quinzaines des MCP.
Dans ce
document, les auteurs se sont intéressés aux groupes de pathologies les plus
fréquemment signalées par les médecins du travail, les atteintes de l'appareil
locomoteur, la souffrance psychique et les irritations et allergies. Dans le
cas des atteintes de l'appareil locomoteur, les sous-groupes arthrose et
troubles musculosquelettiques (TMS) ont été suivis séparément avec, pour ces
derniers, une prise en compte de la localisation (coude, épaule, main et
poignets (dont les syndromes canalaires), rachis et membres inférieurs.
La grande
distribution alimentaire (GDA)
La grande
distribution alimentaire regroupe l'ensemble des grandes, moyennes et petites
surfaces de commerce de détails de biens et de services en libre-service à
prédominance alimentaire. Ce qui représente plus de 600 000 salariés. [NDR –
Selon un document de la Branche des risques
professionnels, la grande
distribution alimentaire pourrait représenter 515 162 salariés en 2019, dans
les différents secteurs, de l'alimentation générale, des superettes, des
supermarchés, des magasins multi-commerces et des hypermarchés.]
Ces salariés
sont exposés à des contraintes physiques - telles que les manutentions de
charges ou les gestes répétitifs - et organisationnelles fortes - horaires
décalés, irréguliers, alternés. De plus ces salariés sont exposés à des risques
psychosociaux, entre autres au contact du public.
En 2016, les
données de la Caisse nationale d'assurance maladie dénombrent un taux de 5.7
maladies professionnelles pour 1000 salariés dans la GDA, soit plus du double
que celui de l'ensemble des autres secteurs. En termes d'accidents du travail
(AT), l'indice de fréquence des AT est de 55.4 accidents pour 1000 salariés
dans la GDA versus 33.8 pour 1000 dans l'ensemble des secteurs d'activité.
Objectifs
L'objectif de
cette étude est de décrire les pathologies signalées lors des quinzaines des
MCP parmi les salariés de la GDA et, en particulier, de celles des caissiers et
des employés de libre-service qui représentent les populations de salariés les
plus importantes dans ce secteur d'activité et de les comparer à celles des
salariés des autres secteurs d'activité reçus en visite médicale. L'idée est
aussi d'en apprécier l'évolution au cours du temps.
Résultats
Données
démographiques
Parmi les 17 771
salariés de la GDA vus lors des quinzaines des MCP il y a eu 4 122 (23.2%)
caissiers et 4 988 (28.1%) employés de libre-service. Les femmes étaient
majoritaires parmi ces salariés, 3 835 caissières et 3 208 employées de
libre-service.
Dans cette
population des 17 771 salariés, il y avait une majorité de femmes (63.9%) plus
jeunes (36.7%) que les 43.9% de femmes et la moyenne de 39.7 ans pour
l'ensemble des secteurs d''activité.
Les signalements
de MCP
Chez les femmes
Dans la GDA, le
taux de signalement chez les femmes a été 8.8%, significativement plus élevé
que les 7% dans l'ensemble des secteurs d'activité.
La prévalence
des TMS était aussi significativement plus élevée, avec un taux de 5.8% dans la
GDA versus 3.4% dans l'ensemble de la population des salariés vus dans les
quinzaines des MCP. Cette différence étant particulièrement marquée pour les
atteintes des épaules avec 1.9% dans la GDA versus 1.1% dans la population de
référence et pour les TMS mains-poignets avec 1.3% versus 0.8% dans la
population de référence ainsi que pour les syndromes canalaires avec 0.9%
versus 0.6%. Les TMS du rachis étaient aussi significativement plus fréquents
chez les femmes de la GDA avec un taux de 2.1% versus 1.2% dans la population
de référence. Ce qui donne des Odds ratios d'au moins deux pour les atteintes
du coude, de l'épaule, de la main et du poignet par rapport aux autres salariés
vus lors des quinzaines des MCP.
En revanche, en
termes de souffrance psychique, les salariées de la GDA étaient moins
fréquemment touchées avec un taux de 2.5% versus 3% dans la population de
référence.
Chez les hommes
Chez les hommes,
le taux de signalement des MCP était légèrement inférieur à celui de l'ensemble
des salariés vus en visite médicale, 4.9% versus 5.1%.
Pour l'ensemble
des atteintes de l'appareil locomoteur, soit les taux étaient les mêmes (2.8%
pour les TMS), soit ils étaient inférieurs (0.3% versus 0.5% pour le coude,
0.2% versus 0.3% pour les syndromes canalaires) et ils n'étaient pas
significatifs. Seul le taux des TMS du rachis chez les salariés de la GDA
(1.6%) était supérieur à celui de la population de référence (1.4%), mais de
façon non significative.
En termes de
souffrance psychique, le taux chez les hommes de 1.2% est aussi inférieur au
taux de 1.4% dans la population de référence, mais de façon non significative.
Focus sur les
caissières et employées de libre-service
Dans la grande
distribution alimentaire
Sur la période
2009/2016, parmi les 11 350 salariés de la GDA ayant été vus en consultation de
santé au travail, on retrouve 3 835 caissières (33.8%) et 3 208 employées de de
libre-service (26.3%).
Les taux de
signalement des MCP étaient respectivement de 8.1% et 10.6% chez les caissières
et les employées de libre-service alors que ces taux étaient respectivement de 6.6%
et 6.7% chez ces employées dans les autres secteurs de la distribution.
Le taux de TMS
était lui de 5.9% chez les caissières, de 7.4% chez les employées de
libre-service, de 5% dans les autres métiers de la GDA et de 3.4% dans la
population de référence.
Enfin, le taux
de troubles psychiques était aussi inférieur chez les caissières (2%) et les
employées de libre-service (2.6%) à celui des autres métiers de la GDA et la
population de référence (2.9% dans chacun des cas). Une explication donnée par
les auteurs de l'étude pour le taux moins élevé de signalements de souffrance
psychique serait que les médecins du travail se seraient plus focalisés sur les
TMS, vu leur importance, et auraient pu omettre de signaler la souffrance
psychique.
Caissières et
employées de libre-service de la GDA versus celles des autres secteurs
Entre 2009 et
2016, 5 443 caissières et 3 958 employées de libre-servvice ont été prises en
compte lors des quinzaines des MCP dont respectivement 70.5% et 81.1%
travaillaient dans la GDA.
La comparaison
retrouvait des différences significatives pour les items suivants entre caissières
et employées de libre-service de la GDA et des autres secteurs :
ü un taux de signalement plus important pour les caissières (8.1% versus
6.6%) et les employées de libre-service (10.6%
versus 6.7%) de la GDA, ce qui correspondait respectivement à des Odds ratios
de 1.7 [1.2-2.3] et 2.4 [1.5-3.7] ;
ü un taux de TMS plus marqué pour les caissières (5.9% versus 3.1%) et les
employées de libre-service (7.4% versus 2.9%) dans la GDA ;
ü pour les caissières de la GDA des taux plus importants de TMS de l'épaule
(2.2% versus 1.1%), de la main et du poignet (1.4% versus 0.6%) ;
ü pour les employées de libre-service de la GDA, seul le taux des TMS de
l'épaule était significativement plus élevé dans la GDA par rapport aux autres
secteurs (2.1% versus 0.4%) ;
ü relativement à la souffrance psychique, les taux de celle-ci étaient
inférieurs dans la GDA par rapport aux autres secteurs mais non
significativement, 2% versus 2.8% pour les caissières et 2.6% versus 3.6% pour
les employées de libre-service.
Évolution au cours
du temps
La tendance à la
baisse des MCP a été particulièrement marquée pour les salariées de la GDA
entre 2009 et 2016 avec un passage de 7.5% de prévalence des TMS en 2009 à un
taux de 4% en 2016. Pour les hommes, l'évolution a été plus contrastée avec
baisse d'un peu moins de 1% entre 2009 et 2010, puis un quasi-plateau entre
2010 et 2014 et une augmentation qui ramène en 2016 quasiment au taux de 2009.
Pour les femmes
et hommes salariés des autres secteurs, les taux ont marqué un pic en 2012 puis
ont marqué une faible tendance à la décroissance, pour aboutir à une faible
diminution de 0.5% en 2016.
En revanche,
aucune tendance nette n'a été mise en évidence pour les deux sexes en termes de
souffrance psychique.
Conclusion des
auteurs de l'étude
" Notre
étude met en évidence des niveaux élevés de signalements de TMS des membres
supérieurs pour les salariés de la GDA, hommes et femmes. Les métiers de caissières
et d’employées de libre-service sont particulièrement à risque sur ces
signalements. Sur la période d’étude, les taux de prévalence de TMS sont
observés à la baisse, ce qui pourrait être mis en parallèle des actions de
prévention conduites dans ce secteur. En revanche, les légères hausses
observées sur les signalements de souffrance psychique en fin de période
appuient la nécessité de poursuivre la surveillance des signalements de
MCP pour le secteur de la GDA. "
http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/14/pdf/2021_14_1.pdf
·
Suicides
en lien potentiel avec le travail (SPF)
Il s'agit d'un document publié par Santé publique
France en septembre 2021 qui est intitulé " Surveillance des suicides
en lien potentiel avec le travail " dans la Collection Études et
enquêtes. Ce travail est signé par Mme Virginie Gigonzac et al. Vous pourrez y accéder en pièce
jointe et sur le site de Santé publique France à l'adresse en fin de
commentaire.
Introduction
On recense en
France, en 2016, environ 8 500 décès par suicide, l'un des taux les plus élevés
d'Europe. Ce nombre de suicides apparaît sous-estimé dans la mesure où une
étude a montré qu'un certain nombre de décès (60%) dont la cause était
considérée comme indéterminée étaient liés à un suicide.
Parmi les causes
multifactorielles des suicides, des facteurs professionnels peuvent être
impliqués, en particulier en lien avec des facteurs de risque psychosociaux.
Ce travail
résulte d'une étude de faisabilité relative à la mise en place d'une
surveillance des suicides en lien avec le travail multi-sources. Les sources de
données potentiellement utilisables étant les données du CépiDc Inserm, les
données des organismes de Sécurité sociale sur les accidents du travail (Caisse
nationale d'assurance maladie et Mutuelle sociale agricole), les rapports des
instituts médico-légaux (IML, il y a 31 en France) et les signalements de
l'inspection du travail sur les accidents graves ou mortels dont seuls les
trois premières ont été testées, pour une raison de disponibilité des données,
dans deux régions, en Auvergne et dans la Loire en 2008/2009. Cette première
enquête exploratoire avait montré que les rapports des IML fournissaient les
données les plus larges.
Aussi, en 2018,
une étude a été mise en œuvre afin de tester la possibilité de développer un
système de surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail reposant
sur les données de huit IML (Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lyon, Nîmes,
Paris, Strasbourg, Tours).
Dans un second
temps, ces données seraient appariées avec celles du CépiDc de l'Inserm afin de
comparer la concordance des causes de décès.
Matériel et méthode
Un groupe de
travail, dénommé comité d'appui thématique en santé mentale et travail
(CAT-SMT) a défini les critères qui pouvaient permettre d'établir un lien
potentiel du suicide avec le travail qui figurent ci-dessous :
" 1. la survenue du décès sur le lieu du travail, pendant et en dehors des horaires de travail ;
2. une lettre laissée par la victime mettant en
cause ses conditions de travail ;
3. le décès en tenue de travail alors que la
victime ne travaillait pas ;
4. le témoignage d’un proche ou d’un témoin
mettant en cause les conditions de travail de la victime ;
5. Des difficultés connues liées au travail : contexte de perte
d’emploi, conflit avec ses
collègues ou sa hiérarchie, contexte d’épuisement professionnel, difficultés
connues dans l’entreprise... "
L'utilisation de
l'outil de travail pour le suicide n'a pas été retenu comme critère de lien
potentiel avec le travail car il peut seulement marquer l'accessibilité à un
outil permettant le suicide, sans que cela exprime forcément un lien avec un
facteur professionnel.
Dans cette
étude, ont été incluses les données de l'ensemble des décès par suicides et des
décès pour raison indéterminée survenus entre le 1er janvier et le
31 décembre 2018 dans les huit IML retenus dans cette enquête.
Les données
recueillies avaient trait aux :
ü caractéristiques socio-démographiques des sujets décédés ;
ü caractéristiques du décès ;
ü investigations médico-légales pratiquées (autopsie et prélèvements pour
analyses complémentaires, par exemple toxicologiques) ;
ü présences d'addictions et de comorbidités ;
ü caractéristiques professionnelles et à la situation vis-à-vis de l'emploi
au moment du décès ;
ü circonstances du suicide, avec la recherche des critères de lien
potentiel avec le travail mentionnées ci-dessus.
Résultats
Données générales
relatives aux décès par suicide
Entre le 1er
janvier et le 31 décembre 2018, 1293 fiches exploitables correspondant à des
suicides ou des décès d'intention indéterminée ont été incluses dans l'étude
dont 1135 (88%) étaient des suicides et 158 (12%) des décès d'intention
indéterminée.
Les
caractéristiques principales des 1135 décès par suicide sont les suivantes :
ü près de 72% étaient des hommes, une majorité de 56.5% vivait en couple, 54.7%
chez les hommes et 61.2% chez les femmes ;
ü dans 59.7% des cas, le suicide a eu lieu au domicile, sensiblement à
égalité pour hommes et femmes ;
ü une majorité de 71.7% n'était pas en emploi, taux plus importante chez
les femmes, 77.7% ;
ü une minorité de 11.7% a utilisé son outil de travail pour le suicide.
Quel que soit le
sexe, le mode de suicide le plus fréquent était la pendaison (43%), suivie,
chez les hommes, par l'utilisation d'une arme à feu (24%) et du saut dans le
vide (12%). Chez les femmes, la deuxième modalité de suicide était le saut dans
le vide (23%), suivie par l'auto-intoxication médicamenteuse (17%).
Parmi les
personnes en emploi, la catégorie socioprofessionnelle la plus représentée
était celle des employés, 39% des hommes et 57% des femmes.
Les secteurs d'activité
les plus concernés par ces suicides, chez les hommes, sont l'administration
publique (16%) et la construction (11%). Chez les femmes, le secteur de la
santé humaine et de l'action sociale (36%) était le plus fréquent, suivi par
l'administration publique (14%).
Les sujets hors
emploi au moment du suicide étaient majoritairement à la retraite (61%) mais
17% des femmes et 13% des hommes ne travaillaient pas pour des raisons de santé,
8% des hommes et des femmes étaient au chômage et 7% des hommes et 11% des
femmes étaient en formation.
Données des
suicides en lien potentiel avec le travail
Ces données
concernent 110 cas de décès dans lesquels le travail aurait potentiellement
joué un rôle
Répartition des
critères de lien potentiel avec le travail
Parmi les 180
critères orientant vers un rôle du travail dans le suicide, on retrouve :
ü le critère le plus fréquent est la présence de difficultés au travail rapportées
par des proches ou des enquêteurs telles qu'un épuisement professionnel, la
perte d'un emploi ou des conflits avec les collègues ou la hiérarchie pour les
salariés et une faillite pour les non-salariés (64.5%) ;
ü suivie par fait que le suicide s'est déroulé sur le lieu de travail
(41.8%) ;
ü le témoignage d'un proche mettant en cause le travail (33.8%) ;
ü et, de façon moins fréquente, un décès en tenue de travail alors que le
sujet ne travaillait pas (12.7%) et une lettre laissée par la victime mettant
en cause les conditions de travail (10.9%).
Dans une grande
majorité des cas (87%) il y a un ou deux critères présents, un seul critère est
présent (53.6%) ou deux critères (33.6%) sont retrouvés.
Estimation du taux
de suicides potentiellement liés au travail
Au total, les
110 suicides représentent 9.7% de l'ensemble des suicides déclarés par les IML.
Ils concernent un peu plus les hommes (10.2%) que les femmes (8.5%).
Données
sociodémographiques
Parmi les 110
sujets décédés suite à un suicide potentiellement en lien avec l'emploi, 75.5%
étaient des hommes et 24.5% des femmes.
Les deux
tranches d'âge les plus représentées étaient celle des 35-44 ans (21.5%) et,
surtout, celle des 45-54 ans (37.4%).
Une majorité de
75.5% de ces 110 sujets étaient en emploi et 24.5% hors emploi (formation,
chômage ou arrêt pour raison de santé).
Là aussi, la
catégorie socioprofessionnelle la plus concernée était celle des employés
(31.3%) suivie, à égalité, par, d'une part, celle des cadres et professions
intellectuelles supérieures et, d'autre part, celle des artisans, commerçants
et chefs d'entreprise (18.1% chacune). Les suicides potentiellement en lien
avec le travail concernent à 12% des ouvriers.
Discussion
Cette étude,
malgré son grand intérêt dans un domaine qui présente une importance
grandissante dans le public et apporte des informations sur l'épidémiologie des
suicides, présente des résultats à interpréter avec précaution.
Du fait de
l'aspect multifactoriel de l'origine d'un suicide, il ne s'agit pas d'une
imputabilité des suicides au travail mais d'estimer la part des suicides où des
expositions professionnelles ont pu jouer un rôle.
Cette étude ne
porte que sur les cas rapportés par les IML alors que l'ensemble des suicides
en France ne fait pas l'objet d'investigations médico-légales et le pourcentage
des suicides pris en charge dans les IML n'est pas connu. Ceci pourrait être
corrigé en appariant les données des IML avec celles de CépiDc pour apprécier
la concordance des données et d'estimer ainsi la part des décès par suicide qui
ne sont pas pris en charge par les IML.
Les données
issues de cette étude de faisabilité ne sont pas extrapolables à la France
entière en raison des particularités régionales en termes d'emploi, de tissu
économique, d'épidémiologie du suicide et de transmission par l'IML des
certificats de décès au CépiDc. Une étude portant sur les 31 IML aurait pu
donner une image plus précise pour l'ensemble du pays des suicides
potentiellement en lien avec le travail.
Enfin, un
certain nombre de données intéressantes manquent dans les retours des IML, en
particulier celles concernant les antécédents psychiatriques, les comorbidités
et les addictions. Les données concernant la situation professionnelle sont
parfois aussi incomplètes.
Conclusion
" Ce
travail a permis de proposer une définition des suicides en lien potentiel avec
le travail validée par le CAT-SMT et a par ailleurs rappelé l’importance d’agir
pour diminuer les actes suicidaires en population générale mais aussi en milieu
professionnel. Ce travail a
également mis en évidence l’intérêt de poursuivre la faisabilité de développer
un système national de surveillance des suicides en lien potentiel avec le
travail, à partir des données des IML, en
intégrant ou adossant au volet complémentaire du certificat de décès. Pour
cela, il est nécessaire d’une part de mener en amont un travail avec la
Direction Générale de la Santé et le CépiDc-Inserm sur les conditions
d’intégration de nouveaux items dans le volet complémentaire, et d’autre part
de développer une communication importante auprès de l’ensemble des médecins
légistes sur l’utilité d’un recueil standardisé d’informations jugées
pertinentes à partir de leurs données et de conforter leur rôle en tant
qu’acteurs de santé publique.
La mise en place
de ce système au niveau national permettrait d’enrichir les connaissances sur
l’épidémiologie de ces suicides, qui demeure encore mal connue en France
aujourd’hui, et d’en améliorer leur prévention. Il ne s’agit pas d’établir l’imputabilité exclusive du travail au
suicide mais de s’intéresser à un lien potentiel, plus ou moins important, du
travail dans le geste suicidaire. Ainsi à terme, selon la qualité des données
recueillies via ce système, Santé publique France pourrait assurer une
surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail qui compléterait
ses autres travaux sur les conduites suicidaires par catégories
professionnelles et secteurs d’activité, menés à partir des enquêtes en
population via les baromètres et les cohortes. Le développement de ce nouveau
système de surveillance sera réfléchi dans une démarche intégrée au sein de
Santé publique France, visant à développer la surveillance, la promotion de la
santé et de la qualité de vie en milieu professionnel, en lien avec les
partenaires externes et en cohérence avec les enjeux du Plan Santé Travail
souhaitant un renforcement de la prévention. "
· La
perte de sens chez les agents de la fonction publique
Les données
présentées ici proviennent d'une enquête réalisée en ligne à laquelle vous
pouvez accéder sur le site du Collectif " Nos services publics "
à l'adresse en fin de commentaire. Ce collectif a pour but " de
retrouver le sens de nos missions ".
Outre les
résultats de l'enquête ci-dessous, vous pourrez accéder aux témoignages de 2590 agents sur le site du
Collectif.
Matériel et
méthode
Il faut préciser
d'emblée que cette enquête ne vise pas à la représentativité et ses résultats
ne peuvent être extrapolés à l'ensemble de la population des agents de la
fonction publique.
Les données
présentées sont le résultat d'une enquête administrée en ligne du 30 avril au
31 août 2021, anonymement, sur le site internet du Collectif.
Quatre questions
à choix multiples étaient posées et les répondants avaient la possibilité de
témoigner librement (les témoignages évoqués ci-dessus).
Les quatre questions
posées :
ü " Quelles sont les raisons
pour lesquelles vous avez rejoint le service public ? " ;
ü
" C'est absurde. Ou si cela a un sens ce n'est
pas celui pour lequel je me suis engagé… Vous vous êtes dit cela ? " ;
ü " Quels sont les problèmes que vous rencontrez ? Qu'est-ce qui vous
fait douter ? "
ü " Aujourd'hui
qu'est-ce qui fait que vous restez au sein du service public ? ".
Résultats
Population et ses
caractéristiques
Parmi les 4 484 répondants
agents des services publics dont l'âge est connu : 388 de moins de 30 ans, 1 296
de 30 à 39 ans, 1 536 ont de 40 à 49 ans, 1 022 de 50 à 59 ans et 242 ont 60
ans et plus.
La répartition
des âges au sein des différents secteurs est relativement homogène.
Parmi les
répondants, les agents de catégorie A (le niveau le plus élevé dans la
classification des agents de la fonction publique) sont surreprésentés par
rapport à leur taux dans l'ensemble de la fonction publique (2 805 agents dont
987 exercent dans l'éducation nationale). En revanche les agents de catégorie B
(447 agents) et C (294 agents) sont moins représentés dans l'enquête que dans
la fonction publique. Les contractuels (541 agents) représentent 12% du panel
de l'enquête et ils sont aussi moins représentés que dans l'ensemble de la
fonction publique;
Répartition
selon les secteurs d'activité :
ü 27% des répondants exercent dans l'éducation nationale (1 190 agents) ;
ü 14% des répondants travaillent dans l'enseignement supérieur et la recherche
(622 agents) ;
ü 11% exercent dans le secteur de la santé (496 répondants) ;
ü 5.7% des répondants exercent dans le domaine de l'économie et des
finances (251 agents) ;
ü 4.8% des répondants travaillent dans le secteur de la culture (209
agents) ;
ü dans les secteurs de la défense et de l'intérieur, il y a une forte
sous-représentation avec respectivement des taux de 0.79% (36 agents) et de 1.75%
(80 agents) des répondants.
Réponses aux
questions
" Quelles
sont les raisons pour lesquelles vous avez rejoint le service public ? "
Parmi les
différentes réponses à cette question, la plus fréquente (68%) est celle de
l'intérêt général. La deuxième réponse la plus fréquente (50%) est un attrait
pour un métier particulier.
Viennent ensuite
les réponses suivantes : la stabilité de l'emploi (40%), l'équilibre vie privée
/ vie professionnelle (environ 28%), les opportunités de carrière (environ
12%). La rémunération n'est une raison de choix d'exercer dans la fonction
publique que pour 3% des répondants.
Spécificités
selon certaines populations
Les agents de
l'éducation nationale ont été plus nombreux à indiquer avoir fait le choix de
travailler dans la fonction publique pour l'attrait d'un métier (65% versus 50%
dans l'ensemble) et une moindre partie ont répondu que c'était pour l'intérêt
général (54% versus 70%). Cet attrait pour un métier est aussi plus important
dans l'enseignement supérieur et la recherche.
Pour les agents
de catégorie C, la première raison du choix est la stabilité de l'emploi (57%
versus 40% chez l'ensemble des agents) puis vient l'intérêt général (48% versus
68%) et l'équilibre vie privée / vie professionnelle (36% versus environ 28%).
Il y a une
unanimité des agents pour déclarer que la rémunération ne représente pas un
facteur d'attractivité pour l'emploi public.
" C'est absurde. Ou si cela a un sens
ce n'est pas celui pour lequel je me suis engagé… Vous vous êtes dit cela ?
".
Une majorité des
agents (80%) répondent qu'ils sont régulièrement (48%) ou très fréquemment
(32%) confrontés à un sentiment d'absurdité concernant leur activité. Seule une
minorité de 3% des agents indiquent ne jamais avoir été exposés à ce sentiment
et 15% indiquent n'y être exposés que rarement.
Ce sentiment
d'absurdité est d'autant plus fréquent que l'âge des sujets augmente, les moins
de 30 ans sont 23% à l'indiquer, 31% des 30-39 ans, 33% des 40-49 ans et 35%
des 50-59 ans.
La réponse à
cette question dépend aussi de la catégorie de l'agent. Dans la catégorie A,
34% rencontrent très fréquemment ce sentiment d'absurdité (contre 32% chez
l'ensemble des agents) et, de façon moindre, dans les autres catégories : 31%
chez les agents de catégorie B, 27% chez ceux de catégorie C et 21% chez les
contractuels.
" Quels sont
les problèmes que vous rencontrez ? Qu'est-ce qui vous fait douter
? "
Les réponses les
plus fréquentes à cette question concernent ce qui limite les possibilités d'accomplissement
de leur mission par les agents, en particulier le manque de moyens, un
désaccord sur les orientations stratégiques et une perte de sens de l'activité.
On retrouve donc
les réponses suivantes (entre parenthèse le taux de réponses) :
ü le manque de moyens (64%) ;
ü un désaccord sur les orientations stratégiques 61%) ;
ü le perte de sens de la mission qui a été confiée (55%) ;
ü de mauvaises conditions de travail (41%) ;
ü le manque d'opportunité de carrière (30%) ;
ü les collègues (8%) ;
ü une minorité de 3% ne rencontre pas de problèmes.
Les problèmes
liés aux manques de moyens sont particulièrement cités par les agents de la
justice, de la santé et de l'éducation nationale où les trois quarts des
répondants les citent.
Le manque
d'opportunité de carrière est plus fréquemment considéré comme un problème par
les agents de catégorie C (42% versus 30% dans l'ensemble des répondants) et
nettement moins chez les agents de catégorie A (24% de ceux exerçant un
encadrement). Néanmoins, chez ces agents de catégorie C, les problèmes les plus
fréquemment évoqués sont, en premier, le manque de moyens et, en second, la
perte de sens de la mission confiée.
Chez les agents
de l'éducation nationale, la problématique de la rémunération est
particulièrement prégnante puisqu'elle est citée par 58% des agents versus 38%
de l'ensemble des répondants.
" Aujourd'hui
qu'est-ce qui fait que vous restez au sein du service public ? "
Les raisons de
rester au sein du service public des répondants figurent ci-dessous (entre
parenthèses le taux de réponse) :
ü le service de l'intérêt général demeure la réponse la plus fréquente (52%)
;
ü l'intérêt pour la mission qui a été confiée à l'agent (50%) ;
ü la difficulté de changer (38%) ;
ü la stabilité de l'emploi (36%) ;
ü les collègues (22%) ;
ü les conditions de travail (15%) ;
ü la rémunération et les opportunités de carrière (8% chacun).
Malgré toutes
les difficultés rencontrées, comme on peut le constater ci-dessus, le service
de l'intérêt général et l'intérêt pour la mission confiée à l'agent sont les
deux premières raisons de rester dans la fonction publique et elles sont
évoquées par 70% des agents.
Les réponses à
cette question parmi les agents ayant déclaré être venus travailler dans le
service public pour servir l'intérêt général indiquent un désenchantement, par
rapport à la raison de l'engagement initial, puisque 33% ne citent plus cette
raison pour rester au sein du service public.
Pour ceux qui
ont choisi de travailler dans la fonction publique pour l'attrait d'un métier,
un certain désenchantement est aussi présent puisque 39% d'entre eux ne citent
plus l'intérêt de la mission confiée comme une raison du fait qu'ils restent
travailler dans la fonction publique
Des raisons
importantes de rester dans la fonction publique sont liées à des aspects
pratiques, la difficulté de changer d'emploi (38% des répondants) ou la
stabilité de l'emploi (35%).
La stabilité de
l'emploi est invoquée comme la première raison de rester dans la fonction
publique par les agents de catégorie parmi lesquels un agent sur deux cite ce
motif.
Dans l'éducation
nationale, la raison invoquée en premier pour rester au sein de la fonction
publique est la difficulté de changer d'emploi qui est cité par plus de 50% des
répondants.
Focus sur quelques
secteurs d'activité
L'éducation
nationale
Les agents de
l'éducation nationale sont majoritairement des enseignants mais aussi d'autres
personnels.
Interrogés sur
les raisons qui les amènent à rester dans l'éducation nationale, ces agents
apportent les réponses suivantes (entre parenthèses taux dans l'éducation
nationale versus agents hors éducation nationale) :
ü le service de l'intérêt général (42% versus 56%) ;
ü l'intérêt de la mission qui est confiée à l'agent (46% versus 51%) ;
ü la difficulté de changer d'emploi (52% versus 31%) ;
ü la stabilité de l'emploi (35% versus 26%) ;
ü mes collègues (18% versus 25%) ;
ü les conditions de travail (5% versus 18%) ;
ü la rémunération (4% versus 10%) ;
ü les opportunités de carrière (2% versus 10%).
Ainsi, si 65%
des agents de l'éducation nationale sont entrés dans l'administration par
attrait pour un métier, seulement 46% indiquent que l'intérêt de la mission les
incite à y rester.
Une majorité des
agents de l'éducation nationale (52%) déclarent rester à leur poste car ils
indiquent qu'il y a une difficulté à changer d'emploi, ce qui est moins
fréquemment le cas des agents hors éducation nationale (31%).
Dans l'éducation
nationale, le sentiment d'absurdité du travail, corrélé à la perte de sens, est
plus fréquemment invoqué que dans la population des agents hors éducation
nationale, respectivement 43% et 27%.
Le secteur de la
santé
Selon les
témoignages recueillis, les agents de la santé qui se sont exprimés sont
majoritairement des soignants, le personnel adminsitratif est minoritaire.
Les problèmes
invoquées et qui font douter dans la santé sont (entre parenthèses taux dans la
santé versus taux des agents hors santé) :
ü le manque de moyens (74% versus 62%) ;
ü un désaccord avec les orientations stratégiques (64% versus 61%) ;
ü la perte de sens de la mission confiée (52% versus 55%) ;
ü de mauvaises conditions de travail (52% versus 40%) ;
ü la rémunération (35% versus 36%) ;
ü le manque d'opportunité de carrière (21% versus 31%) ;
ü les collègues (5% versus 6%) ;
ü je ne rencontre pas de problème (2% versus 3%).
Ainsi, chez les
agents exerçant dans le secteur de la santé, sont plus fréquemment invoqués que
chez les autres agents des problèmes et des difficultés liés au manque de
moyens, à un désaccord avec les orientations stratégiques et de mauvaises
conditions de travail.
Les classes d'âge
Chez les sujets
les plus jeunes, de 29 ans ou moins, le fait de choisir un emploi public est
plus marqué par la notion de servir l'intérêt général (80%) que dans les tranches
plus âgées, 78% entre 30 et 39 ans, 68% entre 40 et 49 ans et 66% chez les 50
ans et plus.
En revanche,
pour le sentiment d'absurdité des tâches à accomplir, il y a une hausse de ce
sentiment avec l'augmentation de l'âge jusque la tranche des 40-49 ans. En
effet, on passe de 22% pour les 29 ans et moins, à 30% pour les 30 à 3 ans, 34%
pour les 40-49 ans et 33% pour les 50 ans et plus.
Les sujets les
plus jeunes de 29 ans et moins sont plus nombreux à citer un manque de moyens
(70%) que les 30-39 ans (68%), les 40-49 ans (65%) et les 50 ans et plus (56%).
Comparaison entre
les différentes catégories de fonctionnaires et les contractuels
Une comparaison des
raisons qui ont incité à rentrer dans la fonction publique les fonctionnaires
de catégorie A - avec ou sans fonction d'encadrement -, de catégories B et C et
les contractuels sur les points suivants a été réalisée.
Cette
comparaison fournit les résultats suivants :
ü le service de l'intérêt général est le plus fréquent chez les contractuels
(78%), puis les fonctionnaires de catégorie A avec fonction d'encadrement (72%)
puis les fonctionnaires de catégorie A sans fonction d'encadrement (62%) ;
ü l'attrait pour un métier particulier est le plus fréquent chez les agents
de catégorie A sans fonction d'encadrement (59%) et, à peu près au même niveau
(environ 50%), pour les contractuels et les fonctionnaires de catégorie A avec
fonction d'encadrement ;
ü la stabilité de l'emploi est surtout plébiscitée par les fonctionnaires
de catégorie C (57%) et de catégorie B (47%) et elle peu fréquente chez les
contractuels (18%) ;
ü en termes d'équilibre vie professionnelle / vie privée, seuls les
fonctionnaires de catégorie C se détachent du lot avec le taux de 36%, le plus
élevé ;
ü les opportunités de carrière sont citées principalement par les
fonctionnaires de catégorie A sans fonction d'encadrement (environ 18%) et ceux
avec fonction d'encadrement (environ 17%) ;
ü enfin, le niveau de rémunération a été plus fréquemment, par rapport aux
autres agents, une raison d'entrer dans la fonction publique pour les
fonctionnaires de catégorie C, mais très faiblement, seulement pour 6% d'entre
eux.
La même
comparaison a été faite sur les problèmes et les raisons de douter de leur rôle
sur les points suivants :
ü le manque de moyens est invoqué par l'ensemble des agents à un taux
presque toujours supérieur à 50%, ceux présentant les plus forts taux de
plaintes contre le manque de moyen sont les fonctionnaires de catégorie A avec
fonction d'encadrement (environ 70%) et les fonctionnaires de catégorie A sans
fonction d'encadrement (65%) ;
ü un désaccord stratégique, là aussi plus fréquent dans les catégories A,
respectivement 60% et 70% pour celle sans fonction d'encadrement et celle avec
fonction d'encadrement ;
ü la perte de sens de la mission est aussi plus fréquemment rencontré dans
les catégories les plus élevées, catégorie A avec encadrement (60%) et sans
encadrement (53%) et les fonctionnaires de catégorie B (57%) ;
ü les mauvaises conditions de travail sont aussi dénoncées plus fréquemment
par les catégories A avec fonction d'encadrement (48%) et sans encadrement (40%)
;
ü le niveau de rémunération représente un problème pour 42% des
fonctionnaires de catégorie A avec fonction d'encadrement et, à égalité, pour
les contractuels et les agents de catégorie B (40%) ;
ü le manque d'opportunité de carrière représente un problème de façon plus
marquée pour les agents de catégorie C (41%), suivis par ceux de catégorie B (36%)
;
ü une problématique avec les collègues est peu fréquemment présente et
lorsqu'elle l'est, c'est surtout chez les fonctionnaires de catégorie C (10%)
et les contractuels (9%).
Une analyse des
témoignages
Les témoignages,
selon les auteurs de l'enquête, font ressortir cinq catégories de motifs liés à
la perte de sens du travail chez les agents de la fonction publique qui ont
répondu à cette enquête et y ont laissé un témoignage.
Un manque de
moyens
Le manque de
moyens revient de façon récurrente dans les témoignages des agents. Ce manque
de moyens peut être lié à des outils défaillants, à une absence de ressources
ou à l'obligation de baisser les coûts.
Un défaut de
vision
Ce défaut de
vision peut comprendre des injonctions contradictoires, des manques de
stratégie d'ensemble, des demandes de tâches inutiles, une administration qui
crée ses propres dysfonctionnements ou un sentiment d'urgence inutilement
permanente.
L'impression de
servir un intérêt particulier
Cet intérêt
particulier peut être celui du manager, du politique ou de l'affichage plutôt
que celui de l'intérêt général.
Le poids de la
structure
Le sentiment du
poids de la structure peut se manifester par l'importance et la lourdeur des
procédures, de la hiérarchie, la problématique des restructurations et
l'importance des indicateurs à remplir.
Le manque de
reconnaissance
Le manque de
reconnaissance se traduit pour les agents de la fonction publique par une
absence de valorisation du travail, d'évolution dans la carrière ou le sentiment
de ne pas être à sa place.
https://lib.umso.co/lib_ufoFEvhlRMwflNFx/d301cx5wubayhmby.pdf
Voilà pour aujourd'hui… Mais il y a déjà dans la besace de quoi attaquer
une prochaine lettre d'information… Alors à bientôt…
Jacques Darmon
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