Lettre d'information du 7 juillet 2024

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Le 7 juillet 2024

 

Au sommaire de cette lettre… Parmi les textes de loi… Plusieurs décrets… L’un consacré à la contre-visite médicale à la demande de l’employeur figurant dans le Code du travailUn autre augmentant le maximum de versement des allocations journalières pour les aidants familiauxUn autre consacré à la prévention du risque électrique pour des travaux non spécifiquement électriques à proximité de lignes électriquesEt un dernier décret relatif à la rémunération des congés pour raison de santé dans la fonction publique d’EtatUn accord signé par les partenaires sociaux de la Branche des services de prévention et de santé au travail interprofessionnels sur la classification des emplois et une nouvelle  grille des salairesUne jurisprudence relative au manquement que constitue pour l’employeur l’absence d’organisation de la visite de reprise lorsque le salarié la demandeDes chiffres clés de la Sécurité sociale pour 2023…>

 

Vous trouverez en pièce jointe la 2e Veille juridique 2024 en médecine du travail des médecins inspecteurs du travail et de la Drieets (Direction régionale interdépartementale

de l’économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) d’Ile de France. Cette veille reprend des textes de loi, des jurisprudences en santé au travail et des informations sur la santé au travail.

 

Les lettres d’information sont accessibles, depuis janvier 2019, sur un blog à l’adresse suivante : https ://bloglettreinfo.blogspot.com/.

 

·     Textes de loi, réglementaires, circulaires, instructions, questions parlementaires, Conseil d’État

 

Décret n° 2024-692 du 5 juillet 2024 relatif à la contre-visite mentionnée à l'article L. 1226-1 du code du travail

L’article L. 1226-1 du Code du travail prévoit que tout salarié ayant une ancienneté d’au moins un an bénéficie d’un complément aux indemnités d’arrêt maladie de la Sécurité sociale par l’employeur. Le montant de cette indemnité est défini à l’article R. 1226-1 du Code du travail (90% du salaire brut pendant 30 jours et les deux-tiers les 30 jours suivants). Ceci sous réserve d’une possible contre-visite médicale demandée par l’employeur.

Le présent décret entre en vigueur le 7 juillet 2024.

Ce décret permet de penser qu’il ne faut douter de rien puisqu’il précise les modalités d’une contre-visite médicale qui a étét prévue par la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 qui reprenait, à ce sujet, les termes de l’article 7 de l’accord national interprofessionnel relatif à la mensualisation (voir en pièce jointe). Il faut cependant préciser que les modalités de ce contrôle par un médecin mandaté par l’employeur sont déjà prévues à l’article L. 315-1 du Code de la Sécurité sociale (4e alinéa et suivants).

Ce décret introduit dans le Code du travail une section intitulée « Contre visite » comprenant les articles R. 1226-10 à R. 1226-12.

Article R. 1226-10« Le salarié communique à l'employeur, dès le début de l'arrêt de travail délivré en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'à l'occasion de tout changement, son lieu de repos s'il est différent de son domicile et, s'il bénéficie d'un arrêt de travail portant la mention “sortie libre” prévue à l'article R. 323-11-1 du même code, les horaires auxquels la contre-visite mentionnée à l'article L. 1226-1 peut s'effectuer. »

Article R. 1226-11« La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l'employeur. Ce médecin se prononce sur le caractère justifié de l'arrêt de travail, y compris sa durée.

La contre-visite s'effectue à tout moment de l'arrêt de travail et, au choix du médecin :

- soit au domicile du salarié ou au lieu communiqué par lui en application de l'article R. 1226-10, en s'y présentant, sans qu'aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées en application de l'article R. 323-11-1 du code de la sécurité sociale ou, s'il y a lieu, aux heures communiquées en application de l'article R. 1226-10 du présent code ;

- soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation. Si le salarié est dans l'impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il en informe le médecin en en précisant les raisons. »

Article R. 1226-12« Au terme de sa mission et sans préjudice des obligations qui lui incombent en application du II de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, le médecin informe l'employeur, soit du caractère justifié ou injustifié de l'arrêt de travail, soit de l'impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile.

L'employeur transmet sans délai cette information au salarié. »

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049888878

 

Décret n° 2024-697 du 5 juillet 2024 relatif à la durée de versement de l'allocation journalière du proche aidant

Un congé de proche-aidant est prévu par l’article L. 3142-16 du Code du travail. Sa durée ne peut excéder un an (avec prise par périodes de trois mois) durant la carrière du salarié (article L. 3142-19). La loi de financement de la Sécurité sociale n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 pour 2020, a instauré une allocation journalière de proche-aidant (AJPA) (article L. 168-8 du Code de la Sécurité sociale). Jusque-là, la durée maximale de l’allocation de congé de proche aidant indemnisée par la Caisse des allocations familiales était de 66 jours dans la carrière du salarié

Ce décret entre en vigueur au 1er janvier 2025. Il modifie l’article D. 168-12 du Code du travail. qui deviendra au 1er janvier 2025 :

« I - Le nombre d'allocations journalières versées au proche aidant au titre d'un mois civil ne peut être supérieur à 22.

II - Les allocations journalières sont versées au proche aidant dans la limite d'une durée de soixante-six jours.

Lorsque la durée mentionnée à l'alinéa précédent est atteinte, le droit à l'allocation journalière du proche aidant peut être renouvelé si le proche aidant apporte son aide à une personne différente de celle au titre de laquelle il a précédemment bénéficié de cette allocation.

Ce renouvellement est ouvert dans la limite de la durée mentionnée au premier alinéa du II et dans les conditions prévues à l'article D. 168-11.

Le nombre maximal d'allocations journalières versées à un bénéficiaire ne peut être supérieur à 264 sur l'ensemble de la carrière de ce bénéficiaire. »

Je déduis de l’évolution de cet article que la durée maximale de l’APJA pourra être renouvelée 4 fois pour des personnes aidées différentes.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049889007

Décret n° 2024-641 du 27 juin 2024 relatif au régime de certains congés pour raison de santé des fonctionnaires et des agents contractuels de l'Etat

Ce décret met en œuvre l’accord interministériel relatif à l’amélioration des garanties de prévoyance (incapacité de travail, invalidité, décès) dans la fonction publique de l’Etat du 20 octobre 2023. J’avais commenté cet accord dans la lettre d’information du 5 novembre 2023 et vous pouvez vous y référer sur le blog.

Le présent décret introduit dans plusieurs articles de décrets relatifs aux congés pour raison de santé et au reclassement, les références au Code général de la fonction publique (décrets n° 86-83 du 17 janvier 1986, n° 86-442 du 14 mars 1986, n° 67-290 du 28 mars 1967 et n° 2010-997 du 26 août 2010). En particulier, les articles L. 621-1, L. 631-1 à L. 631-9, L. 822-1, L. 822-6, L. 822-8, L. 822-12, L. 822-15 et L. 822-21.

J’ai retenu dans ce décret du 27 juin 2024 les modifications suivantes qui entrent en vigueur le 1er septembre 2024, sauf la subrogation pour les agents contractuels qui entre en vigueur le 1er juillet 2025.

Dispositions relatives aux congés maladie des fonctionnaires

L’article 1 du présent décret modifie des dispositions du décret du 26 août 2010 dont l’article 1 a prévu que les fonctionnaires, les magistrats de l’ordre judiciaire et les contractuels conservaient durant les trois premiers mois d’un congé maladie ordinaire le montant de leurs primes.

L’article 2 du décret de 2010 est ainsi modifié (les modifications figurant en gras) :

« I - Lorsqu'en application de l'article 35 du décret du 14 mars 1986 susvisé le fonctionnaire est placé en congé de longue maladie ou de longue durée à la suite d'une demande présentée au cours d'un congé antérieurement accordé dans les conditions prévues à l'article L. 822-1 du code général de la fonction publique, les primes et indemnités qui lui ont été versées durant son congé de maladie en application de l'article 1er du présent décret lui demeurent acquises.

Ces primes et indemnités ne sont pas cumulables avec celles dues au titre du congé de longue maladie durant cette même période.

II. - Lorsque, en application des dispositions de l'article 29 du décret du 14 mars 1986 susvisé [NDR – Les 5 pathologies permettant de bénéficier d’un congé de longue durée], le fonctionnaire est placé en congé de longue durée à la suite d'une période de congé de longue maladie rémunérée à plein traitement, les primes et indemnités qui lui ont été versées durant son congé de longue maladie en application des dispositions de l'article 2-1 du présent décret lui demeurent acquise .;

Art. 2-1. - I. - En cas de congé de longue maladie pris en application des dispositions des articles L. 822-6 et suivants du code général de la fonction publique ou de congé de grave maladie [NDR – Correspondant, pour les contractuels, au congé de longue maladie] pris en application de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 susvisé, le bénéfice des primes et indemnités est maintenu à hauteur de 33 % la première année et de 60 % les deuxième et troisième années.»

Dispositions relatives aux agents contractuels

L’article 4 du présent décret, consacré aux contractuels, dispose que le septième alinéa de l’article 2 du décret du 17 janvier 1986 prévoit maintenant que, pour les contractuels, l’administration est subrogée dans le droit de ceux-ci aux indemnités journalières dues en cas de maladie, de maternité, d’adoption et d’accidents du travail et maladies professionnelles lorsque la rémunération maintenue de l’agent est au moins égale au montant des indemnités journalières durant le congé maladie par la Cpam.

A ce moment, les prestations en espèces de la caisse primaire d’Assurance maladie sont déduites du traitement de l’agent contractuel.

L’article 12 du décret de 1986 est modifié en permettant aux contractuels de bénéficier, après une période de 4 mois de service, d’une prise en charge d’un congé maladie durant 12 mois. Durant ces 12 mois, s’alignant sur le régime des fonctionnaires, l’agent contractuel percevra durant 3 mois son plein traitement et durant 9 mois la moitié de son traitement.

[NDR – Auparavant, la durée de prise en charge, débutant aussi après 4 mois de service, était progressive en fonction de la durée de celui-ci et n’atteignait, après 3 ans de service qu’une prise en charge de 3 mois à plein traitement et trois mois à mi-traitement.]

L’article 13 du décret de 1986 est aussi modifié. Il permet maintenant, après 4 mois de service (au lieu de 3 ans auparavant) de bénéficier d’un congé de grave maladie avec maintien du plein traitement la première année et 60% du traitement les deux années suivantes.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049833010

 

Décret n° 2024-552 du 17 juin 2024 relatif à la prévention du risque électrique lié aux travaux d'ordre non électrique réalisés dans l'environnement d'ouvrages ou installations électriques aériens ou souterrains

Ce décret rentre en application 6 mois après sa publication au Journal officiel du 19 juin 2024. Ce décret est pris en application de l’article L. 4111-6 du Code du travail.

Il a trait à la prévention, par les employeurs, du risque électrique de travaux d’ordres non électriques réalisés dans des environnements d’ouvrages ou d’installation électriques aériens ou souterrain (ainsi de travaux de canalisations, travaux agricoles ou horticoles, etc…).

Voici ce qu’indique la notice : « le décret définit les prescriptions particulières aux travaux d'ordre non électrique réalisés dans l'environnement d'ouvrages ou installations électriques aériens ou souterrains qu'un employeur, un maître d'ouvrage ou un responsable de projet doit mettre en œuvre afin d'assurer la sécurité des travailleurs qui effectuent ces travaux contre les dangers d'origine électrique. »

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049738940

 

Accord sur les métiers et la grille de rémunération des services de prévention et de santé au travail

Les termes de l’accord ont été finalisés récemment, après une longue négociation, et l’accord a été signé par l’ensemble des organisations syndicales représentatives au niveau de la Branche des services de prévention et de santé au travail interprofessionnel (SPSTI) (CFDT, CFE-CGC, CGT, CGT-FO et SNPST) le 27 juin 2024.

L’accord modifie la convention collective sur deux éléments : d’une part, une nouvelle grille des rémunérations minimales annuelles garanties 2024 et, d’autre part, une modification de la convention collective nationale relative à la classification des emplois incluant de nouveaux métiers et comprenant, entre autres, des améliorations relatives à l’ancienneté et à l’évolution des rémunérations au fil du temps.

Vous pourrez accéder à ces deux documents en pièce jointe.

Modifications de la convention collective

Classification des métiers

Cette classification divise toujours les métiers ou fonctions en filières prévention et support avec une catégorisation allant, de façon croissante en termes de rémunération, de A à M (dans la classification précédente, c’était de 1 à 21).

De nouveaux métiers sont introduits dans la liste des emplois pour tenir compte de l’évolution des missions des SPSTI : assistant de cellule de prévention de la désinsertion professionnelle (classe D), responsable d’équipe (classe G), chargé de mission prévention de la désinsertion professionnelle (classe H) et responsable de pôle/adjoint de direction (classe J).

Ancienneté

Les primes d’ancienneté, tant des non-cadres que des cadres, sont passées d’une augmentation sur 21 ans à une augmentation sur 24 ans et de 21% à 24% d’augmentation de la rémunération au maximum sur la période.

L’article 23 de la convention collective prévoit maintenant, pour les non-cadres, les augmentations suivantes basées sur la rémunération minimale annuelle garantie, après une période dans le SPSTI (service de prévention et de santé au travail interprofessionnel) de :

ü 3% après deux ans,

ü 6% après 6 ans,

ü 9% après 9 ans,

ü 12% après 12 ans,

ü 15% après 15 ans,

ü 18% après 18 ans,

ü 21% après 21 ans,

ü 24% après 24 ans.

L’article 3 de l’annexe de la convention collective nationale réglant les conditions particulières aux cadres prévoit dorénavant les augmentations suivantes des rémunérations minimales annuelles garanties en fonction de l’ancienneté dans le SPSTI :

ü 5% après 2 ans,

ü 10% après 5 ans,

ü 15% après 10 ans,

ü 18% après 15 ans,

ü 19.5% après 18 ans,

ü 21% après 21 ans,

ü 24% après 24 ans.

Définition des fonctions de cadres et assimilés cadres

A partir de la classe I, les salariés sont cadres.

Les classes G et H, comprenant les infirmiers en santé au travail, sont assimilés cadres. Les professions de ces classes se voient appliquer les dispositions conventionnelles des non-cadres à l’exception du régime de prévoyance et de retraite des cadres et elles cotisent à l’APEC (Association pour l’emploi des cadres), sous réserve de l’accord de l’APEC. Une lettre dans ce sens a été envoyée à l’APEC, la Branche est en attente de sa réponse.

Évolution professionnelle des salariés .

L’article 20-1 de la convention collective est modifié pour prévoir l’évolution des salariés vers un autre métier de la classification. Les SPSTI devront informer les salariés des postes qui sont créés ou qui se libèrent afin de permettre aux salariés de postuler. Cette évolution pourra nécessiter une formation adaptée.

Niveau 2 des classifications

Ce même article prévoit que les salariés pourront aussi évoluer vers un niveau 2 de leur classification s’ils ont, pendant au minimum 3 ans, mis en œuvre des missions complémentaires à celles figurant dans la fiche repère. Durant cette période de 3 ans, le salarié devra suivre une formation d’au moins 35 heures donnant lieu à une attestation ou une certification.

Pendant cette période de 3 ans, le salarié bénéficiera d’une prime de 6% de la rémunération minimale annuelle garantie de son emploi. Dès que le niveau 2 est atteint, la prime est intégrée à son salaire.

Ne sont pas concernés par ce niveau 2 (alors que cela apparaît dans la grille des rémunérations), les infirmiers diplômés d’Etat non formés en santé au travail et les collaborateurs médecins dont le statut est provisoire. Rappelons que les infirmiers embauchés dans les services de prévention et de santé au travail doivent suivre, selon l’article L. 4623-10 du Code du travail, une formation dont le contenu a été déterminé par décret.

Mission auxiliaires

L’article 22-1 de la convention collective prévoit que les salariés peuvent accomplir des missions complémentaires à celles de leur emploi faisant appel à des connaissances ou des compétences spécifiques.

Ces missions auxiliaires doivent être rétribuées par un montant d’au moins 5% de la rémunération minimale annuelle garantie de leur emploi.

La rémunération de ces missions auxiliaires doit être traitée lors de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires.

Grille des rémunérations

Une nouvelle grille des rémunérations est proposée qui servira de base de discussion pour les négociations salariales 2025, marquant des évolutions salariales conséquentes pour le niveau 1 des rémunérations, allant de + 5.98% pour l’assistant de l’équipe pluridisciplinaire (classe D) à + 14.20% pour les infirmiers en santé au travail (classe H) et 14.19% pour les techniciens en prévention et les techniciens filière support (classe G). Pour les médecins du travail (M), l’augmentation est de 10.23 % et de 6.42% pour les collaborateurs médecins et les PAE (procédure d’autorisation d’exercer pour les praticiens avec diplôme non européen).

La grille fournit les rémunérations de l’ensemble des emplois en termes de niveau 1, de niveau 2 et de rémunération en fin de carrière.

Les rémunérations minimales annuelles garanties pour quelques professions sont les suivantes :

ü médecin du travail (classe M), 84 578 € pour le niveau 1, 89 652.68 pour le niveau 2 et 111 169.32 € en fin de carrière ;

ü infirmier en santé au travail (classe H), 31 790 € pour le niveau 1, 36 168.26 € pour le niveau 2 et 44 848.64 € en fin de carrière ;

ü psychologue en santé au travail, ergonome, toxicologue et épidémiologiste (classes J), 37 939 € pour le niveau 1, 40 215.34 € pour le niveau 2 et 49 867.02 € en fin de carrière (à noter que pour ces professions, l’amélioration par rapport à 2023 est de 10.22%).

 

·       Jurisprudence

 

L’employeur qui n’organise pas la visite de reprise du salarié, car il n’a pas repris le travail, encourt la résiliation judiciaire du contrat du salarié, à ses torts

Il s’agit de l’arrêt du 3 juillet 2024 de la chambre sociale de la Cour de cassation – Cass. soc., pourvoi n° 23-13784, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation. C’est un arrêt relatif à une situation fréquente lorsqu’un salarié a été absent assez longtemps et qu’il ne peut reprendre son travail.

Faits et procédure – Le salarié a été embauché en mars 1982 en tant que guichetier par la caisse régionale du Crédit agricole mutuel Nord de France. Au moment des faits, son emploi avait évolué, il était devenu conseiller clientèle.

A plusieurs reprises il est en arrêt maladie, la dernière fois de juin 2015 au 27 décembre 2017. Par courrier du 19 décembre 2017, il sollicite de son employeur l’organisation d’une visite de reprise.

En l’absence de l’organisation de cette visite médicale, il saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul et de demandes d’indemnités à ce titre et au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

Le salarié sera finalement déclaré inapte à son poste le 12 octobre 2021 par le médecin du travail. Il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 31 décembre 2021. [NDR - Une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail vise à ce que le juge se prononce sur l’existence d’un manquement suffisamment grave de l’employeur pour justifier la rupture du contrat de travail du salarié à ses torts. Si le juge considère qu’il n’y a pas de manquement grave, le contrat continue. Dans ce cas, le salarié a demandé la résiliation de son contrat avant la survenue de l’inaptitude et le juge a dû trancher ce point préalablement à l’examen de l’inaptitude.]

La cour d’appel juge qu’il n’y a pas lieu à accorder la résiliation judiciaire au salarié qui se pourvoit en cassation à ce sujet. L’employeur fait un pourvoi incident qui ne sera pas recevable par la Cour de cassation. Je ne développerai pas ce moyen, de même que je ne développerai pas le moyen du salarié relatif aux indemnités qui découlera de la décision relative au moyen principal du salarié.

Moyen principal du salarié

Le salarié fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande de résiliation judiciaire et des indemnités afférentes ainsi qu’une indemnité pour manquement à l’obligation de sécurité.

En effet, pour le salarié, l’employeur doit, dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail de son salarié, saisir le service de santé au travail d’une demande d’organisation d’une visite de reprise du travail. Or, il s’avère que, par courrier du 19 décembre 2017, le salarié a averti son employeur de la fin de son arrêt de travail au 27 décembre 2017. Et l’employeur, ainsi averti de la fin de l’arrêt de travail, n’a pas saisi le service de santé au travail de la nécessité d’organiser une visite de reprise. Ce qu’il n’a pas fait, de même, alors que le salarié réitérait la demande d’organiser cette visite de reprise le 6 février 2018. Ainsi, la cour d’appel a violé l’article R. 4624-31 du Code du travail en ne considérant pas que la résiliation judiciaire était justifiée.

En outre, pour le salarié, si les conditions de l’article R. 4624-31 du Code du travail sont remplies, il n’est pas indispensable de reprendre effectivement le travail ni de manifester autrement que par la demande d’organisation de la visite de reprise la volonté de reprendre son activité. Aussi, en jugeant, pour refuser la résiliation judiciaire, que le salarié s’était borné à demander l’organisation de la visite de reprise sans se présenter sur son lieu de travail, la cour d’appel a violé l’article R. 4624-31 du Code du travail.

En effet, lorsqu’elle est obligatoire, seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail et, tant qu’elle n’a pas eu lieu, le salarié n’est pas astreint à travailler ni à se rendre sur son lieu de travail. En jugeant que l’employeur n’avait pas manqué à ses obligations car le salarié n’avait pas manifesté la volonté de reprendre le travail et qu’il ne s’y était pas présenté, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article R. 4624-31 du code du travail.

Réponse de la Cour de cassation

« Vu l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 [NDR – Lien avec la version en vigueur au moment des faits] :

Selon ce texte, le salarié bénéficie d'un examen de reprise après une absence d'au moins trente jours pour cause de maladie non professionnelle, et dès que l'employeur a la connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.

Il en résulte que l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur, dès que le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier de cet examen, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé.

[NDR – Il est souvent ignoré par les médecins du travail et les services de prévention et de santé au travail (SPST) que, de jurisprudence constante, il est aussi possible au salarié de demander directement à passer la visite de reprise du travail, que l’employeur ait refusé de l’organiser ou non, mais sous réserve qu’il en ait été averti. Ainsi, dans les résumés d’un arrêt du 12 novembre 1997 publié au Bulletin d’information (Cass. soc., pourvoi n° 94-43839), la Cour de cassation écrit : « La visite de reprise dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du Travail en avertissant l'employeur de cette demande. »]

Pour débouter le salarié de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes, l'arrêt retient que l'employeur, avisé le 3 janvier 2018 de la fin de l'arrêt de travail au 27 décembre 2017, a demandé au salarié, qui se bornait à solliciter l'organisation de la visite de reprise, sans manifester la volonté de reprendre le travail, de préalablement reprendre son emploi et retient que l'employeur, qui a le droit de demander au salarié de revenir dans l'entreprise et de reprendre son travail aux fins de passer la visite de reprise dès lors qu'elle renseigne avec précision sur l'aptitude, n'avait pas à organiser cet examen et n'avait pas à lui verser de salaire dès lors que le salarié n'avait fourni aucun travail.

En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait informé l'employeur de la fin de son arrêt de travail, demandé l'organisation de la visite de reprise le 3 janvier 2018 et réitéré cette demande, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. »

L’arrêt de la cour d’appel est cassé sur ce point et l’affaire renvoyée devant une autre cour d’appel.

https://www.courdecassation.fr/decision/6684e961a0de54ff609f7aad?search_api_fulltext=&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&judilibre_chambre%5B0%5D=soc&judilibre_publication%5B0%5D=b&op=Rechercher%20sur%20judilibre&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=0&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=2&page=0

 

·       Chiffres clés de la Sécurité sociale 2023

Vous pourrez accéder à ce document intitulé « Les chiffres clés de la Sécurité sociale 2023 » en pièce jointe et à l’adresse en fin de commentaire.

Dans le commentaire de ce document, je me suis principalement intéressé aux données relatives à l’ensemble de la Sécurité sociale (SS) et aux Branches maladie, accidents du travail et maladie professionnelles (AT/MP) et vieillesse.

Pour rappel, la SS comprend cinq Branches : maladie (caisses primaires d’assurance maladie et caisses de retraite et de santé au travail, les Carsat), AT/MP (Carsat et Cramif), vieillesse (Caisse nationale d’Assurance vieillesse et Carsat), famille (Caisse d’allocations familiales) et autonomie.

En outre, l’Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales) assure le recouvrement des cotisations.

Éléments financiers

L’Urssaf gère 11.3 millions de comptes cotisants et a récupéré, en 2023, 672 milliards (Md) de recettes, soit 600 Mds consolidés.

Les financeurs de la SS sont à 54.4% les entreprises et à 45.6% les ménages.

Les recettes proviennent en majorité des cotisations (56.4%), des contributions sociales diverses hors CSG (18%), de la CSG (20.1%) de cotisations sociales prises en charge par l’Etat (1.1%) et pour le reste de transferts (1.7%) et d’autres produits (2.6%).

La structure des recettes varie selon la Branche :

ü Branche maladie, cotisations (34.4%), CSG (23.2%), contributions sociales diverses hors CSG (30.9%), cotisations sociales prises en charge par l’Etat (0.9%), transferts (3%) et autres produits (5.7%) ;

ü Branche AT/MP, les cotisations patronales représentent la grande majorité des recettes (94.3%) avec les cotisations prises en charge par l’Etat (0.8%) et les autres produits (4.1%) :

ü Branche vieillesse pour laquelle les recettes reposent à 74.2% sur les cotisations, 1.3% sur les cotisations prises en charge par l’Etat, 7.5% sur la CSG, 9.3% sur les autres cotisations sociales, 7.3% sur les transferts et 0.4% sur les autres produits.

Répartition des cotisations entre employeurs et salariés en pourcentage du salaire brut pour certaines Branches :

ü maladie, employeur 7% pour les salaires inférieurs à 52 416 € par an et 13% au-dessus ;

ü vieillesse, pour l’employeur 8.55% sous le plafond de la SS et 2.02% au-dessus et pour les salariés, respectivement 15.45% et 2.42% ;

ü AT/MP, 2.12% en moyenne nationale pour les employeurs.

Répartition des dépenses selon les Branches

Les dépenses des régimes de base sont ainsi réparties :

ü 38.9% pour la Branche maladie,

ü 43.8% pour la Branche vieillesse,

ü 8.9% pour la Branche famille,

ü 2.5% pour la Branche AT/MP,

ü 6% pour la Branche autonomie.

La Branche maladie

La Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) gère la Branche maladie et pilote le réseau des caisses primaires d’Assurance maladie (Cpam). Pour le Régime agricole, c’est la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) qui gère la maladie.

En 2023, les régimes de base ont versé 226 Mds € de prestations nettes.

En 2023, les dépenses totales de santé représentent 11.9% du PIB.

En 2022, la prise en charge de la consommation de soins et de biens médicaux est assurée à 79.6% par la Sécurité sociale, 7.2% par les ménages, 12.6% par les organismes complémentaires et 0.6% par l’Etat et la CMU-C. Ces chiffres étaient respectivement en 2012 de 76.4%, 8.8%, 13.7% et 1.3%.

La progression des dépenses a été comprise entre 1.8% et 3% entre 2010 et 2018 puis, du fait de la pandémie, de 9.5% et 9.3% respectivement en 2020 et 2021 puis de 3.1% en 2022 et 0.3% en 2023.

Les dépenses de la Branche maladie sont ainsi réparties : 42.5% pour les soins de ville, 41.5% pour les établissements de santé, 12.1% pour le médico-social, 2.6% pour le fonds d’intervention régional (le FIR finance des actions et des expérimentations validées par les agences régionales de santé en faveur de la performance, la qualité et la coordination des soins, la permanence, la prévention, la promotion ainsi que la sécurité sanitaire) et 1.3% pour les autres dépenses.

Le solde de la Branche maladies est déficitaire depuis le début des années 2000 avec néanmoins des déficits moins marqués en 2018 (0.8 Md) et 2019 (1.5 Md) qui ont fortement augmenté en 2020 (30.4 Mds), en 2021 (26.1 Mds), 2022 (21 Mds) et 2023 (11.1 Mds).

La Branche AT/MP

La Cnam gère au niveau national la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés du Régime général et co-pilote les Carsat.

En chiffres :

ü 2.3 millions d’établissements cotisent à la Branche AT/MP,

ü 20.5 millions de salariés sont couverts par la Branche AT/MP,

ü 697 900 sinistres ont donné lieu à un arrêt de travail en 2022, dont 564 200 accidents du travail (AT), 89 500 accidents de trajet et 44 200 maladies professionnelles (MP),

ü 12.2 Mds € ont été versés en prestations nettes en 2023.

Les dépenses de la Branche AT/MP sont ainsi réparties en 2023 :

ü 31% pour les indemnités journalières,

ü 8% pour les prestations de soins,

ü 37% pour les incapacités permanentes,

ü 3% pour les charges liées à l’amiante (allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante et Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante),

ü 21% d’autres charges dont les transferts vers d’autres organismes.

Depuis 2013, à l’exception de 2020 (- 0.1 Md €), le solde de la Branche AT/MP est positif avec des soldes de 1.3 Md € en 2021, 1.7 Md € en 2022 et 1.4 Md € en 2023.

Répartition des AT avec arrêts par secteur d’activité en 2022 :

ü 7% pour la métallurgie,

ü 14% pour le BTP,

ü 15% pour le transport, les industries électriques et gazières, le livre et la communication,

ü 17% pour les services, commerces et industries de l’alimentation,

ü 29% pour les activités de services II (travail temporaire, santé et nettoyage) qui représentent le secteur d’activité avec le plus de sinistres,

ü 1% pour l’industrie de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie,

ü 3% pour les industries du bois, de l’ameublement, du papier/carton, du textile, du vêtement, des cuirs et des peaux,

ü 7% pour les commerces non alimentaires,

ü 6% pour les activités de services I (banques, assurances, administrations).

La Branche vieillesse

La Branche vieillesse compte une vingtaine de régimes de base dont le Régime général est le plus important.

La Caisse nationale d’Assurance vieillesse (Cnav) gère les retraites du Régime général et pilote le réseau des Carsat dans leur partie consacrée aux retraites (l’autre partie étant consacrée à la santé au travail).

Les chiffres :

ü 17 millions de personnes sont retraitées en droit direct début 2022,

ü 270 Mds € ont été versés en prestations nettes en 2023,

ü les dépenses de l’ensemble des régimes de base et complémentaire de retraite ont représenté 13.3% du PIB en 2023.

Depuis 2005, le solde de la Branche vieillesse est négatif avec des sommets en 2009, 2010 et 2011 (respectivement - 12.1 Mds €, - 14.9 Mds € et -11.3 Mds €).

Ces dernières années, le solde est toujours négatif mais en amélioration, - 7.3 Mds € en 2020, - 2.6 Mds € en 2021, - 2.5 Mds € en 2022 et - 1.4 Md € en 2023.

Équilibres financiers

En 2023, le déficit des comptes des régimes de base de la Sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse se réduit à 10.8 milliards € en 2023, en baisse par rapport aux 19.7 milliards € de 2022.

En 2023, les recettes des régimes de base ont augmenté de 4.8%, en grande partie du fait de l’augmentation de la masse salariale soumise à cotisations de 5.7%.

L’augmentation des dépenses des régimes de base a été de 3.1% en 2023, en lien avec le niveau élevé de l’inflation.

La Branche maladie est la plus déficitaire avec un solde de moins 11.1 milliards € en 2023, malgré la fin du retentissement de la crise liée au Covid.

Depuis 2005, la Cades (la Caisse d’amortissement de la dette sociale) a amorti 293.3 Mds € et il reste 145.2 Mds € à amortir.

https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/DSS/2024/Chiffres-cles-DSS-2023-ed24.pdf

 

Certains et certaines d’entre vous sont déjà partis en congés… Pour les autres, ce sera dans pas très longtemps… Alors, je vous souhaite de bonnes vacances… Je veillerai aux nouveautés durant cette période et nous nous retrouverons fin août…

 

Jacques Darmon